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Au Cambodge, la classe ouvrière se heurte à une répression féroce

8 janvier 2014, 08:19

Les ouvriers du textile au Cambodge, qui ont payé de leur sang leur opposition au Premier ministre Hun Sen, fabriquent dans des conditions controversées et pour moins de 100 dollars par mois les vêtements vendus en Occident par Nike ou Gap.

Depuis l’été, les partisans de l’opposition ont manifesté pour réclamer de nouvelles élections, après celles de juillet marquées selon eux par des fraudes massives, sans réellement menacer l’homme fort du Cambodge.

Mais lorsque les ouvriers des usines textiles en grève ont rejoint leur mouvement, la réponse des autorités a été radicale : au moins quatre personnes ont été tuées par balles selon les ONG et des dizaines d’autres blessées.

Une stratégie qui reflète la force politique potentielle de ces centaines de milliers d’ouvriers qui alimentent ce secteur-clef de l’économie d’un des pays les plus pauvres au monde.

"Si les deux courants de protestation avaient été autorisés à fusionner, opposants politiques et ouvriers en grève, ils auraient représenté une menace énorme pour le régime de Hun Sen", commente Carl Thayer, de l’université australienne de Nouvelle Galle du Sud.

Le secteur textile emploie quelque 650.000 ouvriers, dont 400.000 au moins au sein de sous-traitants de grandes marques internationales.

Ces ouvriers réclament un doublement du salaire minimum, à 160 dollars par mois (117 euros), mais le gouvernement n’a proposé que 100 dollars.

Leurs conditions de travail sont également régulièrement montrées du doigt, les syndicats dénonçant notamment des évanouissements collectifs attribués à la sous-alimentation ou au surmenage.

Oeurn Dany, mère de famille de 30 ans, travaille dix heures par jour, six jours par semaine.

"Nous avons du mal à survivre avec le salaire actuel", raconte-t-elle à l’AFP. "Les ouvriers tombent souvent malades (...), y compris à cause des produits chimiques sur le tissu".

Loin de prôner un boycott des grandes marques, elle appelle les consommateurs occidentaux à acheter du "made in Cambodia". Et plébiscite un travail de lobby en Occident pour contraindre les grandes marques à payer plus pour permettre aux fabricants de payer décemment leurs ouvriers.

Le leader de l’opposition Sam Rainsy, dénonçant des "vêtements du sang", a de son côté appelé consommateurs à "vérifier s’il n’y a pas de goutte de sang sur le vêtement qu’ils veulent acheter".

"Pas peur" de retourner dans la rue

Hun Sen, au pouvoir depuis 1985, a présidé à la transformation d’un pays émergeant de décennies de guerre civile, devenu l’une des économies les plus dynamiques d’Asie du Sud-Est.

Mais son gouvernement est régulièrement accusé d’ignorer les droits de l’Homme et de réduire les critiques au silence.

Sam Rainsy et son adjoint Kem Sokha sont convoqués par la justice la semaine prochaine en raison des récents troubles.

Les défenseurs des droits de l’Homme estiment que la répression sanglante de vendredi dernier contre les ouvriers armés de pierres et de cocktails Molotov a été un prétexte pour disperser le lendemain un rassemblement pacifique de l’opposition et interdire dans la foulée tout nouveau rassemblement.

Mais, malgré la suspension du mouvement, les ouvriers promettent de continuer le combat.

"Nous continuerons à réclamer de meilleurs salaires jusqu’à ce que nous ayons assez d’argent", souligne Khim Vat, 42 ans, qui travaille dans un usine fournissant notamment Nike. "Je me joindrai aux grèves à l’avenir, je n’ai pas peur".

Dans ce contexte, grandes marques internationales et syndicats ont appelé à éviter tout nouveau débordement.

"Nous nous opposons à toute forme de violence", déclare à l’AFP la porte-parole de Gap, Laura Wilkinson, réclamant des négociations salariales, tout comme H&M et Nike.

Cette crise souligne le dilemme des fabricants, entre leurs ouvriers et des consommateurs occidentaux avides de vêtements bon marché.

Les grèves ont déjà coûté 200 millions de dollars au secteur, selon l’Association des fabricants textiles du Cambodge. Et si le pays n’est plus compétitif, il risque d’être remplacé.

"Il y aura toujours une source de main d’oeuvre bon marché ailleurs", comme le Bangladesh, le Pakistan ou la Birmanie, note Douglas Clayton, de Leopard Capital, société d’investissement active dans les marchés émergents.

"Les marques occidentales (...) savent que les consommateurs occidentaux s’inquiètent plus de la valeur que des valeurs".

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