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La physique de l’état granulaire

dimanche 7 juin 2009, par Robert Paris

La physique du tas de billes, le film

La physique du tas de sable, le film

Les grains, des poudres aux volcans

Milieux granulaires

ETAT GRANULAIRE

"Avant tout, qu’est-ce qu’un milieu granulaire ? C’est un assemblage de nombreux éléments solides, qui peuvent interagir par exemple lors de collisions, mais aussi sous l’effet de forces électromagnétiques ou gravitationnelles. Ces éléments, désignés sous le terme générique de grains, sont généralement arrangés de manière désordonnée et présentent souvent des différences de forme, de taille et d’état de surface. On trouve des milieux granulaires à toutes les échelles : des fines poudres compactées composant les cachets d’aspirine, en passant par les dunes du désert, jusqu’au ballast des voies ferrées et aux anneaux de Saturne. La structure et les propriétés de ces milieux ne dépendent pas seulement des caractéristiques des grains, mais aussi de l’histoire du milieu, c’est-à-dire de l’ensemble des mouvements subis, des traitements appliqués, etc.

Les milieux granulaires présentent une variété de comportements qui les rendent inclassables parmi les trois états de la matière habituels, à savoir solide, liquide et gazeux. Prenons le simple exemple du tas de sable sec. Ce n’est pas un solide, car s’il résiste apparemment à la compression (ce n’est donc pas un gaz), il ne résiste pas à l’étirement. Pourtant, tant que la pente de sa surface ne dépasse pas une certaine limite, il ne se passe rien, et il s’apparente assez à un solide ; mais si la pente augmente trop, il se produit des avalanches à sa surface, ce qui donne à sa couche superficielle un caractère presque liquide. Cependant, ce n’est pas un liquide, puisque, au repos, sa surface n’est pas horizontale. Cette ambivalence a fait dire à certains auteurs qu’il s’agit là d’un quatrième état de la matière, situé entre le solide et le liquide. Ces milieux ont par ailleurs des propriétés que l’on ne trouve dans aucun des trois autres états, parmi lesquelles on peut citer l’effet de voûte(notion à laquelle nous reviendrons plus tard), la dilatance et la ségrégation." Jocelyn G.

TEMPÉRATURE GRANULAIRE

"Les matériaux granulaires, qu’il s’agisse de sable, de neige ou de sucre en poudre, affichent souvent des propriétés étranges qui font qu’ils se comportent comme des solides, des liquides, voire des gaz. Comme l’a rapporté l’édition actuelle du New Journal of Physics, une équipe de quatre chercheurs vient de révéler la manière de mesurer la "température granulaire" de ces matériaux.

"Prenez par exemple la couverture neigeuse solide d’une piste de ski", déclare le chef d’équipe, Patrick Mayor, de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) en Suisse. "Lorsque la neige est immobile, elle reste à l’état solide, mais dès qu’elle commence à dévaler comme lors d’une avalanche, la neige qui s’écoule se comporte plus comme un liquide. De même, lors d’une tempête de sable, les grains sont soulevés du sol et se comportent plus comme des molécules gazeuses que comme un solide."

M. Mayor poursuit : "Si la plupart des matériaux sont habituellement répertoriés comme des solides, des liquides ou des gaz, les systèmes granulaires n’appartiennent visiblement à aucune de ces catégories et sont considérés comme ayant leur propre état de la matière. Le comportement variable des matériaux granulaires fait qu’il est extrêmement difficile de concevoir une théorie générale valable pour le phénomène observé."

La température d’un objet traduit le mouvement de ses éléments constitutifs. Ainsi, plus les molécules d’un gaz se meuvent rapidement, plus la température du gaz sera élevée.

M. Mayor et ses collègues ont présenté un thermomètre capable de mesurer la température d’un matériau granulaire en se basant sur l’ampleur du déplacement de ses éléments constitutifs. Ils ont découvert que, contrairement aux liquides, la température du matériau granulaire varie en fonction de la profondeur à laquelle le thermomètre est plongé dans le matériau.

Le fait de pouvoir prendre ce type de mesure pourrait permettre aux chercheurs de mieux comprendre les propriétés du matériau granulaire, compréhension qui pourrait servir à toutes les industries qui manipulent des matériaux particulaires ou en poudre comme l’industrie pharmaceutique et le secteur de la construction." Futura Science

LE TAS DE SABLE

P. Bak et al. utilisent un modèle simple : le tas de sable. L’expérience consiste à ajouter régulièrement des grains à un tas de sable. Petit à petit le sable forme un tas dont la pente, en augmentant lentement, amène le tas de sable vers un état critique. L’ajout d’un grain peut alors provoquer une avalanche de toute taille, ce qui signifie qu’une petite perturbation interne n’implique pas forcément de petits effets. Dans un système non linéaire, une petite cause peut en effet avoir une grande portée. Les avalanches connaissent donc différentes amplitudes qui sont toutes générées par une même perturbation initiale (un grain de sable supplémentaire). S’il n’est pas possible de prédire la taille et le moment de l’avalanche, en revanche cette théorie nous renseigne sur l’ensemble des réponses du système lorsqu’il atteint l’état critique. L’état critique auto organisé d’un système est donc un état ou le système est globalement métastable tout en étant localement instable. Cette instabilité locale (de petites avalanches dans le modèle du tas de sable) peut générer une instabilité globale (de grosses avalanches entraînant l’effondrement du tas) qui ramène ensuite le système vers un nouvel état métastable : le tas de sable connaît une nouvelle base. Selon P. Bak, l’une des particularités des systèmes auto organisés critiques est de posséder une double signature fractale, temporelle et spatiale. Ainsi, les variables qui décrivent le comportement du système suivent des lois puissance et les systèmes auto organisés critiques construisent des formes fractales. Si cette théorie a fait l’objet de nombreuses applications en physique, son utilisation en sciences sociales est plus rare. En géographie, A. Dauphiné (2003) a appliqué la théorie des systèmes auto-organisés critiques aux réseaux urbains en établissant un rapprochement entre la fractalité fonctionnelle (Zipf) et spatiale (Christaller) de ces derniers et cette théorie. Les villes d’un réseau urbain s’ordonnent en effet selon une première loi fractale, la loi rang taille ou la loi de Zipf (loi puissance). De plus, l’emboîtement des villes en hexagone, démontré par la théorie des lieux centraux, est un exemple d’organisation territoriale fractale. Le système urbain métastable (un système local par exemple) atteindrait ainsi un point critique avant de se diriger vers un nouvel état métastable (un système régional). Bibliographie : Bak P. 1996, How Nature Works -The science of self-organized criticality, Springer Verlag Dauphiné A., 2003, Les théories de la complexité chez les géographes, Economica, Paris. Dauphiné A., Provitolo D., 2003, « Les catastrophes et la théorie des systèmes auto organisés critiques », p. 22-36, in : Les risques / sous la direction de V. Moriniaux. Nantes : Éditions du Temps. Dauphiné A., 2003, « Les réseaux urbains : un exemple d’application de la théorie des systèmes auto-organisés critiques », Annales de Géographie, n° 631, p. 227-242. Deneubourg J-L., 2002, « Emergence et insectes sociaux », p. 99-117, in : La complexité, vertiges et promesses sous la direction de Réda Benkirane, Le Pommier. Provitolo D., 2007, « A proposition for a classification of the catastrophe systems based on complexity criteria », 4th European Conference on Complex Systems (ECCS’07), - EPNACS’2007 - Emergent Properties in Natural and Artificial Complex Systems, Dresden, Germany, October 1-5, 2007. Actes du colloque. http://www-lih.univ-lehavre.fr/ bertelle/epnacs2007-proceedings/provitolo4epnacs07.pdf Sornette D., 2006, Critical Phenomena in Natural Sciences : chaos, fractals, selforganization and disorders, Berlin, Springer Verlag, 2ème édition, 528 p. Thiétart R.-A., 2000, « Management et complexité : concepts et théories », Cahier n° 282, Centre de Recherche DMSP. Da.Pr.

CONSTRUCTION DE STRUCTURES

"La physique des châteaux de sable : une énigme résolue !

Par Laurent Sacco, Futura-Sciences Bookmark and Share

Des énigmes se trouvent encore dans la vie de tous les jours à l’heure où l’homme se prépare à sonder la physique de l’Esprit et de la création de l’Univers. Un groupe de chercheurs allemands et français vient de répondre à l’une d’entre elles : pourquoi du sable mouillé permet-il de construire des châteaux de sable.

La physique des matériaux granulaires, comme le sable et la neige, semble bien peu intéressante de prime abord, mais elle pose de redoutables problèmes aux théoriciens et est riche d’applications pratiques dans l’industrie. C’est aussi en l’étudiant que l’on comprend mieux comment se déposent les sédiments dans les océans ou lors d’une éruption volcanique. Ces connaissances fournissent des outils pour, entre autre, d’évaluer les risques géologiques comme les glissements de terrain et la formation de certains gisements.

Des mystères plus vastes y sont cachés. Qui étudie la physique des tas de sable se retrouve souvent récompensé par la découverte de points de vue inattendus sur la structure même de l’Univers. Le poète William Blake ne s’y était pas trompé lorsqu’il appelait à voir l’Univers dans un grain de sable. C’est probablement en méditant sur l’analogie entre l’écoulement du sable et d’un liquide que les philosophes grecs Leucippe et Démocrite sont parvenus à l’idée d’atome et, encore aujourd’hui, cet écoulement peut nous parler de la naissance de l’Univers.

Nous savons tous depuis l’enfance que faire un château de sable est assez facile, car l’ajout d’une quantité apparemment aléatoire d’eau à du sable sec en fait un matériau visqueux facile à travailler. Toutefois, la raison exacte pour laquelle le sable acquière une cohésion, celle-ci changeant peu sur une large plage de la teneur en eau, est longtemps restée un mystère. Or, cela a au moins des implications importantes en génie civil, et en particulier dans la prévention des glissements de terrain.

Aujourd’hui, Stephan Herminghaus du Max Planck Institute for Dynamics and Self Organization de Göttingen, en Allemagne, et ses collègues ont abordé le problème en étudiant des images 3D de perles de verre mouillées, grâce à la radiographie par microtomographie. Ils ont pour cela utilisé des perles qui ont la même forme et la même taille que les grains de sable naturels.

Rangée supérieure : prédictions théoriques de la façon dont les ponts capillaire d’eau (en bleu) lient des perles de verre ensemble. Rangée du bas : images obtenues par microtomographies des ponts entre perles de verre humide. Crédit : Nature Matérials

Lorsqu’un liquide a été ajouté aux perles sèches, celui-ci forme des structures appelées ponts capillaires entre les grains. Les forces capillaires sont responsables de la légère élévation de l’eau au voisinage des parois d’un récipient. Lorsque l’on ajoute du liquide, les ponts s’étendent et forment des structures plus grandes. Comme le nombre de ponts a augmenté, les surfaces de chaque perle entrent en contact avec davantage d’eau, ce qui tend à augmenter l’effet de cohésion. Toutefois, l’importance des forces capillaires diminue à mesure que la structure en pont s’étend. Les chercheurs sont arrivés à la conclusion que ces deux effets s’annulent mutuellement, de sorte que les forces liant les perles de concert restent les mêmes lorsque la teneur en eau change.

Sections aves des tomogrames 3D montrant des grains de sable d’un diamètre d’environ 400 μ m et un contenu en liquide de 1 %, 3 % et 7 % (de gauche à droite). Crédit : Nature Matérials

C’est ce qui explique qu’au-delà d’une certaine limite, et sur un certain intervalle, l’ajout d’eau ne change plus la cohésion du sable mouillé. Les chercheurs ont montré que ce résultat est valable pour des perles sphériques ou non sphériques comme des grains de sable.

La technique d’imagerie utilisée devrait aussi permettre de mieux comprendre ce qui se passe aux interfaces grain-liquide-air ainsi que la dynamique de la redistribution des forces et de la matière quand du sable humide est soumis à des déformations ou lorsqu’il s’écoule.

Comme on le voit, s’il était besoin de le démontrer encore, la physique des matériaux granulaires est très riche et il existe un excellent ouvrage français introduisant à celle-ci, celui d’Etienne Guyon."

TRANSITION DE PHASE

Transition entre un état liquide et un état vitreux étudiée par des ondes élastiques

Les milieux granulaires désordonnés, de par leurs nombreux comportements communs avec l’ensemble vaste des milieux amorphes, incluant les verres, suscitent un intérêt toujours croissant de la part des physiciens du solide. Ils sont aussi au centre des intérêts des géophysiciens et des mécaniciens des fluides et des solides pour leurs comportements complexes, parfois dangereux ou indésirables, rencontrés dans la nature. C’est ainsi que de nombreuses recherches sont liées, souvent directement, à l’étude du comportement des milieux granulaires : modes mous, pic de bosons, transition de "jamming", avalanches, formations de dunes, compaction, etc.

L’application des méthodes acoustiques linéaires et non linéaires aux milieux granulaires et la modélisation des phénomènes acoustiques sont relativement récentes. La nature de la propagation, notamment à longueurs d’ondes comparables à la taille des grains, reste globalement mal comprise. Les techniques acoustiques ont pourtant démontré leur potentiel unique en tant qu’outil de caractérisation des milieux granulaires : résolution temporelle de l’ordre de la milliseconde, résolution spatiale (1 mm - 5 cm), sondage de l’élasticité au sein de milieux tridimensionnels, sensibilité aux faibles forces de contact, etc.

Une méthode de génération et de détection non invasive d’ondes élastiques guidées le long de la surface libre d’assemblages non cohésifs de grains (billes de verre de 0.15 mm de diamètre) a été mise en oeuvre au LAUM (UMR-CNRS-St2i 6613/Université du Maine)1-2. Elle permet de sonder les paramètres élastiques des milieux granulaires non consolidés, à des contraintes statiques entre grains encore inexplorées, et restant inaccessibles par les autres méthodes. En effet, les grains sont soumis à la seule gravité, ce qui, pour les premiers centimètres de la couche, correspond à une contrainte statique inférieure à 200 Pa (les mesures de paramètres élastiques aux pressions statiques les plus faibles reportées à ce jour dans la littérature se situent au-dessus de 10 kPa). Ceci se traduit notamment par des vitesses de propagation acoustique de l’ordre de quelques dizaines de mètres par seconde (typiquement de 20 à 100 m/s).

Le système d’imagerie utilisant un vibromètre laser (voir la figure ci-dessous) pour la détection des ondes sagittales dans la couche granulaire permet d’obtenir une résolution spatiale de l’ordre du millimètre sans contact avec le milieu, ce qui est déterminant à de si faibles pressions statiques pour une mesure non intrusive. Ainsi, après l’application d’un protocole de compaction qui assure une configuration maîtrisée du milieu granulaire et la reproductibilité des mesures, la relation de dispersion de plusieurs modes est reconstruite sur une décade en fréquence grâce à une série de 25 expériences.

A partir de cette mesure précise des courbes de dispersion des modes propagatifs (guidés par le gradient de propriétés élastiques avec la profondeur), et par comparaison avec un modèle développé3, les lois de variation des paramètres élastiques du milieu en fonction de la contrainte statique ont été obtenues.

Elles confirment les prédictions théoriques et numériques existantes sur le comportement de l’élasticité d’un milieu granulaire à proximité de la transition de « jamming », transition entre un état liquide où les grains peuvent se déplacer les uns par rapport aux autres et un état vitreux où les positions sont figées et la stabilité de l’assemblage granulaire assurée. Pour les milieux granulaires, cette transition se manifeste entre autres par une déviation importante de l’élasticité par rapport au comportement de Hertz, observé classiquement aux pressions plus élevées. Cet écart à la théorie de Hertz pourrait s’expliquer par les mouvements non affines de grains dans les milieux granulaires non consolidés désordonnés.

A gauche, schéma du montage expérimental. Au centre, relation de dispersion obtenue pour les trois premiers modes entre 500 Hz et 3 kHz : modèle en disques, expérience en traits continus (écart type). A droite, photographie d’une partie du montage expérimental. Les vitesses de propagation observées sont de l’ordre de quelques dizaines de mètres par seconde seulement en raison des constantes élastiques très faibles en surface.

Site web

http://laum.univ-lemans.fr

Contacts

Vincent Tournat, vincent.tournat@univ-lemans.fr, Vitalyi Gusev, vgoussev@univ-lemans.fr

Références

* 1 X. Jacob, V. Tournat, V. Aleshin and V. Gusev, Evaluation of the mechanical properties of granular media at low pressures, International Congress on Acoustics, Madrid, Spain, 2-7 September 2007.

* 2 X. Jacob, V. Aleshin, V. Tournat, P. Leclaire, W. Lauriks, and V. E. Gusev, Acoustic probing of the jamming transition in an unconsolidated granular medium, Phys. Rev. Lett., (2008). http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/17/86/47/PDF/Manuscript_Jamming.pdf

* 3 V. Aleshin, V. Gusev and V. Tournat, Acoustic modes propagating along the free surface of granular media, J. Acoust. Soc. Am. 121 (5), 2600-2611 (2007).

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