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Face à l’effondrement actuel du capitalisme, la politique de classe du prolétariat le mène à prendre la tête du peuple travailleur

17 mai 2020, 00:59, par PROLO

Merci Robert pour ta réponse si bien documentée.

Quand j’ai vu les Gilets Jaunes au début, j’étais instinctivement persuadé qu’il s’agissait de lutte des classes. En lisant ce qu’en disaient les différentes tendances communistes, j’ai été abasourdi de constater un rejet épidermique, immédiat du mouvement.

Pourtant, on pouvait déjà observer :
 une union populaire, solidaire qui faisait immédiatement penser aux mouvements ouvriers,
 une radicalité, sans concession, soudaine, de caractère insurrectionnel,
 le rejet des partis bourgeois, même d’extrême gauche ou droite, caractéristique des mouvements communistes,
 le rejet des syndicats qui avait d’ailleurs refusé de rejoindre l’insurrection au départ,
 des slogans et des chants « pour l’honneur des travailleurs »,
 le refus d’avoir des représentants officiels et de négocier avec le pouvoir exécutif, pas de collaboration possible avec les capitalistes,
 des demandes comme le retour de l’ISF et la désignation d’un ennemi « les 1% »,
 la dénonciation de la corruption des élites, de l’abandon des services publiques en tant que bien commun,
 l’émergence accélérée d’une conscience de classe opposée à la classe capitaliste,
 une diversité énorme de profils, si bien que plus aucune appartenance dominante à la droite ou la gauche ne puisse être déterminée, mais qu’il en émerge une auto-détermination.

C’était déjà un bon début ! On a vu aussi Laurent Wauquier et d’autres à droite retirer leur gilet jaune rapidement. Tous comme certains à gauche, ils avaient analysé le mouvement comme poujadiste et s’étaient trompés.

Sur la question du RIC (Référendum d’initiative citoyenne) tant critiqué par certains, quand on le replace dans une stratégie de conquête du pouvoir, c’est plutôt bien pensé. En effet, demander le RIC, c’est un très bon moyen de mettre des bâtons dans les roues du pouvoir et des partis bourgeois. C’est une demande démocrate difficile à critiquer qui met en défaut les politiques. S’il avait fallu trouver une stratégie pour garder le mouvement vivant et consensuel pour ses participants en attendant de prendre conscience de ses intérêts de classe, de s’éduquer à la politique et à la lutte, et d’établir un programme, et bien demander le RIC ce n’est pas si mal ! L’intelligence collective qui ressort de ce mouvement est fascinante. D’ailleurs, le gilet jaune fluo est la meilleure idée « marketing » du siècle.

Beaucoup de gilets jaunes parlent des autres GJ comme étant leur seconde famille, dépassant symboliquement le stricte modèle de la famille bourgeoise. Signe de solidarité de classe. Ils ne considèrent pas leurs camarades uniquement comme des alliés de circonstance.

Les gilets jaunes se sont déclarés solidaires des révoltes partout dans le monde et en ont même inspiré. L’union internationale des luttes des travailleurs reprend de la force. Dans ce cadre il faut bien organiser chaque lutte à partir d’ un territoire défini et homogène qui est le territoire national, dont il faut reprendre le contrôle. Le drapeau français présent chez les GJ est aussi à voir dans ce sens.

De fait, l’effondrement et l’auto-destruction du capitalisme a commencé. C’est un processus historique dynamique qui a créé les gilets jaunes. Ce mouvement n’est pas né d’une idéologie, du militantisme politique ou de la volonté de qui que ce soit. Il est né de lui-même en tant que l’une des conséquences de l’effondrement du système capitaliste, ce qui va aussi dans le sens de la théorie Marxiste.

La classe moyenne s’est considérablement élargie depuis le milieu du 20eme siècle. Le bas de cette classe est la vraie base démographique de la société. La masse critique nécessaire à une révolution se trouve dans cette base, à condition qu’elle se définisse comme prolétaire. J’avais calculé qu’au plus haut des sondages, près de 7 millions de français se déclaraient Gilets jaunes.

Les lectures que tu offres montrent aussi que tous les Trotskistes n’ont pas forcement bien lu Trotsky. J’avoue que j’ai eu du mal à comprendre la position de LO. D’ailleurs, il n’y a presque que sur ton site « Matière et révolution » que j’ai pu voir au début des GJ une analyse qui confirmait ma modeste hypothèse qu’il pouvait potentiellement s’agir de la première phase de la formation d’un mouvement de travailleurs pouvant unir différentes couches de la société dans une lutte contre le capitalisme.

Quand on a à faire à un mouvement populaire qui émerge, conclure qu’il est réactionnaire alors qu’il ne s’est même pas encore déterminé lui-même est prématuré et humiliant pour les concernés, dans un contexte où toutes les institutions les ont déjà laissé tomber et que les médias les ont qualifié de peste rouge-brune. Quand l’extrême gauche tombe d’accord avec les grands médias … Aujourd’hui, nous constatons que la masse s’éduque, échange et confronte ses théories politiques. Ce mouvement semble être un terrain beaucoup plus fertile pour se forger une conscience politique que toutes les manifestations de gauche et des syndicats depuis des dizaines d’années.

La question n’est donc pas « Ce mouvement est il révolutionnaire ? » mais « Quel processus peut-il suivre pour le devenir ? » ou inversement « Comment éviter que les forces réactionnaires s’approprient le mouvement pour lui proposer le fascisme ? ». Je n’ai jamais entendu parler dans l’histoire de l’émergence du jour au lendemain d’une force révolutionnaire effective, pure et consciente. C’est toujours un cheminement qui prend des années.

Qui connaît les gilets jaunes sait que chez eux, le sentiment d’avoir été trahi est central. N’oublions pas que ce sont les « bons élèves », travailleurs, honnêtes, demandant à pouvoir vivre correctement de leur labeur quotidien qui estiment avoir été les grands perdants de toutes les politiques menées depuis trente ans et plus. Leur méfiance est une excellente garantie de ne pas voir confier les manettes au premier harangueur de foules venu. D’autre part, ce mouvement est parfaitement mixte. Ils ne perdent pas de temps à militer pour le féminisme, ils le mettent en œuvre. La tendance paternaliste et misogyne qui accompagne souvent les mouvements réactionnaires n’est pas bienvenue. Enfin, les coups, blessures et humiliations infligés par la police aux ordres de la bourgeoisie n’ont pas du les rendre plus désireux d’un système autoritaire.

Pour passer de la révolte à la révolution, il faut établir un programme convaincant. Les GJ doivent abandonner l’idée de réformer le capitalisme. Faire adhérer la classe moyenne à cette idée n’est pas évident. Mais un nouvel élément contemporain intervient : la crise environnementale, une préoccupation essentiellement portée par cette classe. Il s’agirait alors de démontrer que c’est le capitalisme qui détruit l’environnement, provoque la pollution, l’effondrement des écosystèmes, la déforestation, ... Pas très difficile en théorie mais il faudrait faire comprendre que la supposée et non prouvée « crise climatique » qui accapare les médias est une diversion, tout comme le Covid19 est en fait « le virus de la peur ». Aménager nos modes de vie, rouler en voiture électrique ou en vélo ne résoudra rien de cette crise environnementale.

Le mouvement des GJ va traverser des crises, devra faire des choix et évoluera à chaque embranchement. Par exemple, supposons des émeutes dans les banlieues, les GJ devront choisir de se rallier ou non aux émeutiers. Cela reviendra pour les GJ à répondre à la question « Le prolétariat des banlieues peut-il être des nôtres ? ». En réalité, une partie des « banlieues » est déjà dans le mouvement et coexiste avec une minorité de GJ votants pour le RN et qui ne les considère pas forcement comme des « vrais français ». Ces GJ du RN dénoncent les violences policières contre les GJ mais demandent l’intervention de la police dans les banlieues. Ces questions alimentent une dialectique qui modèle le mouvement social. Nul ne sait comment cela évoluera.

Si le mouvement des GJ refuse de répondre à ces questions, il pourrait devenir une coquille vide, une union de circonstance vouée à disparaître et à éclater plus tard en différentes factions, dont une qui pourrait être révolutionnaire et une autre réactionnaire, peut-être. Il se peut que le mouvement cherche le consensus jusqu’à ce qu’il ne puisse plus le faire. Mais jamais ce mouvement ne deviendra nettement réactionnaire, c’est évident. Répondre à toutes les questions qui se poseront successivement reviendra à élaborer un début de programme.

Le bas de la classe moyenne va se paupériser avec la crise économique, financière et bientôt monétaire qui arrive. Le haut de la classe moyenne est bien parti pour se faire « plumer » également, au moins en partie. Même les classes supérieures votant LREM vont se faire trahir par la classe capitaliste qui lorgne notamment sur leur épargne pour couvrir la dette. Ça va commencer à faire beaucoup de mécontents du capitalisme. Soyons fous, on pourrait imaginer un futur ralliement d’une petite partie de la petite bourgeoisie « intellectuelle », ce qui est déjà une demande des GJ ; on a pu le voir récemment avec le soutien au professeur Raoult. Mais une autre partie voudra bien collaborer à la mise en œuvre du capitalisme de surveillance en cours de préparation. En effet, la classe moyenne n’est pas uniforme et ne pourra jamais s’unir et vaincre seule. Le prolétariat sera la seule force capable de prendre les rennes d’un changement de système.

Je m’approprie un peu cet espace commentaires comme tribune pour exprimer ma solidarité envers les gilets jaunes car il y a peu d’endroits où l’on peut émettre ce genre d’hypothèses sans être soupçonné de « confusionnisme ». Marre des délires mouvementistes ou libertariens qui ignorent la condition des prolétaires. Marre de l’extrême gauche incapable de produire une stratégie d’émancipation du prolétariat dans le monde réel. Marre de constater la fragmentation des pensées socialistes et communistes réduites par certains en une série de dogmatismes incompatibles entre eux. Le matérialisme historique doit être appliqué sur la base de ce que l’on a sous nos yeux, pas sur des modélisations abstraites d’une révolution idéalisée. Et toute cette vanité de se prétendre plus révolutionnaires que ceux qui se révoltent déjà et qui en payent les conséquences dans leur chair. Sans oublier que l’on a pas le luxe d’attendre encore ; avec l’effondrement du système, la classe capitaliste envisagera s’il le faut notre aliénation totale ou la guerre comme dernières tentatives de se sauver elle-même. Preuve en est la mise en scène de l’épidémie de Covid19 pour masquer la crise financière et expérimenter des mesures autoritaires à grande échelle. Le prolétariat est invincible s’il prend conscience de sa force et de ses intérêts de classe. Selon moi, il a commencé à le faire et entreprend déjà peu à peu le minage de la société bourgeoise.

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