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La vraie vie de Gandhi et le mythe de la non-violence

29 août 2016, 15:00

Il n’existe aucune base qui permette d’affirmer que la campagne de désobéissance civile ait conduit directement à l’indépendance. Les campagnes de Gandhi connurent une fin lamentable environ 14 ans avant que l’Inde obtienne l’indépendance. Pendant la 1ère Guerre Mondiale les révolutionnaires indiens tentèrent d’obtenir l’aide allemande sous forme d’armes pour libérer le pays par la révolte armée. Mais la tentative échoua. Pendant la 2ème Guerre Mondiale Subhas Chandra Bose suivit la même méthode et créa l’INA. En dépit de plans brillants et de succès initiaux, les violentes campagnes de Subhas Bose échouèrent … Les batailles pour la liberté de l’Inde étaient aussi menées contre la Grande-Bretagne, bien qu’indirectement, par Hitler en Europe et par le Japon en Asie. Aucune n’eut de succès direct, mais peu nieront que ce fut l’effet cumulé des trois qui apporta la liberté à l’Inde. En particulier, les révélations faites lors du procès de l’INA, et la réaction qu’il produisit en Inde, rendit assez évident pour les Britanniques, déjà épuisés par la guerre, qu’ils ne pourraient plus longtemps dépendre de la loyauté des supplétifs indiens pour maintenir leur autorité en Inde. Cela eut probablement la plus grande influence sur leur décision finale de quitter l’Inde.

En dépit de la défaite du Japon et de la reddition de l’INA qui suivit sur le front indo-birman, Subhas Chandra Bose et l’INA devinrent des noms vénérés dans le pays lorsque les soldats de retour furent persécutés par les Britanniques. En même temps, le Congrès dirigé par Gandhi et Nehru s’était démobilisé, et l’année 1945 semblait relativement calme et vide d’événements. Cependant, Netaji et sa légende produisirent un mouvement dans tout le pays, que même un Gandhi ne put jamais provoquer. Faisant écho à ce bouillonnement des masses, Michel Edwards écrivit dans son livre Last Years of British India :

Le gouvernement de l’Inde avait espéré, en persécutant les membres de l’INA, renforcer le moral de l’armée indienne. Il réussit seulement à créer un malaise, en rendant les soldats indiens quelque peu honteux d’avoir eux-mêmes soutenu les Britanniques. Si Bose et ses hommes avaient été du bon côté — et toute l’Inde confirmait maintenant qu’ils l’avaient été — alors les Indiens de l’armée indienne britannique devaient avoir été du mauvais côté. Cela fit lentement prendre conscience au gouvernement de l’Inde que la colonne vertébrale du pouvoir britannique, l’armée indienne, ne pourrait plus longtemps être digne de confiance. Le fantôme de Subhas Bose, tel le père de Hamlet, parcourait les fortins du Fort Rouge (là où les soldats de l’INA avaient été jugés), et sa figure soudain grandie terrifia la conférence qui devait mener à l’indépendance.

Hormis les historiens révisionnistes, ce fut Lord Clement Atlee — le Premier Ministre britannique qui accorda l’indépendance à l’Inde — lui-même, qui donna un coup fracassant au mythe que cherchaient à perpétuer les historiens officiels, selon lequel Gandhi et son mouvement avaient mené le pays à la liberté. Le Juge P.B. Chakrabarty de la Haute Cour de Calcutta, qui avait également servi comme Gouverneur du Bengale de l’Ouest, révéla ce qui suit dans une lettre adressée à l’éditeur du livre du Dr R.C. Majumdar, Une Histoire du Bengale. Le Juge écrivait :

Vous avez rempli une noble tâche en persuadant le Dr Majumdar d’écrire cette histoire du Bengale et de la publier … Dans la préface du livre, le Dr Majumdar a écrit qu’il ne pouvait pas accepter la thèse que l’indépendance de l’Inde fut obtenue seulement ou en grande partie par la campagne de désobéissance civile non-violente de Gandhi. Lorsque j’étais Gouverneur en exercice, Lord Atlee qui nous avait donné l’indépendance en procédant au retrait britannique de l’Inde, passa deux jours dans le palais du Gouverneur à Calcutta pendant son voyage en Inde. A cette époque, j’eus une discussion prolongée avec lui au sujet des raisons réelles qui avaient conduit les Britanniques à quitter l’Inde. Ma question directe fut que depuis que la campagne « Quittez l’Inde » de Gandhi avait cessé depuis déjà quelque temps et qu’en 1947 aucune nouvelle situation de ce genre n’était survenue qui aurait nécessité un départ britannique hâtif, pourquoi durent-ils partir ? Dans sa réponse Atlee cita plusieurs raisons, la principale d’entre elles étant l’érosion de la loyauté envers la Couronne britannique dans le personnel de l’Armée indienne et de la Marine, en résultat des activités militaires de Netaji. Vers la fin de la discussion je demandai à Atlee quelle importance avait eu l’influence de Gandhi sur la décision britannique de quitter l’Inde. En entendant cette question, les lèvres d’Atlee se plissèrent en un sourire sarcastique, et il laissa tomber lentement : « mi-ni-ma-le ! »

(extrait d’un article de Ranjan Borra, dans le Journal of Historical Review, hiver 1982)

« … B.G. Tilak a joué un rôle de tout premier plan pour protéger son peuple de l’acculturation occidentale et qu’il fut le principal catalyseur de la lutte pour l’indépendance avant Gandhi. (…) A là différence de Gandhi, B.G. Tilak n’allait pas chercher ses références en dehors de la tradition à laquelle il appartenait. Il était d’ailleurs reconnu comme le représentant incontesté de l’orthodoxie hindoue au sein du parti du Congrès qu’il avait contribué à transformer, du club politique favorable aux Anglais qu’il était à l’origine, en un instrument de combat contre la puissance coloniale. C’est lui qui, le premier, lança l’idée du swaraj, ainsi que de nombreuses formes d’action reprises par son successeur : boycottage du service du gouvernement, refus de payer l’impôt, jeûnes, swadeshi (achat de produits indiens), etc ; il admettait cependant la révolte armée. Principal animateur du parti du Congrès avant que Gandhi n’entre en scène, il mourut le 1er août 1920, le jour où Gandhi lança son premier Satyagraha (action non-violente) qui se solda d’ailleurs par un échec (connu sous le nom de ‘massacre d’Amritsar’).

Nombreux, en effet, sont ceux en Europe qui considèrent Gandhi comme un authentique représentant de l’hindouisme, alors qu’en fait son retour, la quarantaine passée, à la religion de ses pères (qui étaient jaïnistes) était davantage motivé par les nécessités de l’action politique que par conviction ou fidélité. Il s’appuyait en effet sur des écrivains aussi divers que Tolstoï, Carlyle, Rousseau, Emerson, pour ne citer que les principaux, et il ne faut pas oublier non plus qu’il faillit se convertir au christianisme à deux reprises. Gandhi avait, contrairement à Tilak, l’appui de la grande bourgeoisie occidentalisée, et c’est ce qui fit sa fortune politique. Par l’image du moine errant (sadhou) ou du renonçant, qu’il s’était donnée, Gandhi se plaçait de fait en dehors des voies du pouvoir, comme d’ailleurs en dehors de la société indienne. Le titre honorifique qui était le sien, ‘Mahatma’, était purement spirituel et n’impliquait rien de temporel. Par contre, la conscience populaire avait décerné à Tilak deux titres de souveraineté : ‘Lokamanya’, c’est-à-dire ‘honoré par le monde entier’, et ‘Maharaj’ (‘grand roi’) ; le premier mettant l’accent plus sur sa renommée religieuse et culturelle, le second sur sa renommée politique. C’est qu’en effet B.G. Tilak est une incarnation de l’idéal aryen de souveraineté en ce qu’il réalisa en lui-même et dans sa vie une synthèse du brahmane et du kshatriya, ou en des termes plus proches de nous, du prêtre et du guerrier. »

(Jean Rémy, introduction à la réédition du livre de B.G. Tilak : Origine polaire de la tradition védique, Archè 1979)

« L’usage fait par le Mahatma Gandhi de la théorie de la non-violence comme arme politique n’a rien à voir avec la tradition hindoue. La non-violence est une technique de perfectionnement strictement individuelle. Elle ne peut servir à des fins politiques et ne peut avoir de place dans le gouvernement des Etats. Toute la Bhagavad Gita est en fait une leçon donnée à Arjuna qui voulait renoncer à la violence et manquer ainsi à son devoir de prince et de soldat. Gandhi a été en fait, grâce à ses théories sur la non-violence, l’instrument de massacres à une échelle presque sans précédent historique, qui ont précédé et suivi la division de l’Inde qu’il avait acceptée. »

(Alain Daniélou, Les Quatre Sens de la vie, Editions du Rocher, 1992)

« On a appelé Gandhi le Mahatma, c’est-à-dire ‘la grande âme’. C’était certainement un être humain tout à fait exceptionnel ; mais la philosophie de Gandhi était totalement inadaptée à l’Inde, car ses idéaux formaient un mélange de catholicisme exalté et de socialisme tolstoïen, deux qualités qui appartiennent beaucoup plus à l’Occident qu’à l’Inde. Les aspirations qu’il eut pour l’Inde non seulement n’aboutirent à rien, mais firent quelquefois un tort considérable à ce pays, qu’il aimait plus que tout. Pour comprendre Gandhi, il faut donc comparer ses aspirations et les résultats qui en découlent aujourd’hui. (…) Le Mahatma fit beaucoup pour l’Inde. Mais s’appliqua-t-il à l’essentiel ? Il promut le rouet au rang de devoir sacré, il passait lui-même plusieurs heures par jour à filer le coton. (…) Nulle part le grand moralisme chrétien de Gandhi ne trouva meilleure expression que dans son attitude envers le sexe … pour résoudre le problème démographique en Inde, qui annihile tous les progrès que ce pays a faits depuis cinquante ans, Gandhi préconisait l’abstinence et était contre toute forme de contraception. Mais le Mahatma pensa-t-il une seconde à toutes les femmes indiennes qui doivent subir des avortements douloureux et humiliants ? Et comment peuvent-elles persuader leurs maris de s’abstenir sexuellement lorsqu’elles sont fécondes ? Pourquoi, d’autre part, imposer aux autres ce qu’il pratiquait lui-même ?
(…) Pour le monde entier, Gandhi est synonyme de non-violence … Mais avait-il compris, demandent ses critiques, que la non-violence fait quelquefois plus de mal que la violence elle- même ? Que la violence peut être dharma [devoir], que le devoir de défendre son pays, ses femmes et ses soeurs contre les agresseurs ? (…) Gandhi ne semble pas avoir réalisé non plus l’ampleur du danger que le nazisme représentait pour l’humanité. Il appela Hitler, l’homme qui tua six millions de Juifs, ‘mon frère bien-aimé’ et conseilla aux Juifs d’utiliser la non-violence face à l’extermination hitlérienne. Cette innocence frise la crédulité criminelle.

Finalement, il faut le dire, quelle que soit la sainteté de Gandhi, sa rigidité morale … et son ascétisme firent un mal énorme à l’Inde, en particulier dans sa manière d’approcher la question des intouchables et des musulmans. Il fallait toujours qu’il cède devant les exigences de ces derniers, et il refusait obstinément de voir que les musulmans étaient toujours à l’origine des émeutes, les hindous ne faisant que répondre. Il professait une indulgence sans bornes envers Jinnah, à qui il proposa même de devenir le Premier ministre de l’Inde, alors que les musulmans ne constituaient que 11% de la population. Quand à l’amour de Gandhi pour les harijans, les ‘enfants de Dieu’, comme il les appelait, il était très touchant, mais parfaitement inefficace.(…) Vous avez dit non-violence ? Mais Gandhi fit la plus grande violence à son corps en jeûnant toute sa vie pour soumettre les autres à sa volonté. Il y avait là non seulement un élément très chrétien de mortification, mais aussi un chantage auquel personne n’osa résister. ‘Il est hors de doute’, écrit Alexandra David-Neel, ‘que l’attitude préconisée par Jésus domine moralement de très haut le caractère affecté et théâtral des jeûnes du Mahatma …’. »

(François Gautier, Un autre regard sur l’Inde, Editions du Tricorne, 2000)

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