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Luttes de classes en Côte d’Ivoire

30 septembre 2014, 14:04

Crée il y a plusieurs années, Gobelet est un vaste quartier précaire situé dans la commune de Cocody. Avec un nombre élevé d’habitants, il ne dispose d’aucune infrastructure de base et est sur le point d’être complètement détruit par les autorités. L’article 25 de la déclaration universelle des Droits de l’homme stipule que toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires. Partant de cette disposition légale, toutes les personnes vivant sur le territoire de Côte d’Ivoire ont droit à une assistance de la part des autorités. Mais, force est de constater des personnes résidant dans certains quartiers du District d’Abidjan sont laissées pour compte. Pis, leur lieu d’habitation ne font pas partie du plan d’urbanisation. Parmi ces nombreux quartiers, l’on peut citer ‘’Gobelet’’, un immense bidonville de plus de 25.000 habitants qui, aux dires du président des jeunes, Traoré Mamadou, dispose de « 10 sous quartiers qui sont : Château ; Boston ; Dar-es-Salam ; Mirador ; Chicago ; Liban ; Tenkoro ; Bougounie ; Obama et Cma. Ces sous-quartiers sont gérés chacun par un chef au dessus desquels se trouve le président des jeunes. Situé dans une crevasse, à Cocody, ce bidonville est né en 1955. Par le passé, il était à l’emplacement du supermarché Cash center situé au quartier II Plateau Vallon (Cocody) mais, avec les grands projets de lotissements, de construction et les plans de développement de la ville d’Abidjan, il a été déplacé jusqu’à son actuel emplacement. Difficile d’accès, ‘’Gobelet’’ n’est pas viabilisé et ne dispose d’aucune infrastructure. Et la grande saison des pluies de ce mois de juin n’arrange en rien une situation déjà chaotique et dramatique. Ni école, ni hôpital,… les habitants de Gobelet côtoient quotidiennement la mort Ce vaste quartier qui abrite aussi bien des populations expatriées que des nationaux venues de toutes les régions du pays ne dispose d’aucune infrastructure sanitaire ni d’éducation. En un mot, il n’y a ni école, ni centre de santé, encore moins des rues, ni des lampadaires à Gobelet. Gobelet n’est pas loti. Les habitations se partagent les énormes et les petits caniveaux à ciel ouvert. Les eaux usées, les ordures, la saleté et les odeurs nauséabondes y ont élu domicile au point où les maladies menacent quotidiennement la santé des habitants. Mais, personne ne semble s’en émouvoir. Certaines habitations menacent de s’effondrer à chaque instant. Par manque de moyens financiers et ne bénéficiant pas du soutien de l’Etat de Côte d’Ivoire, l’on s’efforce d’y vivre en surveillant. Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur la ville d’Abidjan ces dernières semaines n’ont pas découragé ces personnes. Mais ont-elles le choix ? Mais ne vous y méprenez pas, la vie à Gobelet s’écoule normalement comme dans les autres quartiers. Après 59 ans d’existence, ce bidonville qui côtoie le quartier chic de Cocody-Vallons est menacé de disparition. Le ministre de la Construction en visite le lundi 30 juin 2014 dans ces quartiers à risques leur avait promis une solution miracle. « Nous sommes en Afrique. Appelez vos frères, vos cousins, je sais qu’ils vont accepter de vous héberger parce que dans quelques jours nous allons commencer à détruire les maisons ici. Par la suite, nous allons trouver 850 hectares de terrain dans les villes de Grand-Bassam, Abobo, Bingerville pour vous y relocaliser ». Il leur a notamment signifié que la solution durable qu’envisage le gouvernement est la mise en place du projet pilote qu’on appelle ‘’Lotissement a équipement modéré (LEM)’’ qui court sur une année sinon, voir plus. Moins d’un mois après, comme un coup de massue, alors que les habitants n’ont pas eu le temps de digérer cette nouvelle que le sous quartier, CMA, a vu les machines du ministère de la Construction venir détruire certaines maisons. Une action qui vient confirmer ce que la ministre de la Communication Affoussiata Bamba avait dit le lundi 30 juin 2014. « Il faut partir de ces zones parce que vos vies sont en danger. Nous avons 23 morts aujourd’hui. Nous ne voulons plus jamais vivre ce genre de situation en Côte d’Ivoire ». Interrogé sur place, Touré Mamadou, reconnait avoir reçu des mises en demeure depuis le 2 juillet 2014 pour dire à la population de Gobelet que l’opération allait débuter le 4 juillet 2014. Néanmoins, il souhaitait avoir plus de jours pour préparer les habitants à partir en mettant en place un comité de crise avec les chefs des sous-quartiers. Mais ayant été surpris par l’arrivé inatendue des machines le lundi 21 juillet, « certaines familles ont perdu tous leurs biens et les dégâts sont inestimables », a dénoncé Touré Mamadou avec tristesse. « C’est le désarroi et la déception ce matin. Nous aurions voulu qu’on nous associe à l’opération. Et nous allions utiliser des marteaux pour casser les maisons situées sur les flans. Mais c’est toute la population du sous quartier CMAAPSA qui doit partir parce qu’ils ont commencé à détruire toutes les maisons là-bas. Donc nous nous demandons qu’elle sera l’avenir des autres quartiers », s’est-il interrogé. C’est sans réponse à cette que question qu’il a souhaité « que les choses se fassent en respectant certaines normes, puisque toutes les maisons ne sont pas situées dans les zones à risque ». Policiers, gendarmes, militaires et les jeunes de Gobelet se sont battu à coup de bombes lacrymogènes Le mardi 22 juillet, un détachement de policiers, gendarmes et de militaires étaient à nouveau devant le quartier CMA-APSA pour sécuriser la suite de l’opération de destruction. Mais ils ont été confrontés à un mur formé par une marée humaine venue de tous les sous quartiers de Gobelet. Pour eux, il n’était pas question de toucher à une maison quelle que soit sa position. Ces populations composées en grande majorité de jeunes s’en sont pris aux forces de l’ordre déployées sur les lieux en leur jetant des pierres. Les présidents des sous-quartiers avec à leur tête le président des jeunes ont tenté de les en dissuader. En colère ils refusaient toutes discussions. Dans ce désordre, Touré Mamadou a laissé entendre : « nous ne pouvons pas aller contre une décision de l’Etat de Côte d’Ivoire. Nous sommes d’accord que cette opération ait lieu donc les jeunes doivent se calmer et nous écouter. En même tant nous disons que la seule voie pour régler au mieux cette situation est la négociation et la médiation. En plus, le Commissaire du 30ème Arrondissement Gnassi Hermane, est prêt à discuter avec nous ». La condition était que les jeunes libèrent la route qu’ils ont barricadé avec des tables, des bancs et autres morceaux de bois. De leur côté, excédés par ces individus visiblement très remontés et prêt à s’en prendre à eux, les hommes en tenue n’ont eu d’autres recours que de balancer les bombes lacrymogènes pour les disperser. Grande fut leur surprise lorsque les jeunes de Gobelet, ramassaient ces mêmes bombes pour les lancer dans la direction des forces de l’ordre. Ces derniers n’ont eu d’autre solution que de replier pour revenir par la suite sur leurs pas, et après avoir reçu du renfort. Il y a de cela deux ans, le ministre prévenait… « Il ya deux ans en arrière, vous nous avez vu sillonner vos quartiers, vos maisons. Pour venir vous lancer des messages de sensibilisations. Pour attirer votre attention sur le fait que rien ne vaut la vie. Aujourd’hui, je vois les mêmes maisons, je vois leur position. Et des kits de relogement avaient déjà été distribué », a rappelé Sanogo Mamadou. Il a par la même occasion expliqué que ceux qui ont vendu ces sites n’avaient pas le droit de le faire. Ces propos du ministre de la Construction sont reconnus par Lobad Etienne, président du sous-quartier CMA-APSA. Selon lui, depuis 2012, le ministère de la Construction y a dépêché ses agents avec à leur tête le capitaine Pikas. Ceux-ci ont identifié les maisons dont les positions constituaient des risques et les propriétaires devaient être dédommagés à hauteur de 150.000 F CFA conformément au plan ORSEC. Toutefois, soutient Lobad Etienne, « seulement une vingtaine de personnes ont eu accès à ces sommes promises. Et par la suite, l’opération a été interrompue. Pour cette année 2014, nous nous sommes tournés vers les Organisations des droits de l’homme que sont la LIDHO et Anesty International parce que ni la mairie, ni le ministère de la construction n’ont accepté de nous recevoir. Mais dans l’attente de la suite des discussions entre ces Organisations et les autorités, nous avons vu apparaître les machines qui ont commencé à détruire nos maisons ».

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