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Libérons-nous d’abord de nos faux libérateurs !

mardi 8 décembre 2020, par Alex

Libérons-nous d’abord de nos faux libérateurs !

Dans le camp ouvrier, dans la jeunesse des quartiers pauvres, dans les milieux les plus pauvres et précaires, la nécessité de se défendre contre les menaces réactionnaires et policières s’impose à de plus en plus aux travailleurs, et à tous ceux qui ont manifesté par milliers les 28 novembre et 5 décembre. Le durcissement policier que nous constatons n’est pas que la rechute d’une maladie qui a toujours touché les appareils d’Etats : la violence au service des riches. C’est aujourd’hui avant tout une conséquence de la profondeur de la crise historique du capitalisme et d’un changement du régime consécutif que nous vivons. La violence policière de l’Etat français accompagne la violence économique de la classe sociale qu’il sert depuis 1789 : les bourgeois les plus riches.

Mais sur la question des violences policières, il est normal qu’une grande confusion puisse régner parmi nous. Tout d’abord parce que la base économique de cette violence, le blocage définitif du système capitaliste, est occultée par tous les syndicats et partis politiques qui prétendent défendre nos intérêts : tous réclament une « relance » de ce capitalisme. Or la lutte contre les violences policières est une lutte politique qui doit dresser les travailleurs et tout le monde du travail dans une lutte d’ensemble contre l’Etat capitaliste, contre le capitalisme lui-même, à défaut de quoi elle sera sans issue. Là encore le but que nous proposent les appareils syndicaux et politiques est l’illusion de « restaurer » une police « vraiment républicaine », « vraiment respectueuse des règles démocratiques ». Bref, leurs perspectives, c’est un « plan de relance », une simple « réforme » de l’économie capitaliste comme de ses appareils policiers : c’est ce pour quoi nous sommes invités à manifester.

Le recul, purement verbal de Macron qui a admis l’existence de « violences policières » a pour but d’alimenter cet espoir porté par des manifestations qui feraient « pression » sur l’Etat, sans besoin de le renverser. Il en résulterait un prétendu renouveau d’une police et de la démocratie.

Une telle « démocratisation » (en fait un blanchiment des crimes passés) de la police, n’a-t-elle pas déjà été au programme de la résistance et de la libération à partir de 1945 ? La police avait même fait grève un seul jour contre le pétainisme, en fait le dernier jour !

Pour beaucoup de résistants, Libération rimait avec Révolution, au sortir de l’Occupation où la bourgeoisie française, sa police, ses juges, ses Préfets, avaient largement collaboré avec les nazis. Mais ces résistants ont renoncé à la révolution en échange de quelques ministres staliniens comme Thorez, Ambroise Croizat, qui s’élevèrent contre tout pouvoir autonome des travailleurs en réclamant « Un seul Etat, une seule armée, une seule police ».

Nombre de ces résistants entrèrent même dans la Police. Mais face à la grève générale de 1947, lorsqu’à Marseille certains policiers voulurent effectuer leur travail de policier en combattant la pègre, ses complices politiques, refusant de s’attaquer aux ouvriers en grève, cet embryon de « vraie police « républicaine » fut tuée dans l’oeuf : des compagnies de CRS furent dissoutes pour avoir sympathisé avec des grévistes, le droit de grève des policiers est supprimé depuis cet épisode. Cette police et cette armée avaient d’ailleurs dès 1945 commencé les massacres coloniaux, à Madagascar, en Algérie, en Indochine et au Cameroun.

Or c’est ce type de programme, la restauration d’une démocratie bourgeoise idéalisée, que les appels des organisations ouvrières et humanitaires ont mis au programme de ce 5 décembre, même si c’est loin d’être le sentiment de tous les manifestants. Ce qui manque à ces appels, c’est d’abord la peur de rompre de manière claire et nette avec la chauvinisation systématique du discours public, en s’adressant aux prolétaires de tous les pays qui se trouvent pourtant sur notre territoire, qu’ils soient de première, deuxième ou troisième génération. Or l’évacuation violente des migrants de la Place de la République, ainsi que le tabassage d’un jeune noir, d’un journaliste syrien, n’ont-ils pas été des « bavures » qui ont contribué au succès des manifestations des 28 novembre et 5 décembre ? La CGT dans son appel national n’appelait à manifester le 5 décembre que « pour le droit au travail, à la protection sociale, contre le chômage, et la précarité ! » Ce n’est que la CGT Région parisienne qui mentionnait dans un même tract la loi Sécurité Globale. Mais, dans ces appels syndicaux, les travailleurs migrants qui se sont fait tabasser n’existent plus ! Les migrants ne sont pas qu’une « catégorie de plus » parmi d’autres victimes des violences policières. Certains sont des travailleurs sans papiers qui ont manifesté ces mois derniers, encouragés par des régularisations massives dans certains pays d’Europe du sud.

Beaucoup de migrants sont des victimes des violences policières et militaires que l’impérialisme français et ses alliés, les dictature d’Egypte, d’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis, ont lancé à grande échelle pour écraser par les armes le Printemps Arabe qui menaçait de s’étendre, après la Tunisie et l’Egypte, à Libye, la Syrie, le Yémen, Bahreïn. Dans ces guerres, comme ici, la police et l’armée française sont avant tout des forces de l’ordre impérialiste mondial. Sans les travailleurs sans papiers et les prolétaires « migrant » de l’Europe entière, un mouvement pour la défense des droits démocratiques ne pourra qu’échouer.

De même pour la jeunesse des quartiers populaires. Lorsqu’elle se souleva en 2005 en réactions aux violence policières qui tuèrent deux enfants, les organisations syndicales toujours donneuses de leçons, avaient globalement condamné ce soulèvement de « casseurs ». Or aujourd’hui que toute cette jeunesse est inquiète face à ces brutalités policières, prête à se mobiliser sur une base internationale comme on l’a vu après l’assassinat de George Floyd par des policiers aux USA, aucun appel d’organisation de travailleurs n’est réellement lancé en sa direction.

Migrants, travailleurs sans papiers, jeunes des quartiers populaires victimes quotidiennes des violences populaire ont eu bien raison de se joindre aux cortèges des récentes manifestations, mais le premier slogan que nous devrions crier haut et fort pour en rassembler des centaines de milliers est : Non à l’émiettement des luttes ! Constituons donc des comités de liaison ouvrière où le « Tous ensemble ! » inclura les revendications économiques et politiques des travailleurs des jeunes, des femmes, des travailleurs immigrés dont les familles restées au pays subissent notre impérialisme.

Seule la classe ouvrière est capable de mettre en avant un tel programme dans les luttes qui ne pourront que se multiplier avec l’approfondissement de la crise et les restrictions de nos libertés.

Nous devons certes être les défenseurs acharnés des quelques droits démocratiques que la classe ouvrière a conquis au sein de cette République bourgeoise comme les libertés de manifester, de se réunir, de filmer les violences policières. Mais c’est de plus en plus en combattant cette République que nous pourrons défendre ces libertés. C’est sur un terrain de classe, extra-parlementaire, ni électoral ni seulement humanitaire que nous serons à même de rassembler tous les exploités. C’est donc seulement en posant la question du pouvoir : République des travailleurs ou République bourgeoise que nous commencerons à résoudre les questions de la défense de nos libertés.

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