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Zénon, Socrate, Parménide et … Platon

6 juillet 2012, 16:37

A propos de Socrate

De Parménide à Zénon

Les idées de Zénon

La philosophie de Zénon et de Socrate

PARMENIDE

ou

« SUR LES IDÉES »

Ecrit par Platon

A notre arrivée à Athènes, de Clazomène (03), notre patrie, nous rencontrâmes sur la place publique Adimante et Glaucon (04). Adimante me dit enme prenant la main : Bonjour, Céphale ! Si tu as besoin ici de quelque chose qui soit en notre pouvoir, tu n’as qu’à parler. — Mais, lui dis-je, c’est pour cela même que je suis venu ; j’ai quelque chose à vous demander. — Parle, reprit- il. [126b] — Quel était, lui demandai-je, le nom de votre frère maternel ? je ne m’en souviens pas ; il était encore enfant quand je vins ici pour la première fois de Clazomènes, et il y a fort longtemps. Son père s’appelait, je crois, Pyrilampe. — Oui, me dit-il, et lui Antiphon. Mais où veux-tu en venir ? — Voici, lui dis-je, de mes compatriotes, grands amateurs de philosophie ; ils ont entendu dire que ce même Antiphon était intimement lié avec un certain Pythodore (05), ami [126c] de Zénon, et qu’il se rappelait les entretiens de Socrate avec Zénon et Parménide, pour les avoir souvent entendu répéter à Pythodore. — C’est vrai, dit il. — Eh bien ! ces entretiens, nous désirons les entendre. — Ce ne sera pas difficile, reprit Adimante ; car il se les est rendus familiers dès sa première jeunesse. Il est maintenant auprès de son aïeul, qui porte le même nom que lui, et il s’occupe presque exclusivement de l’éducation des chevaux. Allons le trouverai vous voulez. Il vient de partir d’Athènes pour se rendre chez lui, à Mélite (06), tout près d’ici. [127a] Cela dit, nous nous mîmes en route, et nous rencontrâmes Antiphon chez lui, au moment où il donnait à un ouvrier une bride à raccommoder. Celui-ci congédié, ses frères lui expliquèrent le motif de notre visite, et Antiphon me salua, me reconnaissant pour m’avoir vu à mon premier voyage. Nous le priâmes de nous répéter les entretiens de Socrate avec Zénon et Parménide : il hésita d’abord, nous assurant que c’était un grand travail ; cependant il finit par y consentir. Voici ce que nous dit alors Antiphon.

Pythodore me raconta qu’un jour Zénon et Parménide [127b] arrivèrent à Athènes pour les grandes Panathénées (07). Parménide, déjà vieux et blanchi par les années ( il avait près de soixante-cinq ans), était beau encore et de l’aspect le plus noble. Zénon approchait de la quarantaine : c’était un homme bien fait, d’une figure agréable, et il passait pour être très aimé de Parménide (08). Ils demeurèrent ensemble chez [127c] Pythodore, hors des murs, dans le Céramique (09) ; et c’est là que Socrate vint, suivi de beaucoup d’autres personnes, entendre lire les écrits de Zénon ; car c’était la première fois que celui-ci et Parménide les avaient apportés avec eux à Athènes. Socrate était alors fort jeune (10). Zénon faisait lui-même la lecture, Parménide étant par hasard absent ; et il était déjà près d’achever [127d] lorsque Pythodore entra, accompagné de Parménide et d’Aristote, qui fut plus tard un des trente (11). Il n’entendit donc que fort peu de ce qui restait encore à lire ; mais auparavant il avait déjà entendu Zénon. Socrate ayant écouté jusqu’à la fin, invita Zénon à relire la première proposition du premier livre. Cela fait, il reprit : [127e] Comment entends-tu ceci, Zénon : si les êtres sont multiples, il faut qu’ils soient à la fois semblables et dissemblables entre eux ? Or, cela est impossible ; car ce qui est dissemblable ne peut être semblable, ni ce qui est semblable être dissemblable. N’est-ce pas là ce que tu entends ? — C’est cela même, répondit Zénon. — Si donc il est impossible que le dissemblable soit semblable et le semblable dissemblable, il est aussi impossible que les choses soient multiples ; car si les choses étaient multiples, il faudrait en affirmer des choses impossibles. N’est-ce pas là le but de tes raisonnements, de prouver, contre l’opinion commune, que la pluralité n’existe pas ? Ne penses-tu pas que chacun de tes raisonnements en est une preuve, et que par conséquent tu en as donné [128a] autant de preuves que tu as établi de raisonnements ? Voilà ce que tu veux dire, ou j’ai mal compris. — Non pas, dit Zénon, tu as fort bien compris le but de mon livre. — Je vois bien, Parménide, dit alors Socrate, que Zénon t’est attaché non seulement par les liens ordinaires de l’amitié, mais encore par ses écrits ; car il dit au fond la même chose que toi ; seulement il s’exprime en d’autres termes, et cherche à nous persuader qu’il nous dit quelque chose de différent. Toi, tu avances dans tes poèmes (12) que tout est [128b] un, et tu en apportes de belles et de bonnes preuves ; lui, il prétend qu’il n’y a pas de pluralité, et de cela aussi il donne des preuves très nombreuses et très fortes. De la sorte, en disant, l’un que tout est un, l’autre qu’il n’y a pas de pluralité, vous avez l’air de soutenir chacun de votre côté des choses toutes différentes, tandis que vous ne dites guère que la même chose, et vous croyez nous avoir fait prendre le change à nous autres ignorants. — Tu as raison, Socrate, répondit Zénon ; cependant tu n’as pas tout-à-fait saisi le vrai sens de mon livre, quoique tu saches très bien, [128c] comme les chiennes de Laconie (13), suivre la piste du discours. Ce que tu n’as pas compris, d’abord, c’est que je ne mets pas à cet ouvrage tant d’importance, et qu’en’ écrivant ce que tu dis que j’ai eu en pensée, je n’en fais pas mystère, comme si je faisais là quelque chose de bien extraordinaire. Mais tu as rencontré juste en un point : la vérité est que cet écrit est fait pour venir à l’appui du système de Parménide, contre ceux qui voudraient le tourner en ridicule [128d] en montrant que si tout était un, il s’ensuivrait une foule de conséquences absurdes et contradictoires. Mon ouvrage répond donc aux partisans de la pluralité et leur renvoie leurs objections et même au-delà, en essayant de démontrer qu’à tout bien considérer, la supposition qu’il y a de la pluralité conduit à des conséquences encore plus ridicules que la supposition que tout est un.

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