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Qu’est-ce que la dialectique ?

4 novembre 2009, 08:55, par Robert Paris

Dans « Cinq psychanalyses », (chapitre sur la psychanalyse de Dora), Freud explique : « En présence d’une semblable idée prévalente (…) renforcée par l’inconscient (…) on se dit qu’elle ne peut être résolue par le travail intellectuel, soit qu’elle-même s’étende avec sa racine jusqu’au matériel inconscient refoulé, soit qu’une pensée inconsciente se cache derrière elle. Cette pensée inconsciente lui est la plupart du temps directement opposée. Les pensées opposées, contraires, sont toujours étroitement liées les unes aux autres et souvent accouplées de façon à ce que l’une d’entre elles soit très intensément consciente, tandis que son antagoniste demeure refoulée et inconsciente. Cette corrélation est le résultat du processus de refoulement. Le refoulement, en effet, a souvent été effectué de telle sorte que la pensée opposée à celle qui doit être refoulée a été renforcée à l’excès. (…) On ne peut jamais calculer dans quel sens penchera la décision dans un conflit de mobiles, si c’est dans le sens de la levée ou du renforcement du refoulement. L’incapacité de satisfaire aux exigences réelles de l’amour est un des traits caractéristiques de la névrose ; ces malades sont sous l’empire de l’opposition qui existe entre la réalité et les fantasmes de leur inconscient. (…) J’ai voulu éveiller l’intérêt pour certains phénomènes qui sont encore tout à fait ignorés de la science, car on ne peut les découvrir qu’en appliquant précisément cette méthode. Personne ne pouvait, avant elle, avoir une idée exacte de la complexité des phénomènes psychiques dans l’hystérie, de la simultanéité des tendances les plus diverses, de la liaison réciproque des contraires, des refoulements, des déplacements, etc. (…) Il faudra nécessairement supposer que les excitations accompagnées de représentations incapables de devenir conscientes agissent autrement les une sur les autres, se déroulent d’une autre manière et conduisent à d’autres modes d’expression que celles que appelées par nous « normales » et dont le contenu représentatif nous devient conscient. (…) Il y a un processus qu’Alf Adler a dénommé très justement l’ »intrication des pulsions ». (…) Telle est l’origine des conflits : ce père, que Hans ne pouvait s’empêcher de haïr comme un rival, était le même que Hans avait aimé de toujours et qu’il devrait continuer à aimer ; ce père était son modèle (…) : voilà ce ce qui donna naissance au premier conflit affectif, tout d’abord insoluble. (…) Nous avons ainsi une pulsion érotique et un mouvement de révolte contre elle, un désir pas encore obsessionnel. »

Dans « Trois essais sur la théorie sexuelle », Freud montre que le psychisme humain n’est pas un mécanisme fondé sur des processus préétablis, figés ni déterminés a priori, mais un processus dynamique qui emploie à chaque fois une voie originale. Cela provient des contradictions et des conflits multiples au sein du lien entre psychisme et sexualité qui est un lien contradictoire. Freud montre notamment que la contradiction entre homme et femme est interne à chaque individu. Une thèse très novatrice puisque Freud affirme que tous les hommes sont plus ou moins bisexuels dans le fonctionnement de leur cerveau. Voilà encore un point où nous demanderons leur avis aux neurosciences.

Dans son « Introduction à la psychanalyse », Freud rappelle que la notion de conflit est indispensable à la compréhension du fonctionnement psychique : conflit entre le moi et la sexualité, comme on l’a lu précédemment, conflit entre désir et refoulement, conflit qui n’est pas en soi pathogène : « Chez des personnes en pleine santé qui sont frappés d’une affection névrotique, on trouve régulièrement les indices d’une opposition de désirs ou, comme nous avons l’habitude de nous exprimer, d’un conflit psychique. Une partie de la personnalité manifeste certains désirs, une autre partie s’y oppose et les repousse. Sans un conflit de ce genre, il n’y a pas de névrose. Il n’y aurait d’ailleurs là rien de singulier. Vous savez que notre vie psychique est constamment remuée par des conflits dont il nous incombe de trouver la solution. Pour qu’un pareil conflit devienne pathogène, il faut donc des conditions particulières. (…) Le conflit est provoqué par la privation, la libido à laquelle est refusée la satisfaction normale étant obligée de chercher d’autres objets et voies. Il a pour condition la désapprobation que ces autres voies et objets provoquent de la part d’une certaine fraction de la personnalité : il en résulte un veto qui rend d’abord le nouveau mode de satisfaction impossible. » Les contradictions internes au fonctionnement du cerveau sont nombreuses. Celle entre conscient et inconscient oppose les deux fonctionnement sans qu’aucun ne détruise jamais l’autre définitivement ni durablement. L’activation du cortex affaiblit l’activation de l’amygdale. Pourtant, il existe des mécanismes amenant des informations de l’amygdale vers le cortex (par exemple, dans la thérapie psychanalytique) et le circuit inverse existe également (refoulement). Freud montre les contradictions qui se combattent de façon dynamique : contradiction réel/virtuel, conscient/inconscient, intelligence/sensualité, plaisir/déplaisir, réflexion/sentiments, désiré/ refoulé, homme/femme, j’aime / je n’aime pas, je désire / je ne désire pas, normal/pathologique. Le fonctionnement normal est contradictoire. La contradiction n’est pas pathologique, c’est la rupture de la contradiction qui l’est. L’enfant n’a pas encore de besoins physiques sexuels mais il a des sentiments sexuels. L’être vivant a un sexe mais il a des sentiments et des besoins de l’autre sexe. Freud a eu le mérite à son époque d’affirmer que chaque être vivant a des côtés hétérosexuels et d’autres homosexuels, des sentiments d’homme et d’autres de femme. Pour Freud, la contradiction est permanente et indispensable. C’est pour rejeter un des éléments de la contradiction qu’apparaît la maladie nerveuse. La maladie est la rupture de la dynamique des contradictions. Le sensuel a tellement été refoulé qu’il devient dominant au niveau conscient et bloque le fonctionnement cérébral au point d’empêcher la réflexion ou même de bloquer des fonctionnements physiques. Ces processus sont contradictoires au sens dialectique comme le rapporte Rita Carter : « Un débordement d’émotion peut bloquer la pensée, tandis qu’une tâche cognitive ardue peut atténuer l’émotion. » Freud relevait non seulement la contradiction dialectique entre conscient et inconscient mais aussi entre pulsion de vie et pulsion de mort, entre sentiment activé et inhibé, entre homme et femme, entre désir et refoulement. Freud reconnaît dans le langage cette capacité à passer rapidement d’une idée à son contraire, d’exprimer les sentiments contraires qui coexistent.

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