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Edito – « Dialogue social », le grand mot est lâché !

mardi 20 octobre 2015, par Robert Paris

Edito – « Dialogue social », le grand mot est lâché !

Hollande a une idée sur ce qui serait bon pour les salariés : accepter les gifles et dire merci du moment que celui qui vous frappe vous propose d’en discuter ou qu’il vous tend la main ! Si on vous impose de travailler plus en gagnant moins, en vous menaçant de licenciement si vous refusez, en vous traitant de « voyou » si vous vous révoltez, en venant vous arrêter à six heures du matin à votre domicile et en vous menaçant de cinq ans de prison ferme pour… avoir défendu votre emploi, votre salaire, votre famille, parce que vous estimez dangereux de conduire des centaines d’heures en plus des avions avec la responsabilité de la vie des passagers, aurez-vous envie de serrer la main qui vous frappe, de bavarder gentiment avec le patron qui vous fait subir ce chantage, avec le gouvernement qui le cautionne ?!! Ce n’est pas comme cela qu’on vous a posé le problème dans les média, dans le discours des gouvernants et des hommes politiques, c’est-à-dire des patrons et de leurs défenseurs. Certainement pas ! C’est à vous, salariés, de le poser ainsi parce que, n’en déplaise à tous les Hollande, à tous les défenseurs du « dialogue social », s’ils défendent le dialogue, c’est qu’il y a bel et bien deux camps en présence, les salariés et les patrons, et que chacun ne peut que choisir son camp ou être trompé par le discours selon lequel nous aurions tous les mêmes intérêts, qu’on soit patron ou salarié, selon lequel l’Etat et le gouvernement seraient impartiaux et seraient là pour équilibrer les deux camps. Et les deux camps, ce sont bel et bien les deux classes sociales fondamentales de la société, les travailleurs et les exploiteurs !

Dans l’affaire des licenciements à Air France, on a bien vu que le gouvernement a déclaré « être entièrement du côté du patron » ! De même qu’il était entièrement du côté du patron de l’APHP (hôpital public) qui veut supprimer des repos et des congés, qui veut surexploiter les personnels. De même qu’il était entièrement du côté du patron de Radio France qui démolit le service public de radio comme des patrons de France Télévisons ou de l’AFP qui font de même ou du PDG de la SNCF, chargé de détruire le service public du Rail, ou encore du côté du patron de Total ou d’Areva qui suppriment massivement des emplois, du patron de PSA qui licencie ou du patron de Renault qui bloque les salaires et supprime massivement des emplois.

Quand le gouvernement a développé des crédits d’impôts, quand il a commencé à casser le droit social, supprimant les pénalités des licenciements abusifs par exemple, où a-t-on vu un gouvernement faisant l’équilibre entre patrons et salariés, quand des patrons ont lancé des plans de licenciements comme à Peugeot, à Goodyear ou ailleurs, a-t-on vu le gouvernement s’opposer une seule fois aux licenciements en prenant le parti des salariés ? Nulle part ! A-t-on une raison de le croire quand il dit essayer d’éviter les licenciements à Air France alors qu’il veut seulement peser en faveur du chantage patronal, faire accepter des reculs sociaux et faire passer les licenciements et faire passer les licenciements comme une conséquence d’un manque de solidarité des syndicats et des salariés ? Mais est-il exact que les syndicats de salariés auraient refusé le dialogue social ? Même à Air France, n’est-ce pas les syndicats de pilotes qui ont forcé les pilotes à reprendre le travail, de même que ce sont les syndicats qui ont forcé les salariés à reprendre le travail dans la grève de Radio France, qui ont imposé aux agents de l’hôpital public la négociation alors que les personnels de l’APHP affirmaient qu’il n’était pas question de discuter avec Hirsch de sa réforme bidon !

Hollande et Sarkozy, comme les média, font semblant de s’en prendre à des syndicats radicaux et irresponsables, mais ce sont les travailleurs eux-mêmes et non les centrales syndicales, qu’ils visent en réalité. La lutte des classes, c’est exactement cela qui les motive pour agir ainsi. Ils défendent les intérêts de la même classe, qu’ils soient de partis bourgeois de droite, de gauche ou d’extrême droite, ce sont des partisans de la même classe, de la classe capitaliste et des adversaires déclarés des travailleurs.

Et, dans toutes ces affaires qui ont rythmé la vie sociale de ces dernières années, où a-t-on vu que les syndicats aient refusé de négocier jusqu’au bout et même de continuer à négocier après l’annonce des attaques scandaleuses, et même ensuite de négocier pour discuter de leur mise en place ? Nulle part !

Ce qui a manqué à Air France, ce serait paraît-il le dialogue social. C’est ce qu’affirme Hollande, applaudi par les syndicats patronaux. Selon lui, l’entreprise, l’économie, le pays, c’est une seule et même barque dans laquelle tout le monde, patronat, salariés et gouvernement, est embarqué et on ne peut pas s’en désolidariser. Il y aurait bien sûr des intérêts divergents mais la seule solution serait de négocier gentiment, de se comprendre et de s’entendre. Cela suppose d’accepter des réformes, traduisez des reculs sociaux causés paraît-il par les difficultés économiques. On a entendu ce discours à toutes les sauces dans la bouche des hommes politiques, des gouvernements, dans les média.

Mais qui refuse le dialogue social ? Certainement pas les syndicats de salariés ! Certes CGT et SUD ont, pour une fois, refusé symboliquement de participer une mise en scène de la « concertation sociale » juste après une attaque en règle contre les salariés d’Air France. Mais de là à en tirer l’idée qu’ils refusent toute concertation, qu’ils mènent la lutte des classes, de manière radicale, il y a du chemin ! Ces deux syndicats continuent à négocier avec la direction de la SNCF alors que le plan de casse du service public du Rail est en chemin. Ces deux syndicats continuent à négocier à Radio France, à France Télévisions, et partout où les attaques contre le service public sont menées tambour battant. Ils avaient négocié malgré les huées des agents de l’hôpital public APHP lors de l’attaque contre la Santé menée par le PDG de l’APHP Hirsch. Tous les syndicats ont participé à la négociation sur les retraites complémentaires, comme ils l’avaient fait aussi sur le chômage, sur le plan de sauvegarde de l’emploi, les suppressions d’emploi à Areva ou à Mory Global, sur les blocages de salaire à Renault ou à la Société Générale, avec au bout de ces négociations la signature de certains syndicats mais la caution de tous puisque tous acceptaient le cadre des négociations !!! Mais oui, n’en déplaise à Hollande, les syndicats négocient, dialoguent, ne cessent de dialoguer et le niveau social recule, ne cesse de reculer, au rythme même des négociations. Même avec Sarkozy, les syndicats ne cessaient de dialoguer, de négocier…

Bien sûr, les syndicats protestent, ne sont pas satisfaits, ne signent pas parfois mais tous cautionnent puisqu’ils participent, puisqu’ils se revendiquent même du principe du dialogue social. Mais que veut dire ce principe là ? Et qui défend-il ? Les intérêts communs des patrons et des salariés ? En quoi consisteraient de tels intérêts communs pour un salarié auquel on propose de… perdre son emploi, de réduire son salaire, d’imposer des suppressions massives de congés et autres attaques antisociales de grande ampleur ?

Même les deux syndicats qui n’ont pas participé à la seule conférence sociale se disent eux-mêmes les plus fermes partisans du prétendu « dialogue social », c’est-à-dire de la principale tromperie sociale actuelle, celle qui consiste à faire croire que salariés et patrons ont les mêmes intérêts, que l’entreprise, que l’économie, que le pays serait aussi profitable aux travailleurs qu’à leurs exploiteurs, que l’Etat bourgeois serait aussi favorable aux uns qu’aux autres.

C’est cette tromperie sociale qui mène, de négociation en négociation, à la réduction des aides sociales, des retraites, de la santé publique, de la sécu, de l’hôpital public, de l’école publique, des allocations chômage, du code du travail et de tout droit social. Tous les syndicats, qu’ils signent ou pas ces reculs, ont accepté de les négocier !

Même la CGT, présentée par Hollande comme un syndicat de lutte de classe radicale, comme les plus rouges des rouges, a sauvé le PDG d’Air France de la colère des salariés, a dénoncé les « violences » des salariés en colère « autant que celles des patrons », a revendiqué le « retour au dialogue social calme et responsable à Air France », de même que c’est la CGT qui a fait croire à l’époque du mouvement des retraites que la grève générale n’était pas à l’ordre du jour, que le seul moyen de défendre les retraites consistait à virer Sarkozy en faisant élire Hollande ! Et c’est encore la CGT qui se refuse à défendre les salariés arrêtés, menacés de prison et de licenciement, par le seul moyen de défense qu’aient les travailleurs : en appelant les salariés d’Air France à la grève générale. C’est encore la CGT qui menait des négociations clandestines à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière, discrétes pour ne pas être dérangée par les agents hospitaliers en colère. C’est encore un dirigeant CGT, qui allait devenir par la suite le secrétaire général national du syndicat, et qui a fait le rapport au Conseil Economique, social et Environnemental en faveur de la privatisation de la SNCF ! C’est toujours la CGT qui a voté à Renault en faveur du plan social de Ghosn ou encore en faveur du PDG quand il était contesté notamment pour avoir accusé mensongèrement ses collaborateurs d’espionnage.

Non, aucune centrale syndicale ne défend la lutte des classes et moins encore le syndicalisme révolutionnaire, aucun ne défend le combat contre le système capitaliste, aucune ne défend même l’idée que l’entreprise ne serait pas le lieu d’une entente de classe, que l’on ne doit pas collaborer avec son ennemi. Aucune ne défend l’idée que les travailleurs sont porteurs d’une autre société, fondée sur l’intérêt collectif de la population et pas sur celui de l’infime minorité des possesseurs de capitaux. Aucune ne prône la suppression de la propriété privée des moyens de production. Aucune n’est pour en finir avec un Etat entièrement au service de la classe capitaliste. Aucune centrale syndicale ne vit essentiellement des rentrées d’argent des cotisations et pas des sommes données par le patronat et l’Etat. Aucune centrale syndicale ne passe pas l’essentiel du temps de ses militants à des réunions avec nos ennemis du patronat et du gouvernement.

Eh bien, si la classe ouvrière, si les salariés ont besoin d’un dialogue, c’est celui entre travailleurs et pas avec nos ennemis car nous n’avons rien dont nous puissions les convaincre par la discussion alors que nous avons absolument besoin d’échanger entre nous pour développer notre programme de défense face à l’attaque patronale et gouvernementale, pour unir nos luttes, pour préparer notre avenir face à un capitalisme en faillite qui ne peut que nous préparer comme avenir que des guerres, des terrorismes et des guerres civiles, que de la misère et des violences de toutes sortes.

Alors oui au dialogue social entre ceux qui ont les mêmes intérêts à défendre : les travailleurs du public et du privé, les travailleurs en CDI et ceux en CDD, les fixes et les précaires, les actifs et retraités, ceux ayant un emploi et ceux au chômage, avec ou sans papiers, de n’importe quelle origine nationale, raciale, religieuse, ethnique et autres ! Si nous prenons conscience, malgré les divisions que l’on veut entretenir entre nous, que nous sommes une seule et même classe, nous sommes alors la classe la plus forte de toute la société et nous n’aurons aucun mal à imposer nos solutions, nos programmes, à en faire la base d’un nouveau fonctionnement de la société. Si, au contraire, nous nous solidarisons avec les mensonges des gouvernants contre d’autres salariés, nous n’aurons que nos yeux pour pleurer quand nous serons nous-mêmes attaqués et, comme les salariés d’Air France, nous serons livrés à des coups de colère au lieu d’avoir un programme d’action collective à défendre et des perspectives réelles de changement social.

Oui, dialoguons avec les travailleurs de nos bureaux, de nos ateliers, des services publics, des entreprises privées, du service d’à côté, de l’entreprise d’à côté, de nos voisins de palier, du quartier, pour préparer les liens qui nous permettront de nous informer mutuellement de nos revendications, de nos luttes, pour tisser un réseau nous permettant d’unifier nos luttes et de les organiser par nous-mêmes. Le véritable dialogue social est celui au sein de notre classe sociale, celle de tous ceux qui n’exploitent personne, qui ne licencient personne, qui n’expulsent personne, qui ne font fermer le compte en banque ni le courant de personne, qui ne cassent les salaires de personne, des travailleurs de toutes professions et de toutes catégories, c’est-à-dire de l’immense majorité de la population, celle qui fait fonctionner toute la société par son travail et qui en tire de moins en moins les bénéfices. Les seuls avec lesquels nous ne devons pas dialoguer mais que nous devons combattre sont ceux qui nous combattent, ceux qui préfèrent protéger leurs milliards de profits que nos emplois, que nos salaires, que nos vies. On ne dialogue pas avec les patrons bandits, les patrons maitres chanteurs, les patrons preneurs d’otages, les patrons casseurs des emplois, les patrons qui précarisent, qui poussent au suicide, qui harcèlent, qui fliquent les salariés, qui les terrorisent, qui les exploitent, qui réduisent leur durée de vie, qui sont cause des morts au travail, qui détruisent les vies de famille, en somme toute la classe capitaliste et ses suppôts gouvernementaux.

Tant que nous ne prendrons pas conscience qu’il y a deux classes, exploiteurs et exploités, et que la démocratie est un leurre, nous n’aurons que nos yeux pour pleurer de ne pas avoir vu la réalité en face.

Hollande a déclaré que « L’alternative, c’est la réforme ou la rupture. », bien persuadé que les centrales syndicales choisissent toutes les réformisme et pas la révolution. La seule réponse que peut lui donner la classe ouvrière, comme à tous les défenseurs des intérêts du grand capital, c’est de lui donner de « la rupture », c’est-à-dire de la révolution sociale. C’est la seule chose que lui et ses semblables n’auront pas volée ! Soyons persuadés que les classes dirigeantes pousseront les travailleurs à bout comme ils le font à Air France, comme ils l’ont fait en Grèce et plus tôt nous nous préparerons à cette situation d’explosion sociale mieux cela vaudra.

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