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Ce que les singes nous apprennent sur la "nature humaine"....

5 avril 2010, 11:31, par F. Kletz

Merci pour cette présentation particulièrement claire et actualisée du problème.

Cette idée que les singes, en particulier les chimpanzés, sont très proches de l’homme n’est pas totalement nouvelle. Ce qui est nouveau, ce sont les arguments très précis que la science a pu apporter pour confirmer la thèse de la proximité de singes et de l’homme, qui permet de passer de la proximité à l’intégration de l’homme dans la catégorie singe.

Cela a permis nombre de mauvaises blagues depuis le XIXe siècle pour disqualifier la thèse de la proximité du singe et de l’homme ou de la parenté singe-homme.

Ce qui m’intéresse en particulier ici, c’est la question de la néoténie indiquée par Pascal Picq.

Je souhaite transmettre ici un extrait d’un article écrit en 1936 et publié en 1938 indiquant cette néoténie (sans mentionner le concept) à fin de discussion des carences affectives et psychologiques propres à l’homme du fait d’un retard de développement à la naissance.

Il s’agit d’un article écrit par le jeune Lacan, cet anti-freudien à l’époque disciple de Henri Wallon. L’article a paru dans l’encyclopédie française. Le nom de l’ouvrage en lui-même indique très clairement qu’il s’agit de transmettre une idéologie nationale officielle dans un contexte de tensions sociales, politiques, guerrière de montée du fascisme et des nationalismes qui l’accompagnent. L’article est intitulé « Les Complexes familiaux », voici l’extrait :

« LE SEVRAGE : PREMATURATION SPECIFIQUE DE LA NAISSANCE

Il faut remarquer que le retard de la dentition et de la marche, un retard corrélatif de la plupart des appareils et des fonctions, déterminent chez l’enfant une impuissance vitale totale qui dure au delà des deux premières années. Ce fait doit-il être tenu pour solidaire de ceux qui donnent au développement somatique ultérieur de l’homme son caractère d’exception par rapport aux animaux de sa classe : la durée de la période d’enfance et le retard de la puberté ? Quoi qu’il en soit, il ne faut pas hésiter à reconnaître au premier âge une déficience biologique positive, et à considérer l’homme comme un animal à naissance prématurée. »

L’homme, à l’état de bébé, nait donc de manière prématurée. L’hypothèse est plus que formulée, mais assez peu explorée. Lacan, à ce stade, s’arrête à la discussion concernant l’homme.

Mais, plus loin dans le texte, concernant le stade du miroir, il compare de nouveau, et là beaucoup plus clairement, le singe et l’homme.

Cependant, il va alors établir, citant Bühler, une hiérarchie, classique depuis au moins Descartes, entre les différents animaux, le singe, animal supérieur, et l’homme qui le serait encore plus :

« La perception de la forme du semblable en tant qu’unité mentale est liée chez l’être vivant à un niveau corrélatif d’intelligence et de sociabilité. L’imitation au signal la montre, réduite, chez l’animal de troupeau ; les structures échomimiques, échopraxiques en manifestent l’infinie richesse chez le Singe et chez l’homme. C’est le sens primaire de l’intérêt que l’un et l’autre manifestent à leur image spéculaire. Mais si leurs comportements à l’égard de cette image, sous la forme de tentatives d’appréhension manuelle, paraissent se ressembler, ces jeux ne dominent chez l’homme que pendant un moment, à la fin de la première année, âge dénommé par Bühler « âge du Chimpanzé » parce que l’homme y passe à un pareil niveau d’intelligence instrumentale.  »

Ainsi, l’homme, à la fin de sa première année, atteindrait un « âge du Chimpanzé », âge où l’intelligence est instrumentale. Cela signifie que le chimpanzé aurait une intelligence différente de celle de l’homme, type d’intelligence que l’homme dépasserait ensuite dans le développement de l’enfance.

Voilà ce qu’un célèbre « scientifique » grand-bourgeois et à renommée internationale universitaire pouvait défendre en 1936-38.

Encore aujourd’hui, dans nombre de pratiques médicales, psychiatriques, Lacan est lu comme une référence. Nombre de médecins, psychiatres, psychanalystes, se forment aux écrits de Lacan.

Cet article est plus rarement connu que d’autres écrits lacaniens, mais c’est sur un site revendiquant le courant idéologique lacanien qu’il est lisible :

Le fichier word de l’article Les complexes familiaux

Nombre d’auteurs faisant référence dans la psychanalyse aujourd’hui ont été formés par Lacan et ont transmis son idéologie. La psychanalyse est une science pertinente, intéressante, utile, passionnante, trop souvent attaquée sur de mauvais arguments.

Il s’agit de faire la part des choses entre les courants et les arguments au sein de cette science, qui, comme toutes les sciences, reste en développement, et est traversée comme toutes les sciences, de combats idéologiques reflétant l’état de la société et de la lutte des classes.

Ainsi, Lacan, au moins dans l’article cité, développe une vision réactionnaire concernant la soi-disant spécificité de l’homme. Les arguments de l’article de Robert Paris permettent de l’établir très clairement.

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