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Il y a 80 ans débutait l’élimination physique des militants trotskystes russes dans les camps de concentration staliniens

19 août 2022, 06:34, par WSWS

Un témoin oculaire, un ex-détenu du grand camp de Vorkouta, qui toutefois n’était pas lui-même trotskyste, décrit de la manière suivante les dernières activités des trotskystes et leur annihilation :

« Il y avait dans ce camp à lui seul environ un millier de trotskystes de vieille date qui se désignaient eux-mêmes par le terme de bolcheviks-léninistes. Environ cinq cent d’entre eux travaillaient à la mine de Vorkouta et pour tous les camps du rayon de Petchora. Ils étaient plusieurs milliers de trotskystes orthodoxes, en déportation depuis 1927 et qui demeurèrent fidèles jusqu’au bout à leur plateforme politique et à leurs dirigeants… En plus de ces véritables trotskystes, continue-t-il, il y avait à cette époque, dans les camps de Vorkouta et d’ailleurs, plus de cent mille internés qui, membres du Parti ou komsomoltsy, avaient adhéré à l’opposition trotskyste, puis avaient été, à différentes époques et pour différentes raisons… forcés de se repentir et d’abandonner les rangs de l’opposition. De nombreux déportés qui n’avaient jamais été membres du Parti se considéraient également comme trotskystes… » Il relève parmi leurs dirigeants V.V. Kossior, Posnansky, Vladimir Ivanov et d’autres trotskystes de vieille date.

« Ils arrivèrent à la mine durant l’été de 1936 et furent installés dans deux grandes baraques. Ils se refusèrent catégoriquement à travailler dans les puits. Ils ne faisaient que le travail au carreau de la mine, durant huit heures seulement, et non pas dix ou douze ainsi que le voulait le règlement et que le faisaient les autres internés. Ils ignoraient très ouvertement les règlements du camp. D’une manière systématique, il y avait déjà près de dix ans que la plupart d’entre eux avaient été envoyés dans des isolateurs politiques, tout d’abord en cellule, puis dans les camps des îles Solovky et enfin à Vorkouta.

Les trotskystes formaient le seul groupe de prisonniers politiques critiquant ouvertement la ligne générale stalinienne et résistant non moins ouvertement et de manière systématique aux geôliers. » (…)

A l’automne 1936, après le procès de Zinoviev et de Kamenev, les trotskystes organisèrent des manifestations au camp en l’honneur de leurs dirigeants et camarades exécutés. Peu après, le 27 octobre, ils commencèrent une grève de la faim. Et ce fut à cette grève que, selon la relation citée plus haut, Sergei, le plus jeune fils de Trotsky, prit part. Les trotskystes de tous les camps du rayon de Petchora s’y joignirent et la grève dura cent trente-deux jours. Les grévistes protestèrent contre leur transfert de tous les lieux de déportation précédents et contre le fait qu’ils étaient punis sans jugement public. Ils demandèrent la journée de travail de huit heures, une même alimentation pour tous les détenus, indépendamment de la réalisation ou de la non-réalisation de la norme de rendement, la séparation des détenus politiques et des condamnés de droit commun, et le transport des invalides, femmes et vieillards hors des camps polaires, dans les régions au climat plus favorable.

La décision de faire la grève de la faim fut prise au cours d’un meeting public…

L’administration, craignant que leur exemple se répandit, transféra les trotskystes dans des huttes désertes et à moitié démolies à environ quarante kilomètres du camp.

Sur un total de mille grévistes, plusieurs moururent et deux seulement cessèrent volontairement la grève de la faim.
En mars 1937, sur les ordres de Moscou, l’administration du camp céda sur tous les points….
Un matin, vers la fin de mars 1938, on fit l’appel des trotskystes notoires, qui reçurent un kilo de pain et l’ordre de préparer ses affaires pour un nouveau convoi… Au bout de quinze à vingt minutes, une salve retentit tout à coup à un demi-kilomètres de baraques, près de la rive escarpée de la petite rivière dénommée Vorkouta supérieure. Puis on entendit quelques coups de feu isolés et comme tirés au hasard, et de nouveau ce fut le silence. Bientôt auprès des baraques, repassa l’escorte du convoi. Et chacun comprit dans quelle sorte de convoi avaient été envoyés les détenus. »

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