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03- Matière et lumière dans le vide

29 septembre 2010, 17:37, par Robert Paris

« La lumière est émise par des gaz atomiques dilués, avec des longueurs d’onde spéciales si insensibles aux influences extérieures qu’on peut s’en servir pour fabriquer des horloges précises au cent millième de milliardième. Mais ces longueurs d’onde ont un décalage détectable au dix millionième qui n’aurait pas dû exister dans un monde idéal ne contenant rien d’autre que l’atome. Des calculs difficiles mais bien contrôlés ont alors révélé que ce décalage était un effet électrique du vide de l’espace, pas très différent de celui que rencontre un électron lorsqu’il passe à l’intérieur d’un câble métallique ou d’une puce d’ordinateur. Autrement dit, l’espace apparemment vide ne l’est pas du tout, il est plein de « quelque chose ». Le mouvement sympathique de ce « quelque chose » quand la matière passe change légèrement les propriétés de celle-ci, exactement de la mêle façon que le mouvement sympathique des électrons et des atomes dans une vitre de fenêtre modifie les propriétés de la lumière qui la traverse, et provoque sa réfraction. (…)
C’est en général avec la force nucléaire qu’un étudiant rencontre pour la première fois cette idée : le vide de l’espace n’est pas réellement vide. Etre confronté à ce fait – un rite de passage de la physique – est à la fois exaltant et perturbant. (…) A l’intérieur d’un noyau, il y a fondamentalement les protons et les neutrons, mais leur comportement a été modifié par le milieu où ils se meuvent, le vide apparemment vide de l’espace. Le milieu n’est passif que lorsque l’expérience est faite délicatement (…) Mais si l’expérience est violente, la nature dynamique du milieu apparaît et toutes les théories s’écroulent.
La violence est courante en physique nucléaire : les forces à l’œuvre entre protons et neutrons sont si énormes ! (…) Paradoxalement, l’un des rares effets délicats en physique nucléaire est la fission thermique de l’uranium. Un stupéfiant accident de la nature permet à un neutron qui ne va pas plus vite qu’une molécule d’air de déclencher la réaction, ce qui multiplie l’énergie du neutron par cent millions. C’est cette propriété particulière de l’uranium qui rend possibles les réacteurs nucléaires à eau. (…)
Les propriétés de l’espace vide qui sont pertinentes pour notre vie ont tous les signes distinctifs des phénomènes émergents, caractéristiques d’un état de la matière. (…) Les similitudes entre le vide de l’espace et les états à basse température sont légendaires en physique. (…) D’ailleurs, plus on étudie les descriptions mathématiques des états froids, plus on s’habitue à utiliser les terminologies parallèles de la matière et de l’espace de manière interchangeable. Au lieu d’un état de la matière, nous parlons d’un vide. Au lieu de particules, nous parlons d’excitations. Au lieu de mouvements collectifs, nous parlons de « quasi-particules ». (…) On estime que le vide, quand on le refroidit à partir de très hautes températures, passe par des « marches » successives qu’on appelle des transitions d’unification, où les forces connues de la nature se séparent séquentiellement des forces fondamentales qui les engendrent. (…)
Grâce aux études menées avec les grands accélérateurs de particules, nous avons compris aujourd’hui que l’espace ressemble d’avantage à une vitre de fenêtre qu’au vide newtonien idéal. Il est rempli d’un « matériau » qui est normalement transparent mais que l’on peut rendre visible en le frappant assez fort pour en détacher un morceau. Le concept moderne du vide de l’espace, confirmé quotidiennement par l’expérience, est un éther relativiste. »

Le physicien Robert B. Laughlin dans « Un univers différent »

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