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En souvenir de 1943, une révolution il y a 70 ans !

10 août 2014, 14:18, par R.P.

Sur la révolution des Juifs des camps :
Erich Maria Remarque dans « L’étincelle de vie » ou « Le combat des survivants » :

« Le SS Weber lui donna une bourrade : - signe, fumier ! Le prisonnier 509 (une des « vétérans » du camp, survivant des premières années) en avait assez lu : « Le soussigné se déclare volontaire… ». Il laissa retomber la feuille sur la table… - Je ne me déclare pas volontaire, prononça le 509… Il y eut un silence complet. – Quoi ? demanda alors Weber incrédule. Le 509 reprit son souffle. – Je ne me déclare pas volontaire. – Tu refuses de signer ? – Oui… Weber le fit basculer en avant et lui monta sur le dos…Le 509 poussa un cri et ne bougea plus. – Enlevez-moi ça… Bucher tremblait. Il ne voulait pas trembler, mais c’était plus fort que lui. Il était tout seul maintenant. Le 509 n’était plus là. Tout s’effondrait en lui. Il fallait faire vite comme le 509, sinon ce serait trop tard et il obéirait comme un automate. – Je ne signe pas non plus, balbutia-t-il. Weber ricana. – Regardez-moi ça ! Encore un. On se croirait revenu aux bons jours du début ! Bucher sentit à peine le coup. Il sombra dans des ténèbres pleines de craquements… Lorsqu’il revint à lui il était couché tout trempé près du 509 sur un sol en ciment… Lewinsky s’approcha. Il aperçut Goldstein près de lui. – Ils ont refusé. Tu aurais cru cela, toi ? – Non, pas de la part de prisonniers du petit camp… - Va trouver Werner, murmura-t-il. Va lui dire cela. Dis-lui aussi que celui qui nous demandait de ne pas oublier est revenu vivant. L’homme aquiesca et disparut en rasant le mur de la baraque… Lewinsky et Goldstein suivaient des yeux le convoi des brancardiers portant les corps des deux hommes encore en vie. – Cela représente un certain courage de la part de deux cadavres vivants de se révolter purement et simplement, non ? dit Goldstein. Je n’aurai jamais attendu cela d’un des hommes de la section des crevés. – Moi non plus. Lewinsky avait toujours les yeux fixés sur le petit groupe qui s’éloignait. – il faut qu’ils restent en vie, dit-il alors. Il ne faut pas qu’ils crèvent. Tu comprends pourquoi ? – Oui, s’ils crèvent, tout sera oublié dès demain. Sinon… « Sinon, ils seront pour le camp une preuve vivante qu’il y a quelque chose de changé », pensa Lewinsky. Mais il n’exprima pas sa pensée. – Nous avons besoin de cela, dit-il. Surtout maintenant. Ça aide à tenir. Goldstein approuva… - Il faut que quelques-uns d’entre nous demeurent, murmura le 509. Pour plus tard. Tout cela ne doit pas avoir été inutile. Quelques-uns qui ne soient pas brisés. Il s’étendit, épuisé. Penser le fatiguait autant que de courir… Le lendemain soir ils pouvaient parler. Leurs visages étaient si amaigris que toute enflure était réduite à peu de chose. Ils étaient couverts de tâches bleuet noir, mais leurs yeux s’ouvraient et leurs lèvres n’étaient que déchiquetées… - Quelques uns qui ne soient pas brisés et qui veuillent ne pas oublier… Lewinsky mit un paquet dans la main de Berger. – Tiens. C’est pour eux. – Quoi ? – De l’iode, de l’aspirine et du coton. Voici un rouleau de gze. Et ça, c’est de l’eau oxygénée. – Mais c’est toute une pharmacie, dit Berger, étonné. Où as-tu pris cela ? – Volé à l’hôpital. C’est l’un des nôtres qui nettoie. – Bon. Ça va être utile. – Voici du sucre. En morceaux. Donne-le leur dans de l’eau. C’est excellent, le sucre. – Du sucre ? demanda Lebenthal. Comment te l’es-tu procuré ? – Je ne peux pas te dire d’où il vient. C’est un homme de la baraque 9 qui l’a apporté…. La baraque 11 leur envoie ces six cigarettes… - Quand nous sortirons d’ici, dit-il, les gens ne vont pas tomber à genoux devant nous. On va vouloir tout oublier et tout repousser dans le passé. Nous avec le reste. Et beaucoup d’entre nous vont vouloir aussi oublier. – Je n’oublierai pas, dit sombrement Bucher. Ni cela, ni rien. – Bien. La vague d’épuisement allait le submerger… Lewinsky regardait avec étonnement le triangle rouge sur la veste du 509. Il ne s’attendait pas à cela. – Communiste ? demanda-t-il. Le 509 secoua la tête. – Socialiste ? – Non. – Alors quoi ? Il faut bien que tu aies été quelque chose ? Le 509 le regarda au visage. Ses orbites étaient encore marquées par les hémorragies. Ses yeux en étaient plus clairs encore ; ils semblaient ne pas faire partie de son visage détruit et noir. – Un bout d’humanité, si tu veux. – Quoi ? – Ça va, rien du tout. Lewinsky avait tout d’abord tiqué. – Ah, je vois un idéaliste, dit-il avec une nuance de mépris indulgent. Oh, après tout, ça m’est égal. Du moment qu’on peut compter sur vous. – Vous pouvez… Tu as fait partie du mouvement autrefois ? – Qu’est-ce que ça fait maintenant ? »

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