Accueil > 0 - PREFACE > Québec : grève de la fonction publique

Québec : grève de la fonction publique

samedi 27 mars 2010

Plus de 75.000 travailleurs québécois du secteur public ont marché au centre-ville de Montréal samedi dernier pour manifester contre les demandes de concessions du gouvernement libéral provincial.

Venant de tous les coins du Québec, y compris de régions éloignées comme la Gaspésie et le lac St-Jean, des travailleurs d’hôpitaux, des infirmières et d’autres travailleurs de la santé, des fonctionnaires, des enseignants du primaire, du secondaire et du CÉGEP ainsi que du personnel de soutien ont participé à la manifestation.

En 2005, le gouvernement libéral de Jean Charest avait, par décret, retiré au demi-million de travailleurs du secteur public de la province leurs droits de négociation collective et de grève et leur avait imposé un contrat d’une durée de six ans et demi avec trois ans de gel salarial.

Dans les négociations actuelles, qui doivent mener au remplacement des contrats imposés par décision du gouvernement en 2005, les libéraux cherchent à imposer un contrat de cinq ans, d’autres diminutions du salaire en termes réels et la diminution des conditions en milieu de travail. La hausse du nombre maximum d’étudiants par classe et l’obligation pour les infirmières ayant de l’ancienneté de faire des quarts de nuit en sont des exemples.

Récemment, le gouvernement a indiqué qu’il s’apprêtait à nouveau à recourir à une loi spéciale pour imposer une « entente ». Vendredi dernier, à la veille de la manifestation inter-syndicale (Front commun), la présidente du Conseil du trésor, Monique Gagnon-Tremblay, a dit qu’elle était prête à laisser les négociations se poursuivre quelques jours après l’échéance du contrat actuel le 31 mars, mais qu’elle n’allait pas permettre qu’elles « s’éternisent ». Tremblay a ainsi affirmé qu’il était question dorénavant d’un « blitz de négociations ».

La taille de la manifestation de samedi était une indication de la colère qui gronde dans la classe ouvrière face à la baisse du niveau de vie et la détérioration des services publics et des programmes sociaux. Mais pour les dirigeants syndicaux, la manifestation était un stratagème : une manoeuvre visant à diminuer la pression venant de la base et non un moyen pour préparer une contre-offensive de la classe ouvrière contre le gouvernement libéral et la classe dirigeante. Cette dernière presse Charest d’utiliser le retour du déficit dans la province et le vieillissement de la population comme prétextes pour étendre la privatisation du système de santé, augmenter entre autres les frais universitaires et de garderies ainsi que les tarifs d’électricité et sabrer les services offerts par l’Etat.

Les brefs discours prononcés à la manifestation par la chef de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Claudette Carbonneau, le président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), Michel Arsenault, et Dominique Verreault du Secrétariat intersyndical des services publics (SISP) étaient insipides et d’esprit de clocher. Les chefs syndicaux ont appelé au gouvernement Charest de droite à négocier de bonne foi. Ils n’ont fait aucune référence à l’assaut contre les services publics et les emplois de la fonction publique par le gouvernement conservateur fédéral et les gouvernements provinciaux à travers le Canada. Ils n’ont évidemment pas plus mentionné les luttes qui ont émergé en Grèce et ailleurs au moment où les travailleurs résistent aux tentatives de la grande entreprise de les faire payer pour la crise du système capitaliste.

Dans une entrevue publiée dans le quotidien La Presse le jour de la manifestation, le premier ministre Charest n’a laissé aucun doute qu’il considérait que les syndicats organisaient une lutte pour la forme. « Nous sommes généralement satisfaits de l’approche prise par les dirigeants syndicaux », a dit Charest. « Ils font leurs manifestations… Je ne dirais pas que c’est du théâtre, ils font leurs représentations pour avoir leur part du gâteau. » [retraduit de l’anglais]

Même si le gouvernement a signalé à plusieurs reprises qu’il était prêt à imposer des concessions au moyen d’une loi spéciale décrétant le contrat collectif, les syndicats ne considèrent même pas de grèves avant le mois de septembre. Et les dirigeants syndicaux n’ont pas dit un mot sur la réponse des travailleurs si jamais les conditions de travail étaient décrêtés encore une fois par le gouvernement, ce qui signale qu’ils vont affirmer qu’ils ont les mains liées et que rien ne peut être fait sauf attendre la prochaine élection et remplacer les libéraux par l’autre parti de la grande entreprise rival, le Parti québécois (PQ).

Depuis que le PQ de René Lévesque, bénéficiant de l’appui des organisations syndicales, a imposé de très importantes concessions aux travailleurs du secteur public en 1982-83, les syndicats ont capitulé une fois après l’autre devant les lois interdisant les grèves et l’imposition de contrats par décret gouvernemental. En 1996, ils ont donné leur plein appui à la campagne du gouvernement péquiste pour éliminer les déficits du budget provincial. Ils s’étaient joints au gouvernement pour imposer des coupes massives des dépenses sociales et ont développé un programme de départ anticipé à la retraite qui a facilité l’élimination de dizaines de milliers d’emplois du secteur public.

Dans les négociations actuelles, le PQ s’est solidarisé sans surprise avec le gouvernement Charest. En janvier, la dirigeante du PQ Pauline Marois a caractérisé les demandes salariales des travailleurs du secteur public comme « exagérées ».

Des partisans du Parti de l’égalité socialiste au Canada ont distribué une déclaration lors aux manifestants de samedi dernier qui insistait sur la nécessité pour les travailleurs du secteur public de faire de leur lutte le fer de lance d’une mobilisation militante et politique de toute la classe ouvrière en défense des services publics, des emplois et des droits des travailleurs.

On pouvait y lire que cette lutte « exige avant tout des travailleurs une rupture avec la bureaucratie privilégiée qui contrôle les syndicats. Une longue expérience historique mondiale avec la forme d’organisation syndicale a démontré que celle-ci est inadéquate pour défendre les conquêtes sociales obtenues dans les luttes passées, encore moins pour en arracher de nouvelles. Depuis la fin des années 1970, en réponse au tournant de l’élite dirigeante d’une politique de compromis social vers une stratégie de guerre de classe, les syndicats se sont transformés en instruments pour imposer l’austérité capitaliste. Ce faisant, ils se sont pleinement intégrés aux instances patronales et gouvernementales (comités tripartites, Fonds de solidarité, etc).

« En opposition à ces défenseurs endurcis du capitalisme, les travailleurs doivent faire renaître leurs traditions de luttes militantes, et surtout se tourner vers une nouvelle perspective politique : la lutte pour un gouvernement ouvrier qui utiliserait les vastes ressources disponibles pour satisfaire les besoins sociaux de tous, et non la soif de profits d’une minorité. »

Messages

  • la révolte de Mai des étudiants ? C’est la rue qui gouverne le Québec !

    MONTREAL - La ministre québécoise de l’Education, Line Beauchamp, a démissionné lundi dans l’espoir de provoquer un "électrochoc" pour débloquer le conflit étudiant le plus long de l’histoire de la province, autour de la hausse des frais de scolarité.

    Mme Beauchamp a pris cette décision à la suite du rejet par ses interlocuteurs d’une proposition du gouvernement provincial pour sortir de la crise, affirmant avoir perdu confiance dans la volonté des dirigeants étudiants de trouver une solution.

    "J’espère que cela servira d’électrochoc. Tant mieux si, dès demain, ça amène un mode compromis", a-t-elle dit.

    Line Beauchamp, visiblement émue, a annoncé sa décision lors d’un point de presse retransmis en direct à la télévision : "Je ne démissionne pas devant l’intimidation. Je ne cède pas devant le vandalisme, devant la désobéissance civile (...) Je démissionne parce que j’estime que je ne fais plus partie de la solution".

    Line Beauchamp, 49 ans, était ministre de l’Education, des Loisirs et du Sport depuis août 2010 et vice-première ministre du gouvernement libéral (centre-droit) de Jean Charest.

    Elle a été remplacée immédiatement par Mme Michelle Courchesne qui cumulera désormais les fonctions de vice-première ministre et ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport avec celles de ministre responsable de l’Administration gouvernementale et de présidente du Conseil du trésor, qu’elle occupait déjà.

    Ancienne ministre de l’Education de 2007 à 2010, Mme Courchesne a participé aux négociations avec les étudiants. Elle s’y serait montrée plus souple que Mme Beauchamp, selon Jean-Pierre Charbonneau, ancien ministre et député du Parti Québécois.

    Mme Beauchamp démissionne au début de la quatorzième semaine du conflit estudiantin le plus long de l’histoire du Québec. Quelque 165.000 étudiants sont en grève et manifestent quotidiennement, sans relâche depuis février, de nuit, de jour, parfois presque entièrement nus, pour attirer l’attention des responsables politiques et des médias du monde entier.

    La ministre, qui abandonne également son mandat de députée libérale, a tenté d’expliquer sa décision.

    "J’en arrive à la conclusion personnelle que j’ai perdu confiance en la volonté des leaders étudiants quant à la recherche d’une véritable sortie de crise. Personnellement, à titre de ministre de l’Education, je n’ai jamais réussi à leur faire faire un compromis. Alors moi, personnellement, j’ai fait l’ultime compromis que je puisse faire, je cède la place."

    Les représentants des syndicats étudiants ont accueilli l’annonce plutôt froidement.

    "Le problème pour nous, ça n’a jamais été Mme Beauchamp" a dit Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de l’organisation la plus revendicatrice, la CLASSE (Coalition Large de l’Association pour une Solidarité Syndicale Etudiante).

    "Le problème c’est la hausse des frais de scolarité. Ce n’est pas en changeant de ministre qu’on va régler la crise actuelle. On va régler la crise lorsqu’on va accepter de parler de la raison pour laquelle les gens sont en grève", a-t-il ajouté.

    Le gouvernement n’a jamais voulu revenir sur la hausse décidée. Le dernier accord qu’il a proposé prévoit une augmentation des droits de scolarité à l’université de 1.780 dollars sur sept ans, au lieu de cinq ans initialement, pour arriver à près de 4.000 dollars par an, plus près de la moyenne nord-américaine.

    En contrepartie, les prêts et bourses augmenteraient également et les frais annexes imposés aux étudiants par les universités pourraient être réduits, mais sans que cela soit assuré.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.