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Chronologie syndicale de la trahison des luttes ouvrières en France et dans le monde

22 février 2010, 22:29, par Robert Paris

Libération, jeudi 15 novembre 2007.

La CGT dans un rôle de composition. Fait rare, c’est la centrale de Montreuil qui a pris l’initiative de la négociation avec un pouvoir de droite.

Ce qui s’est passé entre la CGT et le gouvernement est une première. Jamais un secrétaire général de la CGT n’avait, comme l’a fait mardi Bernard Thibault, appelé personnellement le ministre du Travail d’un gouvernement de droite pour lui demander un rendez-vous dans la journée, et lui proposer d’ouvrir une négociation en apportant, comme preuve de bonne volonté, une concession importante. « On a été bluffés, reconnaît-t-on dans l’entourage de Xavier Bertrand, tout en regrettant qu’il ne l’ait pas fait quelques jours plus tôt. » La proposition d’une négociation tripartite (Etat, employeurs, syndicats) avait bien été faite dès vendredi. Mais la CGT refusait qu’elle ait lieu entreprise par entreprise, comme le voulait le gouvernement.

En acceptant que la négociation ait lieu « régime par régime » - c’est-à-dire entreprise par entreprise -, la CGT a donné au gouvernement la preuve que sa proposition était sérieuse. Elle est aussi risquée : les plus durs des militants CGT ne manqueront pas de reprocher à Bernard Thibault d’avoir tendu une perche au gouvernement au lieu de s’en tenir à la stratégie d’opposition frontale qui avait contraint Alain Juppé à renoncer à réformer les régimes spéciaux, en 1995.

« Recentrage ».

Hier matin Jean-Christophe Le Duigou, chargé du dossier retraites à la CGT, a précisé sur France Inter la position de la direction confédérale cégétiste : « Nous ne sommes pas par nature des gréviculteurs. N otre boulot, c’est de faire avancer nos revendications. Parfois, il faut faire la grève. Mais notre objectif n’est pas de faire grève pour faire grève, il est de faire avancer certaines revendications, de répondre aux attentes des personnels. » L’ouverture faite au gouvernement est donc un choix stratégique assumé par l’équipe dirigeante de la CGT, celui de renoncer à la posture du « tout ou rien ». Un retour aux fondamentaux de l’action syndicale qui à certains égards rappelle le « recentrage » qu’Edmond Maire avait imposé à la CFDT à la fin dans les années 1970.

Ce choix répond d’abord à la volonté de la CGT de ne pas abandonner le terrain des salariés du privé. Ceux-ci seraient les premières victimes, en tant qu’usagers, d’une grève longue dans les transports publics, et ils ne comprendraient pas d’avoir à payer - et ceci dans tous les sens du terme - alors qu’ils sont eux-mêmes soumis à la règle des quarante annuités. La CGT n’a aucune envie que la CFDT apparaisse comme le seul syndicat crédible possible dans le secteur privé.

L’autre raison du retour de la CGT à une logique de négociation qu’elle semblait avoir un peu oubliée tient au rapport de force syndical dans les entreprises concernées par la réforme des régimes spéciaux. Avec 56,5 % des voix à EDF et 58,5 % chez GDF, plus de 40% à la SNCF, 37% à la RATP, la CGT est dans ses terres. A EDF et GDF, la CFDT arrive loin derrière. A la SNCF, la CFDT a été laminée après la réforme Fillon de 2003 et l’Unsa est devancée par Sud. A la RATP, l’Unsa arrive en seconde position, mais derrière, la CFDT pèse moins de 10 % des voix. La CGT est donc obligée d’assumer la négociation, et elle a choisi de le faire.

« Responsabilités ».

La proposition de la CGT a donc été faite « en tant qu’organisation syndicale responsable et majoritaire dans ces entreprises », rappelait aussi Jean-Christophe le Duigou. Après avoir perdu la plupart de ses bastions de la métallurgie, elle ne peut pas donc pas se permettre de lancer ses derniers gros bataillons dans un combat à l’issue incertaine. La CGT est d’autant plus obligée de prendre ses responsabilités qu’elle ne peut pas, dans aucune de ces entreprises, adopter une posture jusqu’au-boutiste en comptant sur d’autres pour signer un accord qui sauverait les meubles.

Reste à convaincre ses troupes de la suivre sur ce terrain. Ce n’est pas gagné d’avance, après plusieurs décennies où la culture politique a primé sur le réalisme syndical. Mais si la CGT réussit sa sortie de grève, elle aura bien avancé sa mue.

François Wenz-Dumas

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