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Quand le PCF, par la voix de Maurice Thorez, savait comment "terminer une grève" avant qu’elle ne se transforme en révolution et ne renverse la bourgeoisie

vendredi 9 juillet 2010, par Robert Paris

Le 11 juin 1936, dans un discours à Paris, Thorez dit qu’ " Il n’est pas question de prendre le pouvoir actuellement ", et qu’ " il faut savoir terminer [une grève] dès que satisfaction a été obtenue. Il faut même savoir consentir au compromis si toutes les revendications n’ont pas encore été acceptées mais que l’on a obtenu la victoire sur les plus essentielles revendications".

Le 12 juin, le lendemain de l’intervention de Thorez pour briser la grève, Léon Blum déclara à la Chambre :

« Il est vrai que depuis hier la surface des choses a pris une autre apparence ; il est vrai qu’on a le sentiment de groupements suspects et étrangers à l’organisation syndicale. Ce que le gouvernement peut et doit dire, c’est qu’il est parfaitement résolu à assurer l’ordre de la rue. »

Le 12 juin le gouvernement Blum interdisait le journal trotskyste la Lutte ouvrière qui luttait pour que les ouvriers organisent des conseils ouvriers et pour l’armement du prolétariat sur la base des occupations d’usines. Le 13 juin le PC déclarait dans l’Humanité :

« Le Parti Communiste conscient de ses responsabilités a ... pris courageusement position sans craindre de s’attaquer aux gesticulations hystériques des trotzkystes et trotzkysants, comme il a fait triompher le Front Populaire en combattant le bavardage des sectaires qui condamnait l’alliance de la classe ouvrière et des classes moyennes. […] le mot d’ordre capital du Parti reste : “Tout pour le Front Populaire, tout par le Front Populaire.” »

Si, le 25 mai 1936, Thorez concluait encore son discours par un traditionnel "les soviets partout !", cela faisait déjà plus d’un an qu’il avait pris le tournant dit des "fronts populaires" sous l’égide de Staline et qui consistait à voir dans les bourgeoisies occidentales des possibles alliés que le prolétariat ne devait plus combattre au nom de la démocratie et du progrès. Dans le même discours, Thorez expliquait : "Nous voulons assurer l’appui des masses au prochain gouvernement. Nous raisonnons en hommes politiques." Et, le 11 juin 1936, à Paris, Thorez déclarait : "Connaissez-vous, pour les plus vieux militants d’entre vous, de telles grèves englobant des centaines et des centaines de milliers d’ouvriers sans qu’au bout de quinze jours, il ne se soit produit la moindre bagarre, la moindre rixe ? (...) Y a-t-il eu la moindre vitre birsée, la moindre déprédation ? Non ! (...) Un accord a été conclu dans la nuit du 7 juin qui était un succès. Conformément à cet accord, le droit syndical est respecté et des revendications substantielles, comme le contrat collectif et l’institution des délégués dans l’atelier sont admises. En ce qui concerne les salaires, nous l’avons dit franchement et nous le répétons ici : c’est moins satisfaisant ; on ne peut considérer qu’une augmentation de 7 à 15% soit suffisante. (...) S’il est important de bien conduire un mouvement revendicatif, il faut aussi savoir le terminer. Il n’est pas question de prendre le pouvoir actuellement. Tout le monde sait que notre but reste invariablement l’instauration de la République française des conseils d’ouvriers, de paysans et de soldats. mais ce n’est pas pour ce soir, ce n’est pas pour demain matin. Non, n’est-ce pas, camarades, toutes les conditions ne sont pas encore réunies pour le pouvoir des soviets en France. je veux en indiquer une seule : nous n’avons pas encore la sympathie et l’appui de la grande majorité des travailleurs des campagnes. Nous risquerions même, en certains cas, de nous aliéner quelques sympathies des couches de la petite bourgeoisie et des paysans de France.

Si le but maintenant est d’obtenir satisfaction pour les revendications de caractère économique tout en élevant progressivement le mouvement des masses dans sa conscience et son organisation, alors il faut savoir terminer dès que satisfaction a été obtenue. Il faut même savoir consentir au compromis si toutes les revendications n’ont pas encore été acceptées, mais si l’on a obtenu la victoire sur les plus essentielles et les plus importantes des revendications. Il faut savoir organiser, préparer l’avenir (...) Nous ne devons pas risquer que se disloque la cohésion des masses, la cohésion du Front Populaire. (...) Les militants du Parti doivent être en mesure de réagir contre les tendances gauchistes dans le mouvement. (...) Si toutes les revendications essentielles des camarades métallurgistes sont satisfaites, si les salaires les plus bas ont été augmentés dans des proportions suffisantes de l’avis des couches salariées qui étaient jusqu’alors les plus frappées, si les catégories quiétaient les mieux payées sont augmentées dans la norme prévue, si le congé payé est inclus dans le contrat, on peut et on doit signer l’accord qui met fin au mouvement actuel et préparer des améliorations ultérieures.

Une autre tendance gauchiste dans les grèves : par exemple, des ouvriers du bâtiment de la régie dans une municipalité communiste de banlieue (...) se mettent en grève contre elle, quand leurs revendications sont satisfaites. Contre qui ces ouvriers sont-ils en lutte ? C’est simplement par solidarité. C’est une singulière façon de concevoir la solidarité. (...) Les camarades ont compris que c’était une erreur et, ce matin, ils ont repris le travail. Il faut attirer l’attention sur ces tendances gauchistes. Il faut aussi tenir compte des répercussions de certaines grèves. Il y a eu la grève des camionneurs. Supposez que les camionneurs soient en grève pendant plusieurs jours : c’est le ravitaillement de Paris qui serait compromis. (...) Il ne faut pas, non plus, que nous laissions s’accréditer l’idée que le Front Populaire, c’est le désordre, c’est la désorganisation. "

Tiré de "La Riposte" :

Le PCF et la « troisième période »

Un an à peine après l’accession au pouvoir des nazis, en Allemagne, la manifestation des fascistes français, armés et de plus en plus nombreux, a envoyé une onde de choc à travers la classe ouvrière française. En Allemagne, la victoire des fascistes avait été grandement facilitée par la division de la classe ouvrière. La politique de la soi-disant « Troisième période » – celle du prétendu « effondrement définitif de l’ordre capitaliste » –, décrétée par les dirigeants staliniens de l’Internationale Communiste, signifiait dans la pratique que les dirigeants communistes allemands excluaient toute action commune entre travailleurs communistes et sociaux-démocrates, ces derniers étant désormais qualifiés de « sociaux-fascistes ». Les chefs de l’Internationale Communiste repoussaient toute possibilité d’accord de combat entre organisations ouvrières.

En France, le PCF suivit une politique analogue jusqu’en 1934. Depuis 1924, la politique du parti se caractérisait par une série de zigzags, et la politique de la « troisième période » ne pouvait qu’aggraver la désorientation des militants. En 1929, Trotsky résumait ainsi la situation : « Les premiers pas du parti avaient été pleins de promesse. La direction de l’Internationale Communiste unissait alors la perspicacité révolutionnaire et l’audace à l’attention la plus profonde aux particularités concrètes de chaque pays. C’est seulement sur cette voie que le succès était possible. Les changements de direction en URSS […] se sont répercutés pernicieusement sur la vie de toute l’Internationale Communiste, le parti français compris. La continuité du développement et de l’expérience fut automatiquement rompue. Ceux qui dirigeaient à l’époque de Lénine le PCF furent non seulement écartés de la direction, mais exclus du parti. On n’admit plus à la direction que ceux qui montraient assez d’empressement à reproduire tous les zigzags de la direction de Moscou. »

En conséquence, de 1925 à 1929, les effectifs du PCF chutèrent de 83 000 à 35 000. La mystification politique sur le thème de la « Troisième période » et l’assimilation des travailleurs socialistes à des « sociaux-fascistes » isolaient de plus en plus le parti de la masse des travailleurs. En 1931-1932, il ne lui restait qu’environ 10 000 adhérents. Le parti risquait de devenir une secte impuissante. Dans un article publié dans La Vérité, le 17 novembre 1933, Trotsky expliquait comment la théorie du « social-fascisme » minait la crédibilité du mouvement communiste aux yeux des travailleurs : « La formule " fascisme ou communisme " est absolument juste, mais seulement en dernière analyse. La politique fatale de l’Internationale Communiste, soutenue par l’autorité de l’Etat ouvrier, n’a pas seulement compromis les méthodes révolutionnaires : elle a donné à la social-démocratie, souillée de crimes et de trahisons, la possibilité de lever de nouveau au-dessus de la classe ouvrière le drapeau de la démocratie bourgeoise comme drapeau du salut.

« Des dizaines de millions de travailleurs sont alarmés jusqu’au tréfonds de leur conscience par le danger du fascisme. Hitler leur a montré de nouveau ce que signifie l’écrasement des organisations ouvrières et des droits démocratiques élémentaires. Les staliniens affirmaient au cours des dernières années qu’entre le fascisme et la démocratie bourgeoise, il n’y avait pas de différence, que le fascisme et la social-démocratie étaient jumeaux. Les ouvriers du monde entier se sont convaincus par la tragique expérience allemande de la criminelle absurdité de tels discours. »

A partir de février 1934, les dirigeants du PCF opèrent un brusque changement d’orientation. Face à la menace mortelle du fascisme, la classe ouvrière française aspirait instinctivement à l’unité dans l’action. Lors des manifestations anti-fascistes du 12 février, à Paris, le cortège des communistes se mêla dans l’enthousiasme, et aux cris d’« unité ! unité ! », à celui des socialistes – que la « ligne » officielle du PCF qualifiait encore de sociaux-fascistes. Les dirigeants du parti ne pouvaient rien faire pour empêcher cette union à la base. La théorie du « social-fascisme », rejetée par la base du mouvement communiste, ne pouvait plus être maintenue.

Cependant, la politique sectaire du PCF a été remplacée, non par le programme d’un front unique révolutionnaire des organisations des travailleurs, mais par une politique de collaboration de classe dictée par Moscou, et dont les conséquences allaient s’avérer désastreuses pour la classe ouvrière française. Maurice Thorez et la direction du PCF prônaient une nouvelle « union sacrée » – rebaptisée « Front Populaire » pour l’occasion. Le Front Populaire incluait non seulement les sociaux-démocrates, mais aussi la classe capitaliste, incarnée par le Parti Radical. Ainsi, les « sociaux-fascistes » et « radicaux-fascistes » d’hier devenaient désormais des alliés de première importance dans la lutte contre le fascisme.

Mais l’abandon de la théorie du « social-fascisme » répondait aussi aux exigences d’un nouveau tournant dans la politique étrangère de l’URSS, qui s’enracinait dans la dégénérescence bureaucratique de la révolution russe. A partir de 1924, l’arrivée au pouvoir de Staline et l’évolution de la politique de l’Etat soviétique, à travers tous ses zigzags, furent la conséquence de l’affirmation progressive du pouvoir de la caste bureaucratique conservatrice, dans le contexte de l’épuisement et l’isolement de la révolution dans un pays arriéré. La théorie du « socialisme dans un seul pays », évoquée par Staline pour la première fois en 1924, puis entérinée comme doctrine officielle de l’Internationale Communiste en 1928, signifiait l’abandon de l’internationalisme révolutionnaire au profit d’une politique au service des intérêts diplomatiques de la bureaucratie soviétique. Trotsky prédisait alors que l’adoption de cette « théorie » par l’Internationale Communiste mènerait inéluctablement à la dégénérescence réformiste et nationaliste de ses sections nationales. Le cours ultérieur des événements, en France comme ailleurs, devait confirmer ce pronostic d’une façon éclatante.

Menacé par l’arrivée au pouvoir de Hitler et le réarmement de l’Allemagne, l’Etat soviétique cherchait le soutien diplomatique de pays européens, dont la Grande-Bretagne et la France. Staline tendait la main aux partis capitalistes partisans de la « sécurité collective ». En mai 1935, le président du Conseil, Pierre Laval, se rendait à Moscou et signait un pacte d’assistance franco-soviétique. Staline déclara alors qu’il approuvait la politique de défense de la France. Immédiatement, le PCF cessa toute activité et propagande anti-militariste, adoptant le drapeau tricolore et La Marseillaise.

Un mois plus tard, la direction du PCF se déclara prête à soutenir un gouvernement capitaliste dirigé par le Parti Radical, « pourvu qu’il remédie à la crise économique et qu’il défende les libertés démocratiques. » Cette déclaration coïncidait avec un appel aux Radicaux de la part de Blum, qui les invita à former « un grand mouvement populaire […] contre les effets économiques, politiques et sociaux de la crise capitaliste ». Le Parti Radical, dévoué corps et âme aux intérêts des capitalistes, devait donc lutter contre les « 200 familles » ! L’alliance avec les Radicaux impliquait la limitation du programme du Front Populaire à des réformes superficielles, ne remettant nullement en cause les intérêts fondamentaux des capitalistes. Le PCF, plus encore que la SFIO, refusait obstinément d’intégrer dans le programme du Front Populaire des mesures susceptibles d’« aliéner les Radicaux ». Thorez insistait sur le fait que la propriété capitaliste de l’industrie et des banques devait être scrupuleusement respectée. L’alliance avec les Radicaux fut consacrée le 14 juillet 1935, au terme d’un défilé « patriotique » dans les rues de Paris. Blum et Thorez marchaient aux côtés du radical Daladier. Fait significatif : à cette date, le Parti Radical faisait encore partie du gouvernement réactionnaire de Pierre Laval, qu’il n’a quitté qu’en janvier 1936. Laval allait, lui aussi – comme Déat et Marquet – participer au régime de Pétain. Il sera fusillé en 1945.

Des élections à la grève générale

Le Front Populaire remporte les élections des 26 avril et 3 mai 1936. Avec 1 955 000 voix – soit un recul de 400 000 voix – les Radicaux sont les grands perdants du scrutin. Mais leur déroute est limitée, au deuxième tour, par les désistements socialistes et communistes en leur faveur, ce qui en fait les arbitres de la Chambre des Députés : aucune majorité n’est possible sans eux. Les Communistes, par contre, récoltent 1 469 000 voix, soit 700 000 de plus qu’au scrutin précédent. La rupture avec les « néo-socialistes » coûte à peine 34 000 voix à la SFIO, qui en totalise 1 977 000, dépassant les Radicaux de 20 000 voix. Avec 146 sièges, la SFIO devient, pour la première fois dans l’histoire du pays, le groupe le plus important à la Chambre. Quant aux Radicaux, ils obtiennent 116 sièges, contre 159 précédemment. Le PCF passe de 10 à 77 sièges.

La Constitution de la Troisième République prévoyait un délai d’un mois entre les élections et la mise en place du nouveau gouvernement. Cette période était généralement consacrée à la paisible attribution des portefeuilles, et autres formalités administratives. Mais en 1936, elle marqua le début du plus grand mouvement révolutionnaire qu’ait connu la France depuis la Commune de Paris. Pendant que Blum, avec l’appui de Thorez et des dirigeants du PCF, s’apprêtait à veiller sur les intérêts du capitalisme en collaboration avec le principal parti capitaliste du pays, la classe ouvrière passait à l’action.

Le 14 mai, les ouvriers métallurgistes de l’usine Bloch se mettent en grève. Ils occupent l’usine nuit et jour. Les gens du voisinage leur apportent vivres et encouragements. La direction de l’usine cède dès le lendemain, accordant aux grévistes une augmentation de salaire et des congés payés. Dans les jours qui suivent, d’autres mouvements de grève se produisent dans le pays, et obtiennent, eux aussi, gain de cause. Ces premières victoires captent l’attention de l’ensemble de la classe ouvrière. Blum, qui s’efforce de rassurer les milieux capitalistes quant à la « modération » de ses intentions, est effrayé par l’ampleur que prend le mouvement. Il appelle les travailleurs à la patience, c’est-à-dire à l’inaction. En vain. Le 26 mai, toutes les usines du secteur automobile – dont les 35 000 ouvriers de l’usine Renault – et de l’aviation du département de la Seine se mettent en grève. La direction de la CGT, réunifiée depuis le mois de mars, sous la direction de Léon Jouhaux, n’est pour rien dans le déclenchement du mouvement, qui s’étend rapidement aux autres industries, y compris aux ouvriers du bâtiment qui travaillent sur les chantiers de l’Exposition Internationale. Jouhaux incite les travailleurs à reprendre le travail, mais ne parvient pas à empêcher l’extension du mouvement. Au-delà des travailleurs industriels, le mouvement de grève gagne des couches de la classe ouvrière jusqu’alors inorganisées et inertes, mais souvent très durement exploitées.

Les signes du réveil révolutionnaire de la classe ouvrière se multiplient. Le 24 mai, lors de la manifestation traditionnelle de commémoration de la Commune de Paris, au Père Lachaise, le nombre de manifestants – qui ne dépassait pas, ordinairement, quelques centaines – avoisine les 600 000 ! Des militaires venus d’une caserne de Versailles portaient une banderole où était écrit : « La soldatesque versaillaise de 1871 assassina la Commune. Les soldats de Versailles de 1936 la vengeront ! »

Les travailleurs réclament des garanties de salaire minimum, la semaine de 40 heures (au lieu de 48), la majoration des heures supplémentaires et des congés payés. Nuit et jour, ils occupent les lieux du travail, tiennent des piquets de grève, créent des comités veillant à l’application des décisions collectives et à la protection de l’outil de travail contre des actes de sabotage ou de malveillance. Le 31 mai, Le Temps, porte-parole de la classe capitaliste, constate avec horreur « l’ordre qui règne dans les usines ». Les travailleurs se comportent, dit le journal, « comme si les usines leur appartenaient déjà ». Le 4 juin, à la veille de l’entrée en fonction du nouveau gouvernement, les grèves s’étendent à pratiquement toutes les industries, et commencent à paralyser l’économie nationale.

Une grève générale illimitée comme celle de 1936 porte la lutte des classes à un niveau qui pose directement la question du pouvoir. Comme le disait Trotsky : « C’est clairement l’union des opprimés contre leurs oppresseurs ». Par sa nature même, la grève générale oblige la classe ouvrière à instaurer son contrôle direct des moyens de production et à assumer progressivement les fonctions de l’Etat. Par l’action vigoureuse des travailleurs, une situation révolutionnaire se crée dans laquelle prend corps – sous une forme embryonnaire – le futur Etat socialiste. Cette menace contre l’existence même du capitalisme était en contradiction complète avec la collaboration de classe incarnée par le Front Populaire. La grève générale effrayait non seulement la classe capitaliste et ses représentants à la tête du Parti Radical, mais aussi les architectes « socialistes » et « communistes » du Front Populaire. Thorez avait insisté pour qu’aucune atteinte ne soit pas portée à la propriété capitaliste – et voilà que les ouvriers s’emparaient directement de cette propriété !

Les appels au calme, à la modération et à la reprise du travail, de la part des dirigeants de la CGT, de Blum et de Thorez, restent d’abord sans effet. Thorez insiste sur le fait que la situation « n’est pas révolutionnaire », et met les travailleurs en garde contre le danger de « jouer le jeu du fascisme ». Mais les travailleurs ne tiennent pas compte des consignes de leurs « dirigeants ». Lorsque Blum envoie le dirigeant syndical communiste Henri Reynaud, accompagné de Jules Moch (secrétaire général du gouvernement), pour obtenir des grévistes une livraison de mazout nécessaire aux boulangers de la capitale, ils reviennent les mains vides, les ouvriers n’ayant même pas voulu leur ouvrir la porte.

Le 6 juin, le nombre de grévistes s’élève à plus de 500 000. Le 7 juin, il s’approche du million. Le patronat craint que la poursuite du mouvement de grève n’aboutisse à une révolution et à la fin de la propriété capitaliste. Pris de panique, et pour aider les dirigeants de la CGT à mettre un terme au mouvement, le gouvernement Blum organise des négociations à l’Hôtel Matignon, le 7 juin. Quand ils sont sous la menace de tout perdre, les capitalistes font toujours de concessions, quitte à les reprendre plus tard, lorsque la menace est écartée. C’est dans cet état d’esprit que le patronat, représenté par la CGPF, aborde les négociations de Matignon. Blum tente de limiter les concessions faites en matière salariale, qui sont finalement de l’ordre de 7 à 12% dans le secteur privé. Le patronat concède également la semaine de 40 heures et 2 semaines de congés payés, ainsi que le principe des accords collectifs et de nouveaux droits syndicaux.

Dans son discours à la Chambre des Députés, Blum se dit « fier » des accords de Matignon, mais souligne ce que tout le monde sait déjà : « La crise n’est pas terminée ». Il faut rapidement promulguer les lois concernant les réformes promises. « Nous sommes, vous le savez, Messieurs, dans des circonstances où chaque heure compte. » En effet, les accords de Matignon ne mettent pas fin au mouvement de grève, et ne permettent pas de rétablir l’autorité des dirigeants socialistes, communistes et syndicaux. Bien au contraire, les grèves redoublent d’intensité. La CGT a vu le nombre de ses adhérents s’accroître dans des proportions inédites : elle passe d’un million à 5 300 000. Les métallurgistes de la région parisienne refusent les accords et votent la poursuite de la grève. Le nombre de grévistes augmente non seulement dans l’industrie et le commerce, mais aussi en milieu rural, où des milliers d’ouvriers agricoles occupent les grandes fermes. A Paris et dans de nombreuses villes de province, des cafés, des hôtels et des restaurants sont occupés par les salariés. Ici et là commencent à émerger des organisations comparables aux soviets de la révolution russe. Par exemple, le 8 juin, dans l’usine Hotchkiss, à Levallois, dans la banlieue nord-ouest de Paris, une assemblée regroupant les délégués de 33 usines des environs vote une résolution demandant l’élection d’un « comité central de grève » Le 11 juin, toutes les principales industries de Paris et du département de la Seine sont en grève, et une nouvelle assemblée de 587 délégués représentant 243 usines de la région parisienne se tient dans la capitale. Le nombre total de grévistes, même selon les chiffres du gouvernement, s’approche de 1 200 000. Blum met des troupes et des gardes mobiles en alerte, prêts à marcher sur Paris pour réprimer la grève, et ne cesse de répéter que son gouvernement fera respecter « l’ordre ».

Les travailleurs se heurtent sans cesse aux directions de leurs propres organisations, qui veulent toutes défendre la propriété privée et faire en sorte que cesse le mouvement de grève. Le 11 juin, Thorez s’adresse aux métallurgistes. Il les met en garde contre le risque, selon lui, d’effrayer la petite bourgeoisie et de briser le Front Populaire, en « aggravant le désordre ». « Il faut savoir consentir aux transactions, il faut savoir terminer une grève », dit-il, car « l’heure de la révolution n’est pas venue. » De nouveaux secteurs de la classe ouvrière, comme par exemple les employées des grands magasins de Paris, se lancent dans la lutte au lendemain de l’intervention de Thorez qui, pourtant, cherchait à y mettre un terme. Cependant, au cours des deux semaines suivantes, du fait du comportement traître des dirigeants des organisations syndicales et politiques des travailleurs, le mouvement de grève finit par s’épuiser.

Le gouvernement du Front Populaire ne dura que douze mois, jusqu’en juin 1937. Le capitalisme français lui doit sa survie. Plus tard, Blum évoquera son rôle en 1936 dans les termes suivants : « A cette époque-là, parmi la bourgeoisie et particulièrement dans les milieux patronaux, on comptait sur moi et on mettait son espoir en moi comme dans un sauveur. La situation était si angoissante et le pays si près de la guerre civile qu’on ne pouvait plus espérer qu’en une intervention providentielle : la venue d’un homme à qui l’on attribuait assez de pouvoir de persuasion et d’influence sur la classe ouvrière pour lui faire entendre la voix de la raison afin qu’elle n’use ni abuse de sa force. » Dans les faits, Blum n’aurait jamais pu sauver le capitalisme français, en 1936, sans le comportement tout aussi traître de Maurice Thorez.

On en arrivera en 1938 à la déclaration de Croizat -député communiste- à la Chambre : « La classe ouvrière veut l’ordre. La grève n’est pour elle qu’une ultime nécessité qui lui est imposée par l’arbitraire patronal. La classe ouvrière applaudira si nous lui donnons les moyens de suppléer à la grève... » !!!!

Extraits de Léon Trotsky dans « La France à un tournant » (28 mars 1936) :

« Comprendre clairement la nature sociale de la société moderne, de son Etat, de son droit, de son idéologie constitue le fondement théorique de la politique révolutionnaire. La bourgeoisie opère par abstraction (« nation », « patrie », « démocratie ») pour camoufler l’exploitation qui est à la base de sa domination. (…) Le premier acte de la politique révolutionnaire consiste à démasquer les fictions bourgeoises qui intoxiquent les masses populaires. Ces fictions deviennent particulièrement malfaisantes quand elles s’amalgament avec les idées de « socialisme » et de « révolution ». Aujourd’hui plus qu’à n’importe quel moment, ce sont les fabricants de ce genre d’amalgames qui donnent le ton dans les organisations ouvrières françaises. (…) Aussi invraisemblable que cela paraisse, quelques cyniques (staliniens) essaient de justifier la politique de front populaire en se référant à Lénine qui, paraît-il, a démontré qu’on ne pouvait pas se passer de compromis et notamment d’accords avec d’autres partis. (…) Les bolcheviks ont passé des accords d’ordre pratique avec les organisations révolutionnaires petites-bourgeoises pour le transport clandestin en commun des écrits révolutionnaires, parfois pour l’organisation en commun d’un manifestation dans la rue ou pour riposter aux bandes de pogromistes. Lors des élections à la Douma, ils ont eu recours, dans certaines circonstances et au deuxième degré, à des blocs électoraux avec les menchéviks ou avec les socialistes révolutionnaires. C’est tout. Ni « programmes » communs ni organismes permanents, ni renoncement à critiquer les alliés du moment. Ce genre d’accords et de compromis épisodiques, strictement limités à des buts précis – Lénine n’avait en vue que ceux-là – n’avait rien de commun avec le Front populaire, qui représente un conglomérat d’organisations hétérogènes, une alliance durable de classes différentes liées pour toute une période – et quelle période ! – par une politique et un programme communs. (…) La politique su Front populaire est une politique de trahison. (…) Seule une infime partie des cadres de l’Internationale communiste avaient commencé leur éducation révolutionnaire au début de la guerre, avant la révolution d’Octobre. Ceux-là, presque sans exception, se trouvent actuellement en dehors de la troisième internationale (stalinisée). (…) La majeure partie des cadres actuelle de l’Internationale communiste a adhéré non pas au programme bolchevique, non pas au drapeau révolutionnaire, mais à la bureaucratie soviétique. Ce ne sont pas des lutteurs, mais des fonctionnaires dociles, des aides de camp, des grooms. De là vient que la troisième internationale se conduit d’une manière si peu glorieuse dans une situation riche de grandioses possibilités révolutionnaires. »

Extraits de Léon Trotsky dans « L’étape décisive » (5 juin 1936) :

« Le nouveau gendarme du capital, Salengro, a déclaré avant même d’avoir pris le pouvoir (au nom du Front populaire), absolument comme ses prédécesseurs, qu’il défendrait « l’ordre contre l’anarchie ». Cet individu appelle « ordre » l’anarchie capitaliste et « anarchie » la lutte pour l’ordre socialiste. L’occupation, bien qu’encore pacifique, des fabriques et des usines par les ouvriers, a, en tant que symptôme, une énorme importance. Les travailleurs disent : « Nous voulons être les maîtres dans les établissements où nous n’avons été jusque là que des esclaves. »

Lui-même mortellement effrayé, Léon Blum veut faire peur aux ouvriers et leur dit : « Je ne suis pas Kérenski » (…) Il est impossible, pourtant, de ne pas reconnaître que, dans la mesure où l’affaire dépend de Blum, c’est au fascisme qu’il fraie la voie, non au prolétariat.

Plus criminelle et plus infâme que tout est, dans cette situation, la conduite des communistes : ils ont promis de soutenir à fond le gouvernement Blum sans y entrer. (…) Mais, après la grande vague de grèves, les événements ne peuvent que se développer que vers la révolution ou vers le fascisme. (…)

Les staliniens français ont baptisé les comités d’action « comités de Front populaire », s’imaginant qu’ils conciliaient ainsi la lutte révolutionnaire avec la défense de la démocratie bourgeoise. Les grèves actuelles sont en train de mettre en pièce cette pitoyable illusion. (…)

Le mot d’ordre de comités ne peut être abordé que par une véritable organisation révolutionnaire, absolument dévouée aux masses, à leur cause, à leur lutte. Les ouvriers français viennent de montrer de nouveau qu’ils sont dignes de leur réputation historique. Il faut leur faire confiance. Les soviets sont toujours nés des grèves. La grève de masse est l’élément naturel de la révolution prolétarienne. D’atelier en atelier, d’usine en usine, de quartier en quartier, de ville en ville, les comités d’action doivent établir entre eux une liaison étroite, se réunir en conférences par villes, par branches de production, par arrondissements, afin de couronner le tout par un congrès de tous les comités d’action de France. »

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NOTE

Le 8 juin, à l’usine Hotchkiss de Levallois, se tint une assemblée convoquée par le comité de grève de l’usine, à laquelle participèrent les délégués de trente-trois usines des environs. L’assemblée votera une résolution demandant l’élection sur les mêmes bases d’un comité central de grève. Le 10 juin, à Paris, 587 délégués représentant 243 usines de la région parisienne se sont réunis pour décider de la conduite à suivre.

Extraits de Léon Trotsky dans « La révolution française a commencé » (9 juin 1936) :

« Les mots de « révolution française » peuvent paraître exagérés. Mais non ! Ce n’est pas une exagération. C’est précisément ainsi que naît la révolution. En général même, elle ne peut pas naître autrement. La révolution française a commencé.

Léon Jouhaux, à la suite de Léon Blum, assure à la bourgeoisie qu’il s’agit d’un mouvement purement économique, dans les cadres stricts de la loi. Sans doute les ouvriers sont-ils pendant la grève les maîtres des usines et établissent-ils leur contrôle sur la propriété et son administration. Mais on peut fermer les yeux sur ce regrettable « détail ». Dans l’ensemble, ce sont « des grèves économiques » et non politiques », affirment messieurs les chefs. C’est pourtant sous l’effet de ces grèves « non politiques » que toute la situation du pays est en train de changer radicalement. Le gouvernement décide d’agir avec une promptitude à laquelle il ne songeait pas la veille, puisque selon Léon Blum la force véritable sait être patiente ! Les capitalistes font preuve d’un esprit d’accommodement parfaitement inattendu. Toute la contre-révolution en attente se cache derrière le dos de Blum et de Jouhaux. (…) S’arrachant aux cadres corporatifs et locaux, le mouvement gréviste est devenu redoutable non seulement pour la société bourgeoise, mais aussi pour ses propres représentants parlementaires ou syndicaux, qui sont actuellement avant tout préoccupés de ne pas voir la réalité. (…) En rassurant les capitalistes, Blum et Jouhaux se rassurent eux-mêmes. (…)

La principale conquête de la première vague de grève réside dans le fait que des chefs ouvriers sont apparus dans les ateliers et les usines. (…) La grève a secoué, ranimé, renouvelé dans son ensemble le gigantesque organisme de la classe. (…) L’organisation de combat ne coïnciderait pas avec le parti, même s’il existait en France un parti révolutionnaire de masse, car le mouvement est incomparablement plus large qu’un parti. L’organisation de combat ne peut pas non plus coïncider avec les syndicats, qui n’embrassent qu’une partie insignifiante de la classe et sont soumis à une bureaucratie archi-réactionnaire. La nouvelle organisation doit répondre à la nature du mouvement lui-même, refléter la masse en lutte, exprimer sa volonté la plus arrêtée. Il s’agit d’un gouvernement direct de la classe révolutionnaire. Il n’est pas besoin ici d’inventer des formes nouvelles : il y a des précédents historiques. Les ateliers et les usines élisent leurs députés, qui se réunissent pour élaborer en commun les plans de la lutte et pour la diriger. Il n’y a même pas à inventer de nom pour une telle organisation : ce sont les « soviets de députés ouvriers ». « 

Extrait de Léon Trotsky dans « Devant la seconde étape » (9 juillet 1936) :

« (…) Les ouvriers ont exercé en juin une grandiose pression sur les classes dirigeantes, mais ne l’ont pas conduite jusqu’au bout. Ils ont montré leur puissance révolutionnaire, mais aussi leur faiblesse : l’absence de programme et de direction. (…) Dans toutes les périodes révolutionnaires de l’histoire, on trouve deux étapes successives, étroitement liées l’une à l’autre : d’abord un mouvement « spontané » des masses, qui prend l’adversaire à l’improviste et lui arrache de sérieuses concessions ou au moins des promesses ; après quoi la classe dominante, sentant menacées les bases de sa domination, prépare sa revanche. (…) On ne saurait, dans l’histoire des révolutions, trouver à cette règle aucune exception. La différence pourtant – et elle n’est pas mince – réside dans le fait que la défaite a quelquefois revêtu le caractère d’un écrasement : telles furent, par exemple, les journées de juin 1848, en France, qui marquèrent la fin de la révolution ; alors que, dans d’autres cas, la demi-défaite constitua simplement une étape vers la victoire : c’est par exemple le rôle que joua en juillet 1917, la défaite des ouvriers et des soldats de Pétersbourg. (…) Tirer à temps de la situation objective la perspective de la seconde étape, c’est aider les ouvriers avancés à ne pas être pris à l’improviste et à apporter dans la conscience des masses en lutte la plus grande clarté possible. »

Extrait de Léon Trotsky dans « L’heure de la décision approche… Sur la situation en France » (18 décembre 1938) :

« Chaque jour, que nous le voulions ou non, nous nous persuadons que la terre continue à tourner autour de son axe. De même, les lois de la lutte des classes agissent indépendamment du fait que nous les reconnaissions ou non. Elles continuent à agir en dépit de la politique du Front populaire. La lutte des classes fait des Front populaire son instrument. Après l’expérience de la Tchécoslovaquie, c’est maintenant le tour de la France : les plus bornés et les plus arriérés ont une nouvelle occasion de s’instruire. (…)

Pour justifier la politique de Front populaire, on invoqua la nécessité de l’alliance du prolétariat et de la petite bourgeoisie. Il est impossible d’imaginer mensonge plus grossier ! Le parti radical exprime les intérêts de la grande bourgeoisie et non de la petite. Par son essence même, il représente l’appareil politique de l’exploitation de la petite bourgeoisie par l’impérialisme. L’alliance avec le parti radical est par conséquent une alliance, non avec la petite bourgeoisie, mais avec ses exploiteurs. Réaliser la véritable alliance des ouvriers et des paysans n’est possible qu’en enseignant à la petite bourgeoisie comment s’affranchir du parti radical et rejeter une fois pour toutes son joug de sa nuque. Cependant le Front populaire agit en sens exactement opposé (…) En 1936, socialistes, communistes et anarcho-syndicalistes aidèrent le parti radical à freiner et à émietter le puissant mouvement révolutionnaire. Le grand capital réussit dans les deux dernières années et demie à se remettre quelque peu de son effroi. Le Front populaire, ayant rempli son rôle de frein, ne représente dès lors pour la bourgeoisie qu’une gène inutile. »

Messages

  • Le 11 juin 1936, dans un discours à Paris, Thorez dit qu’ " Il n’est pas question de prendre le pouvoir actuellement ", et qu’ " il faut savoir terminer [une grève] dès que satisfaction a été obtenue. Il faut même savoir consentir au compromis si toutes les revendications n’ont pas encore été acceptées mais que l’on a obtenu la victoire sur les plus essentielles revendications".

    Le 12 juin, le lendemain de l’intervention de Thorez pour briser la grève, Léon Blum déclara à la Chambre :

    « Il est vrai que depuis hier la surface des choses a pris une autre apparence ; il est vrai qu’on a le sentiment de groupements suspects et étrangers à l’organisation syndicale. Ce que le gouvernement peut et doit dire, c’est qu’il est parfaitement résolu à assurer l’ordre de la rue. »

  • Maurice Thorez allait poursuivre une carrière au servie du stalinisme et de la bourgeoisie à l’après-guerre, devenu alors ministre d’Etat :

    Extraits du discours de Maurice Thorez à Waziers, aux mineurs de charbon, le 21 juillet 1945 : « C’est en 1934, que nous avons proposé, lancé et fait triompher l’idée du Front populaire pour la liberté. (…) Nous avons proposé le Front français, l’union de tous les Français. (…) Les deux cent familles, les trusts (…) se mirent à saboter l’économie nationale, à provoquer les grèves comme le rappelait tout à l’heure Martel. C’est vrai que nous seuls, les communistes, avons eu assez d’autorité pour pouvoir, en juin 1936, mettre en terme aux grèves, que nous seuls pouvions avoir assez d’autorité pour dire, il y a cinq mois : il faut en finir avec jeux de guerre civile (…) La vérité sur 1939 : vous vous souvenez encore de ces journaux, chers camarades : la trahison de Staline, la trahison russe, la trahison des communistes ? (…) En vérité, c’est un traquenard que l’on tendait à l’Union soviétique. On prétendait engager la guerre, une guerre où la Pologne devait s’effondrer rapidement, comme ce fut le cas, et ainsi les armées hitlériennes pourraient déferler rapidement à travers toute l’Union soviétique. L’Armée rouge avait été mise dans l’impossibilité de préparer sa mobilisation, l’Armée rouge était dans l’impossibilité de faire face à l’agression. (…) De Londres, le général De Gaulle lançait son appel, organisait les « Forces françaises libres ». Nous menions la bataille de la Résistance à l’intérieur de notre pays (…) Aujourd’hui, chers camarades, de graves périls nous menacent dans le domaine de la production. On ne le sait pas assez. (…) Le problème décisif de l’heure, c’est le problème de la production. Vous le savez déjà, chers camarades, c’est ce qui m’a amené à Waziers, c’est pourquoi le Bureau politique m’a envoyé vous parler, à vous, les mineurs. J’aborde ici une partie importante de mon rapport, la question du charbon. (…) Je voudrais établir un fait pour montrer l’effort des mineurs. En janvier, la production brute s’était élevée à 2.700.000 tonnes contre, en 1936, une producion mensuelle de 3.400.000 tonnes, c’est-à-dire 80% de la production. (…) Il est vrai qu’il s’est produit un fléchissement à partir d’avril, fléchissement dans la production et fléchissement dans le rendement. Il y a diverses causes à cela : ravitaillement défectueux, manque de vêtements, et en raison d’un mécontentement plus ou moins justifié contre l’insuffisance de l’épuration. Il y a aussi des grèves, très peu justifiées. (…) Tout cela entraîne, dans un métier comme le métier de mineur, une certaine désorganisation. (…) Il faut donner aux ouvriers mineurs de fond un certain salaire (…) Le prix à la tâche. On a accordé la possibilité d’une majoration qui peut aller jusqu’à 60% (…) L’essentiel est d’obtenir du charbon et, pour obtenir du charbon, il faut payer les sommes fixées. (…) Il faut ici, chers camarades, saluer le sacrifice de vos camarades de la métallurgie qui viennent de renoncer à leurs vacances payées pour vous fabriquer des marteaux-piqueurs. Ce sont les mêmes camarades qui, l’hiver dernier, aux Forges et Ateliers de Meudon, manquant de courant électrique dans le jour, avaient demandé et obtenu de leur direction, de travailler la nuit par un froid rigoureux sans supplément de salaire pour pouvoir produire pour vous. (…) A propos de la coupe à terre, pourquoi ne pas généraliser les 3X8 : deux postes au charbon, le troisième au remblai ? (…) Nous savons que les avis des ouvriers peuvent bien souvent influencer d’une façon très favorable les décisions des ingénieurs. Je pense qu’en définitive la décision reste à l’ingénieur et qu’une décision doit être appliquée sur l’ordre de l’ingénieur et qu’une décision doit être appliquée sur l’ordre de l’ingénieur, autrement il n’y a pas d’autorité possible, d’exploitation possible. (…) Il y a d’autres raisons de la crise du charbon sur lesquelles je voudrais m’expliquer aussi ouvertement et aussi franchement. Ce sont celles qui tiennent à l’effort insuffisant des mineurs eux-mêmes, à votre effort à vous. (…) Il y a des causes de mécontentement, mais ce n’est pas une raison pour ralentir l’effort. Il faut au contraire le développer et briser tous les obstacles. Vous croyez que les camarades de la Loire sont contents quand on leur envoie comme directeur l’ancien directeur épuré des Mines de Dourges ? Ils ne sont pas contents non plus et vous croyez qu’ils ont dit pour cela : nous faisons la grève ? Non. Martel a eu raison tout à l’heure de stigmatiser de telles attitudes. Ils n’ont pas cédé au courant public de démagogie et de vaine popularité. Comme disait le camarade Staline, nous ne craignons pas les difficultés, nous sommes faits pour surmonter les difficultés et nous les surmonterons. (…) Il y a pas mal d’exemples de mineurs qui prétendent ne pas forcer à la production, ne pas pousser à la production et pas seulement parce qu’ils ont crainte de voir baisser les prix à la tâche. (…) Ils ne veulent pas paraître pour des macas. (…) Les macas, chers camarades, c’étaient ceux qui forçaient à la production pour le profit du patron au détriment de leurs frères, les ouvriers mineurs. (…) Il y a des camarades qui disent : « Mais si je travaille davantage, je donne davantage aux actionnaires puisqu’il reste des actionnaires. » C’est une erreur, chers camarades. (…) Si vous produisez beaucoup, c’est seulement dans l’intérêt du pays, et c’est dans votre propre intérêt. Et puis, je veux revenir sur la question des absences. On parle, on donne beaucoup de raisons, de prétextes, à ce propos. Je dois vous dire, chers camarades, que je ne suis pas tout à fait convaincu des raisons qu’on donne pour justifier les absences. (…) On s’absente trop facilement, pour un oui, pour un non et un mineur qui a le goût de son métier sait très bien que tant d’absences entraînent une désorganisation complète du travail. Les camarades présents sont les premiers à en souffrir. L’absence est justifiée ou n’est pas justifiée. Au lieu de produire, on désorganise la production, on fait tort à ses camarades et pour quelle raison ? Parfois pour un oui, pour un non, pour une égratignure. Je dis que c’est un scandale. Je ne peux pas comprendre, par exemple, que des délégués à la Caisse de secours puissent donner des billets de malade sans journée de malade. (…) Chers camarades, celui qui a le billet de malade sans journée de malade, il a aussi son ravitaillement ; il a aussi les litres de vin, il a aussi la viande ; il mange la part de ses camarades. Ce n’est pas possible, on ne peut pas continuer comme cela. Il faut avoir plus de conscience. Je vais vous dire, mes chers camarades, que, dans le bassin de la Loire, la même question s’est posée pendant l’hiver, quand il y a eu tant de grippes, quand il y a eu tant de difficultés alimentaires. Le syndicat a réuni les délégués des Caisses de secours et leur a dit : « Epluchez les billets de malade et discutez avec les médecins » et on leur a dit : « Ces médecins, pour la plupart, ne sont pas vos amis. Ces médecins, ils donnent facilement les billets. (…) Ils poussent à la désorganisation. » Il va y avoir des élections à la Caisse de secours. Le syndicat doit demander que ces questions soient posées largement, et dire aux délégués des Caisses de secours que vous allez élire : « Il faut être intransigeant ; c’en est fini avec de telles méthodes, parce que c’est de l’anarchie, un encouragement à la paresse. » Voici un autre cas. On m’a signalé l’autre jour que dans un puits, le puits de l’Escarpelle, une quinzaine de jeunes gens, des galibots, ont demandé de partir à six heures pour aller au bal. Je dis que c’est inadmissible. (…) Ici, chers camarades, je le dis en toute responsabilité, au nom du Comité central, au nom des décisions du Congrès du Parti, je le dis franchement : il est impossible d’approuver la moindre grève, surtout lorsqu’elle éclate comme la semaine dernière, aux mines de Béthune, en dehors du syndicat et contre le syndicat. On a pris des sanctions. Sur quatre porions, on en a réintégré deux, en les rétrogradant d’ailleurs. (…) Je le dis tout net : si nous n’appliquons pas les décisions de notre propre syndicat (…) nous allons à l’anarchie, nous faciliterons les provocations contre les mineurs, contre la classe ouvrière et contre la République. Eh bien ! quelques camarades s’insurgent, ils déclenchent la grève au n°2 et dans toute la concession, si bien que nous avons perdu 30.000 tonnes de charbon au moins en une période où le pays a besoin de la moindre gaillette, à l’heure où nous fermons des usines, à l’heure où, dans la région parisienne, on arrête des entreprises faute de charbon et ces ouvriers dont on arrête les usines apprennent que dans un des trous essentiels du bassion minier du Pas-de-Calais, on fait grève parce que le nez du porion ne revient pas au délégué. C’est un scandale, c’est une honte, c’est une faute très grave contre le syndicat et l’intérêt des mineurs. Des sanctions ont été prises, peut-être pas dans les formes où elles devaient l’être contre le délégué mineur et son suppléant qui avaient couru les autres puits pour déclencher la grève. Je dis que le mal, ce n’est pas la sanction, le mal c’est que des communistes et des militants du syndicat des mineurs se soient exposés à de telles sanctions. Et, sous prétexte que l’on a sanctionné les délégué mineur, on recommence la grève jusqu’à jeudi soir et on aeu de la peine hier à faire reprendre le travail, bien que le ministre de la Production ait rapporté la sanction prise par le commissaire régional. Ce n’est pas ainsi qu’on travaille pour le pays. (…) Chers camarades, alors on veut à chaque fois faire la grève pour épurer ou pour soutenir. On pourrait au fond en définir le seul but : faire grève, pourvu qu’on ait un prétexte. (…) L’autre jour, on m’a parlé d’une grève possible des mécaniciens d’extraction. J’ai beaucoup de sympathie pour la mécanique d’extraction. C’est vraiment un travail qui comporte une lourde resposnabilité et on trouve chez les mécaniciens d’extraction une grande conscience professionnelle. Je pense qu’il faut leur assurer les meilleures conditions de salaire et de travail. Mais, là encore, pas par la grève. (…) Je vourdrais que ce que nous pensons au Comité central puisse passer dans la tête,dans le cœur de chacun de vous d’abord puis chez tous les mineurs, que produire, produire et encore produire, faire du charbon, c’est aujourd’hui la forme la plus élevée de votre devoir de classe, de votre devoir de Français. (…) La grande tâche des organisations communistes du Pas-de-Calais, c’est d’aller dans toutes les concessions de Béthune, il faut aller à Béthune, il faut réunir toutes les sections communistes, discuter avec chaque camarade et amener les délégués mineurs à reconnaître qu’ils ont commis une grande erreur, qu’ils doivent comprendre cette erreur et qu’ils ne doivent plus recommencer cette erreur. (…) Nous exigerons de chaque camarade le respect des décisions du 10e Congrès du Parti et le 10e Congrès du Parti a dit : « Il faut produire. »

  • Extraits de textes des œuvres de Maurice Thorez rédigées par le Parti Communiste Français et éditées par les Editions Sociales : « En janvier 1943, le délégué du Comité central arrivait à Londres, au Quartier général du général De Gaulle. Au mois de mars, un Conseil national de la Résistance, était constitué en France. En firent partie les représentants des « mouvements de la Résistance » : « Combat », « Libération », « Francs-tireurs et Partisans », « Front National », ceux de la CGT réunifiée et de la CFTC chrétienne, ceux, enfin, des six partis suivants : communiste, socialiste, radical, Parti démocrate populaire (catholique), Alliance démocratique et Fédération républicaine. (…) Le Comité national français de Londres avait été tenu dans l’ignorance du débarquement allié ; il restait en dehors des négociations et des accords. (…) En novembre 1943, un an après le débarquement anglo-américain en Afrique du nord, le Comité français de la Libération nationale fut réorganisé. De Gaulle, seul, en fut président. (…) Lors de la réorganisation du CFLN, la question de la participation des communistes fut posée. Le Comité central du Parti communiste français en accepta le principe. (…) On doit noter une certaine tendance à bavarder beaucoup trop sur la France de demain, sur la place que notre pays devra tenir dans le monde (…) Le programme à appliquer n’est pas le programme communiste. Nous n’avons pas à demander actuellement l’application du programme communiste, puisque nous sommes unis dans le CNR avec d’autres partis non communistes. Nous faisons honneur à la signature que nous avons apposée au bas du programme du CNR au mois de mars 1944. (…) Il y a un gouvernement, il doit y avoir une armée, une seule ; il doit y avoir une police, une seule. (…) Tous les groupes armés doivent disparaître. (…) Les nationalisations, nous l’avons dit à Ivry, et nous le répéterons, ne sont nullement du socialisme ou du communisme : ce sont des mesures de caractère démocratique figurant au programme du Parti radical depuis plus d’un demi siècle. Elles ne sont nullement une mesure d’expropriation. (…) Le Parti a connu un grand succès aux dernières élections municipales. En moyenne, un Français ou une Française sur quatre a voté pour les listes présentées ou soutenues par notre Parti communiste. A Paris, la proportion est d’un sur trois. Dans la banlieue parisienne, les listes communistes ou soutenues par les communistes ont obtenu dès le premier tour près de 60% des suffrages exprimés. Nos militants administrent 60 des 80 communes du département de la Seine. Pour la première fois, des villes de plus de 100.000 habitants (Nantes, Reims, Toulon) ont un maire communiste. De même pour une dizaine de préfectures (dont Limoges, Nimes, Périgueux, Ajaccio, Tarbes) et une vingtaine de sous-préfectures. La statistique officielle a dû reconnaître que nous étions devenus le premier parti dans l’administration des villes de plus de 4.000 habitants. (…) Le chiffre de nos adhérents est en progression constante. En février 1934, nous étions 45.000 ; en janvier 1936 80.000 ; en décembre 1937 340.000 ; à ce jour notre trésorier a délivré 986.727 cartes. Nous allons vers le million. (…) Notre conclusion, c’est que, tous ensemble Français et Françaises, nous devons nous atteler résolument à la tâche, tous ensemble et sans tarder, nous devons entreprendre un effort tenace et prolongé afin de : Relever notre économie nationale ; Produire et rétablir nos échanges avec l’extérieur ; Acheter et vendre ; Refaire effectivement la grandeur de la France (…) »

  • Klarsfeld ou Bonnet, c’est bonnet blanc et blanc bonnet !

    Il est beau garçon, il est sympa, lit-on sur le site bellaciao à propos d’un candidat PCF local à Paris.

    Hé bien, je ne trouve ni beau ni sympa celui qui joue le jeu de la duplicité.

    Oui, PCF et PS sont les deux faces de la même pièce réformiste : celle qui coûte cher aux travailleurs, aux prolétaires, qui malheureusement votent pour ces philistins beau garçons ou belles filles qui ne font rien, pire, qui font semblant de défendre les sans-papiers, les hôpitaux, alors que le président du CA est du même parti qu’eux.

    Oui, Madame Vieu-Charier qui fait campagne pour les régionales avec Nicolas Bonnet, est élue du 12e, adjointe au maire de paris, oui, elle relaye les mensonges de la "libération", oui, elle accompagne la fermeture des hôpitaux avec son camarade N. Bonnet.

    Nicolas bonnet dit-il, Madame Vieu-Charier dit-elle que le CA l’AP-HP est présidé par son chef d’équipe municipale Delanoé, qui délègue son suppléant Le Guen ?

    http://www.aphp.fr/site/connaitre/conseil_administration.htm
    http://blog.jmlg.fr/?p=142

    D’ailleurs, leur ami Lhostis a présidé pendant 7 ans cette même institution et au cautionné toutes les suppressions d’emploi, qui ont eu lieu de 2001 à 2008 !

    Ces gens distribuent des tracts disant « défendons le service public hospitalier » font partie des réseaux et des équipes décisionnaires qui gèrent l’hôpital, et qui appliquent les fermetures de maternités, les suppressions de postes et toutes les attaques contre les usagers de l’hôpital et les personnels hospitaliers.

    Ces gens organisent (12 juin 2008) le "soutien au sans-papiers", mais surtout s’ils sont invisibles ou peu visibles : qui a jamais vu une banderole ou un piquet de grève devant le Bario-Latino ? Ce Nicolas Bonnet qu’a-t-il fait lorsque des piquets de grèves étaient visibles ?

    Qu’est-ce que la mairie de Paris où sa camarade siège a-t-elle réellement fait pour les sans-papiers des boîtes d’intérim (dans le 10e, bd Magenta, 12e av. Daumesnil, rue Parrot) qui occupaient à l’été 2008, puis l’automne 2008, et même encore aujourd’hui avenue Daumesnil ?

    qu’est-ce que la mairie du 12e a-t-elle fait pour les sans-papiers de Daumesnil ? ceux qui quêtent régulièrement depuis plus d’un an et demi dans le quartier de la gare de Lyon (en plein 12e, donc) ?

    Ces questions qui n’ont jamais été réglées, qui laissent en l’état des milliers, des dizaines de milliers de sans-papiers, ceux qui réclamaient comme ceux qui n’osaient pas réclamer leurs papiers, sont toujours posées.

    Mais PCF comme PS ne souhaitent pas régler ces problèmes, mais les laisser en l’état. Ils organisent le découragement des bagarres sociales et sont des relais locaux des politiques gouvernementales : combien de milliards d’euros sont gérés dans les caisses du CG et de la Mairie de Paris ? combien de tâches décentralisées sont gérées par ces collectivités locales (conseils régionaux, généraux et municipaux, c’est-à-dire Huchon pour l’ile de France, Delanoe pour le double conseil général et municipal de Paris qui permet de cumuler légalement les mandats) ?

    Les décisions sont prises soit-disant au niveau national, mais combien de décisions sont prises au niveau départemental, municipal, ou régional ? combien de décisions prises au niveau territorial sont en d&calage avec les décisions nationales ? pourquoi Nicolas Bonnet et ses amis du PCF ne le disent jamais ? pourquoi participent-ils toujours à ces instances, si ce n’est pour donner leur caution et manger les miettes qu’on leur laisse ?

  • A lire le journal "L’humanité", quand le PCF expliquait que "tout n’est pas possible" pour affirmer que la révolution n’était pas possible !!!!

    Lire ici

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