mardi 14 avril 2020, par
Avertissement : comme nos lecteurs l’auront remarqué, nous ouvrons nos colonnes à un nouveau camarade qui rédige aujourd’hui notre éditorial, bien que nous ne soyons pas entièrement d’accord sur tout, et cela n’a rien d’étonnant. Le débat ne se fait pas ni en une heure ni en un jour. Nous espérons cependant que ce ne sera ni la seule ni la dernière contribution de camarades qui se rapprochent de nous. Et bien entendu, nous continuerons à défendre notre point de vue dans ces éditoriaux.
édito
Une fois de plus, avec cette épidémie, le système capitaliste mondial montre ce dont il est capable. D’un pays à l’autre, on a redécouvre dans quel état pitoyable sont les systèmes de santé publique. Manque d’hôpitaux, manque de lits, manque de personnel, manque de masques et matériel de protection, manques de matériels respiratoires, manque de salles spécialisées, etc. A des degrés divers, les gouvernements de tous les pays ont montré tout l’intérêt qu’ils portaient à la santé des populations. Aucun ! Car trop coûteux ! Si certains pays ont vite confiné les populations à coup de bâtons comme en Inde ou à coup de P.V comme en France, d’autres ont laissé faire. Laisser faire, laisser aller ! La priorité, pour les Trump ou Boris Johnson était surtout de continuer à faire tourner la machine économique pour faire rentrer les profits, au mépris des populations. Y compris tout l’intérêt qu’ils ont mis, des USA à la France, pour livrer la santé publique, celle potentiellement rentable, aux intérêts privés quitte à le faire en détruisant une santé publique pas trop dégradée auparavant comme en France ! En même temps, on a assisté à la sordide guerre des masques, vendus au plus offrant, aux inhumations dans des fosses communes aux USA, dans des cercueils en carton en Amérique latine et dans des chambres frigorifiques aux halles de Rungis en France. En quelques mots, voilà comment gouvernants et bourgeois traitent la santé du peuple travailleur : la chair à travail est tout juste intéressante si on peut en tirer encore quelque rentabilité !
Pandémie ou pas, notre santé a toujours été le cadet des soucis des gouvernants et on l’a bien vu dans les mois qui ont précédé la pandémie avec le mouvement national de l’hôpital public qui n’a suscité que mépris des gouvernants. Pourtant, sur les chaines de télé ou de radio, ils font comme si les vies humaines, les victimes de cette pandémie, avaient une grande importance pour l’Etat capitaliste, pour ses institutions, pour ses gouvernants. Les personnels de santé avaient beau descendre dans les rues et prévenir que les politiques de destruction de la santé publique allaient amener de nombreux morts, les classes dirigeantes n’en avaient cure. Des politiciens, des média, des partis, des hauts fonctionnaires (y compris médecins ou spécialistes) tous menteurs ! Que font-ils depuis des dizaines d’années, face à la mort de millions d’enfants dans le monde, face à la famine, face à l’exode massif de populations à travers le monde voués à la misère et à la maladie. Rien, ou plutôt si, des discours !
Sauf que cette épidémie tombe à pic, elle tombe justement au moment même, peut-être à quelques semaines ou à quelques mois près, de l’effondrement de leur système anarchique. Le petit virus a suffi en quelques semaines, à provoquer l’effondrement généralisé et le krach boursier et économique, aussi puissant qu’en 1929 sinon bien plus, comme s’accordent à dire tous les spécialistes. Quand on est déjà au bord du gouffre et déstabilisé, avec des dettes privées et publiques gigantesques, avec des aides financières massives devenues incapables d’éviter la chute, avec des actions pourries en masse, avec des capitaux trop massifs pour être absorbables par l’économie, incapables de s’investir, même un grain de poussière suffit à déclencher la chute ! Le bouc émissaire était tout trouvé, ce n’est pas notre faute, diront les capitalistes et leurs gouvernements, si d’un seul coup des millions de gens se retrouvent au chômage, si les cours de la bourse s’effondrent, c’est à cause de cet affreux virus. Eh oui, depuis plusieurs années, la bourgeoisie spécule, boursicote, n’investit plus dans la production de biens utiles et mise de plus en plus d’argent sur des dettes, sur des aides publiques, vit de la rente en sangsue de l’économie. Les coups de semonce de 2008 et 2020 ne sont absolument pas des accidents inattendus : la grosse secousse qui, en quinze jours, a jeté des millions de gens à la rue, aux USA, au Canada, et dans le reste du monde... cela n’a rien de conjoncturel. Oui, ce système portait déjà en lui sa propre fin, il ne faut pas nous mentir et faire diversion.
Mais ce qui nous importe tous, c’est de savoir qu’il n’y et n’y aura pas de plan de sauvetage du système, de redémarrage du capitalisme. Tous les discours sur le thème « nos préparons la reprise » est complètement mensonger car les choix de déverser des milliers de milliards dans les marchés financiers ne peuvent permettre la moindre reprise du capitalisme même si les autorités affirment que ce sont les institutions centrales qui épongeront ces sommes et pas les bourses, les trusts et les banques. Ce qui nous importe, c’est les millions de licenciements qui vont avoir lieu, l’aggravation de nos conditions de travail, la régression considérable de nos conditions de vie. Ce qui nous importe aussi, c’est que cela s’accompagnera d’un recul des conditions d’existence, des mœurs, d’une violence considérablement accru des relations sociales et de l’oppression et de la répression d’Etat. On les voit déjà se profiler. Et cela peut frapper bien plus durement, violemment et de manière sanglante que les malades et les morts de cette épidémie. Non, plus rien ne sera pareil ! Soit les circonstances nous porteront à changer nous-mêmes l’ancien monde, soit les classes possédantes changeront violemment nos conditions d’existence.
La bourgeoisie capitaliste, même déliquescente, n’a pas dit son dernier mot, et comme on dit au casino, elle compte bien se refaire. Comment ? Pas en espérant réellement retrouver un cours dynamique de son système, elle est la première à avoir su dès 2008 et 2019 que c’était sans espoir pour elle ! En comptant sur son pouvoir incontesté sur l’appareil des Etats, sur toutes les institutions de la société capitaliste. Elle entend imposer que ces appareils bureaucratiques et répressifs pressurent la population pour payer les pots cassés. En nous imposant le travail forcé, 60 h par semaine, les diminutions de salaire, la réduction des congés payés, etc... elle nous promet du sang et des larmes. En France, la république en marche-arrière accélère le pas pour supprimer, par ordonnances, de nombreux acquis sociaux, des acquis sociaux comme politiques. Les ministres, les politiciens, les syndicalistes de tout bord qui depuis un moment avaient disparu des plateaux télés pour laisser la place aux médecins, vont vite refaire surface pour nous expliquer qu’il va falloir faire des efforts, nous retrousser les manches, que patrons, syndicats doivent s’unir pour contribuer au redressement national. Après la guerre contre le virus, on passe à la guerre économique.... contre les travailleurs. En fait, celle-ci n’a jamais cessé. La haine des travailleurs, qui a toujours été visible de Macron à Trump en passant par Johnson, que l’on a vu notamment quand l’Etat réduisait encore la part des plus démunis et quand il les réprimait dans la rue plus violemment que jamais, explique en partie toutes les négligences imbéciles des classes dirigeantes face à la montée de la pandémie. Peu importe que les peuples en bavent et c’est même nécessaire pour les écraser et leur faire accepter des sacrifices dus à la chute du système.
Tout le monde a relevé l’incapacité de l’Etat à faire face à la simple nécessité de masques mais moins souvent combien cela provient du choix fondamental consistant à faire fonctionner toute la société dans le seul intérêt des propriétaires de capitaux. Ainsi, chacun aura relevé l’incapacité de l’Etat à fournir des masques à la population mais on a bien camouflé le refus des classes possédantes, des "entreprises" et entrepreneurs, de donner ds masques. En réalité, ce sont ces derniers qui possédaient des dizaines de millions de masques d’avance et ne les ont pas proposé aux personnels de santé car... ils n’y auraient rien gagné ! Ils proposent maintenant de les...vendre à l’Etat ! Et encore au plus offrant !
La confiance dans les gouvernants pour faire face à la pandémie est en train de chuter fortement mais il ne faut surtout pas croire que d’autres gouvernants, de droite, de gauche ou d’extrême droite, tout aussi au service des mêmes classes possédantes, auraient fait mieux. Nous sommes victimes non d’un phénomène naturel mais d’un produit d’un système social en déliquescence et quiconque reste attaché à ce système ne peut nullement défendre la population, y compris sur le seul plan sanitaire.
Notre seule planche de salut, à nous, classes laborieuses sera de ne compter que sur nous-mêmes pour trouver des solutions, pour faire face aux situations nouvelles que va nous présenter la crise mondiale. Cela signifie de reprendre la voie que nous avons ouverte avec les Gilets Jaunes. Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes, Le RIC et le RIP préfiguraient la volonté populaire d’une véritable démocratie, un rejet des politiciens professionnels. Aucune confiance, aucune négociation avec les représentants des milliardaires à la tête de l’Etat et des institutions bureaucratiques, aucune négociation avec eux, on ne leur demande rien, à part de quitter le pouvoir et de céder la place au peuple travailleur organisé en comités, en assemblées non pas consultatives mais décisionnelles. Dès lors, la solidarité des exploités devient l’union de nos forces par-delà les frontières pour parer à toutes les attaques du Capital car la révolution sociale n’a jamais respecté les frontières, passant de la France à l’Algérie et de l’Argentine au Chili.
Il ne faut pas, du fait de la pandémie, que nous comptions à nouveau sur les classes possédantes et sur leurs institutions étatiques et para-étatiques pour nous sauver. Il ne faut pas non plus que nous renoncions à l’action collective. Si nous cédons à la fatalité, à l’individualisme, au système D, au repli sur soi, nous le paierons tous très cher. Par tous les moyens, les bourgeoisies mondiales et la notre, utiliserons toutes les armes en leur possession pour aboutir à leur fins : le pouvoir et la propriété. Ne tombons pas dans leurs pièges. Pas plus qu’ils ne se sont révélés capables face à une pandémie de prendre les mesures vitales pour sauver notre santé et nos vies, ils ne sont non plus capables de sauver nos emplois, nos salaires, nos logements, et toute la vie sociale. Confinés ou pas, retournant ou pas au travail, nous sommes toujours la force principale de la société face à une infime minorité de profiteurs qui ne sont que sangsues de la production sociale. Nous sommes des millions incontournables, indispensables au fonctionnement de cette société. Les partis, les syndicats, les associations demandent sans cesse aux classes dirigeantes de nous sauver de tous les maux qu’elles ont-elles-même produit : ne tombons pas non plus dans ce piège. Incapables de nous fournir des masques, ces gouvernants ne le sont pas plus pour nous sauver de l’effondrement économique et social qu vient inexorablement. Nous non plus nous ne pouvons pas éviter le capitalisme d’être historiquement dépassé. Nous pouvons par contre préparer la société plus humaine qui devra lui succéder et que nous construirons par nous-mêmes si nous sommes capables d’avoir enfin confiance dans nos propres forces collectives.
Le capitalisme est moribond, à nous de prendre le relais et de construire un monde nouveau. Place aux comités d’usines, aux comités de quartiers et de villes. L’auto-organisation est une garantie essentielle de notre victoire, pour assurer la santé de tous, le logement de tous, l’éducation de tous, et la liberté. Cela nécessite d’en finir avec les fondements économiques, sociaux et politiques de l’ancien système d’exploitation complètement vermoulu et cessant de lui-même de fonctionner.
Producteurs, sauvons nous nous-mêmes et préparons-nous à organiser la société future.