dimanche 31 décembre 2017
Jerada explose après Bouarfa, Figuig, Chlihat, Ait Bouayach, Imzouren, Hoceima, Taza, Imider, des communes de la région de Khénifra, Midelt, Khouribga, Sidi Ifni qui connaissent des révoltes et soulèvements ouvriers !
La contestation contre la pauvreté et l’exclusion prend de l’ampleur au Maroc. La colère des Rifains s’est propagée à Jerada, une petite ville minière située non loin de la frontière algérienne (60 km au sud d’Oujda), où la population sort régulièrement dans la rue pour dénoncer sa marginalisation et ses conditions de vie misérables.
Des manifestations de grande envergure ont encore eu lieu ce dimanche après la mort de deux ouvriers de 23 et 30 ans, vendredi, dans une mine de charbon clandestine ouverte en… 1927. Cette tragédie intervient quelques jours après un drame similaire dans la province de Chichaoua ; la population de cette localité, qui traverse une crise sociale aiguë, réclame également des indemnités pour les familles des deux victimes. Les deux jeunes qui effectuaient des prélèvements dans la mine de charbon sont morts noyés dans les galeries inondées après des pluies diluviennes. Les corps n’ont été extraits que le lendemain (samedi) en milieu d’après-midi.
Selon les témoignages, photos et vidéos postées sur les réseaux sociaux, les éléments de la protection civile sont intervenus, mais en petit nombre et sans matériel adéquat. Ce qui a attisé l’ire de la population.
D’après une source de la section locale de l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH), citée par le magazine Telquel.ma, les familles des deux victimes refusent jusqu’à présent d’inhumer les corps. « Nous vivons dans une région sinistrée où une partie des habitants n’a d’autre choix que de creuser des puits pour subvenir à ses besoins », a déclaré Saïd Zeroual, membre de l’AMDH à Telquel.ma.
Une partie de la ville de Jerada survit grâce à l’exploitation de la mine fermée depuis l’année 2000. Mille à 3 000 personnes, selon les estimations, participent à cette activité clandestine. Le charbon est ensuite vendu dans la région et, parfois, transporté jusqu’à des villes éloignées. Les clients sont les briqueteries, les fours, les hammams et même des particuliers.
Selon la presse marocaine, « le travail dans les mines clandestines s’effectue au vu et au su des élus et des autorités locales ». De nombreux journalistes soutiennent l’idée qu’« il y a probablement des réseaux qui contrôlent ce business clandestin. Les conditions de travail sont très dures, voie inhumaines ou moyenâgeuses ». « Le danger est omniprésent, maladie ou accident, pouvant conduire au décès », soutiennent-ils.
Des dizaines de milliers de personnes ont défilé dimanche à Rabat, la capitale du Maroc, en solidarité avec les grèves et les mobilisations dans le Rif et de nombreuses villes marocaines. Les grévistes et les manifestants appellent exigent la libération de membres du « hirak », le mouvement de protestation contre la mort l’année dernière de Mouhcine Fikri aux mains des forces de l’ordre, dont les dirigeants ont été ciblés par des rafles de la police.
Les manifestants à Rabat étaient si nombreuse que le cortège compact s’étendait sur plus d’un kilomètre, selon les témoins. Les manifestants, parmi lesquels étaient présents des responsables syndicaux ainsi que de divers partis politiques, dénonçaient non seulement la répression mais aussi les inégalités criantes du régime chérifien. Ils scandaient des slogans dont « Libérez les prisonniers » et « Liberté, dignité, justice sociale ».
C’est le produit de plusieurs mois de manifestations, concentrées dans les villes autour d’Al Hoceïma dans le Rif, qui se sont répandues à divers moments à travers le pays pour s’opposer à la brutalité de la monarchie marocaine, mais aussi exiger plus d’hôpitaux ou d’emploi.
Fikri est mort en novembre 2016 au cours d’une confrontation avec la police et des responsables de l’administration qui voulaient lui confisquer un lot d’espadons qu’il avait acheté. Il a essayé de négocier avec les autorités pendant plusieurs heures afin d’éviter la destruction du poisson. Finalement, ils ont ordonné que ses poissons soient confisqués et détruits dans la benne d’un camion à ordures. Fikri et plusieurs amis sont montés dans la benne à ordures pour récupérer sa marchandise, mais la police a donné l’ordre d’activer la benne, et Fikri est mort écrasé.
Des dizaines de milliers de personnes avaient défilé à Al Hoceïma, mais aussi dans les principales villes du Maroc, dont Casablanca, la capitale Rabat, Fès, Marrakech et Agadir, pour les funérailles de Fikri en octobre. Beaucoup ont comparé sa mort au suicide de Mohamed Bouazizi, le jeune marchand dont l’immolation en guise de protestation contre la confiscation de ses fruits et légumes a déclenché les soulèvements qui en 2011 renversèrent le président tunisien Zine El Abedine Ben Ali et Hosni Moubarek en Egypte.
Le Rif est une des régions les plus pauvres du pays, et historiquement un centre de l’opposition à la colonisation française et espagnole du pays. Il est fortement militarisé depuis l’insurrection en 1958 contre la fermeture de la frontière avec l’Algérie voisine, pendant la guerre de l’Algérie pour son indépendance contre la France. Ce soulèvement fut écrasé par 30.000 hommes dirigée par le prince héritier Moulay Hassan, le futur Mohammed V, menant à la marginalisation durable du Rif. Al-Hoceïma avait aussi été un haut lieu des « émeutes du pain » en 1984.
Selon Pierre Vermeren, chercheur spécialiste du Maroc à l’université Paris-I, « Au moindre incident (un manifestant tué, une bavure policière), la situation peut dégénérer. Depuis toujours, le Palais surveille le Rif comme le lait sur le feu. La province est hypermilitarisée. Pour l’instant, la mobilisation reste cantonnée à Al-Hoceima, qui est somme toute une petite ville de province, mais si elle devait s’étendre aux grandes villes du Nord, en particulier Nador, peut-être trois fois plus grande et mal contrôlée par la police, les autorités commenceraient à paniquer. »
L’arrestation pour « atteinte à la sécurité intérieure » de la figure centrale de la contestation, Nasser Zefzafi, du mouvement « hirak », ainsi que d’une quarantaine d’autres membres, ont provoqué un large mécontentement populaire. Najib Ahmajik, numéro deux du "hirak", a lancé un appel à une grève générale sur les réseaux sociaux. Ils étaient près de 2.000 à exiger de nouveau la "libération des prisonniers", brandissant en tête de cortège une banderole avec le portrait de Zefzafi.
En milieu d’après-midi, la quasi-totalité des magasins du centre-ville ont observé une grève générale pour exiger la remise en liberté des chefs du "hirak". Depuis presque une semaine, les manifestants se rassemblent dans le quartier Sidi Abed, proche du centre-ville d’Al Hoceïma.
Des sit-in et rassemblements de "solidarité" ont été organisés ailleurs dans le royaume, dont plusieurs ont été dispersés violemment par la police, à Rabat, Casablanca et Meknès. A Nador, la presse a fait état de l’arrestation d’un journaliste algérien du journal El Watan. Après des heurts nocturnes avec les policiers pendant le week-end des arrestations, les manifestations se sont déroulées depuis lors sans violences.
La lutte des masses opprimées du Rif ont un impact aussi en Europe comme en France, en Belgique et aux Pays Bas où la communauté marocaine originaire du Rif se sont aussi rassemblés devant les consulats marocains en soutien aux rifains.
La nature explosive du conflit de classe en Afrique du Nord et ses implications révolutionnaires reviennent une fois de plus à la surface de la vie politique. Les luttes révolutionnaires de la classe ouvrière tunisienne et égyptienne en 2011 sont toujours à l’esprit de millions de gens, et la monarchie marocaine cherche désespérément à garder le contrôle de la situation et à limiter l’expression du mécontentement populaire.
L’arrivée au pouvoir de l’ancien régime en Tunisie sous la présidence de Caïd Essebsi et après le coup de Sissi en Égypte n’a pas résolu les questions essentielles qui avaient provoqué l’entrée en lutte révolutionnaire du prolétariat il y a six ans.
La stabilisation temporaire de la monarchie marocaine et de la Tunisie, sous la présidence d’Essebsi qui est un ancien responsable politique du parti de Ben Ali – grâce au rôle contre-révolutionnaire du Front populaire en Tunisie et du syndicat UGTT, ancien pilier du régime Ben Ali – croule sous l’impact d’une mobilisation des travailleurs et des masses opprimées. Ceux-ci se dressent à nouveau contre la répression de l’armée et de la garde nationale.
Ces manifestations au Maroc ont lieu en parallèle d’un mouvement social en Tunisie qui a commencé aux mois de mars dans la région de Tataouine, dans le sud du pays dont est parti la révolution il y a six ans.
La situation s’est extrêmement tendue depuis mi-mai : de violents affrontements se sont déroulés entre la garde nationale venue en renfort de l’armée et les masses tunisiennes, qui exigent « une part de pétrole » pour boucler leur budgets. Des manifestations de soutiens se sont déroulées dans d’autres villes, dont Tunis.
Les manifestations se sont poursuivies hier dans la ville marocaine d’Al Hoceima, où le poissonnier Mouhcine Fikri, 31 ans, a trouvé la mort après avoir été écrasé vendredi suite à une altercation avec la police marocaine dans la ville.
Des dizaines de milliers de personnes avaient défilé à Al Hoceima, mais aussi dans les principales villes du Maroc, dont Casablanca, la capitale Rabat, Fès, Marrakech et Agadir, pour les funérailles de Fikri au cours du week-end. Beaucoup ont comparé la mort de Fikri au suicide de Mohamed Bouazizi, le jeune marchand dont l’immolation en guise de protestation contre la confiscation policière de ses fruits et légumes a déclenché des manifestations de masse qui renversèrent le président tunisien Zine El Abedine Ben Ali en 2011. Fikri est mort au cours d’une confrontation avec la police et des responsables de l’administration qui voulaient confisquer un lot d’espadons qu’il avait acheté. Si la pêche de l’espadon en automne est interdite, Fikri avait néanmoins acheté les prises, qui auraient coûté environ 10 000 euros, au vu et au su des autorités portuaires, et a été scandalisé lorsque la police et les responsables des pêcheries ont tenté de les confisquer.
Fikri a essayé de négocier avec les autorités pendant plusieurs heures afin d’éviter la destruction du poisson. Finalement, cependant, ils ont ordonné que ses poissons soient confisqués et détruits dans la benne d’un camion à ordures. Fikri et plusieurs amis sont montés dans la benne à ordures pour récupérer sa marchandise.
Dans une scène horrible capturée par un passant sur son un téléphone portable, la vidéo montre les fonctionnaires donnant l’ordre d’activer le compacteur à déchets quand Fikri tente d’en sortir.
Des images du meurtre, avec la tête de Fikri et l’un de ses bras dépassant du compacteur, ont rapidement circulé sur l’Internet, et des manifestations de masse ont éclaté à travers le Maroc dimanche, le jour des funérailles de Fikri.
Les manifestants d’Al Hoceima ont défilé avec des slogans dont « Mouhcine est un martyr » et « À bas le Makhzen », c’est-à-dire le système politique marocain dirigé par la monarchie du roi Mohamed VI, soutenue par les États-Unis et l’Europe.
Ils ont défilé d’Al Hoceima, où Fikri a travaillé, à la municipalité voisine d’Imzouren, où sa famille était domiciliée.
Les manifestants portaient le drapeau berbère comme symbole de protestation dans la région du Rif, qui a souvent été témoin de manifestations contre la monarchie ethniquement arabe. Al Hoceima a été le lieu d’une révolte contre le régime colonial espagnol en 1920 et d’une insurrection en 1958 contre la fermeture de la frontière avec l’Algérie voisine, pendant la guerre de l’Algérie pour son indépendance contre la France. Ce soulèvement fut écrasé par une force de 30 000 hommes dirigée par le prince héritier Moulay Hassan, le futur Mohammed V, menant à la marginalisation durable de la région par le régime marocain.
Cependant, les manifestations se sont répandues bien au-delà de la région du Rif et se sont transformées en une expression de colère sociale contre les conditions au Maroc et d’opposition politique au Makhzen. « Ça aurait pu se passer dans n’importe quelle ville du pays, mais, ici à Al-Hoceima, ça a pris une dimension supplémentaire », a dit le journaliste Abdessamad Bencherif au Monde.
Des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les grandes villes du pays, exprimant leur opposition à la « hogra », c’est-à-dire l’impunité avec laquelle la monarchie et les autorités oppriment les citoyens.
La nature explosive du conflit de classe en Afrique du Nord et ses implications révolutionnaires reviennent une fois de plus à la surface de la vie politique. Avec les luttes révolutionnaires massives de la classe ouvrière tunisienne et égyptienne en 2011 toujours à l’esprit, la monarchie marocaine cherche désespérément à garder le contrôle de la situation et à limiter l’expression du mécontentement populaire.
Le roi Mohamed VI a envoyé le ministre de l’Intérieur Mohammed Hassad pour présenter ses condoléances à la famille du défunt. Le ministère de l’Intérieur a publié une déclaration promettant que : « Sa Majesté le roi ne veut pas que ce genre d’accidents se reproduise. Il a donné des ordres fermes pour que l’enquête la plus approfondie possible soit menée. Tous les responsables dont l’implication est avérée dans cet incident seront poursuivis et punis avec fermeté conformément à la loi ».
En même temps, le Premier ministre Abdelilah Bekirane a appelé à la fin des manifestations contre le meurtre. Le parti islamiste de Bekirane, le Parti de la justice et le développement (PJD), a exprimé ses « regrets pour cet incident regrettable », disant à ses membres de ne réagir « en aucune façon » aux appels à des manifestations.
Le Parti de l’Authenticité et de la Modernité (PAM), qui est directement aligné sur la monarchie, a qualifié cela de « tragédie » et a appelé à « punir ceux qui sont responsables ».
Les procureurs ont arrêté « deux agents de l’autorité publique, le délégué aux pêches maritimes, le chef de service de la délégation des pêches marines et le médecin en chef du service de médecine vétérinaire », selon un communiqué qu’ils ont remis à l’agence de presse officielle MAP.
Tout indique cependant que cette enquête servira probablement à blanchir non seulement les fonctionnaires locaux, mais surtout les conditions de pauvreté et d’oppression imposées à la population par la monarchie – l’un des instruments le plus complaisant de l’impérialisme américain et européen dans la région.
Tandis que les témoins présents sur les lieux accusaient les fonctionnaires de donner délibérément l’ordre d’activer le compacteur de déchets alors que Fikri se trouvait à l’intérieur, le parquet a affirmé que « les actes qui ont été commis prennent le caractère d’un homicide involontaire ».
Onze personnes ont finalement été placées en détention provisoire, accusées d’homicide involontaire et également de « fraude dans la préparation de documents publics », au motif que les ordres donnés à la benne d’ordures pour détruire les espadons de Fikri n’étaient pas rédigés de manière légale.
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