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Daniel, notre camarade

26 septembre 2021, 07:39, par R.

BENARD Daniel. Pseudonyme : Granier

Né le 3 septembre 1942 à Paris (XVIIe arr.), mort le 26 mars 2010 ; ouvrier chimiste de formation ; ouvrier métallurgiste ; militant syndicaliste CGT puis CFDT ; militant communiste ; militant de Voix ouvrière, puis Lutte ouvrière de 1964 à février 2001 ; membre d’une petite organisation, « Mouvement communiste ».

Benard Daniel, fils de Gaston Benard et Marguerite Ponty naquit dans une famille ouvrière parisienne de six enfants ; Daniel était le cadet. Son père, fils d’ouvrier agricole, était éboueur à la ville de Paris, militant au Parti communiste. Sa mère s’occupait du foyer. Elle travailla occasionnellement comme femme de ménage. La famille de la mère venait de la petite bourgeoisie provinciale avec laquelle Marguerite rompit au moment son mariage.

L’enfant évolua dans un quartier de Paris qui constituait un bastion du PCF. Son immeuble comptait une cellule du Parti communiste et la vie politique était scandée par les réunions de cellule ainsi que les ventes de l’Humanité au pied des immeubles et au porte-à-porte. Un portrait de Staline trônait dans l’entrée de l’appartement.

Après son certificat d’études primaires, l’adolescent se dirigea vers une formation technique à l’école de chimie qui se situait à proximité du domicile familial. Bon élève, il obtint en 1959 un CAP de conducteur d’installation chimique. Il se distingua de ses frères et sœurs qui étaient peu diplômés. L’entrée rapide dans la vie professionnelle fut, dans la famille, prioritaire sur les études

À seize ans et demi, son diplôme en poche, il fut embauché à l’entreprise Rhône-Poulenc à Vitry. Ouvrier chimiste qualifié, trois semaines plus tard, il était adhérent à la CGT et quelques mois plus tard à la JC. En 1959, il fut élu délégué du personnel. Son frère fut également militant PC ainsi que deux de ses sœurs. Demeurant chez ses parents jusqu’en 1964, il obtint rapidement des responsabilités au PCF. Il milita à Ivry-sur-Seine, dans la section de Maurice Thorez.

Il échappa à la guerre d’Algérie car il ne fut mobilisé qu’en février 1962. C’est durant son service militaire qu’il découvrit l’ouvrage de Daniel Guérin sur Juin 36 grâce à des étudiants avec qui il fut incorporé. La manière dont le PCF et la CGT organisèrent la fin de la grève des mineurs le troubla également.

De retour à Rhône Poulenc, il découvrit l’existence d’un bulletin publié par le groupe Voix ouvrière. Très rapidement il adhéra à ce petit groupe, où il fut immédiatement propulsé au comité central, puis au comité exécutif. Avec trois autres contacts, dont deux provenaient du PSU (tout en cotisant à Voix ouvrière), il s’attacha à la publication d’une feuille VO sur son entreprise. Parallèlement, dans le cadre de ses responsabilités à la commission jeune CGT, il prit parti pour les objecteurs de conscience dont la cause à cette période était popularisée par l’action de Louis Lecoin.

Cela lui valut son exclusion du PCF en avril 1964 et en 1965 son exclusion du syndicat des techniciens de l’industrie chimique. Avec quelques autres militants, il forma un comité pour la démocratie ouvrière qui sortit durant quelques mois un bulletin sur l’usine. Ce fut le prétexte de son licenciement de l’entreprise pour « participation à des écrits injurieux envers la direction » en juillet 1966. Suivirent alors quatre mois de formation intellectuelle intense accompagnée par un militant qui encadra ses lectures à un rythme soutenu. Les principaux textes du marxisme classique, ainsi que des ouvrages de culture générale lui fournirent un bagage intellectuel auquel sa scolarité ne lui avait pas permis d’accéder.

Il retrouva du travail à SKF dans le laboratoire des huiles. Son séjour ne durera que six mois. En effet, VO décida de faire apparaître publiquement ses militants dans plusieurs entreprises, dont SKF. Le jour du départ en vacances en juillet 1966, Benard fut victime d’une compression de personnel.

En novembre 1967, il fut embauché à Delle-Alsthom. Après un court passage par la CGT, il fit partie des animateurs du comité de grève dans l’usine. Très actif durant la grève générale, il rassembla un noyau de jeunes ouvriers autour de lui et engagea la vingtaine de personnes dans la création d’une section CFDT. Durant quelques années, toute l’extrême gauche fut représentée dans cette usine très combative par divers groupes maoïstes, Lutte ouvrière, la Ligue communiste et l’OCI. Secrétaire du syndicat CFDT, il fut de toutes les mobilisations.

En 1972, la branche Delle-Alsthom disparut de Saint Ouen. De nouveau sans emploi, après discussion collective au sein de l’organisation, un groupe de trois militants de LO s’embaucha à Renault-Flins. Il commença à y travailler en novembre 1973, comme ouvrier métallurgiste. Le groupe initial reçut le renfort de plusieurs militants de son organisation. Son adhésion à la CGT ne dura que quelques mois car il fut exclu en 1975, avec tout un groupe contestataire. Dans un courrier du 11 avril 1974, A. Halbeher, membre du bureau fédéral de la FTM-CGT indiqua la présence de cet « élément gauchiste » à un responsable du syndicat de Flins.

C’est en militant sans appartenance syndicale qu’il accompagna le mouvement de grève des presses qui se déroula en 1978. Grève essentiellement conduite par des immigrés. Grève radicale mais minoritaire qui se conclut par un échec et le licenciement des animateurs.

Après une tentative de créer une « CGT renouveau » avec un groupe de délégués CGT, la décision fut prise, au bout d’une très longue période, d’adhérer à la CFDT, dirigé alors par Daniel Richter. C’est en 1984 qu’il prit finalement sa carte à cette centrale.

En 1992-1993, un conflit interne déchira le syndicat CFDT sur la question de la création d’une troisième équipe de nuit. Il fut exclu de la CFDT avec un groupe contestataire, qui finit par intégrer la CGT, après des négociations laborieuses.

Les années qui suivirent connurent un déclin très marqué de la conflictualité et des affrontements avec la direction. Daniel Bénard fut de toutes les luttes syndicales au sein de l’entreprise. Il finit sa carrière professionnelle en 2000, en tant qu’ouvrier hautement qualifié sur mécanismes automatisés.

Connu sous le pseudonyme de Granier au sein de Lutte ouvrière, Bénard a été en charge des infrastructures matérielles de la fête de Lutte ouvrière. Il fut également secrétaire de la fédération des usagers des transports en commun de la région parisienne, initiée par LO et le PSU en 1971. Il avait été candidat à de multiples occasions de 1969 à 1996, en particulier dans la région de Mantes-la-Jolie.

Selon son témoignage, il commença à avoir des divergences avec son organisation à propos de sa stratégie électorale, en 1978. Quand apparut une fraction interne au début des années 1990 à propos de la nature de l’URSS, il s’en rapprocha, avant d’en devenir membre en 1993 Les divergences s’accumulèrent alors sur le fonctionnement interne de l’organisation, sur la politique de « main tendue au PCF », sur la question de la formation des jeunes recrues. Finalement, une polémique importante l’opposa à la direction de son organisation à propos des grèves de 1995, notamment dans son entreprise, à propos de la place et du rôle du comité de grève dont il fut un des animateurs.

Il finit par rompre avec son organisation en rédigeant une lettre de démission, qui fit le tour de LO.

En 2000, il rejoignit une petite organisation, « Mouvement communiste », et participa aux activités de ce regroupement.

Ayant fait le choix de ne pas avoir d’enfant « car LO a correspondu à l’engagement de ma vie », il vécut avec une militante de LO. Dans un courrier à l’auteur, il indique « ma vie sentimentale personnelle ne regarde que moi ; et celles et ceux avec qui j’ai partagé quelques intimités ».

Retraité depuis juin 2000, il acheta une vieille bâtisse en Normandie qu’il avait entièrement rénovée et alterna sa vie entre son logement parisien et sa maison provinciale. Au moment de notre rencontre, des problèmes de santé l’affectaient.

Daniel Benard poursuivit son engagement jusqu’aux derniers moments de sa vie. Il décéda d’un cancer le 26 mars 2010.

Maitron

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