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Haïti : rien n’est réglé

lundi 15 mars 2010

Si, dans l’immédiat, le vide du pouvoir est réglé par l’occupation militaire, aucun des problèmes du peuple haïtien n’est réglé.

La colère gronde à Port-au-Prince, plus de deux mois après le séisme qui a coûté la vie à plus de 200 000 personnes.

Dans le quartier Bel-Air, l’un des plus pauvres de la capitale, les sinistrés du tremblement de terre ont toujours faim.

Ils ont manifesté bruyamment leur découragement hier, près des ruines du Palais présidentiel.

Les soldats de l’ONU dispersé la foule en bousculant et en frappant plusieurs manifestants.

600.000 sans-abris

Depuis le tremblement de terre du 12 janvier, ils sont 600.000 Haïtiens à vivre sous des tentes, des bâches ou de simples draps dans des camps surpeuplés et insalubres, envahis par les moustiques et les mouches, où, en l’absence de toilettes, règne une odeur pestilentielle. Et la situation pourrait empirer avec l’arrivée de la saison des pluies, qui débute normalement vers le 1er avril. "C’est vraiment une situation désespérée (...) On a toutes les caractéristiques d’une catastrophe majeure", s’alarme Alex Wynter, porte-parole en Haïti de la Fédération internationale des Croix-Rouges et des Croissants-Rouges.

"Je peux comprendre la frustration des gens"

Selon lui, il est pratiquement impossible que les abris soient en place avant le début des pluies. "Certains d’entre nous prient, littéralement, pour que la saison des pluies soit légère". Quelques jours après le séisme, le gouvernement haïtien s’était engagé à commencer à reloger les sinistrés dès le début février. Les organisations internationales ont déjà les plans nécessaires pour construire au moins 140.000 abris, mais attendent toujours que les terrains pouvant les accueillir soient disponibles. Le chef du gouvernement, Jean Max Bellerive a seulement réaffirmé que le relogement des sinistrés demeurait sa priorité. "Je peux comprendre la frustration des gens dans la rue, et qui attendent de meilleures conditions" de vie, a-t-il déclaré.

En manque d’argent

Mais, a-t-il ajouté, "les gens en parlent comme si cette situation durait depuis deux ans. Deux mois, c’est très court par rapport à ce que nous avons enduré en Haïti". Pour obtenir les terrains nécessaires, le gouvernement haïtien fait face à deux écueils : son manque d’argent et le découpage traditionnel des parcelles dans le pays. Il lui en coûtera d’abord environ 86 millions de dollars (62 millions d’euros) pour construire les sites qui accueilleront les abris et 40 millions supplémentaires (29 millions d’euros) pour indemniser les propriétaires terriens, selon Gérard-Emile Brun, conseiller du gouvernement sur le relogement. Haïti ne dispose pas de ces sommes et va devoir se tourner vers la communauté internationale, elle-même méfiante à l’idée de prêter directement de l’argent à un gouvernement longtemps gangrené par la corruption.

Manifestation

Deuxième problème : le découpage des terres, un sujet de tension tout au long de l’histoire d’Haïti qui a notamment contribué à la révolte des esclaves ayant conduit à l’indépendance du pays vis-à-vis de la France en 1804. D’importantes parcelles, parmi lesquelles d’anciennes plantations de canne à sucre, sont aux mains d’une poignée de grands propriétaires terriens. Le reste est divisé en petits lopins destinés à l’agriculture. "Il n’y a que très peu de personnes qui possèdent des domaines que l’on peut réquisitionner pour y installer des camps (...) Sinon, nous aurions déjà trouvé les terres", affirme Gérard-Emile Brun. Vendredi, environ 700 personnes vêtues de blanc ont défilé à Port-au-Prince en mémoire des victimes du séisme, et pour rappeler au gouvernement son engagement à reloger les sinistrés. "Le message est que le gouvernement doit prendre ses responsabilités et aider les gens à quitter les rues pour avoir une vie décente", a demandé l’un des participants, Thomas Esau, 29 ans.

Messages

  • En Haïti, les sinistrés du stade bientôt expulsés

    Le plus grand stade d’Haïti accueille 1500 familles, rescapées du séisme. Le gouvernement veut les évacuer pour réhabiliter la structure et reprendre le championnat au plus vite. Sans proposer, pour le moment, de solution de relogement aux sinistrés.
    A Port-au-Prince, on dénombre quelques 400 camps de réfugiés.

    A Port-au-Prince, on dénombre quelques 400 camps de réfugiés.

    Sylvio Cator était, dans les années 40, une star haïtienne du saut en longueur. Il a donné son nom au plus grand stade du pays (15 000 places), à Port-au-Prince.

    Dès le 12 janvier au soir, quelques heures après le séisme qui a dévasté la ville, des centaines de sans-abri ont élu domicile sur la pelouse synthétique et sur le parking qui encercle le bâtiment, dont la structure a tenu malgré quelques inquiétantes fissures.

    Aujourd’hui, 1500 familles, soit environ 6000 personnes, vivent là. Ceux qui n’ont pas récupéré de tente auprès des ONG se contentent de bâches en plastique, de bouts de tôle, de draps ou de rideaux pour s’abriter. Des ONG ont installé un réservoir d’eau dans l’un des buts, ainsi que quelques latrines et des douches. Parfois, elles distribuent de la nourriture.

    Des enfants jouent au cerf-volant et à la corde à sauter – l’école devrait reprendre le 5 avril, sans certitude - pendant que les femmes cuisinent au pied des gradins. Ici, les gens se sentent en sécurité : les lumières du stade restent allumées jusqu’à 22 heures et les tribunes font écran au brouhaha et aux violences de la rue.

    Cette vie précaire va disparaitre dans les jours ou les semaines qui viennent. Jeudi dernier, les habitants du stade ont appris que la Fédération haïtienne de football, appuyée par la Fifa et le gouvernement, a demandé leur évacuation. "Il faut que le championnat reprenne, il faut remettre les jeunes au sport !", a justifié Evans Lescouflair, ministre de la Jeunesse et des Sports, interrogé par Metro.

    Thierry Regenass, directeur de la division des associations nationales de la Fifa, ne dit pas autre chose : "Les Haïtiens sont fous de foot, c’est même l’une des choses qui fonctionnent le mieux dans le pays (bien que le pays ne soit pas qualifié pour la coupe du monde, ndlr). Le foot apporte de l’espoir et de la joie et permet aux Haïtiens de se changer les idées".

    La Fifa a débloqué 3,25 millions de dollars pour financer la reconstruction et la réhabilitation des structures sportives endommagées par le séisme, dont le stade Sylvio Cator. Problème : où vont aller ses occupants, alors même que l’espace à Port-au-Prince est saturé ? "On réfléchit à une solution de relogement", indique le ministre, évasif.

    Pour Amal, 36 ans, "c’est bien de jouer au foot, ça calme les nerfs. Mais où je vais aller ? Sous les décombres de ma maison ?" Et d’ajouter, agacé et désespéré : "avant d’évacuer les gens, le gouvernement devrait commencer par reconstruire des logements. Si la police est appelée pour nous déloger, il risque d’y avoir des émeutes".

    Zacary vit avec sa femme et ses quatre enfants sur la pelouse, dans une tente minuscule. Il dort sur une planche en bois posée sur des briques. Il refuse de quitter cet abri sans solution d’hébergement acceptable. "Nous sommes des sinistrés. C’est vrai, notre place n’est pas au stade. Mais nous ne pouvons pas partir tant que l’Etat ne nous aura pas trouvé un autre endroit avec un accès à l’eau et à l’électricité. Je suis prêt à mourir plutôt que de sortir d’ici pour aller nulle part", affirme-t-il, déterminé.

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