Accueil > 10 - Livre Dix : SYNDICALISME ET AUTO-ORGANISATION DES TRAVAILLEURS > Un texte des Gilets jaunes de Poitiers
Un texte des Gilets jaunes de Poitiers
lundi 27 janvier 2020
Des actions de blocage annoncées et négociées
Certains syndicalistes et ceux qui les suivent croient radicaliser le programme de l’Intersyndicale et pousser le gouvernement à reculer sur sa réforme des retraites en « bloquant » par-ci et par-là : blocages des ports et docks, blocages des dépôts de carburant, blocages de centres de traitement des déchets, d’incinérateurs ou de centrales nucléaires, blocage du musée du Louvre, blocages de dépôts de bus, blocages de lycées, etc.
Ce type d’« actions » est censé cacher que les journées syndicales sont d’abord des journées de promenades et d’inaction totale. Elle ont pour objectif ensuite de faire oublier les faux appels à la grève générale ou illimitée qui a émané des bureaucrates de la base syndicale. Les bureaucrates locaux organisent donc des “actions” de blocage donnant l’apparence d’une radicalité et d’une pseudo autonomie vis-à-vis des directions confédérales. Il y aurait donc une opposition de fond entre les bases syndicales et les confédérations tant sur les objectifs et les méthodes comme les actions de blocage de l’économie capitaliste.
Avant d’aller plus loin, remarquons que beaucoup de ces fameuses “actions” sont annoncées publiquement voire négociées en amont avec les autorités. Les directions syndicales appliquent, sans que le pouvoir ne le leur demande, le service minimum imposé par la loi dans les transports pour les grèves, aux actions qu’elles mettent aujourd’hui en place. En situation de guerre, et nous sommes en guerre de classe (contre les capitalistes leur gouvernement et leur Etat), divulguer les actions comme on divulguerait une manoeuvre militaire, serait considéré comme une trahison et intelligence avec l’ennemi...
Ceci étant dit, discutons de l’idée de base qu’il faudrait gêner l’activité économique pour gêner les classes possédantes et faire reculer le gouvernement.
La force de la grève : bloquer l’économie ou unir les travailleurs dans la lutte
Mais qu’est-ce qui gêne vraiment les classes possédantes, elles qui sont très capables, sans lutte, de fermer des usines, des supermarchés, des services publics, des entreprises privées, semi publiques ou publiques, de détruire des sites, de casser toute l’économie d’un secteur, d’une région ou d’un pays. Tout cela sans qu’il soit nécessaire de l’aide d’un seul manifestant !!! Toute une partie des sites industriels en France ont été fermés sans aide des bloqueurs syndicaux !!!
La force de la grève, ce n’est pas d’abord qu’elle bloque l’économie mais qu’elle unit dans la lutte tous les prolétaires, les salariés, les précaires et les chômeurs, qu’elle leur donne le temps de se réunir, de s’organiser, de discuter et surtout de décider de ce qu’ils veulent faire, pourquoi et comment.
La force de la grève, c’est d’aller d’une entreprise à une autre, de se propager comme une épidémie, d’une assemblée générale à une autre, d’un comité de grève à un autre.
Depuis l’effondrement de 2006-2007, sans aucune action ouvrière, c’est toute l’économie capitaliste qui est bloquée et n’a pu durer dix ans encore que par des perfusions massives de capitaux publics ! Cela signifie que les capitalistes eux-mêmes sont les meilleurs bloqueurs de l’économie et ce n’est pas le blocage qui leur fait peur !
Si encore les bloqueurs agissaient sur le fonctionnement des banques centrales, mais non !
La force des travailleurs n’est pas seulement de bloquer, ici ou là, un dépôt pétrolier ou même des usines. La force des travailleurs, c’est de se réunir sur leurs lieux de travail, par-delà les professions, les sites, les entreprises, les catégories et de décider ensemble... Mais, dans ce mouvement, ce ne sont pas les assemblées générales qui ont pris les décisions : c’est l’Intersyndicale. C’est elle qui a choisi des journées sans grève. C’est elle qui, dès le début, a choisi de ne pas appeler à la grève générale sous prétexte de ne pas rompre le front uni des centrales. En réalité, parce que ces directions syndicales ne sont pas une direction de combat des travailleurs !
Les syndicats ont bien des fois prétendu bloquer l’économie, bloquer par exemple les trains, ou les centrales ou les raffineries et cela n’a jamais fait peur aux classes possédantes et à leurs gouvernants. Non ! Ce qui fait peur au pouvoir des milliardaires, c’est justement que les exploités et les opprimés s’unissent et s’organisent par eux-mêmes comme l’ont fait les gilets jaunes !!!
Le “blocage” syndical, un hochet à l’inaction et contre l’insurrection sociale
Le « blocage », c’est le moyen enfin trouvé d’occuper ceux qui en ont assez de l’inaction syndicale mais sans du tout favoriser l’éruption sociale, l’insurrection sociale, l’explosion sociale !!!
Les financiers, les spéculateurs, les banquiers, les trusts peuvent parfaitement bloquer l’économie capitaliste mais seuls les travailleurs, les précaires, les chômeurs, les femmes et les jeunes peuvent « débloquer » la vie sociale, bloquée par les milliardaires !!!
Réellement radicaliser la lutte, c’est d’abord en remettre la direction aux lutteurs, aux assemblées décisionnelles, aux comités de grève, en faire élire dans toutes les entreprises et dans tous les quartiers ouvriers, les fédérer, leur faire prendre des décisions sur les buts de la lutte et d’abord celui d’unifier l’ensemble des luttes : les retraites avec l’hôpital public, les transports avec l’enseignement et l’énergie, les ports avec les petits paysans, les camionneurs avec les petits auto-entrepreneurs et les femmes qui s’échinent seules à élever un enfant, et bien entendu les chômeurs, les plus démunis !
Radicaliser la lutte, c’est déclarer qu’on va s’en prendre aux milliardaires et qu’on ne négocie pas avec leurs valets aux pouvoir. C’est donc rompre avec les réformistes syndicaux qui ne bloquent jamais le capitalisme vu qu’il les entretient !