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Réflexions sur la nature de l’État et de la dictature du prolétariat dans la transition au communisme - La discussion sur la question de l’Etat a démarré

27 août 2019, 07:57, par Robert Paris

Cher Olivier, chers tous,

Certes, dans les luttes sociales comme dans toutes les positions politiques, le dogmatisme n’est pas une aide et est une entrave comme un moralisme détaché des réalités. Les réalités ne peuvent être perçues dans leur dynamique que de manière dialectique, pas dans une philosophie dichotomique du bien et du mal. Il n’y a pas de dogmatisme de la forme d’organisation à soutenir mais il faut absolument rester fermes sur la défense de l’auto-organisation du prolétariat. Personne ne peut sauver les exploités et les opprimés en se substituant à eux. Ce n’est pas de la morale, c’est une leçon de l’Histoire des luttes de classes !

Soviets, conseils d’usine, conseils de quartiers, coordinations, ou d’autres formes d’organisation qui seront issues des luttes réelles, on n’a pas à le décider dans l’abstrait, en dehors d’une lutte réelle. Car il se peut que, du fait du cours des événements, nos adversaires aient réussi à mettre la main sur les conseils d’usine alors qu’ils n’y sont pas parvenus sur les conseils de quartier, ou l’inverse. Une décision ferme posée en principe moral, hors de la réalité, ne peut que nous piéger dans ce cas.

De même que le dogmatisme va nous enseigner que tout ce qui vient de la classe ouvrière serait bon et tout ce qui vient de la bourgeoisie ou de la petite bourgeoisie serait mauvais. Bien sûr, là aussi, pas question de renoncer au rôle dirigeant du prolétariat dans les luttes de classes. Mais diriger ne signifier pas s’isoler. Il faut diriger les couches opprimées même si elles sont petites-bourgeoises. Il faut lutter pour toutes les libertés, même les libertés bourgeoises et petites bourgeoises, même si le capitalisme ne permet plus de les défendre. La révolution prolétarienne, elle, peut s’en emparer dans le cours de sa lutte, non pour s’y arrêter mais pour les dépasser en suivant son cours vers le socialisme et le communisme. Le dogmatiste dira que ce qui est liberté bourgeoise doit être rejeté, pas le révolutionnaire prolétarien. Ce dernier dira que les aspirations à la liberté sont toutes incluses dans le programme de la révolution prolétarienne mais sans semer la moindre illusion sur la capacité des forces bourgeoises de la réaliser.

La grève, parce qu’ouvrière, serait bonne par nature ? Faux. La grève contre un pouvoir révolutionnaire est le plus souvent contre-révolutionnaire. Elle ne l’est pas forcément par intention de ses participants qui font grève parce qu’ils subissent une misère insupportable. Elle l’est parce que cette misère n’agit pas contre ses responsables mais contre le pouvoir que les travailleurs viennent difficilement de mettre en place.

Les syndicats russes et la social-démocratie avaient une forte influence et s’en sont servis contre le pouvoir prolétarien, avant même la révolution d’Octobre. Ils l’ont fait encore plus massivement et violemment après la révolution d’Octobre. Syndicat des cheminots, syndicat des fonctionnaires, syndicat des employés et même certains syndicats ouvriers ont alors joué un rôle contre-révolutionnaire, notamment en menant des grèves insurrectionnelles contre le pouvoir ouvrier déstabilisé par la misère, par les destructions, par la catastrophe généralisée produite par la guerre civile. Ces grèves ne s’attaquaient pas à une oppression causée par le pouvoir bolchevik mais à une misère causée par les armées blanches, les armées social-démocrates, les armées de la réaction sous toutes ses formes, les armées impérialistes du monde entier. Mais elles ne s’attaquaient pas à ses responsables et les soutenaient même !

Dès le début de la révolution, certains révolutionnaires étaient réticents de mener la révolution jusqu’au bout. Ils restaient prisonniers de faux moralismes du genre « on ne combat pas une grève ouvrière ». Cela ne signifiait pas qu’il n’a pas existé des mesures bureaucratiques qui allaient contre les intérêts ouvriers. Cela signifie que le pouvoir prolétarien né en Russie ne pouvait réussir que s’il réussissait ailleurs qu’en Russie. Pas moyen dans une guerre de classes aussi violente, et rendue plus violente encore par la volonté des puissances impérialistes, de maintenir la démocratie, pas moyen de maintenir la paix, pas moyen de supprimer la violence, pas moyen de se passer de la répression.

Bien sûr, nous voyons ici revenir les fables sur Cronstadt. Cette citadelle de la Révolution en Octobre n’était plus la même, après des années de souffrances et de guerre civile. Le seul fait que le slogan adopté soit « les soviets sans Lénine et Trotsky » en dit long, car cela ne signifie nullement les soviets sans la bureaucratie ! Croire qu’il était possible de placer dans cette force armée au sein d’une capitale de la révolution une force armée contre celle-ci sans que les Blancs s’en servent alors que l’affrontement principal du moment opposaient pouvoir bolchevik et armées blanches alliées aux impérialismes, c’est se placer sur le terrain du sentimentalisme et du moralisme, non sur celui de la réalité sociale et politique.

Oui, une insurrection populaire n’est pas nécessairement révolutionnaire et, dans certaines circonstances, peut même être contre-révolutionnaire. L’exemple tout ce qu’il y a de populaire de la Vendée le démontre pleinement.

Justement choisir, pour s’orienter dans les événements, les points de vue de Boukharine en la matière, c’est choisir un révolutionnaire sentimental, qui est sans cesse ballotté d’un côté à l’autre, du meilleur et du pire, qui ne cesse de changer de bord, du fait des impressions du moment. Et toute sa vie politique de révolutionnaire a été dans ce mouvement de va-et-vient et cela bien avant le stalinisme. Nous ne mettons nullement en cause la bonne foi de Boukharine, ni, bien entendu, d’Olivier et des militants révolutionnaires des gauche communistes, à commencer par le révolutionnaire Bordiga. La question dépasse de loin les bonnes intentions et porte sur les choix politiques et sociaux, et même sur la philosophie, sur la dialectique révolutionnaire.

Pour nous orienter dans les événements, nous ne pouvons pas suivre des philosophies qui opposent diamétralement ce qui doit être opposé dialectiquement, au risque de nous désarmer complètement face aux événements.

Par exemple, ces philosophies puristes affirment qu’un mouvement social de masse est soit prolétarien soit ne l’est pas, qu’un pouvoir prolétarien n’est absolument pas bourgeois et petit-bourgeois, qu’une liberté défendue par le prolétariat est purement prolétarienne. Eh bien, ce simplisme ne correspond nullement à la réalité.

La révolution bourgeoise a été aussi prolétarienne. La révolution prolétarienne est, dans certaines de ses dimensions, aussi bourgeoise. Ces distinctions échappent à nos camarades des gauches communistes.

Ils affirment que ces points de vue seraient responsables des trahisons des directions trotskistes, en particulier lors de la deuxième guerre mondiale. Nous pensons, au contraire, que c’est la totale méconnaissance de ces points de vue dialectiques qui est cause de l’incompréhension du rôle révolutionnaire des trotskistes. D’un point de vue dialectique, il n’est pas nécessaire de soutenir les syndicats pour y participer, il n’est pas nécessaire de développer des illusions sur la démocratie bourgeoise pour participer aux « révolutions des printemps » qui ont des illusions sur la démocratie bourgeoise, etc.

Le rôle des révolutionnaires ne consiste pas à suivre les mouvements prolétariens par ouvriérisme, mais à tirer des leçons de toute l’étude scientifique du monde pour les utiliser dans l’intervention sur l’histoire de la société humaine. Un moralisme figé n’est nullement une aide, mais une entrave, dans une telle tâche.

Amicalement
Robert

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