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Face à l’effondrement actuel du capitalisme, la politique de classe du prolétariat le mène à prendre la tête du peuple travailleur

16 mai 2020, 06:23, par Robert Paris

Concluons avec Trotsky :

Il ne faut pas en conclure que la classe ouvrière doive tourner le dos à la petite bourgeoisie et la laisser à son malheur. Non, se rapprocher des paysans et des petites gens des villes, les attirer de notre côté, c’est la condition nécessaire du succès de la lutte contre le fascisme, pour ne pas parler de la conquête du pouvoir. Il faut seulement poser correctement le problème. Mais, pour cela, il faut comprendre clairement la nature des "classes moyennes". Rien n’est plus dangereux en politique, surtout dans une période critique, que de répéter des formules générales sans examiner le contenu social qu’elles recouvrent.
La société contemporaine se compose de trois classes : la grande bourgeoisie, le prolétariat et les classes moyennes, ou petite bourgeoisie. Les relations entre ces trois classes déterminent en fin de compte la situation politique. Les classes fondamentales sont la grande bourgeoisie et le prolétariat. Seules ces deux classes peuvent avoir une politique indépendante, claire et conséquente. La petite bourgeoisie est caractérisée par sa dépendance économique et son hétérogénéité sociale. Sa couche supérieure touche directement la grande bourgeoisie. Sa couche inférieure se fond avec le prolétariat et tombe même dans le lumpen-prolétariat. Conformément à sa situation économique, la petite bourgeoisie ne peut avoir de politique indépendante. Elle oscille constamment entre les capitalistes et les ouvriers. Sa propre couche supérieure la pousse à droite ; ses couches inférieures, opprimées et exploitées sont capables, dans certaines conditions, de tourner brusquement à gauche. Ce sont ces relations contradictoires entre les différentes couches des classes moyennes qui ont toujours déterminé la politique confuse et inconsistante des radicaux, leurs hésitations entre le Cartel et les socialistes, pour calmer la base, et le Bloc national avec la réaction capitaliste, pour sauver la bourgeoisie. La décomposition définitive du radicalisme commence au moment où la grande bourgeoisie, qui est elle-même dans l’impasse, ne lui permet plus d’osciller [3] . La petite bourgeoisie, incarnée par les masses ruinées des villes et des campagnes, commence à perdre patience. Elle prend une attitude de plus en plus hostile à sa propre couche supérieure : elle se convainc en fait de l’inconsistance et de la perfidie de sa direction politique. Le paysan pauvre, l’artisan, le petit commerçant se convainquent qu’un abîme les sépare de tous ces maires, ces avocats, ces arrivistes politiques du genre Herriot, Daladier, Chautemps, qui, par leur mode de vie et leurs conceptions, sont de grands bourgeois. C’est précisément cette désillusion de la petite bourgeoisie, son impatience et son désespoir que le fascisme exploite. Ses agitateurs stigmatisent et maudissent la démocratie parlementaire qui épaule les carriéristes et les staviskrates, mais ne donne rien aux petits travailleurs. Ces démagogues brandissent le poing contre les banquiers, les gros commerçants, les capitalistes. Ces paroles et ces gestes répondent pleinement aux sentiments des petits propriétaires qui se sentent dans l’impasse. Les fascistes montrent de l’audace, descendent dans la rue, s’attaquent à la police, tentent de chasser le Parlement par la force. Cela en impose au petit bourgeois qui sombrait dans le désespoir. Il se dit :
"Les radicaux, parmi lesquels Il y a trop de coquins, se sont vendus définitivement aux banquiers ; les socialistes promettent depuis longtemps d’anéantir l’exploitation, mais ils ne passent jamais des paroles aux actes ; les communistes, on n’y peut rien comprendre : aujourd’hui c’est une chose, demain c’en est une autre ; il faut voir si les fascistes ne peuvent pas apporter le salut."
LE PASSAGE DES CLASSES MOYENNES DANS LE CAMP DU FASCISME EST-IL INEVITABLE ?
Renaudel, Frossard et leurs semblables s’imaginent que la petite bourgeoisie est avant tout attachée à la démocratie, et que c’est précisément pourquoi il faut s’allier aux radicaux ! Quelle monstrueuse aberration ! La démocratie n’est qu’une forme politique. La petite bourgeoisie ne se soucie pas de la coquille, mais du fruit. Que la démocratie se révèle impuissante, et au diable la démocratie ! Ainsi raisonne ou réagit chaque petit bourgeois. C’est dans la révolte grandissante des couches inférieures de la petite bourgeoisie contre ses couches supérieures, "instruites", municipales, cantonales, parlementaires, que se trouve la source politique et socialiste principale du fascisme. Il faut y ajouter la haine de la jeunesse intellectuelle, écrasée par la crise, pour les avocats, les professeurs, les députés et les ministres parvenus : les intellectuels petits-bourgeois inférieurs se rebellent eux aussi contre leurs supérieurs. Cela signifie-t-il que le passage de la petite bourgeoisie sur la voie du fascisme soit inéluctable ? Non, une telle conclusion relèverait d’un honteux fatalisme. Ce qui est réellement inéluctable, c’est la fin du radicalisme et de tous les groupements politique qui lient leur sort au sien Dans les conditions de la décadence capitaliste, il ne reste plus de place pour un parti de réformes démocratiques et de progrès "pacifique" Quelle que soit la voie par laquelle doive passer le développement à venir de la France, le radicalisme disparaîtra de toute façon de la scène, rejeté et honni par la petite bourgeoisie qu’il a définitivement trahie. Que notre prédiction réponde à la réalité, tout ouvrier conscient s’en convaincra dès maintenant sur la base des faits et de l’expérience quotidienne. De nouvelles élections apporteront aux radicaux de nouvelles défaites. Les unes après les autres, des couches vont s séparer d’eux, les masses populaires en bas, les groupes de carriéristes effrayés en haut. Des départs, des scissions, des trahisons vont se succéder sans interruption. Aucune manoeuvre et aucun bloc ne pourront sauver le parti radical. Il entraînera avec lui dans l’abîme le "parti" de Renaudel, Déat et Cie. La fin du parti radical est le résultat inévitable du fait que la société bourgeoise ne peut plus résoudre ses difficultés par les méthodes prétendues démocratiques. La scission entre la base de la petite bourgeoisie et ses sommets est inévitable.
Mais cela ne signifie pas du tout que les masses qui suivent le radicalisme doivent inévitablement reporter leurs espoirs sur le fascisme. Certes, la partie la plus démoralisée, la plus déclassée et la plus avide de la jeunesse des classes moyennes a déjà fixe son choix dans cette direction. C’est dans ce réservoir que puisent surtout les bandes fascistes. Mais les lourdes masses petites-bourgeoises des villes et des campagnes n’ont pas encore choisi. Elles hésitent devant une grave décision. C’est précisément parce qu’elles hésitent qu’elles continuent encore, mais déjà sans avoir confiance, à voter pour les radicaux. Ces hésitations, cette irrésolution ne dureront pourtant pas des années, mais seulement des mois. Le développement politique va prendre, dans la période qui vient, un rythme fébrile. La petite bourgeoisie ne repoussera la démagogie du fascisme que si elle a foi dans une autre voie. L’autre voie, c’est la révolution prolétarienne.
EST-IL VRAI QUE LA PETITE BOURGEOISIE CRAIGNE LA REVOLUTION ?
Les routiniers du Parlement, qui croient bien connaître le peuple, aiment à répéter : "il ne faut pas effrayer les classes moyennes avec la révolution, car elles n’aiment pas les extrêmes". Sous cette forme générale, cette affirmation est absolument fausse. Naturellement, le petit propriétaire tient à l’ordre tant que ses affaires vont bien et aussi longtemps qu’il espère qu’elles iront encore mieux le lendemain. Mais quand cet espoir est perdu, Il se met facilement en rage, prêt à se livrer aux moyens les plus extrêmes. Sinon, comment aurait pu renverser l’Etat démocratique et amener le fascisme au pouvoir en Italie et en Allemagne ? Les petites gens désespérés voient avant tout dans le fascisme une force qui combat contre le grand capital et croient qu’à la différence des partis ouvriers qui travaillent seulement de la langue, le fascisme, lui, se servira de ses poings pour établir plus de "justice". Le paysan et l’artisan sont à leur manière des réalistes : ils comprennent qu’on ne pourra pas se passer des poings. Il est faux, trois fois faux, d’affirmer que la petite bourgeoisie actuelle ne se tourne pas vers les partis ouvriers parce qu’elle craint les "mesures extrêmes". Bien au contraire. La couche inférieure de la petite bourgeoisie, ses grandes masses ne croient pas à la force des partis ouvriers, ne les croient pas capables de lutter, ni prêts cette fois à mener la bataille jusqu’au bout. S’il en est ainsi, vaut-il la peine de remplacer le radicalisme par ses confrères parlementaires de gauche ? Voilà comment raisonne ou réagit le propriétaire à demi exproprié, ruiné et révolté. Faute de comprendre cette psychologie des paysans, des artisans, des employés, des petits fonctionnaires-psychologie qui découle de la crise sociale-, il est impossible d’élaborer une politique juste.
La petite bourgeoisie est économiquement dépendante et politiquement morcelée. C’est pourquoi elle ne peut avoir une politique propre. Elle a besoin d’un "chef" qui lui inspire confiance. Ce chef, individuel ou collectif, individu ou parti, peut lui être donné par l’une ou l’autre des deux classes fondamentales, soit par la grande bourgeoisie, soit par le prolétariat. Le fascisme unit et arme les masses disséminées ; d’une "poussière humaine"-selon notre expression-il fait des détachements de combat. Il donne ainsi à la petite bourgeoisie l’illusion d’être une force indépendante. Elle commence à s’imaginer qu’elle commandera réellement à l’Etat. Rien d’étonnant à ce que ces espoirs et ces illusions lui montent à la tête.
Mais la petite bourgeoisie peut aussi trouver son chef dans la personne du prolétariat. Elle l’a trouvé en Russie, partiellement en Espagne. Elle y tendit en Italie, en Allemagne et en Autriche. Malheureusement les partis du prolétariat ne s’y montrèrent pas à la hauteur de leur tâche historique. Pour gagner la petite bourgeoisie, le prolétariat doit conquérir sa confiance. Il faut pour cela qu’il ait lui-même confiance en sa propre force. Il lui faut un programme d’action clair et une détermination à lutter pour le pouvoir par tous les moyens. Soudé par son parti révolutionnaire, pour une lutte décisive et impitoyable, le prolétariat dit aux paysans et aux petites gens des villes : "Je lutte pour le pouvoir. Voici mon programme : je suis prêt à m’entendre avec vous pour en modifier tel ou tel point. Je n’emploierai la force que contre le grand capital et ses laquais ; avec vous, travailleurs, je veux conclure une alliance sur la base d’un programme donné." Un tel langage, le paysan le comprendra. Il suffit qu’il ait confiance dans la capacité du prolétariat de s’emparer du pouvoir. Mais il faut pour cela épurer le Front unique de toute équivoque, de toute indécision, de toutes les phrases creuses : il faut comprendre la situation et se mettre sérieusement sur la voie de la lutte révolutionnaire.

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