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Emeutes en Afrique du sud pour commémorer le détournement de la lutte contre l’apartheid

samedi 13 février 2010

Verre cassé, barrages sur la route désertée, magasins pillés, odeur de bière et de violence : tous les ingrédients de l’émeute sont réunis à Siyathemba. Si l’idée était d’organiser la pire anti-commémoration possible à l’occasion de l’anniversaire de la libération de Nelson Mandela, le 11 février 1990, c’est un succès. Dans le township planté à la sortie de Balfour, à une centaine de kilomètres de Johannesburg, l’humeur n’est pas à la joie.

Au poste de police de Balfour, des Casspir (blindés conçus par les services de sécurité de l’apartheid) et des canons à eau stationnent sur la pelouse. On distribue des brassées de fusils à pompe avec balles en caoutchouc. Un officier qui refuse d’être cité fait les comptes : "Les manifestants, c’est un bon millier de personnes, des garçons très jeunes. Ils ont détruit un bâtiment municipal et saccagé 25 commerces appartenant à des "étrangers". Nous avons procédé à six arrestations, mais nous sommes obligés de rester là-bas, sinon ça va repartir."

"Là-bas" : à Siyathemba, le township. A 10 kilomètres de Balfour à travers champs. Une majorité de baraques de tôle. Taux de chômage : vertigineux, comme le niveau de corruption de la municipalité. Services publics : proche de zéro. Vingt ans après la libération de M. Mandela, il n’est pas une ville, pas un village, qui ne soit bordé d’un bidonville, comme autant de reproches.

Certains se sont mués en quartiers de classe moyenne, comme dans certaines parties du célèbre Soweto, près de Johannesburg. Depuis 1994, le gouvernement a construit ou rénové dans le pays environ 500 maisons par jour pour les pauvres. C’est beaucoup, mais insuffisant, et dans les bidonvilles qui continuent de pousser à la périphérie de la prospérité sud-africaine, la colère explose.

En 2009, 83 bouffées de violence ont eu lieu pour protester contre les dysfonctionnements des services publics locaux, le chômage et la misère. Les groupes de manifestants ont repris les bonnes vieilles méthodes du toy toy (manifestation musclée ou violente), utilisées des années durant, contre le pouvoir blanc. Cette fois, l’enjeu est différent, mais gare aux dérapages. Presque partout, les manifestations ont dégénéré en violences contre les "étrangers", immigrés ou citoyens d’origine étrangère.

A Siyathemba, ces jours-ci, on réclame des emplois dans la mine d’or voisine de Burnstone, accusée de ne pas recruter localement. Mais on a attaqué tous les commerçants d’origine pakistanaise, somalienne ou éthiopienne. Planté devant l’une des rares maisons en ciment du quartier, format "boîte d’allumette", un groupe de garçons surveille des véhicules de la police stationnés en contrebas.

De la porte voisine s’échappe de la musique, du kwaito, pulsé à plein volume. Tout à coup, les policiers démarrent en trombe, blindés en tête. Un groupe de jeunes vient d’allumer des vieux pneus. Rien de méchant. Le mal est fait. Les "étrangers", qui cristallisent le ressentiment des quartiers perdus, sont tous partis. Même à la station de police, l’officier de permanence ne peut réprimer une grimace : "Ces gens (les étrangers), quand on les a vus arriver, ils vendaient des couvertures dans la rue. Quelques années plus tard, ils ont tous les magasins."

Au même moment, au Cap, on célèbre le jour où Nelson Mandela est sorti de prison. A Siyathemba, il n’y a que Teboho, 39 ans, cicatrice en travers du visage, désespérément à la recherche d’une formation de soudeur, qui s’en souvienne, presque à contrecoeur. "Le jour de sa libération, on était là, dingues de joie. On dansait. C’était le plus beau jour de notre vie. Tout allait changer. Et voilà le changement : les jeunes qui n’ont rien à faire, qui ne veulent plus aller à l’école, qui boivent ! Et pas un emploi. "

Ils en avaient fait des toy toy, à Siyathemba, surtout vers 1986, année de l’état d’urgence. Pour recommencer et se répandre, en 2009, ce ne fut pas trop difficile. A Balfour, le président Jacob Zuma est venu en juillet 2009 pour une visite surprise. Le maire, accusé de tous les maux, a filé se cacher, prétextant une maladie subite. Le président a parlé, promis, convaincu. A présent, Teboho crache son mépris : "Des promesses. Depuis, rien. On en a assez, maintenant. On ne vote plus, on fait des toy toy, et on va voir si on nous entend."

Le soir même, au Cap, le président Zuma livre devant le Parlement un discours à la nation très attendu. Il s’engage à concentrer ses efforts sur l’emploi, le logement, et les difficultés des townships. Pour exemple, il prend Balfour. Affirme que, depuis sa visite, "un certain nombre de problèmes ont été considérés avec attention". Mais il avertit : "Il n’y a aucun tort subi qui puisse justifier la violence et les destructions de propriétés."

Sur la fin de l’apartheid

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