Accueil > 02 - Livre Deux : SCIENCES > Formation et filiation de l’homme > Ce que les comportements infantiles nous apprennent sur l’être humain

Ce que les comportements infantiles nous apprennent sur l’être humain

dimanche 4 novembre 2012, par Robert Paris

Ce que les comportements infantiles nous apprennent sur l’être humain

Il est fréquent que les adultes interprètent les attitudes des enfants en bas âge comme des défauts à corriger, comme des attitudes imparfaites qui doivent être remises dans le droit chemin pour accéder à l’âge adulte. L’enfant est conçu ainsi comme un petit adulte, ce qu’il n’est pas en réalité. Son fonctionnement, sa conception du monde, ses interactions avec lui-même et avec le monde qui l’enroure sont différentes de manière fondamentale de celles qu’il aura quand il sera plus grand.

Et ces comportements infantiles nous en disent plus long sur le caractère de l’être humain que les comportements adultes.

En effet, bien des comportements de l’adulte proviennent du fait que celui-ci connait les interdits sociaux, les interdits sociétaux, les interdits familiaux, les interdits culturels, les interdits sexuels, les coutumes, les rites, les traditions, les habitudes, les modes, les conceptions de son voisinage, etc et qu’il a appris à les respecter au moins en façade. L’adulte a appris à cacher, à inhiber, à contourner, à transformer nombre de ses réactions spontanées devant de multiples situations et il a répondu à de multiples fonctionnements spontanés en se créant des illusions psychologiques, des réactions construites, des erreurs d’optique, des transformations de point de vue qui l’empêchent ensuite de savoir comment il aurait spontanément réagi, quelles sont véritablement ses pensées, ses désirs, ses peurs, ses goûts, ses réactions spontanées, etc.

Pour comprendre l’être humain, l’adulte nous est donc beaucoup moins utile que l’enfant. On peut même dire que le plus intéressant provient des comportements de l’enfant qui nous interpèlent et nous étonnent ou nous choquent une fois adultes.

Et il est clair que l’adulte est souvent préoccupé du comportement infantile, et même gêné, choqué, perturbé par celui-ci.
Mais commençons par les attitudes des enfants qui nous étonnent simplement, nous adultes et que nous avons du mal à comprendre…

Quand l’enfant est mécontent il crie ou il pleure et s’agite violemment même si on lui expose la situation de manière parfaitement rationnelle. Pas question pour lui d’accepter d’attendre, de lâcher un objet auquel il tient, d’accepter le départ momentané de sa mère, etc.

Pour comprendre ces types d’attitudes infantiles, il convient de remarquer que l’enfant ignore ce que j’appellerais la continuité du monde, le fait que les objets ou les personnes ne disparaissent pas vraiment quand elles disparaissent de sa vue. Un enfant peut hurler dès que sa mère disparait à ses yeux, même si elle est simplement passée derrière un meuble.

Le deuxième exemple d’attitude inattendue de l’enfant est celle d’un petit qui se cache les yeux et est ainsi persuadé que l’on ne le voit plus dès lors que lui ne voit plus son environnement.

Ces deux remarques ensemble témoignent d’une conception de la discontinuité de l’univers pour les enfants en bas âge. Pour eux, il n’y a pas de dissociation entre le sujet et l’objet. Donc si on réalise la coupure (cacher les yeux) chez le sujet, il y aura aussi coupure avec l’objet. Du coup, y compris les autres personnes ne seront plus là et ne pourront plus le voir.

L’inexistence de la conscience de la séparation entre sujet et objet est aussi un manque de distanciation avec le réel. Ce qui est immédiat existe mais pas ce qui est plus loin dans le passé ou le futur.

L’absence de distance se manifeste aussi par l’absence d’humour, forme de distance qui ne s’acquiert que vers les dix-onze ans.

La conception de la discontinuité du monde se manifeste donc par la peur, par la révolte, par la violence, par le refus : non, je ne veux pas que ma mère me quitte, non, je ne veux pas qu’on m’enlève mon jouet, etc.

La conception de la non séparation du moi et du reste du monde se manifeste par le fait que tout ce qui est proche de moi, que je vois m’appartient et tout ce que je ne vois plus échappe à mon monde peut-être à jamais.

N’ayant aucune garantie d’existence continue des choses, l’enfant estime que tout ce qu’il quitte de la vue, il peut ne jamais le retrouver. Comme on le sait de vieilles civilisations s’étaient penchées sur la preuve que le soleil allait se lever le lendemain après la nuit et y voyaient quelque chose d’étonnant et d’inquiétant. Pourtant, nous nous sommes habitués, nous adultes, à trouver ce genre d’inquiétude stupides, à nous raconter que nous n’avons plus peur de la nuit, que nous ne craignons plus que le soleil ne se lève pas, que nous n’avons pas peur que nos proches nous quittent ou disparaissent.

Les enfants ne se projettent pas dans l’avenir par la logique. Ils détestent par exemple qu’on les prévienne des risques de telle ou telle action, risques que, nous adultes, connaissons pas avance. Ils estiment qu’il n’est pas possible de le savoir. On leur interdit donc d’expérimenter alors qu’ils estiment que personne ne peut deviner qu’il n’est pas bon d’expérimenter ainsi.

Toutes ces constructions intellectuelles, la projection par la logique, la continuité temporelle de l’existence du monde qui nous entoure, la distinction entre moi et le monde n’existent pas comme des présupposés pour eux.

Un autre point choque les adultes : l’enfant ne met pas les formes. Son égocentrisme, il ne le cache pas contrairement aux adultes. Le fait qu’il considère que ses désirs passent avant tout, que ses besoins doivent être clamés à la face du monde et satisfaits immédiatement n’a pas à être masqué par gentillesse, par politesse, ni par diplomatie. Ce ne sont pas des défauts qu’il va falloir corriger : c’est une autre mentalité que celle qu’aura l’adulte et dans laquelle le moi n’est pas séparable des objets ou des personnes que l’enfant revendique pour soi de manière immédiate. Et cela pour une raison fondamentale : s’ils s’écartent de lui, l’enfant pense qu’il les perd.

Il est important de partir de ces remarques pour commencer par constater que l’enfant ne pourrait absolument pas réfléchir autrement vu qu’il ne dispose pas de l’expérience ni du processus d’abstraction qui mène les réflexions des adultes.

En effet, le raisonnement humain est fondé sur l’abstraction. C’est elle qui leur permet de reconnaitre les situations, de savoir que telle situation est déjà connue, que les objets existent objectivement indépendamment de notre regard, que nous existons et sommes vus même quand nous fermons les yeux, etc.

Chez l’enfant, le processus d’abstraction n’est pas encore développé, même si l’enfant commence à parler et à mettre des mots sur les choses et les gens. La pensée logique n’est en rien spontanée ni innée, pas plus que ne le sont la conscience de l’objectivité du réel, de la séparation sujet-objet, du regard des autres, de la logique des événements.

C’est une erreur de croire que la séparation entre l’individu et le monde qui l’entoure est une évidence sensible et psychologique à la naissance. C’est une erreur de croire que la continuité de l’univers qui nous entoure est la conception innée de l’homme. C’est une erreur de croire que le moi tel que le perçoit l’adulte est le même que celui que perçoit l’enfant. La vision du futur n’est pas non plus la même. La logique de ce dernier est encore différente. La croyance en une rationalité du monde permettant de penser le futur, qui existe en partie chez l’adulte, est absente chez l’enfant qui vit dans l’instant. La conception rationnelle n’est d’ailleurs possible que lorsqu’on se considère séparément de l’univers car sinon l’objectivité même n’a pas de sens. Pour l’enfant qui a une conception fusionnelle avec ses parents et avec ses objets les plus attachants, une telle attitude d’objectivité n’est pas possible.

La compréhension par l’enfant de ce qui est possible et ce qui est impossible n’est pas accessible car il ne dispose pas de toute une série de notions de la rationalité et du futur. Et ce d’autant que les impossibilités sont ignorés de l’enfant : impossibilités physiques, impossibilités physiologiques, impossiblités morales, interdits sociaux, culturels, traditionnels, familiaux.

Chez l’enfant, le monde conscient et le monde inconscient sont bien plus mêlés que chez l’adulte. Le rêve de la nuit n’est pas clairement dissocié de la réalité de la vie diurne. L’imaginaire n’est pas nécessairement moins crédible que le réel.

Les différents éléments et remarques précédentes soulignent que l’enfant n’est pas un adulte en petit, un homme complet pas encore formé, mais un individu fonctionnant au plan psychologique, affectif et réactionnel, de manière très différente de ce qu’il sera plus tard.

Adulte et enfant diffèrent considérablement dans leur vision de leur propre personne, du monde qui les entoure et des relations entre les deux, comme de la logique du monde, de son existence continue, et des lois qu’ils respectent et que nous devons respecter.

Il ne s’agit nullement dans ce texte de pédagogie ou de psychologie infantile en vue de l’éducation ou des relations parents-enfants. Tel n’est nullement le sens de cette réflexion.

Rappelons que nous avons expliqué au début que nous réfléchissions sur les attitudes de l’enfant car celui-ci réagit sans chercher à cacher ou à bloquer ses réactions spontanées alors que l’adulte a parfaitement appris à les cacher y compris à ses propres yeux. Donc comprendre les mécanismes humains peut être facilité par leur observation chez l’enfant.

Bien des auteurs ont vu dans la réflexion humaine un sous-produit du langage. Ils ont donc privilégié l’étude du lien de la conscience avec la capacité d’appréhension des mots. Et il est exact que le mot est un élément fondamental de la prise de conscience du concept chez l’homme. Cependant, les enfants ne sont pas des petits hommes parce qu’ils parlent ou entendent. Les enfants sourds et muets sont aussi des petits hommes. Le langage est donc une forme de développement infantile mais elle ne suffit pas à décrire les mécanismes par lesquels les êtres humains développent leurs capacités spécifiques de réflexion, d’action, et de mise en perspective de cette action.

Bien des études s’intéressent à la psychologie de l’enfant mais essentiellement dans l’optique éducationnelle ou pour aider à résoudre les problèmes physiologiques ou psychologiques de l’enfance. Or l’enfance est un autre éclairage sur le sens de l’humanité et elle mérite d’être étudiée dans cette optique.

L’enfance et l’âge adulte diffèrent prodigieusement dans leur mode de perception du monde. L’acquisition par l’adulte de multiples comportements, notamment ceux liés à l’éducation, ne font que masquer la réalité des perceptions humaines spontanées ou innées. Nous aruions ainsi tendance à oublier que l’enfant ne perçoit pas la logique, la continuité, l’objectivité du monde.

L’une des caractéristiques de l’enfance de l’être humain est sa grande dépendance vis-à-vis des adultes provoquée par le fait qu’il a une très faible capacité à interagir avec le monde extérieur alors qu’il est en train de pratiquer un grand développement du monde intérieur.

L’enfance a une durée très longue chez l’homme et elle a rôle considérable dans les capacités ultérieures de l’individu. C’est beaucoup moins le cas chez d’autres espèces. Cependant, nous ignorons le rôle de l’enfance dans la transformation du monde adulte ultérieur. Pourtant, des primatologues ont remarqué, même chez des singes, le rôle considérable des enfants dans les transformations du monde des adultes. Ce sont des enfants macaques du Japon qui ont été les premiers dans les années 60 à nettoyer des patates douces à l’eau et ont ensuite fait passer cette méthode aux adultes, nettoyant aussi les graines à l’eau, déplaçant leur nourriture vers l’eau en marche sur deux pattes,…

Nous savons ce que devient un enfant qui subit l’éducation que nous lui donnons mais nous ne savons pas ce qui serait arrivé si l’enfant était éduqué tout à fait différemment. Lorsque nous observons l’évolution d’un enfant qui grandit, nous ne recueillons que ce que nous avons semé. Ce n’est pas le résultat de l’éducation que nous devons observer pour comprendre ce qu’est l’homme en étudiant l’enfant. Or, si bien des études ont été réalisée sur la psychologie enfantine, c’est surtout pour se pencher sur l’éducation des enfants, sur leurs problèmes psychologiques et sur la pédagogie ou sur les problèmes des relations parents/enfants.

Contrairement à ce que l’on croit souvent, nos gestes sont aussi importants que notre langage. Hocher la tête pour acquiescer ou refuser, lever la main pour indiquer qu’on veut prendre la parole ou poser son index tendu sur la bouche fermée pour requérir le silence sont des comportements d’observation courante. Ces formes non verbales de communication, essentielles pour comprendre comment l’enfant s’adresse à autrui avant l’émergence du lexique, ont été négligées par les perspectives ’’ classiques ’’, qui ne les prennent pas en compte ou les considèrent comme des processus transitoires.

Les états mentaux ne se résument pas à la pensée parlée ou écrite. Ils sont des groupes de sensations et de pensées qui englobent tous les sens et font agir tout le cerveau. L’apprentissage est construction et faveur donnée à certains états mentaux et faveur donnée aussi à certains circuits nerveux en connection. De plus, la capacité de parler ou de percevoir l’espace consiste plus qu’en la simple sélection de conduites appropriées : ce sont des états internes qui sont sélectionnés.

Ce sont les actions sur l’environnement et leur observation par l’enfant qui lui permettent d’intérioriser les notions abstraites d’identité et de processus réversible. (ex : un objet reste identique lorsqu’il est lancé, un autre se modifie). La pensée est issue de l’activité des enfants et pas seulement de la pure réflexion.

Toutes ces remarques nous amènent à une attitude philosophique : étudier l’enfant pour étudier l’homme.

Il est bien plus rare que les études sur l’enfance aient pour but d’étudier le sens des attitudes des êtres humains. En voici une.

Pourquoi les enfants se croient invisibles lorsqu’ils cachent leurs yeux derrière leurs mains

Quiconque a déjà eu l’occasion de gronder un enfant a pu remarquer ce réflexe bizarre de certains, consistant à masquer leurs yeux derrière leurs mains, pensant (naïvement) que ce geste pourra les rendre invisibles. Mais d’où leur vient cette fausse idée ?

Des chercheurs de l’université de Cambridge se sont penchés sur cette question et, procédant par élimination, semblent avoir trouvé l’explication à ce surprenant réflexe. Et leurs conclusions montrent que les gamins ont une conception plutôt étrange de l’invisibilité...

Sur le site américain BPS Research Digest, le psychologue et écrivain Christian Jarrett explique qu’une équipe de scientifiques britanniques, sous la direction du professeur James Russel, a mené une série d’expériences avec 37 enfants âgés de trois et quatre ans.
Comme l’explique le Daily Mail, l’une de ces expériences consistait à faire porter des masques aux enfants et à leur demander s’ils pouvaient être vus par les scientifiques : la plupart des enfants pensaient que non. De même, de nombreux jeunes sujets pensaient que les chercheurs ne pourraient pas non plus voir un adulte si ce dernier cachait également son visage derrière un masque.

Une deuxième expérience consistait à faire porter aux bambins des lunettes qui leur permettaient de percevoir la réalité, mais qui masquaient leurs yeux à leurs interlocuteurs par un jeu de miroir. Sept enfants seulement sont parvenus à concevoir qu’il leur était possible de voir à travers la réalité alors que personne ne voyait leurs yeux. Et sur ceux ayant compris le concept de ces lunettes, six ont continué à croire qu’ils étaient invisibles puisque personne ne pouvait croiser leur regard. Après ces deux tests, la conclusion des scientifiques est sans appel :

« Les enfants pensent que pour qu’une personne soit visible, l’expérience de la vue doit être partagée et mutuellement perçue comme partagée, comme c’est le cas lorsque deux paires d’yeux se croisent. »

Quiconque s’est déjà engagé dans une série de cache-cache avec un jeune enfant a pu être témoin d’un adorable comportement, mais un peu illogique, qui est presque universellement partagé chez les enfants : la tentative de se cacher de la vue en fermant simplement les yeux. C’est mignon et tout, mais c’est aussi déconcertant. Pourquoi les enfants pensent qu’ils peuvent se rendre invisibles ? Et pourquoi presque tous les jeunes enfants arrivent à la même conclusion irrationnelle ?

Des chercheurs de l’Université de Cambridge ont tourné leur attention vers ce mystère en effectuant une série de tests simples sur des groupes d’enfants de 3 et 4 ans. Les chercheurs ont d’abord placé des masques qui recouvraient les yeux des enfants et leur ont demandé s’ils pouvaient être vus par les chercheurs, ainsi que si les chercheurs pouvaient voir d’autres adultes, si ces adultes portaient des masques sur leurs yeux. Presque tous les enfants ont estimé qu’ils étaient cachés de la vue aussi longtemps que leurs yeux étaient masqués et la plupart d’entre eux pensaient que les masques pour les yeux protégeaient également de la vue les adultes.

Ensuite, ils ont interrogé un deuxième groupe d’enfants portant deux ensembles différents de lunettes. La première série de lunettes a été complètement noircie. La deuxième série était à sens unique, en miroir, ce qui signifie que les yeux des enfants étaient masqués de la vue, mais les enfants pouvaient voir à travers les lunettes. Cet exercice peut avoir quelque peu souffert de la conception défectueuse de l’expérience, car la plupart des enfants (37 sur 44) portant les lunettes miroir n’a pas bien saisir l’idée que, s’ils pouvaient voir à travers les lunettes, leurs propres yeux étaient obscurcis de la vue. Mais les 7 restants ont tous pensé qu’ils étaient cachés de la vue indépendamment du fait qu’ils portaient des lunettes noircies ou en miroir.

Se développer, c’est apprendre à inhiber

Mécanismes de la communication non verbale chez les jeunes enfants

Le développement de l’intelligence chez l’enfant

Existe-t-il une hiérarchie déjà chez les enfants ?

L’enfance, le haut lieu de la violence sociale dans la société bourgeoise

Processus cognitifs chez le jeune enfant

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.