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Révolutions de la Grèce antique

21 décembre 2012, 20:37

A propos de la chute de Troie, explique, Moses Finley dans « Les premiers temps de la Grèce », « Il faut donc qu’il y ait eu une cause sociale ou politique ». Il écrit ainsi dans « Les premiers temps de la Grèce » : « Troie VI fut détruite et l’ampleur de la catastrophe fut telle qu’on pense à un tremblement de terre plutôt qu’à l’action des hommes. (...) Destruction signifie d’abord démolition des palais et des forteresses. Il est légitime d’admettre que disparaît avec eux cette structure sociale spécifique, de forme pyramidale, dont ils étaient l’expression. (...) La disparition du palais fut si complète que jamais plus on ne le revit dans l’histoire ultérieure de la Grèce. » Il s’agit d’abord d’une transformation sociale mais Moses Finley n’envisage que l’action destructrice de peuples envahisseurs et ne discute pas, même pour la réfuter, l’hypothèse d’une révolution sociale. « L’empire hittite tomba en 1200 ou 1190. Bien que n’ayant aucun texte permettant d’identifier avec certitude les agents de cette destruction, il est de plus en plus probable qu’il existe un lien entre cet événement et les grandes invasions menées dans la partie orientale du monde égéen par une coalition assez lâche de peuples connus sous le nom des ’’peuples de la mer.’’ » En ce qui concerne la chute du monde mycénien, Moses Finley est moins opposé à une hypothèse révolutionnaire, tout en prétendant qu’elle est indémontrable : parlant des « siècles obscurs » qui ont connu le renversement des régimes royaux grecs, « De la Thessalie, au nord, jusqu’à Messénie et la Laconie, au sud, une douzaine de forteresses et de complexes palatiaux au moins furent complètement détruits, notamment à Iolkos, Krisa, Gria, Pylos, Mycènes et près de Sparte. L’archéologie oblige à considérer que toutes ces destructions comme contemporaines et à la date de l’année 1200 ; il est d’autre part difficile d’imaginer qu’elles n’ont aucun rapport avec des mouvements des ’’peuples de la mer’’ et des destructions de l’empire hittite. La coïncidence serait trop remarquable et le serait d’autant plus à partir du moment où l’on prend en considération que l’agitation s’étendit vers l’est jusqu’en Mésopotamie et toucha à l’ouest l’Italie, les îles Lipari, la Sicile et peut-être la France ainsi que la mer Baltique au nord. Voilà qui indique un mouvement de peuples de grande ampleur. » Cela indique surtout que Moses Finley n’envisage pas un mouvement social s’étendant de part en part comme une vague, un tsunami social. Pourtant le monde connaîtra ce type de vague dans les années 1780 ou 1848. Cependant, même Moses Finley que l’on a vu peu enclin à présenter l’effondrement du monde grec en – 1200 comme une révolution, le décrit ainsi : « après l’élimination des rois du monde mycénien et, avec eux, de toute l’organisation du pouvoir dont ils étaient comme la tête, la société eut à se réorganiser en trouvant de nouveaux modes de fonctionnement, de nouvelles valeurs conformes aux nouvelles conditions matérielles et à la situation sociale nouvelle. (...) Si, comme c’est probable mais non démontrable, le monde mycénien, au moment de sa disparition, n’a pas été sans connaître des soulèvements sociaux internes, il serait logique de penser qu’on s’en est souvenu lorsqu’il s’est agi de mettre en place de nouvelles structures. » Comme on le voit, c’est sur un mode très défensif et prudent que Moses Finley reconnaît par ci par là la place de la révolution, tout en s’excusant par avance de le faire. Il en va de même quand Moses Finley analyse la chute de Cnossos en Crête : « Le minoen récent II vit Cnossos au sommet de sa puissance. Depuis Evans, on a toujours placé la fin de cette période vers - 1400 avant J.-C. Ce fut donc une ère assez brève ; elle se termina par une catastrophe qui toucha l’ensemble de l’île. Un tremblement de terre a pu être un des facteurs, mais il n’est pas à lui seul une explication suffisante, car cette fois-ci, contrairement aux précédentes, il n’y a pas eu de rétablissement (...) Peut-être une catastrophe naturelle (si c’est réellement ce qui s’est produit) s’est-elle suivie par l’expulsion des maîtres grecs, sous le coup de quelque insurrection populaire qui balaya du même coup les vestiges d’une puissance insulaire déjà sérieusement affaiblie par les envahisseurs grecs au siècle précédent. Mais ce ne sont là que des spéculations ne reposant sur rien de solide. » Quand il n’a aucune preuve d’une invasion de peuples ou d’un tremblement de terre, il ne met pas autant de précautions oratoires que lorsqu’il a évidemment affaire à une révolution sociale ! Ainsi, après avoir expliqué la destruction du palais Kato Zakro de Crête par un soulèvement volcanique à Santorin, il rajoute : « il faut donc qu’il y ait eu une cause sociale ou politique à l’abandon de Kato Zakro. » C’est toujours très discrètement et avec beaucoup de précautions qu’est envisagée l’hypothèse d’une révolution sociale qui est présentée, au mieux, comme une cause seconde.

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