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Après l’arrestation du boucher Mladic, faut-il féliciter les puissances internationales qui vont, disent-elles, rendre la justice à propos des massacres dans l’ex-Yougoslavie ?

samedi 28 mai 2011

Mladic :
« Ouvrez le feu. Tirez. Tirez. Il faut les rendre fous »

Promu général en 1992 pour le zèle et l’ardeur qu’il manifesta pendant la guerre de Croatie, Mladic est personnellement choisi par Milosevic pour prendre la tête des forces serbes de Bosnie après le retrait de l’armée fédérale. Récupérant l’équipement militaire de la JNA, il transforme les milices indisciplinées des serbes de Bosnie en véritable armée. A sa tête, il se lance à l’assaut de la Bosnie-Herzégovine. En trois mois, ses troupes conquièrent 70 % du territoire de la république. Epais et trapu, doté d’une tête de bouledogue, Mladic devient l’artisan de la plus terrible campagne de purification ethnique menée en Europe depuis la seconde guerre mondiale.

Les grandes puissances sont fières d’avoir attrapé le bourreau Mladic !
Elles ne sont pas gênées, elles qui l’ont laissé filer tout ce temps, elles qui ont longtemps couverts ou laissé faire ses actions meurtrières à Srebrenica et à Sarajevo. L’ONU a été complice de ces meurtres, elle qui a fait remettre les populations à ce meurtrier...

Le massacre de Sarajevo avec des bombardements et des tirs journaliers s’est déroulé dans une totale passivité internationale. Un blocus complet de la ville fut alors officiellement établi par les forces serbes. Les routes principales menant à la ville furent bloquées, stoppant les envois de nourriture et de médicaments. L’eau, l’électricité et le chauffage furent coupés. Les forces serbes autour de Sarajevo, bien que mieux équipées, étaient numériquement inférieures aux défenseurs bosniaques retranchés dans la ville. Par conséquent, au lieu de tenter de prendre la ville, ils l’assiégèrent et la bombardèrent en continu pour l’affaiblir, sans quitter les collines.

Le Massacre de Srebrenica désigne le massacre de 6 000 à 8 000 hommes et jeunes hommes Bosniaques, dits « Musulmans », dans la région de Srebrenica en Bosnie-Herzégovine au mois de juillet 1995 durant la guerre de Bosnie-Herzégovine.

Les massacres ont été perpétrés par des unités de l’Armée de la République serbe de Bosnie (VRS) sous le commandement du général Ratko Mladić, appuyées par une unité paramilitaire de Serbie, les Scorpions, dans une ville déclarée « zone de sécurité » par l’Organisation des Nations unies (ONU). Cette dernière y maintenait une force d’environ 400 Casques bleus néerlandais, présents dans la région de Srebrenica au moment du massacre.

Rappelons le contexte historique. En 1993 et 1994, l’armée serbe écrase les enclaves musulmanes de Srebrenica, Zepa et Gorazde en Bosnie Orientale et c’est le nettoyage ethnique le plus violent auquel on ait assisté jusque là, sans trop affoler la fameuse “ communauté internationale ”.

Les populations continuent de servir d’otage à chaque camp mais parfois les gens ou même les soldats serbes se révoltent comme à Banja Luka en septembre 1993. Ils se mutinent contre les profiteurs de guerre serbes.

Si la république serbe s’est servi des enclaves serbes enserrées dans des territoires où d’autres nationalités étaient majoritaires pour justifier sa guerre et pour avoir à disposition des troupes serbes, elle les lâche aussi en fonction de ses propres intérêts comme la république serbe de Bosnie en août 1994, exactement comme elle lâche la Krajina, enclave serbe de Croatie, aux troupes croates peu après. La défense des Serbes n’était pour Milosevic qu’un prétexte à une politique guerrière. Son véritable objectif est de gagner une part aussi grande que possible du pouvoir et de mener au service des classes dirigeantes une politique visant à détourner le mécontentement social.

Le nettoyage ethnique, cela faisait plus d’un an que Milosevic le pratiquait au Kosovo sans que les alliés s’en soient autrement émus. Ils ne sont intervenus que lorsque les exactions serbes ont convaincu la plupart des Kosovars de la nécessité de soutenir la lutte armée de l’UCK. C’est à ce moment seulement que l’impérialisme s’est inquiété et pas pour la vie des Kosovars ! Il a craint que la lutte du peuple kosovar ne déséquilibre l’ordre qu’il avait imposé à Dayton.

Il y a quatre ans, Clinton traitait Milosevic de “ tyran sanguinaire ” et de “ criminel de guerre ” pour justifier une intervention militaire impérialiste mais cette intervention se déroulait quand les massacres étaient déjà commis ! Mais au moment de la signature de la paix de Dayton de 1995, les mêmes chefs d’Etat occidentaux l’avaient présenté comme l’artisan de la paix, et lui avaient accordé une reconnaissance internationale comme dirigeant des Serbes. Les dirigeants occidentaux savaient bien qu’il était l’un des principaux artisans de la vague de haine nationaliste et raciale qui s’est développée en Yougoslavie, mais ils avaient alors décidé de faire croire que seuls les dirigeants serbes de Bosnie, les Mladic et Karadzic, étaient responsables des massacres.

Pourquoi avoir si longtemps couvert d’un voile de respectabilité un assassin comme Milosevic ? C’est que les dirigeants occidentaux avaient bien besoin d’un dictateur pour l’ordre qu’ils voulaient imposer à ce pays pauvre, déstabilisé par la chute brutale du niveau de vie, par la perte totale de confiance de la population dans le régime politique. Autant s’appuyer sur quelqu’un qui pouvait détourner vers la haine nationaliste et ethnique la contestation sociale. Milosevic a “stabilisé” la société même si c’est en la jetant dans la barbarie. Il a concentré tous les pouvoirs entre ses mains, unifié les partis nationalistes serbes, poussé les autres peuples à se mettre sous la protection et sous la coupe d’autres dirigeants nationalistes tout aussi barbares, écrasé les oppositions démocratiques et les travailleurs. Les dirigeants impérialistes lui sont redevables de cela. De ce point de vue, Milosevic était un homme fiable. Et les Occidentaux ont avant tout cherché à stabiliser ce pouvoir, non à le renverser.

Protéger les populations n’a jamais été le souci des puissances impérialistes. On l’a bien vu dans les combats de Croatie de 1992 où elles ont attendu que le rapport des forces définisse les zones de domination pour les entériner, ou à Sarajevo où elles ne sont intervenues qu’à la fin des combats dans la capitale bosniaque. On l’a vu aussi lors des massacres de Srebrenica en 1994 où la force internationale a assisté directement à un véritable génocide sans bouger : les soldats de cette force des Nations Unies avaient l’ordre de ne pas intervenir, même pour empêcher des femmes d’être violées et des enfants d’être massacrés, même face à un génocide. Les troupes internationales ont même fait un match de foot avec les massacreurs le lendemain du génocide !

Un rapport parlementaire remis en novembre 2001 en France avait souligné les responsabilités de la communauté internationale en général et de Paris en particulier dans le massacre de 7.000 à 8.000 personnes perpétré le 11 juillet 1995 par les milices serbes à Srebrenica.

"Srebrenica est aussi un échec de la France", concluait ce rapport d’une mission d’information de l’Assemblée nationale.
Elle reprochait d’abord au général français Bernard Janvier, commandant des troupes des Nations Unies en Bosnie de mars 1995 à janvier 1996, d’avoir "commis une erreur" en refusant de déclencher des frappes aériennes pour enrayer l’invasion par les troupes serbes de Srebrenica, classée "zone de sécurité" par l’ONU.
"La mission d’information est convaincue qu’en effectuant des frappes massives sur la route sud, la seule qui menait à Srebrenica, l’ONU et l’Otan auraient pu arrêter l’offensive", estiment les auteurs du rapport. Deux avions de l’ONU avaient décollé sans opérer de frappe significative.

En l’absence de résistance de quelques centaines de Casques bleus hollandais dépourvus d’armes lourdes, des milliers de miliciens serbes ont envahi l’enclave musulmane avant de massacrer 7.000 à 8.000 hommes séparés de leurs femmes et enfants, qui avaient été eux-mêmes déportés.

La commission s’interrogeait sur les discussions entre les Serbes de Bosnie et Paris afin d’obtenir en juin 1995 la libération de plusieurs centaines de Casques bleus pris en otage. Elle n’écartait pas l’hypothèse d’un accord comportant implicitement une promesse française de non-intervention à Srebrenica.

Les députés relevaient toutefois que le général Janvier avait rencontré Ratko Mladic, chef des milices serbes sous les ordres de Radovan Karadzic, le 4 juin 1995 à Zvornik (Bosnie).

La mission, présidée par le député PS François Loncle, reconnaissait que toute la lumière n’avait pu être faite sur cet épisode et regrettait de n’avoir pas eu accès à certains documents français.

Un document rendant compte de l’entretien, transmis à l’ONU à New York le 15 juin, était joint au rapport. On pouvait y lire que la "République serbe ne menacera plus la vie ou la sécurité des membres de la Forpronu" et que "la Forpronu s’engage à ne plus faire usage de la force qui conduit à l’utilisation des frappes aériennes".
Le rapport dénonçait par ailleurs l’impuissance de toute la communauté internationale en Bosnie, l’inaction du bataillon néerlandais présent à Srebrenica, la "carence" du Japonais Yasushi Akashi (représentant de l’ONU dans l’ex-Yougoslavie) qui selon les députés français avait fait des rapports de situation erronés pendant le drame de Srebrenica.

En juillet 2007, plusieurs associations de survivants et de parents de victimes du génocide de Srebrenica ont déposé une plainte et réclamé des indemnités auprès d’un tribunal civil de la Haye contre l’état néerlandais et les Nations-Unies.

Les plaignants estiment que les casques bleus néerlandais mandatés par l’ONU pour protéger les civils de Srebrenica ont une responsabilité dans le massacre, en juillet 95, de plus de 8000 hommes musulmans par les forces armées serbes de Bosnie. Lorsque l’enclave est tombée entre les mains des troupes du général Ratko Mladic, le 11 juillet 1995 ; les habitants ont tenté en vain de trouver protection auprès du bataillon hollandais de la force PRONU, basé à Potocari, près de Srebrenica. Les casques bleus ont rendu leurs armes sans résistance aux troupes serbes avant d’évacuer leur base, abandonnant ainsi les réfugiés à leur horrible sort.

Le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie, n’a pas jugé cette plainte recevable dans la mesure où les Nations-Unies ne peuvent être jugées en raison de leur immunité. Les plaignants ont fait appel en janvier dernier- et le verdict est tombé ce mardi : l’appel est rejeté. La Cour d’Appel de La Haye a indiqué que :" dans les conventions internationales sur la création de l’ONU, il est clairement spécifié que l’ONU ne peut pas être poursuivie devant un tribunal national d’un État membre. Les avocats des plaignants, Axel Hagedorn et Marco Gerritsen, ont aussitôt annoncé un pourvoi en cassation tout en affirmant que "les mères de Srebrenica continueront leur lutte pour la justice...

Les gouvernements occidentaux, qui avaient volontairement abandonné l’enclave musulmane de la Bosnie orientale en juillet 1995, ont été informés dès le début des tueries qui ont suivi sa chute, et ont tout fait depuis pour les minimiser.

On sait aussi mieux aujourd’hui dans quelles conditions ces événements se sont déroulés. Et il y a suffisamment d’éléments concordants pour affirmer que, pour des raisons politiques et diplomatiques : 1) l’enclave de Srebrenica a été volontairement abandonnée aux Serbes par les puissances occidentales ; 2) rien n’a été fait pour sauver du massacre les milliers d’habitants musulmans auxquels la communauté internationale avait promis et garanti la protection, c’est-à-dire avant tout la vie sauve ; 3) les grandes puissances ont tout fait pour cacher le plus longtemps possible l’ampleur du massacre.

Lorsque les Serbes ont commencé l’assaut de Srebrenica, le 6 juillet, ils étaient à peu près certains qu’il n’y aurait pas de véritable résistance. L’existence des enclaves musulmanes en territoire serbe était considérée depuis de longs mois comme un obstacle au plan de paix qui se préparait au sein du "groupe de contact" (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Allemagne, Russie) chargé de rechercher une solution au conflit. On discutait ouvertement, dans les couloirs de l’ONU et dans les grandes capitales, de l’abandon de Srebrenica, entre autres.

Le nouveau commandant des troupes de l’ONU pour la Bosnie, le général Rupert Smith, se fondant sur des évaluations des services de renseignement, avait annoncé dès le mois de mars que l’attaque sur les enclaves de l’Est allait se produire incessamment. En mai, le commandant du bataillon néerlandais chargé de la protection de Srebrenica déclarait qu’il n’avait ni le matériel ni les munitions - sans même parler des hommes - pour défendre l’enclave. Et quand, le 24 mai, le général Bernard Janvier, commandant des forces de l’ONU pour l’ex-Yougoslavie, explique à New York, au Conseil de Sécurité, que ces enclaves de l’Est sont indéfendables et qu’il vaudrait mieux les évacuer, aucun représentant des grandes puissances ne proteste. Les Serbes ne sont ni aveugles ni sourds : désormais, le sort de Srebrenica est scellé.

A défaut de renforts terrestres, l’enclave pourrait-elle au moins être défendue par des frappes aériennes ? Là aussi les Serbes savent qu’ils n’ont pas de souci à se faire. La dernière fois que l’Otan, à la demande du général Rupert Smith, a bombardé un objectif serbe, le général Mladic a pris plus de 300 casques bleus en otages. En dépit des démentis de Paris, il semble bien qu’un marchandage ait eu lieu : libération des otages contre une stricte limitation des frappes aériennes.

Mais plusieurs milliers d’hommes et d’adolescents bosniaques y ont été assassinés le 11 juillet 1995 par les forces serbes du général Ratko Mladic.

Juste sous le nez de 400 casques bleus néerlandais, qui avaient ordre de ne pas intervenir.

"Quand les miliciens serbes de Bosnie séparent les hommes des femmes, les soldats néerlandais regardent et laissent faire. Les hommes sont entassés dans des cars et seront exécutés. On dénombre environ 8 000 victimes à l’issue de ce massacre, qualifié de « génocide » par la Cour Internationale de Justice et par le TPIY. Parmi les hommes qui ont choisi de se placer sous la protection des Nations unies, pratiquement aucun n’a survécu", expliquait récemment la journaliste Julie Lerat sur RFI. Pourtant : "Le mandat de l’ONU en Bosnie prévoyait clairement un recours à la force. Le 10 juillet, la veille du massacre, le commandant du bataillon néerlandais avait demandé au général français Bernard Janvier, qui assumait le commandement militaire des Nations unies en ex-Yougoslavie, de lancer des frappes contre les forces serbes de Bosnie. Mais il n’a pas été entendu."

Un "ultime rempart" qui ne servit résolument à rien, donc.

Si ce n’est à mettre en exergue la responsabilité écrasante du général français Bernard Janvier.

Commandant en chef des forces de l’ONU en Bosnie se refusant à faire intervenir ses hommes contre un Madlic pour lequel il nourrissait quelques sympathies :

" Le refus du général français de faire la guerre s’explique mal, sinon par une certaine fascination qu’aurait exercée sur lui son homologue Ratko Mladic, avec lequel il s’entretiendra longuement au téléphone dans l’après-midi du 10 juillet", écrira Le Figaro (cité ICI par Bakchich), avant de constater : "La lâcheté et le dysfonctionnement onusiens étaient ainsi indirectement responsables du pire crime de guerre commis en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale."

Une inefficacité totale contée aussi dans Il faut sauver la Planète.

Un témoignage [2] moins sanglant, mais finalement tout aussi accusateur.

Le livre raconte la trajectoire réelle de trois idéalistes, salariés de l’ONU pendant les années 1990, qui vont salement déchanter devant la réalité.

Et qui vont voir, au fil des interventions et des théâtres d’opérations, au Cambodge, en Somalie, à Haïti, au Libéria, en Bosnie ou au Rwanda, leurs belles illusions anéanties par la corruption, le bureaucratisme et l’incompétence crasse dont fait preuve la machine onusienne.

Les trois jeunes gens, Kenneth Cain, Heidi Postlewait, Andrew Thompson, en deviendront peu à peu si amers que seuls l’alcool, le sexe et le cynisme leur permettront de tenir le coup.

Et encore…

Un livre dont personne ne parle.

Et qui constitue pourtant l’un des réquisitoires les plus implacables qui ait jamais été produit envers l’ONU.

Pourquoi je vous parle de ça ?

Sans doute parce que l’histoire se répète.

Et que Le Monde fait état aujourd’hui d’un énième massacre commis sous les yeux de casques bleus.

Au Congo, cette fois :

"Pendant ce temps, la vaste majorité de la population de la ville errait à la recherche d’un abri pour une nouvelle nuit à la belle étoile, sans eau, sans nourriture, sans toilettes, ni aide extérieure, à commencer par celle que les Nations unies auraient pu leur apporter. Dès les premiers combats, les casques bleus se sont claquemurés dans leur base, déployant leurs hommes à l’intérieur, arme en main, prêts à ouvrir le feu sur quiconque, au sein de la population, tenterait de pénétrer dans leur enceinte protégée des barbelés. Les exactions des maï-maï et le ratissage sanglant des soldats du CNDP ont eu lieu à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau de leur camp", écrit le journaliste Jean-Philippe Remy.

Quelques dizaines de morts, donc.

Et des casques bleus "claquemurés dans leur base, (…) prêts à ouvrir le feu sur quiconque, au sein de la population, tenterait de pénétrer dans leur enceinte protégée des barbelés".

C’est beau, l’ONU.

Même Le Figaro écrit :

"exerce son charme sur les Casques bleus de la Force de protection de l’ONU (Forpronu), qu’il fascine. Beaucoup d’officiers de l’ONU ont trinqué avec lui. Le général Morillon l’a affronté aux échecs. Presque tous saluaient à l’époque son charisme, appréciaient son côté bon vivant et admiraient ses talents de négociateur. Mladic, lui, s’amusait à humilier cette communauté internationale qui le ménageait. Jusqu’à prendre en otage, en 1995, plusieurs centaines de Casques bleus et à les exhiber, enchaînés à des poteaux, devant les caméras de télévision. « L’Otan est une organisation criminelle et l’ONU, c’est beaucoup de nègres », disait-il.

Fut-il pourtant cet excellent chef d’état major décrit par certains officiers occidentaux ? Son principal succès militaire est d’avoir utilisé Sarajevo pour faire diversion et tailler, à l’abri des caméras, son corridor au nord de la Bosnie. Mais il n’a pas pu empêcher les reconquêtes des Croates en Slavonie orientale. Pas plus qu’il n’a finalement réalisé le rêve de Grande Serbie. « Si son objectif était d’occuper la Bosnie en utilisant des méthodes génocidaires, en tuant et en violant, il a partiellement atteint son but."

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Messages

  • Romancière, journaliste et auteur de « Srebrenica, un génocide annoncé« , Sylvie Matton dénonce la complicité de la communauté internationale qui n’a rien fait pour empêcher le massacre, en juillet 1995, de 8000 musulmans bosniaques.

    Dès 1993, l’enclave de Srebrenica est déclarée zone de sécurité par une résolution de l’ONU. Deux ans plus tard, elle tombe pourtant aux mains des forces serbes…

    Sylvie Matton - Les zones de sécurité n’en ont jamais été, c’est une farce absolue. En avril 1993, une mission onusienne se rend à Srebrenica. Quand il revient, l’ambassadeur qui la dirige affirme qu’un génocide est en cours. Il remet ses photos à l’agence Reuters. On y voit les gens dans la rue, une foule compacte, hébétée, affamée. Un mois plus tard, une résolution instaurant les zones de sécurité est donc votée. L’ONU ne pouvait pas faire autrement. Mais les chars serbes sont restés sur place, le canon pointé, alors que dans le camp d’en face, on était censé rendre ses pétoires.

    La communauté internationale était donc au courant que la chute de Srebrenica allait avoir lieu ?

    C’était même organisé. Des négociations ont été menées bien avant, devant des cartes. Le deal s’est fait dans les coulisses diplomatiques avant de se faire sur le terrain. Milosevic continuerait à refuser de signer tout accord de paix s’il n’obtenait pas le territoire conquis à l’est de la Bosnie « nettoyé » de ses enclaves dites musulmanes. Pour cela, la communauté internationale a accepté le sacrifice des enclaves bosniaques de l’est : Srebrenica, Zepa et Gorazde, comme l’a confirmé Richard Holbrooke, le négociateur américain, en 2005. L’histoire de la Bosnie est une honte depuis le début, dans laquelle la communauté internationale s’est compromise de plus en plus, jusqu’à « l’apothéose » finale où elle finit complice d’un génocide.

    A quel moment commence le marchandage ?

    Il y a une date, le 23 mai 1995, qui correspond à une rencontre à Belgrade entre Robert Frasure, le bras droit de Richard Holbrooke, et Milosevic. C’est ce jour là qu’est entériné le sacrifice des enclaves. Pour moi, si Milosevic a fait massacrer plus de 8000 personnes, c’est certes pour donner du sang à Ratko Mladic [ndlr : chef de l’armée de la république serbe de Bosnie, inculpé pour génocide], mais aussi parce qu’il entraînait la communauté internationale dans une complicité de génocide, et que donc il achetait son silence.

    Pour autant, les négociateurs s’attendaient-ils à un tel massacre ?

    Non, ils s’attendaient seulement à des « dommages collatéraux », qu’ils pourraient toujours expliquer à la presse et aux opinions publiques. Lorsque la communauté internationale prend conscience du génocide, elle est d’abord pétrifiée. Mais il faut quand même se rendre compte que l’ONU a pris elle même le risque de se rendre complice d’un génocide en ne transférant pas la population. Elle craignait d’être jugée complice d’un nettoyage ethnique. Et puis, Mladic en avait dit suffisamment pour qu’ils comprennent qu’il y aurait des massacres. Même s’ils ne connaissaient pas l’ampleur de la violence, ils savaient très bien les risques qu’ils faisaient prendre à la population. Avant la chute de l’enclave, ils savaient que les Serbes ne feraient pas de prisonniers.

    Les autorités bosniennes étaient t-elle au courant des tractations ?

    C’est un des problèmes. En 1993, quand le général Philippe Morillon [commandant des forces armées de l’ONU de 1992 à 1993] va à Srebrenica et évacue des femmes et des enfants, les autorités lui font savoir qu’il faut arrêter. Alija Izetbegović ne voulait pas que sa population soit tuée, mais il ne pouvait pas non plus offrir l’enclave, vidée de sa population.

    Aujourd’hui, que risquerait la communauté internationale à reconnaître cette trahison ?

    Cela susciterait de l’écœurement vis-à-vis des politiques. Dire que l’on savait que les hommes de Srebrenica allaient être massacrés, qu’on a rien fait pour l’empêcher, qu’on n’a pas voulu que ça se sache, ça n’aide pas les opinions publiques à avoir une haute image de la classe politique dans son ensemble. En France, j’ai eu naïvement l’espoir que Nicolas Sarkozy, qui détestait Chirac, président à l’époque, se ferait un plaisir de briser le silence. Mais il a eu besoin d’Alain Juppé [ministre des Affaires étrangères en 1995, puis premier ministre à partir de mai 95], donc ils se tiennent tous. Et puis il y a les tractations européennes, la paresse et la bêtise, qu’il ne faut jamais oublier. Non seulement il y a eu le génocide et la terreur depuis 1992, avec la complicité de la communauté internationale, mais encore aujourd’hui cette complicité continue dans le camouflage de cette réalité indigne auprès des opinions publiques.

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