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La mémoire, une reconstruction du passé tournée vers le futur

3 janvier 2010, 21:33, par Robert Paris

Le principal point commun entre les pratiques historique et psychanalytique réside dans l’exploration du passé.

Dans ses Cinq leçons sur la psychanalyse, Freud écrit : « Les monuments dont nous ornons nos grandes villes sont des symboles commémoratifs du même genre. Ainsi, à Londres, vous trouverez devant une des plus grandes gares de la ville, une colonne gothique richement décorée : Charing Cross. Au XIIIe siècle, un des vieux rois Plantagenêt qui faisait transporter à Westminster le corps de la reine Éléonore éleva des croix gothiques à chacune des stations où le cercueil fut posé à terre. Charing Cross est le dernier des monuments qui devait conserver le souvenir de cette marche funèbre. A une autre place de la ville, non loin du London Bridge, vous remarquerez une colonne moderne très haute que l’on appelle "The monument". Elle doit rappeler le souvenir du grand incendie qui, en 1666, éclata tout près de là et détruisit une grande partie de la ville. Ces monuments sont des "symboles commémoratifs" comme les symptômes hystériques. […] Mais que diriez-vous d’un habitant de Londres qui, aujourd’hui encore, s’arrêterait devant le monument du convoi funèbre de la reine Éléonore, au lieu de s’occuper de ses affaires […] ? Ou d’un autre qui pleurerait devant "le monument" la destruction de la ville de ses pères […] ? Les hystériques et autres névrosés se comportent comme les deux Londoniens […] ; ils ne se libèrent pas du passé. » [3]

Freud a quasiment fait, en son temps, le rapprochement avec l’histoire, par le biais de l’archéologie. L’analyste, selon lui, travaille comme « l’archéologue qui déterre une demeure détruite ou ensevelie, ou un monument du passé. […] Cependant, de même que l’archéologue, d’après des pans de murs restés debout, reconstruit les parois de l’édifice […], de même l’analyste tire ses conclusions des bribes de souvenirs, des associations et des déclarations actives de l’analysé. » [4]

Les psychanalystes cherchent à exhumer ce qui est demeuré enseveli dans l’inconscient du patient. Le refoulement est semblable à l’ensevelissement de ruines que les archéologues doivent mettre à jour et à partir desquelles ils doivent tenter une reconstitution du passé.

Le travail de l’historien ressemble à celui de l’analyste dans la mesure où il démarre à partir des traces laissées par le passé. Le psychanalyste, lui, travaille à partir des symptômes qui constituent la trace laissée par un trouble plus ancien survenu dans la vie du patient, ainsi que sur la parole de ce dernier dans le cadre de la cure analytique. Les sources de l’historien sont les archives, les vestiges archéologiques, les images... ; celles du psychanalyste, les libres associations.

L’analyse est en quelque sorte une recherche historique… mais à l’échelle de l’individu, du patient, alors que l’historien s’intéresse aux sociétés. Finalement, l’un s’intéresse à l’inconscient individuel, l’autre à l’inconscient collectif. L’histoire, d’après son étymologie, est une « enquête ». Elle est un essai de reconstruction du passé. Le psychanalyste et son patient aussi, enquêtent, puisque, d’après les libres associations, ils doivent retrouver ce qui, dans le passé, fut responsable de la maladie ou du mal-être du patient.

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