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Le matriarcat chez les Indiens des Amériques

11 avril 2019, 05:57

Chez les Hurons, la propriété du sol était essentiellement collective. Gabriel Sagard, missionnaire catholique français, en a décrit les bases. Les Hurons, « ayant autant de terre comme il leur [était] nécessaire », pouvaient en attribuer une part à chaque famille et disposer encore d’un large surplus possédé en commun. Tout Huron était libre de défricher la terre et de l’ensemencer. Il en avait la possession aussi longtemps qu’il continuait de la cultiver et de s’en servir. Une fois abandonnée, elle revenait à la propriété commune et tout un chacun pouvait la reprendre pour lui-même. Bien que les Hurons aient apparemment détenu des terres à titre individuel, la portée de cette possession personnelle paraît avoir été toute relative : l’emplacement central des récipients à grain, dans les « maisons longues » qui abritaient les multiples familles d’un même groupe de parenté, suggère que les occupants d’une maison donnée mettaient toute la production en commun.

Les Iroquois avaient un système similaire de distribution des terres. La tribu possédait toutes les terres, mais attribuait des territoires aux différents clans qui les répartissaient à leur tour entre les ménages pour les cultiver. Le terrain était régulièrement redistribué entre les ménages, au bout de quelques années. Un clan pouvait demander une réaffectation des territoires lors des réunions du Conseil des Mères de clan. Les clans coupables d’abus de terrain ou de négliger celui qui leur était alloué, recevaient un avertissement du Conseil des Mères. La pire punition était l’attribution de leur territoire à un autre clan. La propriété de la terre était l’affaire des femmes, de même que la culture du sol pour la nourriture était leur travail.
Le Conseil des Mères réservait aussi certaines portions de terrain pour être travaillées en commun par les femmes de tous les clans. La nourriture produite sur ces terres, appelée kěndiǔ"gwǎ’ge’ hodi’yěn’tho, était consommée lors des fêtes et des grands rassemblements.

La division du travail reflétait le clivage dualiste caractéristique de la culture iroquoise, où les dieux jumeaux Hahgwehdiyu, Jeune Arbre (Est) et Hahgwehdaetgah, Silex (Ouest) personnifiaient la séparation fondamentale entre deux moitiés complémentaires. Le dualisme appliqué au travail attribuait à chaque sexe un rôle clairement défini qui complétait celui de l’autre. Les femmes accomplissaient les tâches liées aux champs et les hommes, celles attachées à la forêt, y compris le défrichement et le travail du bois. Les hommes se chargeaient principalement de la chasse, de la pêche, du commerce et du combat, alors que les femmes s’occupaient de l’agriculture, de la cueillette et des tâches ménagères. Les activités artisanales étaient réparties également entre les sexes. Les hommes réalisaient les constructions et l’essentiel des équipements, y compris les outils utilisés par les femmes pour les travaux des champs, tandis que les femmes assuraient la fabrication du petit matériel de piégeage, des poteries et de la plus grande part des ustensiles ménagers, de l’ameublement, des articles textiles et des vêtements. Cette spécialisation par sexe était la principale façon de diviser le travail dans la société iroquoise. À l’époque de la rencontre avec les Européens, les Iroquoises produisaient environ 65% des biens et les hommes 35%. En combinant des productions alimentaires différentes et réparties sur presque toute l’année, ce système mixte réduisait les risques de disette et de famine. Selon Bruce Johansen (1999), les premiers colons européens ont souvent envié les performances de la production vivrière iroquoise.

L’organisation du travail des Iroquois était cohérente avec leur système de propriété du sol : à propriété commune, travail en commun. Pour les tâches difficiles, les femmes constituaient de grands groupes et allaient de champ en champ en s’entraidant pour travailler leurs terres. Pour les semailles menées en commun, une « maîtresse des champs » distribuait à chacune une quantité donnée de semence. Dans chaque groupe, les Iroquoises confiaient à l’une d’entre elles, ancienne, mais active, le rôle de chef des travaux pour l’année à venir, et s’engageaient à suivre ses directives. Les femmes coopéraient aussi en d’autres occasions. Ainsi, elles coupaient elles-mêmes leur bois, mais leur chef en supervisait le transport collectif jusqu’au village. Les clans de femmes assuraient encore de nombreuses tâches et selon Mary Jemison, une blanche qui s’était assimilée à la société indienne, l’effort collectif évitait « toute jalousie entre celles qui en auraient fait plus ou moins que les autres ».

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