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Histoire des grèves à la Poste

3 mars 2015, 21:16

C’est la grève : Poussés à bout, les postiers l’ont déclarée au meeting de Tivoli

J’écris ces lignes après minuit sous l’impression toute chaude que mes camarades de l’Humanité rapportent du meeting postier du Tivoli-Vaux-Hall, auquel leurs obligations professionnelles leur faisaient un devoir d’assister. Tous sont unanimes à constater l’esprit de sacrifice et d’indomptable résolution qui animait les six mille employés présents à cette réunion. Ils se rendaient compte de la gravité de la décision qu’ils allaient prendre, et ils n’ont pas cédé à un entraînement passager de réunion tumultueuse en décidant la cessation du travail.

Mais, après, les actes de répression odieux de ces jours derniers, après le déni de justice des juges du tribunal de la Seine ; attendant pour condamner leurs collègues que les ministres eussent trouvé un motif d’inculpation qui n’existait pas encore quand les prévenus, comparaissaient devant eux ; après les scènes de brutalité dont le hall du service central avait été le théâtre ; tout cela s’ajoutant aux mensonges provocateurs proférés à la tribune lors de la discussion du budget, après tous ces attentats perpétrés contre leur qualité de fonctionnaires, contre leurs droits de citoyen, contre leur dignité d’hommes, ils ont estimé qu’ils n’avaient pas d’autre recours que le cessation du travail.

Que là responsabilité du trouble passager que la décision des employés des Postes jettera dans un grand service public retombe tout entière sur ceux qui ont, amené, qui ont rendu inévitable cette grève : D’abord, sur le sous-secrétaire d’État qui par ses accès de phobie intermittente contre tous à tous les degrés de la hiérarchie et dans tous les services, a exaspéré un personnel d’élite, prêt à tous les dévouements ; Ensuite, le gouvernement tout entier, que sa politique de défiance, de haine, de défis incessants à ses fonctionnaires, a poussé aux pires mesures de rigueurs, aux violences, matérielles et morales telles qu’on n’en vit jamais sous aucun gouvernement de réaction le plus éhonté. Enfin, les responsables les plus coupables ne sont peut-être pas M. Simyan ni le cabinet, mais la majorité qui a tout puni, tout sanctionné, qui a encouragé de ses votes constants de son approbation servile, la politique, néfaste de ces trois années.

Oui ! Les députés de la majorité sont Au premier chef les plus coupables. Ils ont assisté, impassibles, à l’amoncellement des. injustices commises, à la perpétration de tous les attentats. Et ils n’ont même pas l’excuse de n’avoir pas su, d’avoir ignoré les flots, d’amertume qui s’amassaient dans l’âme, confiante des fidèles et loyaux serviteurs de l’État et du public que sont les employés des Postes et. des Télégraphes. Ils savaient quelle crise se nouait, quelles, conséquences allaient avoir l’entêtement puéril autant que misérable du directeur de l’administration des Postes.

Hier encore, dans les couloirs, tout le monde déplorait les condamnations abominables prononcées dans l’après-midi. Pas un député radical qui ne fût convaincu qu’on pouvait prévenir la résolution de ce soir, en tendant une main. conciliante et amie à ces employés que le chef de la police injurie jusqu’à leur table de travail. Ils étaient unanimes à regretter les provocations et les excès d’une autorité arbitraire, à reconnaître que les coups de force d’une dictature incohérente auxquels nous assistons depuis quelque temps devaient aboutir à la cessation du travail. Pas un n’a osé, n’a tenté de proclamer la vérité.

Acculés à la résistance héroïque, les employés des postes ont dû prendre une décision qu’il était facile de prévenir, avec seulement le retour à un peu de justice. Quelles que soient les suites que comporte la résolution votée au Tivoli-Vaux-Hall tout à l’heure, nous adjurons le prolétariat et l’opinion publique de ne pas faillir au devoir de solidarité et de justice. Le droit est avec les victimes. La cessation du travail est imputable à ceux-là seulement qui l’ont provoquée. Les sympathies de l’opinion et du prolétariat iront aux "grévistes malgré eux" que sont les les employés des Postes.

Gustave Rouanet – L’Humanité – 16 mars 1909

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