samedi 5 janvier 2019, par
édito
En arrêtant Eric Drouet sous l’inculpation d’organisation d’une manifestation non-autorisée, le pouvoir cherche-t-il à menacer ou, au contraire, à négocier discrètement dans le dos des gilets jaunes ?
En tout cas, en menaçant l’ensemble des gilets jaunes comme organisateurs de rassemblements sans autorisation, il cherche à reprendre la main et ainsi à détourner l’attention des véritables revendications du mouvement, en particulier les objectifs politiques de celui-ci pendant que le pouvoir fait semblant d’y répondre en préparant un référendum qu’il espère transformer en plébiscite du pouvoir et de sa réforme politique.
Bien évidemment, les gilets jaunes et la consultation dite des cahiers de doléances dans les mairies n’ont eu aucun rôle dans la rédaction des questions qui seront posées dans ce référendum qui ne reprendra certainement pas les questions posées par le mouvement. D’ailleurs, le premier ministre a prévenu que les questions ne proviendront pas des gilets jaunes, ne seront pas décidées par eux, ne correspondront pas aux leurs, sous le prétexte que « tout ne peut pas être posé dans un référendum » ! Traduisez : tout ce qui peut gêner les classes possédantes !!!
On assiste donc à une tentative du pouvoir de se replacer au centre de la situation, ce qui leur a fait complètement défaut depuis qu’il a été clair que le gouvernement était incapable de mettre en scène une négociation avec des porte-paroles autoproclamés des gilets jaunes et que ces derniers ont clairement maintenu leur volonté de ne pas discuter avec le pouvoir des milliardaires.
Bien sûr, aucune initiative venue du pouvoir d’Etat ne risque d’aller dans le sens de la principale revendication politique des gilets jaunes : en finir avec la liaison corruptrice entre Etat et milliardaires. Pas non plus de risque que le gouvernement accepte de faire voter en faveur de la défense du service public. Et même s’il le faisait, ce serait une formule qui resterait vide de sens et de début de réalisation, vu que le pouvoir maintient clairement une volonté inverse, que l’on voit se réaliser aussi bien dans le secteur de la Santé que de la recherche, de l’Education, de l’Energie, du Transport et on en passe.
Le référendum est donc transformé en piège pour le mouvement mais ce piège est tellement visible que cela ne risque pas d’avoir une grande influence.
Les élections et la tentative de prétendre que des listes électorales « gilets jaunes » ou auto-intitulées ainsi sont également un des calculs du pouvoir. Il peut ainsi faire croire que les gilets jaunes pourraient « démocratiquement » s’exprimer dans lutter. On sait que ce mensonge de « la démocratie » a mille fois démontré son caractère trompeur. On ne transforme pas fondamentalement la société, et tel est le but des gilets jaunes, en participant à une élection organisée par cette société.
Bien sûr, le pouvoir espère s’en servir pour appuyer sa critique selon laquelle les gilets jaunes seraient un mouvement antidémocratique, et même fasciste !
Comme si la démocratie bourgeoise avait jamais donné le pouvoir ou même la parole au monde du travail, comme si ceux qui sont aujourd’hui gilets jaunes auraient pu être élus lors des élections bourgeoises !!!
N’oublions pas qu’un sondage réalisé en pleine montée de la popularité du mouvement, quand 82% de la population le soutenait et il montrait qu’en se présentant aux suffrages des électeurs, dans une élection du système, un candidat reconnu des gilets jaunes n’aurait recueilli au plus que 12% des voix. Sans parler des divisions au sein du mouvement que permettraient l’existence plus que probable de quantité de listes concurrentes se revendiquant toutes des gilets jaunes !!!
Mais une insurrection spontanée et auto-organisée du monde du travail est-elle soluble dans une élection ou dans un référendum, le gouvernement est loin d’en être sûr. Il ne mise pas tout là-dessus. Il examine tous les calculs et toutes les manœuvres qu’il peut tenter pour affaiblir, pour diviser, pour discréditer, pour casser le mouvement.
Il ne s’est pas contenté d’arrêter un gilet jaune, il en a arrêté des milliers, il a fait pression sur eux, il les a menacé en cas de nouvelle arrestation, il les a condamnés, il les a désigné du doigt.
Maniant la carotte et le bâton, le pouvoir prétend qu’il tend l’oreille en même temps qu’il tend la matraque, pour ne pas dire le flash-ball, le lance grenades et la lance à eaux, etc. Il a en même temps que les arrestations multiplié les victimes de ses violences policières, blessant gravement des milliers de manifestant pour dissuader des dizaines de milliers de participer à d’autres manifestations. Y compris dans le milieu lycéen, le pouvoir a transformé les administrations lycéennes en véritable police anti-manifestation, interdisant de sortie les manifestants, les soumettant à une surveillance continuelle, menaçant les parents et les élèves !
Le caractère policier du pouvoir a pris un nouveau tour plus radical avec une surveillance de toute la population, les services chargés du terrorisme étant détournés pour surveiller les gilets jaunes, suivre tous leurs contacts, leurs zones d’influence, les encadrer et les casser à chaque fois que c’est possible.
Ce qui caractérise l’arrestation de Eric Drouet n’est pas seulement qu’un gilet jaune soit placé en détention et accusé mais le fait qu’il l’est ouvertement sur simples intentions, et même pas une intention d’action violente mais une intention de… déposer des bougies sur la place de la république en hommage aux gilets jaunes morts durant le mouvement !!! Quel crime menaçant pour l’Etat !!! Un gilet jaune qui meurt, pour le pouvoir, ce n’est pas comme un soldat inconnu de la guerre mondiale !!!
Pousser le mouvement à se discréditer vis-à-vis de l’opinion en le faisant passer pour antidémocratique fait partie de la même manœuvre par laquelle on a tenté de le faire passer pour un mouvement homophobe, antisémite, raciste, fasciste et on en passe.
Le gouvernement et ses soutiens, ministres, députés, politiciens, médias, prétendus spécialistes qui ont la parole partout, ne sont pas les seuls à menacer le mouvement des gilets jaunes. Il y a aussi tous ceux qui se prétendent de gauche ou du côté des travailleurs, et même d’extrême gauche, syndicats, association, partis, qui participent d’une manière ou d’une autre à la campagne de calomnies contre le mouvement.
Il y a également les faux amis des gilets jaunes, tous les Hollande (eh oui !), les Asselineau, les Florain Philipot, les Le Pen, les Dupont Aignan, les Mélenchon, les Laurent, et autres politiciens qui essaient de détourner le mouvement vers des succès politiciens pour leur chapelle aux prochaines élections de la bourgeoisie. Aucun des précédemment cités n’est réellement du côté des smicards, des petites retraites, des chômeurs, des exploités, aucun ne compte abandonner sa participation aux élections de la bourgeoisie et se contenter d’une élection réellement démocratique, c’est-à-dire au sein du mouvement des gilets jaunes.
Car il n’y a pas de vraie démocratie tant qu’on vote pour des gens que l’on ne connaît pas, qui ne vivent pas dans votre monde, qui n’obéissent pas aux mêmes règles, qui n’ont pas les mêmes attaches. Combien de gens n’imaginent pas que Mélenchon qui a le verbe haut pour défendre les pauvres est l’un des plus riches de tous les politiciens bourgeois ?
Tant qu’on n’imposera pas une démocratie des exploités, dans laquelle les candidats seront non pas des politiciens mais des travailleurs, il n’y aura aucune représentation des plus opprimés et des plus exploités, celle que souhaitent les gilets jaunes et il n’y aura pas non plus de remise en cause des liens financiers entre hommes politiques et milliardaires.
En refusant tous les pièges électoraux que lui tendent le gouvernement, ses alliés et les autres adversaires des gilets jaunes, ennemis cachés ou faux amis, le mouvement ne se comporte pas de manière anti-démocratique, et encore moins fasciste. N’oublions pas que, lors des fascismes du passé, le système électoral bourgeois a été un instrument politique du fascisme et non une arme pour le combattre. C’est à la faveur des élections successives qu’ont été donné au nazisme les moyens de construire une campagne politique et sociale de plus en plus intense, laissant croire aux petits bourgeois allemands qu’ils allaient dominer la société. C’est en respectant la forme de la loi que le fascisme est venu au pouvoir en Italie, en Allemagne et en France.
Pour mener ses tromperies, le pouvoir des milliardaires compte bien s’appuyer sur les organisations dites démocrates qui, derrière ce drapeau, cachent la défense de l’infime minorité de moins d’un pourcent de la population, celle des propriétaires du grand capital, celle qui a la réelle direction de la société, et sans être élue. Qui a voté pour Ghosn, ce voleur en chef qui a toujours été couvert par le pouvoir d’Etat, quelle que soit la couleur politique de celui-ci ? Quel dirigeant des grandes entreprises liées à l’Etat a été choisi par la population ? Quel haut responsable de la police, de l’administration, des grandes sociétés, des grands médias a jamais été choisi par la population ?
Où sont les petites gens, ceux qui gagnent peu et travaillent beaucoup, quand on leur permet de travailler, sont élues comme « nos représentants » dans les élections bourgeoises ? Lesquelles contrôlent un grand média ? Lesquelles ont un lobby ? Aucun bien entendu ! Et ce n’est ni une nouvelle élection ni un référendum dont le but est de renforcer le poids de Macron ne permettront de changer cela, bien entendu.
Le prétendu réalisme politique qui amène les gens à voter pour des candidats qu’ils croient être les moins pires, pour les solutions les moins pires, pour les réformes les moins pires, nous amène sans cesse… au pire ! C’est ainsi que l’on est passés de Sarkozy à Hollande, puis Valls, puis Fillon, non Macron !!!
C’est aussi ainsi qu’on nous a imposé la casse des retraites en menaçant qu’elles soient supprimées !
C’est encore ainsi qu’on impose toutes les prétendues réformes en cassant le système de santé, comme le système de chômage, d’aides sociales, tous les services publics, etc.
La seule réponse à toutes ces manœuvres tient dans l’organisation des gilets jaunes par eux-mêmes en ne participant à aucune des tromperies politiciennes. L’élection qui mène à construire un contrôle démocratique du mouvement n’est pas un nouveau parti politicien et participant aux élections bourgeoises quelles qu’elles soient.
Les élections qu’il faut organiser doivent l’être au sein du mouvement et au sein de toute la classe ouvrière, en mettant en place des comités de ronds-points, de comités de villes et des comités dans les entreprises, et en votant pour des personnes que tout le monde connaît, dont on sait quels sont les choix, quelle est la vie, en votant en somme pour des gens comme nous, pas pour des politiciens, futurs politiciens, ni apprentis politiciens.
Le mouvement des gilets jaunes va encore surement subir bien des attaques, connaître bien des tromperies, ayant contre lui tout ce qu’il y a d’organisé dans la société bourgeoise et ce n’est pas rien !
Mais, organisant les travailleurs les plus exploités et opprimés, le mouvement a déjà eu des succès sans pareils et un rôle positif considérable tel que, malgré des difficultés politiques et sociales innombrables, il a déjà réussi à frapper nos ennemis de classe de telle manière qu’ils ne risquent pas de l’oublier.
Tous les Macron, les Hollande, les Fillipot, les Le Pen et les Asselineau ou les Dupont Aignan peuvent repasser, on ne lutte pas pour les porter ou les maintenir au pouvoir !!!
Ne comptons que sur nous-mêmes, sur notre organisation autonome, sur l’action directe qui ne respecte pas les règles de l’Etat des milliardaires et l’avenir est à nous !!!