samedi 21 novembre 2015, par
Les assassins ont tué à Paris. Des victimes innocentes, désarmées, qui n’avaient rien fait à ces tueurs et à leurs proches. Et, paraît-il en réponse, l’armée française et l’armée américaine ont bombardé en Syrie et en Irak, tuant paraît-il des terroristes.
En bombardant des villes, les aviations française et américaine n’ont tué que des terroristes ?!! Non bien sûr, ils ont, une fois de plus, tué aussi des victimes civiles innocentes, désarmées, qui n’avaient rien fait à leurs tueurs et à leurs proches.
Terreur et contre-terreur… Dans les deux cas, les victimes principales ne sont pas les tueurs : ce sont les populations civiles ! On le sait depuis les guerres d’Irak et d’Afghanistan où on nous parlait de « frappes chirurgicales » et où on nous a parlé ensuite de « dégâts collatéraux ».
Mais ces « dégâts », ce sont aussi des peuples physiquement et moralement détruits et des pays, des économies, des infrastructures démolies que personne n’a ensuite reconstruites, ni en Irak, ni en Afghanistan, ni en Libye, ni en Syrie, ni au nord du Mali. La démocratie et le développement ne sont pas davantage le fruit des bombardements occidentaux que la suppression du terrorisme.
Encore faudrait-il comprendre d’où il vient ce terrorisme ! Et il n’a pas plus sa source dans le Coran que la violence d’un Hitler n’avait sa source dans le protestantisme allemand ni celle du Rwanda dans la religion catholique ou celles de l’Inde dans le bouddhisme, ni les horreurs du fascisme japonais dans le taoïsme. Ce ne sont là que des couvertures idéologiques et elles n’expliquent pas l’éruption brutale de la violence, dont la raison est à chercher dans la crise de la société et pas dans les discours justificateurs des criminels.
Que les terroristes se revendiquent de l’islam ne signifie pas qu’il faille les croire quand ils affirment que leurs actes s’expliquent par le Coran, pas plus qu’il ne fallait croire Hitler quand il disait vouloir le bien du peuple allemand. Sous prétexte de fanatisme religieux, les bandes fascistes de Daesh ont tué cent fois plus de musulmans croyants que d’Européens et leur terrorisme n’est pas né en Europe, ni de la situation politique, économique et sociale de celle-ci. Quant aux bombardements des armées occidentales, on a mille fois vérifié qu’ils entretenaient le terrorisme au lieu de le détruire.
Après les attentats de Charlie et l’Hyper Casher, Valls lui-même déclarait devant l’assemblée nationale le 13 janvier 2015 : "Comment remédier à ce foyer du terrorisme international qu’est l’État islamique ? La solution ne réside pas dans de nouveaux bombardements alors que les opérations précédentes n’ont fait qu’empirer la situation." Dire tout et son contraire, c’est ça l’art de la politique bourgeoise. De même qu’hier, le gouvernement déclarait qu’en Syrie c’est d’abord la lutte contre Daesh aux côtés de la Russie et demain il déclarera avec Obama que c’est d’abord la lutte contre Assad et la Russie !
Les drapeaux des guerres sont tissés de mensonges. Pensons-y aussi quand Hollande-Valls nous chantent la « guerre contre le terrorisme », soutenus en cela par la plupart du monde politique et par les média. Mensonge parce qu’on ne tue pas le terrorisme par des bombardements mais aussi mensonge parce qu’on ne défend pas la démocratie en la tuant par l’état d’urgence, par l’état de guerre, par la suppression des libertés, par l’état policier et militaire.
Ces mesures ne visent pas que les assassins : elles visent toutes les libertés et d’abord celles des travailleurs, la liberté de faire grève, la liberté de manifester, la liberté de critiquer la politique des classes dirigeantes. Et ce n’est pas un hasard si ces dernières utilisent l’émotion suscitée par le massacre du 13 novembre, suivant ceux de Charlie et de l’hyper casher, pour justifier les guerres du Moyen Orient ainsi que la dérive des méthodes gouvernementales vers l’Etat policier.
Les terroristes ne sont pas les seuls à utiliser la peur. Le gouvernement Hollande-Valls ne se contente pas de la peur qu’a suscitée l’attaque terroriste du 13 novembre. Il ne se contente de la peur rétrospective que les forces de l’ordre déclenchent en affirmant qu’à Saint-Denis elles auraient désarmé une autre vague de terreur. Non, ils brandissent la menace d’une attaque chimique et bactériologique sur la France et même les risques d’utilisation de l’arme nucléaire par les terroristes, rien que ça ! Cela nous rappelle « les armes de destruction massive » de Saddam Hussein qui n’existaient que dans l’imagination des services secrets américains. Mais c’est bien utile pour faire reculer le peuple et les travailleurs français. Car il va falloir justifier non seulement la recrudescence des guerres extérieures mais aussi celle de la guerre intérieure : état d’urgence, régime policier, police en arme sans cesse prête à tirer, arrestations arbitraires, interdictions de presse arbitraire, pleins pouvoirs au gouvernement, suppression des libertés et des droits, attaques non seulement anti-terroristes mais anti-sociales, antigrève, anticritiques médiatiques au nom des prétendues nécessités de la sécurité.
Dans les guerres, on croit mourir pour la liberté, la démocratie et l’intérêt des peuples et on meurt pour les intérêts des banquiers et des industriels, nous rappelaient justement les Jean Jaurès, les Anatole France comme les Auguste Blanqui.
La guerre contre le terrorisme est un mensonge aussi car la guerre entretient le terrorisme, elle ne le tue pas. S’il y a une chose que cette guerre des USA et de ses alliés a démontré, c’est bien cela. Des dizaines d’années après une telle guerre avec les grands moyens de toutes les puissances occidentales, le terrorisme se porte mieux que jamais ! Il couvre un territoire plus grand que jamais !
Les libertés que les groupes intégristes ont attaquées pendant de longues années ne sont pas celles des occidentaux mais celles des peuples du Moyen Orient. L’explication de l’ampleur de leur succès est à chercher dans la situation des pays d’origine. Le terrorisme a fleuri sur la destruction de la société, sur la destruction de l’espoir de vivre libre et sur la destruction de la confiance dans le développement de leur pays. Dans aucun des pays du Moyen Orient, le terrorisme n’est né avant les interventions militaires massives des puissances occidentales. Dans toutes, il en est directement le produit.
D’ailleurs, n’est-ce pas justement parmi ces fameux « dégâts collatéraux » de la guerre occidentale en Irak qu’on peut classer la fabrication des bandes armées terroristes appelées Daesh et de leur occupation d’un territoire grand comme l’Angleterre qui s’étend maintenant à la Syrie et à la Libye ?
Qui a permis un tel succès des bandes terroristes, sinon les grandes interventions armées notamment de la France et des USA, sinon la destruction méthodique des Etats, des armées, des institutions, des infrastructures économiques, sociales et politiques de l’Irak, de la Libye et de la Syrie, destruction minutieusement programmée par les puissances occidentales sous le prétexte d’y établir la démocratie ?
Alors pourquoi cette terreur ? Qui a besoin de semer la haine entre les peuples, entre les religions, entre les nations ? Quelles circonstances amènent cette montée des violences ?
La réponse est à chercher non dans les croyances des peuples mais dans les intérêts économiques, sociaux et politiques des classes dirigeantes. On ne parvient pas à dominer tout un territoire sans leur soutien. On ne fonde pas une armée terroriste sans que cela serve des classes dirigeantes. Toutes les expériences que nous connaisons dans l’Histoire de terrorisme à grande échelle nous apprennent que, derrière les chefs terroristes et leurs discours mensongers, il y avait toujours des classes dirigeantes qui décidaient que leur pouvoir était menacé par une déstabilisation économique, puis sociale et politique et qu’il fallait y répondre par un bain de sang.
Cette fois encore, derrière cette terreur il y a des intérêts des classes dirigeantes, celles du Moyen Orient menacées par la vague des révolutions qui découlent de la crise mondiale mais aussi celles des grandes puissances qui n’en sont pas moins menacées quand l’effondrement économique va révéler la fin de l’ancien monde.
Les peuples des puissances occidentales sont restés dans l’ignorance de la situation du Moyen Orient, dans l’incompréhension que leur sort aussi se jouait là. Une ignorance cultivée par les gouvernants occidentaux. Tout au plus, en France, on savait que le choix américain de la guerre à outrance en Irak, soit-disant pour abattre Saddam Hussein, y était discutable et critiquable, vu que les classes dirigeantes françaises avaient, au contraire des USA, fait le pari de la pérennité du régime de Saddam et développé à fond leurs affaires avec lui.
Le dernier numéro du « Canard Enchaîné » peut titrer : « A Georges W. Bush, le djihad reconnaissant » en écrivant : « Le 19 octobre 2004, lors d’un débat télévisé, Georges W. Bush affirmait qu’attaquer l’Irak trouvait sa justification dans la tactique dite « de la guerre préventive » : attaquer l’ennemi avant qu’il ne vous attaque. Face à lui, son adversaire démocrate John Kerry disait : « Quel ennemi ? Attaquer l’Irak après le 11 septembre revient à attaquer le Mexique après Pearl Harbor. » L’ancien chef d’Etat anglais Tony Blair a récemment avoué que le mythe des « armes de destruction massive » de Saddam Hussein était tout aussi mensonger que la responsabilité de Saddam dans le 11 septembre et s’est excusé d’avoir ainsi contribué à fonder le terrorisme islamique !
Mais les chefs de l’impérialisme mondial n’agissent pas par bêtise ou par erreur. S’ils ont fondé Al Qaïda, s’ils ont financé et armé Al Nosra, tous deux sources futures de Daesh = EI = ISIS, ce n’est pas en aveugles, c’est consciemment. Ils avaient des raisons profondes d’estimer que le monde capitaliste avait besoin d’un ennemi dangereux pour polariser la planète contre lui, et détourner ainsi des problèmes aigües que vont entraîner les effondrements liés à l’impasse du capitalisme depuis 2007.
Daesh s’est construit en Irak, sur la base des destructions de toutes les infrastructures étatiques, politiques, morales, économiques dues aux bombardements massifs des américains pendant deux guerres qui ont suivi la guerre Iran-Irak durant laquelle ce sont les puissances occidentales qui poussaient l’Irak de Saddam contre l’Iran, qui l’armaient et le finançaient. C’est ainsi que, pendant des années, les impérialismes occidentaux ont produit des dizaines de milliers de tueurs qu’ils s’indignent aujourd’hui d’y trouver et qu’ils prétendent être le produit du vieux texte religieux et réactionnaire du Coran !
Ceux qui veulent semer la peur et la haine ont peur de nous, de notre liberté, nous disent les dirigeants politiques français. Mais, alors que nous sommes enfoncés plus que jamais dans la crise majeure du système capitaliste mondial, alors que le Japon annonce qu’il s’effondre malgré des investissements étatiques les plus massifs de l’Histoire, suivant en cela la Chine, l’Inde, la Russie, l’Europe de l’Est, l’Europe du sud, la Turquie, le Brésil et l’Argentine, ceux qui craignent les libertés des peuples ce sont les classes dirigeantes. Ce sont elles qui ont commencé à être menacées par la révolte des peuples de l’Egypte à la Tunisie, du Brésil à la Croatie, de la Bosnie à la Chine, ce sont les classes dirigeantes qui ont peur du peuple travailleur du monde. Ce sont elles qui ont intérêt à établir partout des dictatures et des fascismes, à soulever les peuples les uns contre les autres, à semer la discorde, la haine, la peur pour que les bains de sang effacent les poussées révolutionnaires.
Remarquons qu’au même moment que l’économie chinoise s’effondre, le gouvernement chinois lance une campagne antiterroriste contre le Xinjiang et les Ouïghours.
Remarquons qu’en même temps que l’économie japonaise s’écroule, le gouvernement japonais lance une campagne contre les intérêts chinois.
Remarquons qu’en même temps que l’économie russe s’écroule, le gouvernement russe lance une campagne contre le terrorisme caucasien.
Remarquons qu’en même temps que la population syrienne avait commencé à se mobiliser pacifiquement et en masse contre le régime d’Assad, les classes dirigeantes de Syrie et des pays occidentaux ont fait le choix de transformer cette révolution, du même type que celles d’Egypte et de Tunisie, en affrontement armé en soutenant des groupes islamistes sous le doux nom de « résistance syrienne » !
Les classes dirigeantes et les responsables des Etats capitalistes savent deux choses que les travailleurs et les peuples ne savent pas :
1°) que l’époque de fonctionnement du système qui développait l’économie, fût-ce au travers des crises, est bel et bien finie et que la stabilité sociale et politique qu’elle permettait est derrière nous.
2°) que les travailleurs du monde sont capables de mettre à bas l’ancienne société d’exploitation arrivée en bout de course et de renverser les classes exploiteuses.
Les travailleurs et les peuples ne croient pour l’instant ni à la fin du capitalisme ni à leurs propres capacités de bâtir une société nouvelle débarrassée de la propriété privée des capitaux.
C’est pour cela qu’ils ne savent pas que les classes dirigeantes les craignent au point de les jeter dans des horreurs guerrières et fascistes.
Le fait qu’ils ne connaissent pas leurs capacités révolutionnaires n’est pas suffisant à rassurer les classes dirigeantes. Les travailleurs de la Commune de Paris ne les connaissaient pas non plus, eux qui croyaient revendiquer seulement des droits municipaux, eux qui ne voulaient pas faire la guerre aux soldats Versaillais. Les travailleurs de la révolution d’Octobre 1917 en Russie ne les connaissaient pas non, eux qui ne pensaient pas prendre le pouvoir mais seulement obtenir la démocratie et revendiquer le pain, la paix, les droits des nationalités et la terre. Jamais les travailleurs n’ont commencé par la prise de conscience de leur rôle révolutionnaire historique : il n’est venu qu’après la révolution. Rien d’étonnant que les travailleurs ignorent pourquoi les classes dirigeantes les livrent aux bourreaux : ils ne savent pas à quel point ils sont dangereux. Ils se contentent encore de répéter : pourquoi ils nous licencient alors que nous sommes rentables, pour quoi ils nous tuent alors que nous ne faisions rien de dangereux contre ces classes dirigeantes, pour ces bandes armées nous massacrent puisque nous ne leur avions rien fait !
Oui, la crise du terrorisme et la crise des migrants sont directement liés à la crise de la vague des révolutions, à la crise économique mondiale et aux risques révolutionnaires qui pèsent sur les classes dirigeantes. Nous, travailleurs, n’avons pas conscience de menacer ces classes dirigeantes au moment où nous avons le sentiment d’être impuissants face au chômage comme aux violences qui montent. Mais les classes dirigeantes savent qu’elles doivent nous frapper d’abord : elles expliquent que l’ennemi, il faut le frapper préventivement !
L’utilisation des bandes armées se fondant sur l’intégrisme religieux est un vieux classique des classes dirigeantes : l’actuel dirigeant de l’Inde est un fasciste bouddhiste qui a fait toute sa carrière avec cette méthode meurtrière et il est reconnu comme parfaitement respectable par toute la communauté internationale ! Le régime pakistanais pro-occidental de Zia ul Haq avait méthodiquement employé le même moyen pour casser la radicalisation sociale dans son pays. Les généraux algériens, suite au début de révolution de 1988, en avaient fait autant. Mais la religion n’est pas forcément nécessaire comme l’avait montré François Mitterrand en se fondant au Rwanda sur des bandes armées fascistes qui s’appuyaient seulement sur l’ethnisme pour casser les débuts d’une révolution en 1989-1991.
Oui, les classes dirigeantes du monde occidental comme du monde oriental ont peur du peuple travailleur du monde !
Oui, ils sont prêts à utiliser la terreur de masse pour détourner le risque qui leur paraît le plus menaçant : celui de la révolution sociale !
Oui, le seul moyen d’empêcher les horreurs de la guerre civile, de la guerre, du terrorisme et du fascisme, c’est d’enlever le pouvoir à la classe capitaliste en mettant à la tête de la révolution sociale la seule classe de la société capable de gouverner contre les possesseurs de capitaux : la classe ouvrière.
La terreur est employée par la classe capitaliste et ses serviteurs étatiques contre la révolution sociale parce que la révolution sociale peut menacer l’ordre capitaliste dont la terreur est une des armes.
On ne peut pas éviter que le monde capitaliste bascule dans la violence car cela provient de l’impasse de son système, les capitalistes privés se détournant massivement des investissements productifs, mais on peut éviter que le capitalisme nous assassine : en le renversant.
C’est le capitalisme qui sème la terreur. C’est le capitalisme qui n’a plus d’avenir. Comme autrefois l’empire romain, le capitalisme accuse ses franges de barbarie mais c’est parce qu’il a atteint ses limites qu’il finit dans des bains de sang.
C’est contre la perspective de la révolution sociale que tous les assassins attaquent les peuples et ce n’est pas le moment de baisser le drapeau de la révolution sociale !