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Editorial 8-10-2010 - Retraites : pour lutter et gagner

vendredi 8 octobre 2010, par Robert Paris

Comment lutter, comment gagner ?}}

Les journées d’action n’ont pas permis de faire reculer le gouvernement. Pourtant, il est évident que la casse des retraites révolte le plus grand nombre. Faire travailler plus longtemps les salariés, c’est augmenter le nombre de chômeurs, c’est faire payer aux travailleurs les frais d’une crise que les capitalistes ne veulent pas payer. Loin de reculer, Fillon a même annoncé qu’il comptait « poursuivre les réformes » jusqu’au départ en retraite à 67 ans comme dans toute l’Europe. Et dans toute l’Europe, les journées d’action ne suffisent pas à faire reculer les gouvernants. La journée très suivie et qui a bloqué l’économie en Espagne n’a rien donné, pas plus que les multiples journées d’action des travailleurs grecs ou que nos journées d’action en 2009 et 2010. Quant à la confiance que l’on peut faire aux dirigeants syndicaux, le lâchage récent de la grève générale d’Afrique du sud en dit long, d’autant qu’elle se place au moment même où les fonctionnaires en grève très massive et dynamique étaient suivis par le secteur privé, notablement celui des mineurs...

Sentant le vent de la colère sociale qui pourrait leur échapper, les centrales adaptent en France leur stratégie. Voyant que le mot d’ordre de journée d’action s’use, elles avancent, là où elles le sentent nécessaire pour garder la main, l’idée de la grève reconductible. Elles bloquent ici un terminal pétrolier, là un port ou une industrie chimique. Comme si on pouvait gagner les uns sans les autres. Nulle part, elles n’unissent dans des assemblées interprofessionnelles les infirmières aux enseignants et aux cheminots, aux dockers et aux métallurgistes. Et aucune centrale n’avance une stratégie nationale offensive. SUD peut être radical en paroles dans certains secteurs, la CGT ici, FO là, mais il n’y a pas de stratégie claire pour mener la lutte à l’échelle générale. Il n’y a aucune unification des moyens d’action mais la prétendue unité syndicale n’unifie même pas les revendications. Il ne sert à rien de s’en plaindre car, de toutes façons, c’est une illusion de penser que quelqu’un pourrait nous remplacer, nous travailleurs, pour décider de la manière de mener la lutte, des buts et des moyens. Même si les centrales étaient capables de diriger une vraie grève générale, ce ne serait nullement suffisant pour atteindre le succès dont les travailleurs ont besoin. Rien n’empêcherait ensuite les centrales de vendre chacune au prix qu’il lui plairait notre victoire, comme elles l’ont fait en 1936 et, à prix encore plus bas, en 1968.

Le nombre de travailleurs en lutte et même la radicalité des moyens et aussi la radicalité des revendications ne sont pas des garanties. Le seul moyen de garantir qu’une vraie lutte d’ampleur se développe, c’est de permettre que les travailleurs soient sûrs qu’ils ne tireront pas les marrons du feu pour des politiciens se préparant à gouverner à la place de Sarkozy mais toujours au service des capitalistes, ou pour des bureaucrates syndicaux prêts à tirer de la lutte des avantages pour leurs centrales comme en 1936, en 1945 ou en 1968.
Quels sont les moyens d’action, quelles sont les revendications, quels sont les perspectives du mouvement à venir, personne n’a à répondre à ces questions à la place de la classe ouvrière organisée en comités, fédérés à l’échelon national, prenant elle-même ses décisions en se mobilisant dans les entreprises et les quartiers, en unissant les travailleurs du privé et du public, les travailleurs avec ou sans papiers, avec ou sans emploi, jeunes et vieux…

Il ne doit pas être question d’accepter les limites que mettent d’avance les dirigeants syndicaux et socialistes : un respect scandaleux devant les coffres-forts des banques, les intérêts des capitalistes appelés mensongèrement « intérêt du pays ». Il ne doit pas être question de craindre de s’en prendre aux profits des grands patrons. Pour cela, il faut un nouveau mai 68, mais avec partout des comités de travailleurs....

Il n’est pas question de limiter la lutte aux seules retraites. Car accepter les pertes d’emplois, c’est aussi renoncer aux retraites. Accepter qu’un patron comme Alstom supprime 4000 emplois, c’est s’incliner devant la chute des rentrées d’argent des caisses.
Mener la lutte jusqu’au bout exige qu’aucune organisation ne décide à la place des travailleurs organisés en comités de lutte et de grève dans tout le pays et s’unissent aux paysans ruinés, aux artisans menacés, aux chômeurs, aux jeunes futurs sans emploi, à tous ceux que la société capitaliste rejette.

Pas question non plus de limiter notre lutte à des revendications économiques. La classe ouvrière a une politique pour diriger la société et rompre avec la société du profit.

Le seul gage de succès dans nos luttes, c’est de les diriger nous-mêmes !

A l’initiative de cheminots de la Gare de l’Est et d’enseignants du 18ème, nous avons été une centaine de salariés (du rail, de l’éducation, de la poste, de pme de l’agro-alimentaire, de l’informatique…), de retraités, chômeurs, étudiants, travailleurs avec ou sans papiers, syndiqués ou non, à nous réunir le 28 septembre et le 05 octobre pour discuter des retraites et plus largement des attaques que nous subissons et des perspectives pour faire reculer ce gouvernement.

Nous avons été des millions à manifester et faire grève lors des dernières journées d’action. Le gouvernement ne recule toujours pas. Seul un mouvement de masse sera en mesure de le faire. Cette idée fait son chemin au travers des discussions autour de la grève illimitée, générale, reconductible et du blocage de l’économie…
La forme que le mouvement prendra est notre affaire. C’est à nous tous de le construire sur nos lieux de travail avec des comités de grève, dans nos quartiers au travers d’Assemblées Générales souveraines. Ils doivent réunir le plus largement possible la population travailleuse, coordonnés à l’échelon nationale avec des délégués élus et révocable. C’est à nous de décider des moyens d’actions, des revendications… Et à personne d’autre. Laisser les Chérèque (CFDT), Thibault (CGT) et Cie décider à notre place, c’est se préparer à de nouvelles défaites. Chérèque est pour les 42 annuités. On ne peut pas non plus avoir confiance en Thibault qui ne revendique pas le retrait de la loi, comme nous n’oublions pas qu’en 2009 il buvait le Champagne avec Sarkozy alors que des milliers d’entre nous étaient licenciés, nous laissant nous faire battre séparément. Nous n’avons pas plus confiance dans les prétendus « radicaux ». La radicalité de Mailly (FO) c’est de serrer la main d’Aubry en manif alors que le PS vote les 42 annuités. Quant à Sud-Solidaires, à la CNT ou l’extrême gauche (LO, NPA), ils ne nous offrent d’autres perspectives que l’unité syndicale. C’est à dire l’unité derrière ceux qui veulent négocier des reculs.

Si aujourd’hui, ils enfourchent le cheval de la grève reconductible, c’est surtout pour éviter de se faire déborder. Le contrôle de nos luttes sert de monnaie d’échange pour être admis à la table des négociations…pourquoi ? Pour, comme il est écrit dans la lettre signée par sept organisations syndicales de la CFTC à Solidaire, « faire entendre le point de vue des organisations syndicales dans la perspective de définir un ensemble de mesures justes et efficaces pour assurer la pérennité du système de retraites par répartition. » Peux-t-on croire un instant qu’il peut y avoir une entente possible avec les casseurs de nos retraites depuis 1993, avec ceux qui ont entrepris la démolition méthodique de nos conditions de vie et de travail ?

La seule unité capable de faire reculer ce gouvernement et les classes dirigeantes, c’est de s’unir public et privé, salariés et chômeurs, retraités et jeunes, travailleurs avec ou sans papiers, syndiqués ou non, à la base dans des AG communes et en contrôlant nous même nos luttes. Nous pensons que le retrait de la loi sur les retraites est l’exigence minimale. Cela ne saurait suffire. Des centaines de milliers de vieux travailleurs survivent déjà avec moins de 700 euros par mois, pendant que des centaines de milliers de jeunes vivotent avec le RSA, quand ils l’ont, faute de travail. Pour des millions d’entre nous, le problème cruciale c’est déjà de pouvoir manger, se loger et se soigner. De cela nous ne voulons pas.

Oui, les attaques contre les retraites sont l’arbre qui cache la forêt. Depuis le début de la crise, les classes dirigeantes avec l’aide de l’Etat jettent à la rue des centaines de milliers de travailleurs, suppriment des milliers de postes dans les services publics. Et nous en sommes qu’au début. La crise continue et les attaques contre nous vont devenir de plus en plus violente.

Pour faire face, nous ne devons surtout pas avoir confiance dans les partis de la gauche (PS, PCF, PG …). Ils ont toujours gérés loyalement les affaires de la bourgeoisie en ne remettant jamais en cause la propriété privée industrielle et financière ainsi que la grande propriété foncière. D’ailleurs en Espagne comme en Grèce, c’est la gauche au pouvoir qui organise l’offensive du capital contre les travailleurs. Pour nos retraites, la santé, l’éducation, les transports et pour ne pas crever de faim, les travailleurs devront accaparer les richesses produites pour subvenir à leur besoin.

Dans cette lutte, nous ne devons pas apparaître comme défendant des intérêts catégoriels mais ceux de toute la population travailleuse y compris les petits paysans, marins-pêcheurs, petits artisans, petits boutiquiers, qui est jetée dans la misère avec la crise du capitalisme. Nous devons les entrainer et nous mettre à la tête de toutes les luttes pour mieux nous en prendre au Capital.

Que nous soyons salariés, chômeurs, précaires, travailleurs sans papiers et cela quelque soit notre nationalité, c’est toute la population travailleuse qui est dans le même bateau.

Messages

  • Le gouvernement et Sarkozy n’ont aucune raison politique et sociale de céder si les classes dirigeantes n’ont rien à craindre pour leurs affaires, rien à craindre de la classe ouvrière, et en particulier pas à craindre que la lutte des retraites n’enflamme l’ensemble de la lutte sociale, des salaires, des emplois, des chômeurs, des sans toits, des sans papiers.... Pas à craindre que cette lutte ne change le rapport de forces sociales, ce qui signifierait aussi que les travailleurs prennent la tête de toutes les couches qui sont victimes actuellement : petits paysans, petits artisans, petits épargnants, chômeurs, étudiants, etc...

    Pour faire reculer Sarkozy, il faut faire peur aux classes dirigeantes pour que celles-ci disent à Sarkozy : attention danger !

    Sans cela il n’aura que des raisons politiques et sociales de ne pas céder. Dire aux salariés : soyez nombreux dans la rue et en grève pour vous faire entendre de Sarkozy est faux.

    Il faut dire aux salariés : faites vous craindre des classes dirigeantes en leur montrant non seulement le nombre mais la radicalité de l’auto-organisation, des assemblées interpro mais aussi des comités de travailleurs, des collectifs, des liens d’une entreprise à une autre, une popularisation de ces moyens de lutte et d’organisation...

    Il ne faut pas nous arrêter aux barrières que l’on veut nous mettre : chaque secteur s’occupe seulement de son secteur, chaque catégorie de sa catégorie. Et d’abord parce que c’est le contraire qui fera peur à nos adversaires.

    Il ne faut pas que des syndicalistes soient approuvés quand ils disent aux salariés : vous n’êtes pas obligés de faire grève dans le privé si votre patron n’apprécierait pas et vous pouvez agir efficacement en manifestant le samedi sans faire grève. C’est se tirer une balle dans le pied. même si des travailleurs trouvent que l’idée est bonne. L’idée bonne, c’est de dire aux salariés : sachons ce que nous voulons, décidons-le nous-mêmes, gardons la direction de nos luttes et alors ne craignons pas de nous engager dans la lutte avec le prix que cela coutera. Si nous ne sommes pas prêts à payer le prix, ne nous étonnons pas du résultat.

    Si des syndicats nationaux dignes de ce nom existaient, ils n’auraient pas décidé à la place de la classe ouvrière ni des journées d’action ni une grève générale reconductible mais ils auraient dit aux travailleurs de tous le pays : lundi, avant la grève nationale, assemblez vous partout à telle heure. Dans ces assemblées, votez des décisions, des revendications, des moyens d’action, élisez des délégués et envoyez les à une assemblée centrale. Ces directions ouvrières là n’existent pas. A nous de les faire naitre !!!

  • Bien malin qui pourrait dire à quoi les centrales syndicales appellent. A la grève d’une journée, à la grève reconductible, certains secteurs comme l’énergie et les transports seulement à la grève reconductible ? Non. Elles n’appellent à rien de précis, faisant semblant de se cacher derrière lé démocratie de la grève et des assemblées générales. Mais ce n’est pas ces assemblées qui ont décidé du vote à bulletins secret. Ce n’est pas ces assemblées qui ont décidé de manifestations sans grève (le samedi). la stratégie, l’intersyndicale se l’est réservée. Elle fait mine de laisser les salariés décider jusqu’au jour où une centrale ou toutes appelleront à la reprise. Quant aux classes dirigeantes et au gouvernement, ils savent traduire : cette fausse démocratie signifie que les centrales n’iront pas bien loin, tout en préservant leur air d’avoir été aux côtés des salariés. Leur stratégie est cousue de fil blanc et ne mène pas à la victoire...

  • Lorsque les syndicats auront fait étalage de leurs forces en mettant dans la rue des millions de personnes et en paralysant la France et que le gouvernement (comme il est tout à fait en droit de le faire) ne fléchit pas, c’est toute la logique de dissuasion syndicale depuis le Front populaire qui risque d’en prendre un coup…

  • Ce qui peut surtout en prendre un coup c’est la crédibilité de la classe ouvrière à ses propres yeux et à ceux des classes moyennes. Si celles-ci se paupérisent, le risque de l’extrême droite grandira...

  • Il faut dire aux salariés : faites vous craindre des classes dirigeantes en leur montrant non seulement le nombre mais la radicalité de l’auto-organisation, des assemblées interpro mais aussi des comités de travailleurs, des collectifs, des liens d’une entreprise à une autre, une popularisation de ces moyens de lutte et d’organisation.

  • Si des syndicats nationaux dignes de ce nom existaient, ils n’auraient pas décidé à la place de la classe ouvrière ni des journées d’action ni une grève générale reconductible mais ils auraient dit aux travailleurs de tous le pays : lundi, avant la grève nationale, assemblez vous partout à telle heure. Dans ces assemblées, votez des décisions, des revendications, des moyens d’action, élisez des délégués et envoyez les à une assemblée centrale. Ces directions ouvrières là n’existent pas. A nous de les faire naitre !!

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