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Révolutions de la Grèce antique

18 janvier 2013, 19:27

Les hilotes (Ielotae)

« Le servage de la glèbe a joué un rôle important dans un grand nombre de cités helléniques où il a contribué à assurer et à maintenir la supériorité militaire et politique de l’aristocratie. C’est dans les pays doriens qu’il a été le plus solidement établi après la soumission des populations indigènes et qu’il a eu la plus longue durée. Dans la Crète il y avait deux catégories de serfs de la glèbe sur les domaines de l’État, qu’on peut identifier avec les oizé de la loi de Gortyne, sur les terres des particuliers. La condition de ces serfs a été exposée. Ajoutons seulement que le servage de la glèbe existait encore en Crète à l’époque d’Aristote, mais qu’il ne survécut sans doute pas à la domination romaine. Dans la Laconie nous trouvons, depuis l’époque la plus ancienne, la classe des hilotes (...). Le sens primitif du mot n’est donc pas absolument certain. Ottfried Müller a émis l’opinion que les Doriens avaient trouvé dans la Laconie une classe de paysans lélèges, déjà réduits en servitude par les Achéens. C’est une pure hypothèse, en contradiction avec les témoignages anciens qui ne font remonter ce genre d’esclavage qu’aux conquêtes thessalienne et dorienne. Il n’y en a aucune mention ni dans Homère ni dans Hésiode. On a soutenu aussi que les conditions économiques et sociales ont pu spontanément donner naissance en Grèce à des tenures serviles : par exemple, dans l’Odyssée, l’esclave Eumée dit que si Ulysse était revenu de Troie, il lui aurait donné une maison, une terre et une femme, récompenses qu’un bon maître donne à son serviteur ; Eumée eût donc été un affranchi attaché à la terre ; sa situation n’aurait guère différé de celle d’un serf de la glèbe. La concession des terres à des pauvres, à des bannis aurait pu créer aussi une condition analogue. Nous n’avons malheureusement pas de textes positifs à l’appui de ces hypothèses. On a vu aussi une cause de la formation du servage dans l’obligation imposée aux débiteurs de rester sur les terres des créanciers ; cette opinion est peu vraisemblable ; à Athènes le thète insolvable devient, encore à l’époque historique, l’esclave du créancier et peut être vendu au dehors ; sa condition diffère essentiellement de celle de l’hilote ; si les dettes avaient amené le servage de la glèbe, Athènes aurait eu aussi ses hilotes. En tout cas, s’il a pu y avoir à l’époque primitive quelques serfs de la glèbe isolés, c’est la conquête dorienne qui a créé dans la Laconie la classe des hilotes. Nous n’avons guère sur l’établissement des Doriens que des récits légendaires et nous ne voyons pas nettement quelle fut la raison du partage de la population primitive, sans doute achéenne, en deux groupes très différemment traités, les périèques et les hilotes. Grote voit dans les périèques l’élément urbain, dans les hilotes l’élément campagnard. Cette distinction n’est pas fondée, au moins pour les origines. Les historiens anciens attribuaient avec plus de raison cette différence de traitement il la résistance plus ou moins longue qu’offrirent les villes de la Laconie et à une aggravation graduelle des rigueurs de la conquête. D’après Éphore, les Achéens s’étaient d’abord résignés à la condition de périèques et au payement du tribut que leur avait imposé Agis, fils d’Eurysthène, mais les habitants d’Ilélos se révoltèrent ensuite et après leur défaite furent réduits en servitude ; d’après Pausanias, ce fut à Hélos que les Achéens livrèrent leur dernier combat contre le roi spartiate Alcamène et cette ville fournit les premiers serfs de l’État ; ce nom d’hilotes devint plus tard le nom commun de tous ceux qui furent soumis à la même servitude, même des Doriens de Messénie. Plutarque met le même événement sous le roi légendaire Soos, fils de Proclès. Ces récits indiquent un fait certain : la transformation d’une partie des anciens habitants en hilotes à la suite de la conquête. La classe des hilotes fait partie intégrante du système social dans la constitution dite de Lycurgue qui représente les plus anciennes institutions de Sparte. Ils exploitent, aux conditions qu’on va voir, les lots distribués aux Spartiates dans la région qui comprend essentiellement la vallée de l’Eurotas. Les guerres de Messénie amenèrent la formation d’un second groupe d’hilotes. La première guerre (environ 73-728) enleva aux Messéniens leur indépendance politique ; ils devinrent la plupart périèques, durent jurer de ne jamais se révolter, de prendre part, en costume de deuil, avec leurs femmes et leurs enfants, aux funérailles des rois de Sparte et des principaux magistrats spartiates ; ils gardèrent la possession de leurs terres, moyennant le payement d’un tribut égal à la moitié des récoltes ; peut-être réserva-t-on aux Spartiates une partie de la Messénie, en particulier les terres dont les possesseurs s’étaient enfuis de différents côtés, à Argos, à Sicyone, à Éleusis, en Arcadie. Une tradition attribue en effet la création de trois mille lots nouveaux à Polydore, fils d’Alcamène 3 ; mais aucun texte ne dit comment ils ont pu être exploités. Cette situation paraît avoir duré environ un siècle". La révolte des Messéniens amena la seconde guerre, qui se termina cette fois par l’assujetissement complet des vaincus ; les Messéniens perdirent leurs terres et furent assimilés aux hilotes lacenions ; quelques villes côtières gardèrent seules leur condition de villes de périèques. Ce sont les Messéniens qui vont constituer désormais la grande masse des hilotes. Nous ne savons pas si on établit des hilotes sur les terres enlevées à Tégée. Le nombre des hilotes paraît avoir été considérable. Vers 2i1, les Étoliens emmenèrent hors de la Laconie 50 000 hommes parmi lesquels les l’ilotes devaient être en majorité ; vers la même époque Cléomène trouva 6000 hilotes possesseurs d’une fortune de cinq mines ; mais il est impossible d’arriver à une éva.lution précise ; les chiffres qu’on a obtenus de différentes manières sont absolument hypothétiques. L’hilote a une situation intermédiaire entre l’homme libre et l’esclave : il ne fait pas partie du corps des citoyens, il n’a aucun droit politique. Sa condition est issue de la conquête et il relève à la fois d’un maître particulier et de l’État. C’est avec raison que plusieurs textes les appellent esclaves de la communauté". L’État peut seul les affranchir’ ; et tous les affranchissements que nous connaissons ont eu lieu de cette manière, en masse, comme récompense de services militaires. C’est l’État qui surveille les hilotes, qui a fixé leurs devoirs, leurs obligations et aussi leurs droits à l’égard des propriétaires. On a même soutenu que, pour cette raison, chaque citoyen pouvait se servir, en cas de nécessité, des hilotes d’autrui comme des siens, mais les textes de Xénophon et d’Aristote ne s’appliquent probablement qu’aux esclaves véritables. Nous ne savons pas si l’État avait des hilotes sur ses domaines. Il ne semble pas que les hilotes fussent occupés aux services domestiques. Ils devaient uniquement exploiter les terres des Spartiates, soit dans la Laconie, soit dans la Messénie ; ils ne cultivaient sans doute pas les terres des périèques. D’après les sources que suit Plutarque, ils devaient pour chaque lot une redevance invariable dont la loi religieuse garantissait la fixité par une imprécation solennelle contre le propriétaire qui l’augmenterait. Cette redevance était de 70 médimnes d’orge pour le propriétaire, de 12 pour sa femme et d’une quantité correspondante de vin et d’huile. Ces médimnes étant ceux du système éginétique et valant 78 litres 80 centilitres, c’était un total d’environ 64 hectolitres de blé et d’une quantité de vin et d’huile qu’on ne peut apprécier. Nous ignorons quel était le rapport de cette redevance avec le produit total et l’étendue de chaque lot ; mais le profit des hilotes était assez considérable puisqu’au me siècle, pendant la révolution tentée par le roi Cléomène, on trouva 6000 hilotes qui purent acheter leur liberté moyennant cinq mines par tête. Qu’arrivait-il quand il y avait plusieurs enfants dans une famille d’hilotes ? Se partageaient-ils l’exploitation du même lot ou l’État les transportait-il sur les lots vacants ? Nous manquons de renseignements sur ce point. Nous ne savons pas davantage de combien de familles d’hilotes disposait chaque Spartiate ; le nombre des serfs devait sans doute être en rapport avec l’étendue des propriétés de chaque citoyen ; on voit dans Hérodote qu’à la bataille de Platées chaque hoplite avait sept hilotes à son service : c’était donc peut-être là le chiffre moyen des serfs attachés alors à chaque domaine. L’hilote, lié à la terre, ne pouvait être vendu par le propriétaire ; il avait le droit, comme on l’a vu, de posséder des biens mobiliers. C’est tout ce que nous savons de sa condition juridique. On peut admettre cependant, d’après la ressemblance générale du droit de Sparte et du droit crétois, que sa famille avait la même organisation que celle du serf de Gortyne. Comme autre devoir de l’hilote à l’égard du propriétaire, signalons l’obligation d’assister à ses funérailles La condition des hilotes, à Sparte, était très mauvaise. Toute l’antiquité a été unanime à blâmer la cruauté des Spartiates à leur égard. On ne saurait la révoquer en doute, quelque part qu’on fasse à l’exagération des historiens et au caractère légendaire de certains récits ; Plutarque essaye en vain de l’atténuer en ne la faisant dater que de la troisième guerre de Messénie. D’après Myron de Priène, on infligeait chaque année un certain nombre de coups de fouet aux hilotes, uniquement pour leur rappeler qu’ils étaient esclaves ; on tuait ceux d’entre eux qui étaient trop vigoureux et on infligeait une amende aux maîtres qui les avaient trop bien traités ; ils portaient un costume spécial, bonnet et vêtement de peau ; l’usage des armes leur était interdit ; d’après Plutarque, on obligeait des hilotes à s’enivrer et à se livrer ainsi, dans les syssities, à des chants et à des danses déshonnêtes pour dégoûter les jeunes gens de l’ivresse ; on leur interdisait les chants et les danses des hommes libres. Enfin on avait institué contre eux la xunçreia ; les témoignages anciens sont en désaccord sur l’origine et le caractère de cette institution. D’après le récit de Plutarque n, emprunté à Aristote, les éphores déclaraient tous les ans la guerre aux hilotes, à leur entrée en charge, pour qu’on eût le droit de les tuer, sans s’exposer aux peines légales ; à certaines époques de l’année, les jeunes Spartiates, les plus vigoureux, armés de poignards et pourvus de quelques vivres, étaient répartis dans la campagne, se cachaient pendant le jour et tuaient la nuit tous les l’ilotes surpris sur les chemins ; souvent même ils allaient jusque dans les exploitations rurales tuer les plus robustes. Iléraclite attribue, comme Aristote, cette institution à Lycurgue et lui donne le même caractère. Platon se borne à dire que cet exercice habitue les jeunes gens à la fatigue. Sans prendre ces témoignages au pied de la lettre, on doit en admettre le sens général : les jeunes Spartiates étaient sans doute chargés, comme les éphèbes d’Athènes, de faire des rondes de jour et surtout de nuit dans la campagne et principalement dans la région montagneuse. C’était à la fois pour eux un exercice de gymnastique et une préparation à, la guerre Ils avaient en même temps à surveiller les hilotes, à leur interdire les réunions nocturnes et pouvaient, le cas échéant, surtout aux époques troublées, les mettre à mort. Nous savons d’ailleurs que les jeunes gens formaient un corps qui pouvait être réuni à l’armée ; sous Cléomène III nous trouvons à la bataille de Sellasie un commandant de la xaui titct. Cette cruauté des Spartiates à l’égard des hilotes s’explique par les inquiétudes perpétuelles que ceux-ci leur causaient.

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