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Révolte : la vague gagne la Croatie

samedi 23 avril 2011

Citoyens révoltés rassemblés via Facebook, jeunes anticapitalistes, vétérans de guerre : les manifestations se suivent mais ne ressemblent pas toutes. Chaque soir ou presque, des milliers de personnes défilent dans les rues de Zagreb, et d’autres villes, comme Split, Rijeka, Pula ou Osijek, exigeant le départ de la Première ministre Jadranka Kosor, et du gouvernement HDZ. Les manifestants brûlent des drapeaux européens, mais la cohérence politique du vent de révolte qui souffle en Croatie n’apparaît pas encore clairement.

Par Drago Hedl

« Contre les privatisations, le capitalisme et l’UE »

« HDZ voleur, vous avez dépouillé la Croatie », « Jadranka, va-t-en » : ces cris résonnent presque chaque soir, depuis quelques jours déjà, dans les rues de Zagreb, où des milliers de personnes, notamment des jeunes mobilisés via Facebook, demandent de plus en plus fort le départ de la Première ministre Jadranka Kosor et de son parti, l’Union démocratique croate (HDZ).

Zagreb a inspiré aussi d’autres villes, comme Split, Rijeka, Osijek ou Pula. Les manifestants ne cèdent pas. Bien au contraire, leur nombre croît de jour en jour. On ne déplore pas d’incidents jusqu’ici, à part quelques blessés lors de confrontations avec la police et les manifestants, il y a quelques jours. Les heurts se sont produits au moment où les manifestants avaient décidé de rejoindre la place Sveti Marko, où se situe le siège du gouvernement et du parlement croate, et où les manifestations sont interdites par la loi.

Les vétérans de guerre dans la rue

Samedi dernier, sur l’une des principales places de Zagreb, 10.000 vétérans de guerre ont aussi manifesté mais, bien sûr, sans lien avec les premiers (lire « Croatie : une manifestation des vétérans de guerre dégénère en émeutes à Zagreb »). Les vétérans dénoncent ce qu’ils définissent comme « une persécution des défenseurs croates de la patrie » et pour que soit préservée « la dignité de la guerre patriotique ». L’arrestation en Bosnie-Herzégovine d’un des défenseurs de Vukovar, Tihomir Purda, contre lequel pesait un mandat d’arrêt serbe pour des crimes de guerre, est à l’origine de leur mécontentement. Jeudi, cependant, Tihomir Purda a été relâché, après que la Serbie a renoncé aux poursuites judiciaires à son égard (lire « Serbie / Croatie : pleine collaboration pour juger les crimes de guerre ? »).

Les vétérans de guerre accusent le gouvernement de trahir les intérêts nationaux et s’opposent à la normalisation des relations avec la Serbie. Les vétérans ont demandé aussi l’abrogation des lois d’amnistie dont bénéficient les Serbes de Croatie impliqués dans la révolte armée de 1992. Certains s’opposent aussi à l’entrée du Pays dans l’Union européenne.

La « révolution Facebook »

L’autre manifestation, partie de Facebook, demandait la démission du gouvernement actuel, accusé de vol, de corruption et d’avoir été inactif contre l’augmentation du chômage (la Croatie compte 335.000 chômeurs). Les manifestants dénoncaient les conditions de vie de plus en plus difficiles et la chute drastique du niveau de vie. Eux aussi, comme les vétérans, ont brûlé le drapeau de l’Union européenne et celui du principal parti de l’opposition, le SDP. Tout cela indique que les manifestations, du moins à cette phase, sont encore peu articulées et surtout que les manifestants ne savent pas vraiment où ils veulent en venir. Cela ne durera sans doute pas longtemps.

Pour le moment, la Première ministre, Jadranka Kosor a choisi d’ignorer les manifestations, elle a éludé les questions des journalistes et ignoré la demande de l’opposition de référer au Parlement les derniers événements. Elle considère évidemment ces manifestations sont encore trop peu importantes pour que le gouvernement se sente menacé et qu’elle soit elle-même contrainte à la démission. Jadranka Kosor espère aussi, selon certains analystes, que la révolte s’atténuera et que son gouvernement tiendra jusqu’à la fin de son mandat. Les élections parlementaire auront probablement lieu à la fin de l’année, même si la loi actuelle permet au gouvernement de rester en place jusqu’en mars 2012. Les manifestants voudrait que le Parlement soit dissout tout de suite.

Vers des élections anticipées ?

Le 2 mars, les manifestants ont reçu le soutien de deux membres du parlement, eux aussi descendus dans la rue. Les députés Dragutin Lesar, chef du Nouveau parti travailliste, et Damir Kajin, membre du Forum démocratique d’Istrie ((IDS), sont descendus dans la rue pour manifester aux côtés de presque 5.000jeunes. Ce sont les seuls parlementaires à avoir soutenu ouvertement les manifestations, ce qui donne une nouvelle dimension à ces dernières qui pourraient désormais s’articuler autour d’objectifs politiques plus précis.

Toutefois, le problème est que l’opposition n’a pas encore envoyé de message clair exigeant des élections anticipées. À vrai dire, elle l’a fait, mais très timidement, en donnant l’impression de ne pas être prête à prendre ses responsabilité, consciente peut-être des conditions actuelles et des mesures d’austérité qu’elle devrait prendre si elle arrivait au pouvoir. En réalité, l’opposition croate semble se satisfaire très bien, pour le moment, de sa position.

Selon la plupart des analystes politiques, la Croatie devrait aller vers des élections anticipées car le gouvernement a perdu sa légitimité. En effet, le HDZ, au pouvoir depuis sept ans, a souffert de graves faits de corruption, et il ne semble avoir aucune idée sur la manière de faire sortir le pays de la profonde crise qu’il traverse.

Jadranka Kosor, qui a succédé en 2010 à Ivo Sanader, après la démission surprise de ce dernier (lire « Croatie : démission surprise du Premier ministre Ivo Sanader »), a permis de lever l’impunité juridique dont jouissait les puissants. Ivo Sanader a ainsi échappé momentanément à un procès pour vol de l’Etat, après avoir fui en Autriche, où il est emprisonné en attente d’extradition depuis début janvier dernier (lire « Croatie : l’ancien Premier ministre Ivo Sanader reste détenu en Autriche »). Cependant, elle n’a pas réussi à mettre un terme à la dégradation de la situation économique. Pour assurer son fonctionnement, l’État est obligé d’emprunter à l’étranger, alors que la dette publique a déjà atteint l’effroyable montant de 44 milliards d’euros.

Avant la vague de manifestations, le gouvernement de Jadranka Kosor ne semblait pas prêt à prendre les décisions douloureuses et nécessaires à la sortie de crise. Aujourd’hui, il l’est encore moins.

Messages

  • La première manifestation voit le jour en février, lorsqu’un millier de personnes se sont rassemblées en face du gouvernement, place Sveti Marko. Interdite en Croatie, la manifestation est bloquée par la police qui érige des barricades et procède à des arrestations violentes et musclées. Depuis, les rassemblements fleurissent à travers les grandes villes croates comme Zagreb, Karlovac, Split, Rijeka ou Osijek. Le nombre de participants augmente de milliers en milliers, atteignant le chiffre de 15 000 manifestants. Les révolutions d’Afrique du Nord ont très probablement encouragé le début des protestations dans le pays.

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