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Quelques thèses sur la question syndicale en vue d’un large débat

jeudi 9 septembre 2010, par Robert Paris

LA POSITION DE VOIX DES TRAVAILLEURS SUIVIE DE LA RÉPONSE DE GSI - LIT-CI

VOIX DES TRAVAILLEURS :

1- La situation actuelle de la lutte des classes dans le monde se caractérise par une double contradiction, à la fois pour la classe capitaliste et pour la classe ouvrière. Double force, car le capitalisme est parvenu à dominer la planète et que la classe ouvrière s’est également étendue au monde entier. Double faiblesse, parce que le capitalisme a atteint ses limites et connaît une grave crise de suraccumulation qui le rend incapable de nouveaux investissements, cette perte de dynamisme ne pouvant être remplacée par les dépenses colossales des Etats et que le prolétariat connaît une grave crise de confiance dans ses propres forces, crise dans laquelle social-démocratie, nationalisme et stalinisme se partagent la responsabilité et d’où découle une faiblesse idéologique, politique et organisationnelle. Et même, on peut parler en un certain sens de crise morale dans la mesure où les travailleurs n’attendent souvent de leur classe et de ses organisations aucun changement radical de leur sort. Les trahisons des organisations dites ouvrières ne datent pas d’hier. Par contre, le fait que celles-ci s’affichent comme ne se revendiquant plus ni du pouvoir aux travailleurs, ni ’une classe ouvrière internationale, ni même du communisme et du socialisme, mais de la gestion "réaliste" de la société capitaliste, est uen relative nouveauté, un pas de plus dans la décadence.

2- La décadence existe aussi dans le camp d’en face. La décadence impérialiste implique non seulement un effondrement économique mais, également, va certainement entraîner à brève échéance un effondrement social, politique et moral du cadre classique bourgeois. Bien évidemment, les révolutionnaires n’ont rien à regretter des illusions petites bourgeoises dans le système, que ce soient des illusions sur les institutions démocratiques (constitutions, gouvernements, légalité, rôle de l’Etat, services publics, syndicats) ou des illusions dans le mode de maintien de l’ordre bourgeois (violence des forces policières et armées, non respect des droits des citoyens, non respect de la légalité bourgeoise elle-même). Les relations de classe vont prendre un caractère beaucoup plus cru et rude. Cependant, la bourgeoisie, dans un premier temps, aura d’autant plus besoin de tromperies des masses à grande échelle. Le réformisme, qui n’a plus aucun sens en termes de possibilités réelles de réformes, d’amélioration de la situation des masses, prendra un rôle encore plus grand pour les classes dirigeantes, dans un premier temps. Il jouera le rôle de police de la classe ouvrière, rôle que les forces de répression ne pourront pas jouer dans une montée des mécontentements sociaux. Ce n’est pas seulement le rôle des partis de gauche. C’est également celui des associations et des syndicats. Ils serviront à encadrer la classe ouvrière, à étouffer sa voix et à l’empêcher de s’auto-organiser. Ils jouent déjà ce rôle bien entendu, mais ils vont devenir le principal outil des classes dirigeantes quand la crise va prendre une tournure plus catastrophique.

3- Les révolutionnaires n’ont jamais eu d’illusions dans le rôle des organisations réformistes. La question n’est pas là. Il s’agit d’un rôle nouveau de celles-ci, en période de crise révolutionnaire, c’est-à-dire de crise dans laquelle la situation objective mène à la remise en question de la direction de la planète par la bourgeoisie impérialiste. Bien entendu, le problème est accru par le fait que nous sommes pour le moment dans une situation intermédiaire : la crise a connu ses premiers soubresauts sans que les travailleurs ne mesurent le sens de celle-ci. Bien entendu, tout l’effort des classes dirigeantes consiste à faire croire à la possibilité d’une pérennité du système et de préparer en attendant les tremblement de terre à venir des solutions politiques et sociales pour encadrer les masses. Si on comprend que l’avenir proche est celui d’affrontements sociaux de grande ampleur, on ne peut non plus ignorer que l’avenir pour les travailleurs n’est pas au mode d’organisation des périodes calmes : la démocratie bourgeoise, les associations, la gauche et les syndicats. Elle est à l’auto-organisation des travailleurs : comités de travailleurs élus et révocables sur les lieux de travail ou d’habitation.

4- Cela ne signifie pas que les révolutionnaires doivent anticiper et quitter les autres types d’activité avant que les travailleurs n’en soient là. Mais cela a une grande importance en ce qui concerne la formation et la conscience des militants révolutionnaires eux-mêmes. Et, dans ce domaine, ce que l’on pense a encore plus d’importance que ce que l’on est encore momentanément en train de faire. Il faut, par la pensée, dépasser le niveau de l’activisme quotidien pour se préparer et préparer ceux qui nous entourent à ce qui va suivre….

5- Le syndicalisme n’est pas et n’a jamais été le mode unique d’organisation de la classe ouvrière. Il a longtemps été le mode d’organisation des plus grandes masses. De nos jours, dans les pays impérialistes, ce serait une tromperie que de dire qu’il organise les travailleurs. Ni il les réunit, ni il leur donne les moyens de discuter, de décider, d’avoir voix au chapitre, même pour la simple confection d’un tract, pour la décision d’une action, pour l’élection d’un dirigeant, pour la conclusion d’une lutte. C’est bien connu : c’est le bureaucratisme quasi-total. C’est loin d’être nouveau mais cela a pris encore des proportions supplémentaires avec l’aggravation de la dépendance des syndicats vis-à-vis de l’Etat et des trusts.

6- Pour les révolutionnaires, cela n’est pas le premier point. Bureaucratisés ou pas, les syndicats sont un certain niveau de conscience limité de la classe ouvrière, niveau qui ne mène nullement spontanément à la conscience historique du rôle du prolétariat et même qui s’y oppose en quelque sorte. En effet, la plus large masse des travailleurs qui adhère aux syndicats en attend une amélioration des conditions de vie et de travail en accord avec la légalité de cette société et en discussion avec la classe dirigeante. La base d’accord entre les militants honnêtes du syndicat et la bureaucratie existe bel et bien. Il est aisé pour la bureaucratie de rappeler aux travailleurs ou aux militants de base qui ruent parfois dans les brancards sous les coups de trahisons trop grossières que les militants révolutionnaires, eux, veulent renverser la classe dirigeante ! Ce n’est pas le cas des travailleurs du rang… Du moins, pas pour le moment. Et encore moins des militants syndicalistes, sauf exception.

7- Pour nous, la conscience de classe, c’est la conscience des intérêts d’avenir de l’humanité et non la défense d’intérêts d’un groupe social, celui des travailleurs, avec des revendications particulières pour lui. C’est une conscience communiste. Le rôle des révolutionnaires de défenseurs d’une conscience d’avenir du prolétariat est inséparable de leur rôle dans la lutte des classes quotidienne. Cela suppose de démontrer sans cesse aux travailleurs qu’ils représentent un autre avenir, d’autres possibilités sociales, d’autres solutions au fonctionnement social. Ce n’est pas un simple rôle de mobilisation et de revendication. En fait partie notre rôle internationaliste, dimension totalement occultée actuellement par les syndicats. En fait également partie notre propagande pour un mode d’organisation autonome du prolétariat qui ne nécessite pas de grandes luttes sociales. Dans les problèmes de tous les jours des travailleurs peuvent s’auto-organiser. Nous l’avons vécu sur la question de l’amiante dans l’entreprise, sur la question des transports dans l’entreprise, sur la question des sans-papiers ou dans une grève sur les salaires ou contre les licenciements. Nous pouvons le vivre demain sur la question du stress et des suicides. Nous pouvons également connaître des comités de travailleurs sur des questions comme la hausse des prix ou les licenciements. Toutes les fois qu’il est possible de mettre en place une véritable auto-organisation des travailleurs, il est hors de question de faire appel aux syndicats même si nous en faisons partie, même si nous y militons, même si nous les dirigeons.

8- La raison fondamentale est la suivante : il faut que les luttes sociales préparent l’organisation révolutionnaire politique mais préparent aussi la classe elle-même à son rôle de direction et ces deux question ne doivent pas être confondues comme Lénine l’a maintes fois répété.

"Une des erreurs les plus grandes et les plus dangereuses que commettent les communistes (comme, d’ailleurs, les révolutionnaires en général qui ont mené à bien le début d’une grande révolution), c’est de se figurer que la révolution peut être accomplie par les mains des seuls révolutionnaires. Or, pour assurer le succès de toute action révolutionnaire sérieuse, il faut comprendre et savoir appliquer pratiquement l’idée que les révolutionnaires ne peuvent jouer un rôle que comme avant garde de la classe réellement avancée et viable. L’avant garde ne remplit sa mission que lorsqu’elle sait ne pas se détacher de la masse qu’elle dirige, lorsqu’elle sait véritablement faire progresser toute la masse. Sans l’alliance avec les non communistes dans les domaines d’activité les plus divers, il ne saurait être question d’aucun succès en matière de construction de la société communiste."

Lénine dans "Le matérialisme militant"

« Ce qui caractérise toute révolution, c’est que la conscience des masses évolue vite : des couches sociales toujours nouvelles acquièrent de l’expérience, passent au crible leurs opinions de la veille, les rejettent pour en adopter d’autres, écartent les vieux chefs et en prennent de nouveaux, vont de l’avant, et ainsi de suite.
Les organisations démocratiques qui reposent sur le lourd appareil du suffrage universel doivent forcément, aux époques révolutionnaires, retarder sur l’évolution progressive de la conscience politique des masses. Il en va tout différemment des soviets. Ils s’appuient directement sur des groupements organiques, comme l’usine, l’atelier, la commune, le régiment, etc.
(…) Le délégué du Conseil municipal ou du zemstvo s’appuie sur la masse inorganique des électeurs qui, pour un an, lui donne pleins pouvoirs et puis se désagrège. Les électeurs du soviet, au contraire, restent toujours unis entre eux par les conditions mêmes de leur travail et de leur existence, et ils ont toujours l’œil sur leur délégué ; à chaque instant, ils peuvent l’admonester, lui demander des comptes, le révoquer ou le remplacer par une autre. »

Léon Trotsky

Dans « L’avènement du bolchevisme »

9- Il en résulte les tâches suivantes pour les communistes révolutionnaires :

  militer en développant le maximum de liens avec la classe ouvrière et pas seulement avec ses militants organisés
  ne jamais s’isoler de la masse des travailleurs et les faire juges de nos positions, de nos orientations et de nos combats par tous les moyens (prises de paroles, affiches, tracts publics)
  participer à l’activité syndicale mais en ayant conscience que l’on intervient en terrain miné, en préparant les camarades non seulement aux combats avec les bureaucrates mais aux pressions multiples et aux déformations que représente la participation aux organismes syndicaux
  ne jamais participer à des responsabilités syndicales tant qu’on n’a pas de groupes autour de soi sur des bases politiques claires et tant que l’on n’a pas de parution publique régulière communiste révolutionnaire sur l’entreprise
  ne briguer des responsabilités syndicales que sur la base d’un soutien clair et sur des objectifs écrits et votés des travailleurs
  s’interdire de diriger une lutte en tant que syndicaliste sans se donner les moyens d’organiser tous les travailleurs en lutte en faisant élire des organes de direction de cette lutte.
  Et ne jamais oublier que prôner la grève générale et même la révolution sans l’organisation de comités de grève, de comité central de grève, de comité d’usine et de soviets, c’est envoyer la classe ouvrière à la défaite et même bien pire…

dimanche 8 novembre 2009

Robert Paris

ANNEXE

Les syndicats dans l’époque de transition

Dans la lutte pour les revendications partielles et transitoires, les ouvriers ont actuellement plus besoin que jamais d’organisations de masse, avant tout de syndicats. La puissante montée des syndicats en France et aux États-Unis est la meilleure réponse aux doctrinaires ultra-gauches de la passivité qui prêchaient que les syndicats "avaient fait leur temps".
Les bolcheviks-léninistes se trouvent aux premiers rangs de toutes les formes de lutte, même là où il s’agit seulement des intérêts matériels ou des droits démocratiques les plus modestes de la classe ouvrière. Ils prennent une part active à la vie des syndicats de masse, se préoccupent de les renforcer et d’accroître leur esprit de lutte. Ils luttent implacablement contre toutes les tentatives de soumettre les syndicats à l’État bourgeois et de lier le prolétariat par "l’arbitrage obligatoire" et toutes les autres formes d’intervention policière, non seulement fascistes, mais aussi "démocratiques". C’est seulement sur la base de ce travail, qu’il est possible de lutter avec succès à l’intérieur des syndicats contre la bureaucratie réformiste, et en particulier contre la bureaucratie stalinienne. Les tentatives sectaires d’édifier ou de maintenir des petits syndicats "révolutionnaires" comme une seconde édition du parti signifient, en fait, le renoncement à la lutte pour la direction de la classe ouvrière. Il faut poser ici comme un principe inébranlable : l’auto-isolement capitulard hors des syndicats de masses, équivalant à la trahison de la révolution, est incompatible, avec l’appartenance à la IV° Internationale.

En même temps, la IV° Internationale rejette et condamne résolument tout fétichisme syndical, également propre aux trade-unionistes et aux syndicalistes :

a) Les syndicats n’ont pas et, vu leurs tâches, leur composition et le caractère de leur recrutement, ne peuvent avoir de programme révolutionnaire achevé ; c’est pourquoi ils ne peuvent remplacer le parti. L’édification de partis révolutionnaires nationaux, sections de la IV° Internationale, est la tâche centrale de l’époque de transition.

b) Les syndicats, même les plus puissants, n’embrassent pas plus de 20 à 25 % de la classe ouvrière et, d’ailleurs, ses couches les plus qualifiées et les mieux payées. La majorité la plus opprimée de la classe ouvrière n’est entraînée dans la lutte qu’épisodiquement, dans les périodes d’essor exceptionnel du mouvement ouvrier. A ces moments là, il est nécessaire de créer des organisations ad hoc, qui embrassent toute la masse en lutte : les COMITÉS DE GREVE, les COMITÉS D’USINES, et, enfin, les SOVIETS.

c) En tant qu’organisation des couches supérieures du prolétariat, les syndicats, comme en témoigne toute l’expérience historique, y compris l’expérience toute fraîche des syndicats anarcho-syndicalistes d’Espagne, développent de puissantes tendances à la conciliation avec le régime démocratique bourgeois. Dans les périodes de luttes de classes aiguës, les appareils dirigeants des syndicats s’efforcent de se rendre maîtres du mouvement des masses pour le neutraliser. Cela se produit déjà lors de simples grèves, surtout lors des grèves de masse avec occupation des usines, qui ébranlent les principes de la propriété bourgeoise. En temps de guerre ou de révolution, quand la situation de la bourgeoisie devient particulièrement difficile, les dirigeants syndicaux deviennent ordinairement des ministres bourgeois.

C’est pourquoi les sections de la IV° Internationale doivent constamment s’efforcer, non seulement de renouveler l’appareil des syndicats, en proposant hardiment et résolument dans les moments critiques de nouveaux leaders prêts à la lutte à la place des fonctionnaires routiniers et des carriéristes, mais encore de créer, dans tous les cas où c’est possible, des organisations de combat autonomes qui répondent mieux aux tâches de la lutte des masses contre la société bourgeoise, sans même s’arrêter, si c’est nécessaire, devant une rupture ouverte avec l’appareil conservateur des syndicats. S’il est criminel de tourner le dos aux organisations de masse pour se contenter de fictions sectaires, il n’est pas moins criminel de tolérer passivement la subordination du mouvement révolutionnaire des masses au contrôle de cliques bureaucratiques ouvertement réactionnaires ou conservatrices masquées ("progressistes"). Le syndicat n’est pas une fin en soi, mais seulement un des moyens dans la marche à la révolution prolétarienne.

Les comités d’usine

Le mouvement ouvrier de l’époque de transition n’a pas un caractère régulier et égal, mais fiévreux et explosif. Les mots d’ordre, de même que les formes d’organisation, doivent être subordonnés à ce caractère du mouvement. Rejetant la routine comme la peste, la direction doit prêter attentivement l’oreille à l’initiative des masses elles-mêmes.

Les grèves avec occupation des usines, une des plus récentes manifestations de cette initiative, sortent des limites du régime capitaliste "normal". Indépendamment des revendications des grévistes, l’occupation temporaire des entreprises porte un coup à l’idole de la propriété capitaliste. Toute grève avec occupation pose dans la pratique la question de savoir qui est le maître dans l’usine : le capitalisme ou les ouvriers.

Si la grève avec occupation soulève cette question épisodiquement, le COMITÉ D’USINE donne à cette même question une expression organisée. Élu par tous les ouvriers et employés de l’entreprise, le Comité d’usine crée d’un coup un contrepoids à la volonté de l’administration.

A la critique que les réformistes font des patrons de l’ancien type, ceux qu’on appelle les "patrons de droit divin", du genre de Ford, en face des "bons" exploiteurs "démocratiques", nous opposons le mot d’ordre des comités d’usine comme centres de lutte contre les uns et les autres.

Les bureaucrates des syndicats s’opposeront, en règle générale, à la création de comités d’usine, de même qu’ils s’opposeront à tout pas hardi dans la voie de la mobilisation des masses. Il sera, cependant, d’autant plus facile de briser leur opposition que le mouvement aura plus d’ampleur. Là où les ouvriers de l’entreprise, dans les périodes "calmes", appartiennent déjà tous aux syndicats (closed shop), le comité coïncidera formellement avec l’organe du syndicat, mais il en renouvellera la composition et en élargira les fonctions. Cependant, la principale signification des comités est de devenir des états-majors de combat pour les couches ouvrières que le syndicat n’est, en général, pas capable d’atteindre. C’est d’ailleurs précisément de ces couches les plus exploitées que sortiront les détachements les plus dévoués à la révolution.
Dès que le comité fait son apparition, il s’établit en fait une DUALITÉ DE POUVOIR dans l’usine. Par son essence même, cette dualité de pouvoir est quelque chose de transitoire, car elle renferme en elle-même deux régimes inconciliables : le régime capitaliste et le régime prolétarien. L’importance principale des comités d’usine consiste précisément en ce qu’ils ouvrent, sinon une période directement révolutionnaire, du moins une période pré-révolutionnaire, entre le régime bourgeois et le régime prolétarien. Que la propagande pour les comités d’usine ne soit ni prématurée ni artificielle, c’est ce que démontrent amplement les vagues d’occupations d’usines qui ont déferlé sur un certain nombre de pays. De nouvelles vagues de ce genre sont inévitables dans un prochain avenir. Il est nécessaire d’ouvrir à temps une campagne en faveur des comités d’usine pour ne pas se trouver pris à l’improviste.

Les soviets

Les comités d’usine sont, comme il a été dit, un élément de dualité de pouvoir dans l’usine. C’est pourquoi leur existence n’est concevable que lors d’une pression croissante des masses. Il en est de même avec les groupements spéciaux de masse pour la lutte contre la guerre, avec les comités de surveillance des prix, et avec tous les autres nouveaux centres du mouvement dont l’apparition même témoigne que la lutte des classes a dépassé les cadres des organisations traditionnelles du prolétariat.
Cependant, ces nouveaux organes et centres sentiront bientôt leur manque de cohésion et leur insuffisance. Aucune des revendications transitoires ne peut être complètement réalisée avec le maintien du régime bourgeois. Or, l’approfondissement de la crise sociale accroîtra non seulement les souffrances des masses, mais aussi leur impatience, leur fermeté, leur esprit d’offensive. Des couches toujours nouvelles d’opprimés relèveront la tête et lanceront leurs revendications. Des millions de besogneux, à qui les chefs réformistes ne pensent jamais, commenceront à frapper aux portes des organisations ouvrières. Les chômeurs entreront dans le mouvement. Les ouvriers agricoles, les paysans ruinés ou à demi ruinés, les couches inférieures de la ville, les travailleuses, les ménagères, les couches prolétarisées de l’intelligentsia, tous chercheront un regroupement et une direction.

Comment harmoniser les diverses revendications et formes de lutte, ne fût-ce que dans les limites d’une seule ville ? L’histoire a déjà répondu à cette question : grâce aux soviets, qui réunissent les représentants de tous les groupes en lutte. Personne n’a proposé, jusqu’à maintenant, aucune autre forme d’organisation, et il est douteux qu’on puisse en inventer une. Les soviets ne sont liés par aucun programme a priori. Ils ouvrent leurs portes à tous les exploités. Par cette porte passent les représentants de toutes les couches qui sont entraînées dans le torrent général de la lutte. L’organisation s’étend avec le mouvement et y puise continuellement son renouveau. Toutes les tendances politiques du prolétariat peuvent lutter pour la direction des soviets sur la base de la plus large démocratie. C’est pourquoi le mot d’ordre des soviets est le couronnement du programme des revendications transitoires.
Les soviets ne peuvent naître que là où le mouvement des masses entre dans un stade ouvertement révolutionnaire. En tant que pivot autour duquel s’unissent des millions de travailleurs dans la lutte contre les exploiteurs, les soviets, dès le moment de leur apparition, deviennent les rivaux et les adversaires des autorités locales, et, ensuite, du gouvernement central lui-même. Si le comité d’usine crée des éléments de dualité de pouvoir dans l’usine, les soviets ouvrent une période de dualité de pouvoir dans le pays.

La dualité de pouvoir est, à son tour, le point culminant de la période de transition. Deux régimes, le régime bourgeois et le régime prolétarien, s’opposent irréconciliablement l’un l’autre. La collision entre eux est inévitable. De l’issue de celle-ci dépend le sort de la société. En cas de défaite de la révolution, la dictature fasciste de la bourgeoisie. En cas de victoire, le pouvoir des soviets, c’est-à-dire la dictature du prolétariat et la reconstruction socialiste de la société.

Léon Trotsky (extraits du programme de transition)

Texte sur les syndicats

REPONSE DE GSI LIT-CI A VOIX DES TRAVAILLEURS

Chers Camarades,

tout d’abord nous tenons à affirmer que nous trouvons positif de pouvoir mener cette discussion avec vous sur les syndicats. Notre dernière rencontre a permis d’échanger nos avis respectifs sur ce thème. Ce constat positif ne doit néanmoins pas cacher que notre discussion a fait ressortir d’importantes nuances, voire de désaccords. Après lecture de votre texte, nous exprimons des inquiétudes sur certaines de vos affirmations et de vos caractérisations. D’un point de vue général, votre texte nous paraît pessimiste et votre analyse se limite presque exclusivement à la situation française. Par ailleurs, certaines de vos assertions nous paraissent floues, voire contradictoires. Enfin, l’argument central de votre texte repose sur un syllogisme qui consiste à dire : le réformisme est dépassé et réactionnaire, or tous les syndicats sont réformistes, donc tous les syndicats sont dépassés et réactionnaires. Nous ne sommes pas d’accord avec cette affirmation et avec cette manière d’aborder la question des syndicats.
Pour avancer dans cette discussion, nous avons repris votre texte et procédé de la manière suivante : nous avons organisé notre texte en parties numérotées qui correspondent à la numérotation originale de votre texte. Dans chaque point, nous avons présenté nos points d’accord et nos désaccords.

1 Tout d’abord nous tenons à affirmer, que nous sommes d’accord avec vous pour dire que le capitalisme est parvenu à dominer toute la planète et qu’en même temps il a atteint ses limites. Nous pensons même que pour clarifier les choses, il faut réaffirmer notre accord avec des principes théoriques de base du marxisme révolutionnaire. D’une part, l’affirmation de Lénine selon laquelle nous avons atteint le stade suprême du capitalisme, est toujours valable dans la situation que nous vivons. Nous nous trouvons toujours à l’époque des guerres et des révolutions. D’autre part, la situation actuelle confirme l’affirmation de Trotsky contenue dans le Programme de Transition : "les forces productives de l’humanité ont cessé de croître". En d’autres termes, le système de production capitaliste n’est plus capable de satisfaire les besoins sociaux de l’humanité, et tout progrès technique et scientifique a sa contrepartie en guerre, en activité parasitaire et en exploitation.
En revanche, nous avons un désaccord sur le fait que la classe ouvrière aurait une perte de confiance en ses propres forces. Afin d’expliquer notre position, nous procédons ici à une digression. Nous analysons que le trait fondamental de la situation politique actuelle est la crise de direction politique du prolétariat. Nous pensons également que la chute du mur de Berlin a qualitativement changé les données de ce problème. Si après 1989 la crise de direction politique du prolétariat n’a pas été résolue, en revanche elle a signifié l’effondrement d’un des principaux obstacles pour la construction d’un parti révolutionnaire se battant réellement pour la révolution socialiste à échelle internationale : le stalinisme. Nous analysons qu’après 1989, un processus de décomposition a touché l’ensemble des organisations politiques de la classe ouvrière sur l’ensemble de la planète. Du réformisme, au marxisme révolutionnaire tous les courants ont été touchés. Du côté des marxistes révolutionnaires, la quasi totalité des organisations a renié, de façon plus ou moins ouverte, l’objectif (la révolution socialiste) et la stratégie (la construction d’un parti centralisé démocratiquement se battant pour la révolution socialiste à échelle internationale). De ce fait, de larges secteurs de la classe ouvrière ont été désorientés d’un point de vue politique. Les conséquences économiques (offensive de l’impérialisme) et politiques (processus de décomposition des organisations de la classe ouvrière) de la chute du mur ont accentué, à leur tour, ces très importantes confusions chez les travailleurs et les jeunes.
Toutefois, ce processus de décomposition politique est a été contredit très tôt par une situation de montée de la lutte des classes à l’échelle du monde, même s’il ne s’agit pas d’un processus linéaire. Plusieurs mouvements de nature différente ont ainsi marqué la réalité de la lutte des classes depuis la fin des années 1990, sur l’ensemble de la planète. Ce processus de radicalisation de la lutte des classes a commencé à Seattle, avec les manifestations et les grèves qui ont eu lieu en marge du sommet de l’OMC. Il s’est prolongé par une importante montée de la lutte des classes au Moyen-Orient (2e Intifada) et en Amérique Latine. En Europe, on peut aussi observer depuis plusieurs années une mobilisation croissante des travailleurs, que ce soit lors des mouvements contre la guerre, des grèves pour les salaires et contre les délocalisations, des mouvements de la jeunesse, ou encore pour exprimer leur défiance vis-à-vis de l’Union Européenne. De ce point de vue, la France montre un niveau élevé de l’activité de la lutte des classes. Cette tendance a commencé en 1993 avec le mouvement contre le CIP, les grèves d’Air France, puis se poursuit en 1995, par la grève générale contre le gouvernement Juppé sur la question des retraites, en 2003 encore contre la réforme des retraites, en 2005 lors du référendum contre la constitution européenne et lors de la révolte des banlieues ouvrières, en 2006 contre le CPE, en 2007 encore une fois contre la réforme des retraites. Depuis le début de la dernière crise économique, on assiste à l’explosion et à la radicalisation du nombre de grèves. Un des traits marquants de cette situation est que depuis le début des années 2000, la jeunesse se mobilise quasiment chaque année pour s’opposer à la logique de destruction de l’enseignement public. Il paraît donc clair que le prolétariat ne connaît pas de crise de confiance en ses propres forces, comme vous l’affirmez. Au contraire, ces mouvements de grèves, ces mobilisations, cette résistance contre l’impérialisme et contre le capitalisme montrent que la classe ouvrière cherche les voies de l’offensive. Ce qu’on observe en revanche, c’est qu’en raison de l’absence de parti révolutionnaire à échelle nationale et mondiale, en l’absence de syndicats indépendants du patronat et de l’état, ces mobilisations ne peuvent obtenir au mieux que quelques concessions partielles de la part de la bourgeoisie. Pour nous l’affirmation de Trotsky selon laquelle la crise de l’humanité se résume à la crise de la direction politique du prolétariat, est toujours valable et caractérise la situation mondiale.

2 Nous sommes d’accord avec votre affirmation selon laquelle " La décadence impérialiste implique non seulement un effondrement économique mais, également, va certainement entraîner à brève échéance un effondrement social, politique et moral du cadre classique bourgeois". Nous pensons également que nous allons assister, et même que nous sommes déjà en train d’assister, à un processus de radicalisation de la lutte des classes. Vous affirmez également que les révolutionnaires n’ont rien à regretter de l’effondrement des institutions bourgeoises, telles que les " constitutions, gouvernements, légalité, rôle de l’Etat, services publics, syndicats". Cette dernière affirmation nous pose un problème par ce qu’elle signifie. En effet, vous mettez des réalités diverses sur un même plan, en l’occurrence celui de la démocratie bourgeoise.
Tout d’abord il est important de définir ces différents termes pour comprendre à quel processus historique ils correspondent. Les constitutions, les gouvernements et la légalité qui en découlent, sont issus de processus historiques au moyen desquels la bourgeoisie a lutté pour prendre la pouvoir au détriment de la féodalité. Dans le cadre du système capitaliste, ces institutions ont été créées et mises en place par les bourgeoisies, et par conséquent sont contrôlées par ces dernières. Elles permettent à cette classe de se maintenir au pouvoir, notamment grâce à un système politique, la démocratie bourgeoise, grâce à une institution, l’Etat bourgeois et toutes les forces de coercition que sont la police, l’armée etc., et grâce à un système judiciaire, la justice bourgeoise.
Nous ne sommes pas d’accord non plus avec la caractérisation que vous faites des services publics. Certes, il s’agit d’acquis « démocratiques bourgeois ». Ces acquis sont avant tout « bourgeois » car ils s’insèrent dans le cadre de la société capitaliste. Néanmoins, ce sont des conquêtes progressistes de la classe ouvrière. Ces conquêtes ont notamment été obtenues dans le cadre des précédentes montées révolutionnaires des masses, en particulier après la deuxième guerre mondiale. La bourgeoisie n’a pas créé le système de sécurité sociale par répartition ou n’a pas nationalisé d’importants secteurs de l’économie simplement par altruisme. Dans le cadre d’un rapport de force favorable à la classe ouvrière, la bourgeoisie a été contrainte de faire des concessions aux travailleurs au risque de tout perdre. C’est pour cette raison que nous sommes convaincus qu’il est central de défendre les services publics, en tant que conquête des travailleurs. Nous vous posons donc les questions suivantes : alors que vous affirmez que les services publics sont une institution bourgeoise, pensez-vous qu’il ne faut pas défendre ces services publics, contre les mesures du gouvernement et les directives de l’Union Européenne ? Pensez-vous aujourd’hui qu’il ne faut défendre une école publique laïque gratuite pour tous ? Pensez-vous qu’il ne faut pas défendre les hôpitaux et la santé publics ? Pensez-vous qu’il ne faut combattre la privatisation de la poste et de la SNCF ? Êtes-vous en désaccord avec nous lorsque nous centrons notre activité sur ces batailles ? Si effectivement vous pensez que ces batailles pour le maintien des services publics ne doivent pas être menées, parce qu’elles permettraient de sauvegarder les « institutions bourgeoises », alors nous pensons clairement que vous vous trompez.
Le désaccord que nous avons sur la caractérisation des services publics ne doit pas occulter le propos central de ce texte, même si ces questions sont intrinsèquement liées. Vous dites que les syndicats, nous nous référerons toujours à la même citation, sont des institutions bourgeoises. Nous sommes en total désaccord avec cette affirmation. Les syndicats correspondent à un processus historique différent des « institutions » citées plus haut. La création des organisations syndicales est avant tout l’expression des intérêts d’une classe sociale antagonique de la bourgeoisie : la classe ouvrière. Les syndicats ouvriers n’ont pas été créés par la bourgeoisie, mais par les travailleurs à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Tant qu’elle l’a pu, la bourgeoisie a combattu les syndicats par la répression physique. Au début du XXe siècle, puis surtout après la première guerre mondiale, avec l’avènement de l’impérialisme, la situation a changé. Face à la transformation des organisations syndicales en organisations de masses et sous l’effet de la poussée révolutionnaire due à la révolution russe de 1917, la bourgeoisie a changé de tactique. Plutôt que de réprimer le mouvement syndical, la bourgeoisie a décidé de chercher à intégrer les syndicats à l’appareil d’état. En développant des organismes de négociations, elle a cherché à acheter les directions syndicales. Certains secteurs de la bourgeoisie ont également favorisé la création de syndicats chrétiens. Pour autant, cela ne signifie pas que les syndicats ouvriers sont des organismes représentants de l’ordre bourgeois. Cela montre au contraire qu’il y a un enjeu majeur pour savoir qui contrôle politiquement le syndicat : le mouvement ouvrier ou la bourgeoisie.
A l’image de la société dans laquelle ils évoluent, les syndicats sont soumis aux pressions idéologiques de la classe dominante et sont traversés par des contradictions de classe. En définitive, la nature de leur politique est déterminée par les rapports de force internes, et par qui les dirigent. Actuellement, on observe essentiellement deux courants contradictoires au sein des syndicats : il y a d’un part une volonté très forte d’intégrer le syndicat à l’appareil d’état, d’autre part des secteurs de la base de plus en plus nombreux défiant les directions. C’est vrai en France, mais aussi en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Italie pour ne prendre que quelques exemples.
Pour ce qui est de la France, les affrontements politiques au sein du 49e congrès de la CGT ne montrent pas autre chose. Bernard Thibault est effectivement un des principaux représentants de l’appareil d’état au sein de la CGT, mais plusieurs éléments nous montrent qu’il ne contrôle pas toute la CGT, loin de là. Au cours du dernier congrès, au cours des derniers mois sur le terrain direct de la lutte des classes, de larges secteurs à la base se sont affrontés avec l’appareil confédéral. Les secteurs oppositionnels sont hétérogènes et divisés, mais ils expriment un sentiment grandissant de défiance parmi les travailleurs. Si on considère que les syndicats ne sont pas des organisations bourgeoises, la question fondamentale qui est posée est donc : comment faire pour diriger politiquement ces organisations ? Pour nous cette bataille va de pair avec la construction du parti révolutionnaire. Ce sont deux aspects dialectiquement liés. Nous pensons que les organisations politiques qui se réclament du marxisme révolutionnaire doivent œuvrer pour construire une organisation indépendante politiquement et financièrement du patronat et de l’appareil d’état. Cette bataille passe notamment par combattre les représentants de la bourgeoisie au sein des syndicats ouvriers.
Vous dites par ailleurs, que le réformisme va jouer le rôle de police de la classe ouvrière. Cette affirmation nous pose un problème parce que nous ne savons pas ce que vous entendez par réformisme. (D’ailleurs vous employez également le terme de « gauche » sans le définir non plus). Considérez-vous que le réformisme est une période, un parti, idéologie ? S’il s’agit d’un parti, pensez-vous que le PS est réformiste ? Ou bien pensez-vous que le Parti de Gauche, le PCF et le NPA sont réformistes ? Dans ce cas, pensez-vous que ces trois organisations sont ou vont être capables de jouer le rôle de police de la bourgeoisie au sein du mouvement ouvrier ? La discussion sur le réformismes doit être menée, pour définir qu’est-ce que le réformisme et qui sont les réformistes. C’est pourquoi, nous pensons que vous devez être plus précis sur votre caractérisation, car de celle-ci dépend l’analyse et l’intervention envers les syndicats.

3 Vous affirmez que l’avenir proche sera marqué par des affrontements sociaux de grande ampleur, analyse que nous partageons. Vous avancez également que les syndicats sont des organisations "des périodes calmes" qui vont servir à contenir ces explosions. Vous pointez comme alternative aux syndicats, "les comités de travailleurs élus et révocables sur les lieux de travail ou d’habitation", afin d’assurer " l’auto-organisation des travailleurs"
Nous ne sommes pas d’accord avec ces dernières affirmations, tout d’abord parce que nous ne savons pas ce que vous entendez par « auto-organisation des travailleurs ». S’agit-il de l’autogesttion (ce qu’il faut définir aussi) ? Ou bien d’indépendance de classe ? Ensuite, comme nous l’avons dit dans le point précédent, nous ne considérons pas que les syndicats sont des organisations bourgeoises par essence. Leur politique dépend avant tout de leur direction politique. La nécessité absolue pour la classe ouvrière est de mener la bataille pour que les syndicats suivent une ligne stricte d’indépendance de classe vis-à-vis du patronat et de l’appareil d’état.
Ensuite vous parlez de la constitution de comités. Encore une fois nous pensons que vous ne définissez pas assez ce que vous avancez. Ces comités sont-ils des organismes permanents ? S’agit-il d’organismes alternatifs aux syndicats ? Si oui, quelles sont leurs différences avec ces derniers. Pour nous, les syndicats permettent de s’organiser au niveau d’une entreprise, d’une branche, de l’ensemble des travailleurs pour défendre des revendications concrètes et immédiates. C’est un des outils fondamentaux pour la défense des intérêts de la classe ouvrière, qui existe de manière permanente, pendant et en dehors des périodes de grève. En ce sens, le syndicat ne s’oppose pas au "comité de travailleurs élus et révocables", qui sont des organismes temporaires. En période de grève, les syndicats doivent aider à organiser la mobilisation des travailleurs, ce qui peut passer par la création d’un comité de grève. C’est une possibilité parmi d’autre qui doit être analysée en fonction des circonstances. S’il s’agit d’une grève générale, le syndicat doit aider à l’organisation et à la création d’un comité de grève, centralisé à échelle nationale. Mais lorsque la grève se termine, que deviennent les comités ? S’ils continuent d’exister, dans quelles conditions le font-ils et quelles différences présentent-ils par rapport à un syndicat pour les travailleurs ?
Dans un processus révolutionnaire, plusieurs solutions peuvent être utilisées pour prendre le pouvoir. Les comités sont une solution parmi d’autre. En octobre 1917, ce sont les soviets qui ont permis à la révolution russe de triompher. Mais plus que la structure même des soviets c’est la direction politique de ces soviets qui a été déterminante dans la victoire. En effet, si les soviets n’avaient pas été dirigés par le Parti Bolchévik, la classe ouvrière n’aurait pas vaincu et n’aurait pas pu renverser la bourgeoisie.
En opposant le syndicat au comité des travailleurs nous pensons que vous vous trompez doublement. D’une part parce que le syndicat est une organisation permanente des travailleurs qui ne joue pas le même rôle que les comités ; d’autre part parce que la création de « comité de travailleurs » est une question tactique, qui est une solution parmi d’autre pour permettre de faire aboutir les revendications et les mots d’ordre. Nous pensons que cette position vous amène à vous détourner de la question stratégique, celle de la construction du parti mondial de la révolution, qui, en définitive, sera le facteur déterminant pour renverser le capitalisme et instaurer le socialisme.
Mais que pensez-vous de notre intervention dans les syndicats ? Pensez-vous que nous nous trompons lorsque nous nous battons à notre échelle, pour diriger les syndicats là où nous intervenons ? Pensez-vous que lorsque nous menons des batailles à la FSU, dans l’éducation nationale, à la CGT à Gibert ou à la Poste, nous perdons notre temps, ou pire que nous contribuons à développer les illusions envers les « institutions bourgeoises » que sont les syndicats ? Concrètement si nous étions dans le même établissement ou dans la même entreprise que feriez-vous ? Vous nous combattriez au sein des syndicats ou au sein des entreprises ? Nous pensons que votre caractérisation des syndicats vous amène à adopter une position, qui a pour résultat d’abandonner les organisations syndicales aux représentants de la bourgeoisie. En critiquant de cette façon les organisations syndicales, vous éludez les aspects hautement contradictoires qu’il y a en leur sein.

4 Dans le point 4, vous affirmez que s’il est nécessaire de créer des comités en opposition aux syndicats, il ne faut néanmoins pas sortir des syndicats. La question qui se pose alors est, rester dans les syndicats pour quoi faire ? Nous ne comprenons pas la logique de cette affirmation. Vous dites par ailleurs qu’il faut dépasser l’activisme quotidien « par la pensée ». Concrètement qu’entendez-vous par là ? Cette affirmation nous paraît correspondre plutôt à une approche idéaliste de la question, qu’à une conception matérialiste. Nous pensons, quant à nous, qu’il ne faut pas envisager l’intervention dans les syndicats comme une tâche idéologique ou routinière. En effet, l’intervention dans les syndicats est une tâche politique concrète de première importance pour les révolutionnaires. Il s’agit de mener un bataille quotidienne contre les bureaucrates, qui cherchent à imposer un fonctionnement routinier au syndicat pour lui enlever tout caractère combatif, notamment afin d’en détourner les travailleurs.

5 De manière juste, vous dites dans le cinquième point, que le syndicat n’a jamais été le mode unique d’organisation de la classe ouvrière. Effectivement, la seule activité syndicale ne peut permettre de résoudre les problèmes politiques qui sont posés aux travailleurs. Mais pour nous, il est important de réaffirmer que le rôle du parti et celui du syndicat, s’il ne sont pas interchangeables, sont complémentaires. Ces deux outils sont indispensables pour les travailleurs. Le syndicat a un rôle de défense des intérêts concrets et immédiats de la classe ouvrière et de conquête de nouveaux droits. Les syndicats doivent servir par exemple à se battre pour obtenir une augmentation de salaire ou l’amélioration des conditions de travail. Le parti révolutionnaire, quant à lui, joue un rôle politique. Il sert à élaborer la perspective politique du socialisme ainsi que les manières d’y arriver, c’est à dire les questions tactiques, plus précisément les mots d’ordre transitoires, ou encore l’intervention dans les syndicats.
Vous dites également qu’actuellement dans les pays impérialistes, les syndicats ne réunissent pas les travailleurs et ne leurs donnent pas les moyens d’agir. Nous sommes d’accords avec cette affirmation dans la mesure où nous considérons qu’une telle situation est due au fait qu’à la période impérialiste, si les syndicats ne sont pas dirigés par les révolutionnaires, ils jouent contre la classe ouvrière. Si nous sommes d’accord avec le constat que les syndicats ne jouent pas le rôle qu’ils devraient jouer, en revanche nous n’en tirons pas les mêmes conclusions. Pour nous il ne s’agit pas d’accepter cette situation comme une fatalité. Cela pointe la nécessité qu’il y a à se battre pour que les travailleurs se réapproprient les syndicats sur une base d’indépendance de classe. C’est pour cela que là où les militants du GSI interviennent, ils se battent pour construire les syndicats, pour que les réunions de sections se tiennent, que la ligne du syndicat soit discutée par les membres du syndicat etc. Il ne s’agit pas de grimper à l’intérieur de l’appareil pour gagner des "positions". Il faut se battre pour reconstruire les bases des syndicats et gagner la direction de ces syndicats. Les dures batailles qui ont lieu non seulement à la CGT mais également dans d’autres syndicats comme par exemple à la FSU (exemples que nous connaissons le mieux) montrent que de larges secteurs de la base s’opposent aux directions confédérales ou fédérales. C’est un constat que l’on peut faire aussi en accompagnant les derniers développements de la lutte des classes. Dans les grèves, dans les mobilisations, dans les réunions syndicales les travailleurs sont de plus en plus nombreux à critiquer ouvertement les orientations défendues par les directions syndicales. L’espace politique et la détermination pour s’opposer aux directions confédérales et aux bureaucrates sont de plus en plus visibles. Nous le réaffirmons encore une fois dans ce point, il est fondamental d’intervenir dans les syndicats sur une base d’indépendance de classe pour que ces outils jouent leur rôle, c’est à dire qu’ils servent effectivement à défendre les intérêts immédiats des travailleurs, à élever le niveau de conscience et à renforcer leur détermination.

6 Dans le sixième point, vous avancez une affirmation avec laquelle nous sommes en total désaccord. Vous dites que les " les syndicats sont un certain niveau de conscience limité de la classe ouvrière, niveau qui ne mène nullement spontanément à la conscience historique du rôle du prolétariat et même qui s’y oppose en quelque sorte". Pour notre part, nous pensons au contraire que le syndicat est le premier stade de la conscience de classe. Le travailleur qui adhère à un syndicat montre qu’il a conscience qu’il a des intérêts propres et que pour les défendre, il doit se battre collectivement.
Par ailleurs, la conscience de classe n’arrive pas spontanément, ni dans un syndicat, ni nulle part ailleurs. Nous pensons, comme Marx l’a affirmé, que ce sont les conditions matérielles et morales d’existence qui déterminent la conscience. Ainsi, la conscience de classe naît au contact de la réalité de la lutte des classes et de l’exploitation qui en découle. Pour acquérir une conscience de classe, le travailleur n’a nullement besoin d’un prophète pour lui prêcher la bonne parole. Si l’exploitation vécue au quotidien par un travailleur sur son lieu de travail est ressentie comme telle, alors elle correspond à la naissance d’une conscience de classe. En ce sens, le fait d’adhérer à un syndicat pour défendre ces intérêts correspond au premier stade d’organisation. Il n’y a pas une seule et unique manière d’acquérir une conscience de classe mais le fait de s’organiser est certainement son meilleur indicateur. Dans ce processus, l’intervention des militants révolutionnaires dans les organisations syndicales est extrêmement importante. Le bureaucrate ne veut pas de militants dans son syndicat. Il veut des adhérents, qui ne remettent pas en question la ligne du syndicat, et qui voient le syndicat comme un simple « prestataire de service ». En revanche, le militant révolutionnaire, s’il intervient dans le syndicat, ou mieux s’il le dirige, peut favoriser le développement de la conscience de classe de ses camarades grâce à son intervention quotidienne. En se battant pour la construction et pour gagner la direction politique du syndicat, le militant révolutionnaire non seulement renforce son organisation et la confiance de ses camarades, mais en plus il démontre aux autres travailleurs le lien qui existe entre la lutte syndicale et la lutte politique.

7 Pour le GSI, la conscience de classe ne s’oppose pas à "la défense d’intérêts d’un groupe social, celui des travailleurs, avec des revendications particulières pour lui", tel que vous l’affirmez dans le septième point de votre texte. Pour nous, cette phrase est problématique. Considérez-vous que les travailleurs sont « un groupe social » parmi d’autres qui a des « revendications particulières pour lui » ? Comme Marx l’a affirmé, nous pensons que la seule classe révolutionnaire en soi est la classe ouvrière. Nous considérons d’ailleurs que cette classe est largement majoritaire, et qu’elle n’a absolument rien à gagner dans le cadre du capitalisme et que ses intérêts seront satisfaits par l’instauration du socialisme.
En ce sens les combats immédiats pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, pour la sauvegarde des services publics, sont fondamentaux dans le renforcement de la conscience de classe. Chaque victoire, aussi minime soit-elle, renforce la confiance de la classe ouvrière dans ses propres forces. Pour mener ces luttes et remporter ces victoires, les syndicats sont indispensables. Pour remplir ce rôle, les syndicats doivent être débarrassés de leurs bureaucrates et doivent être strictement indépendants de l’état et du patronat.
Or, comme nous l’avons déjà affirmé dans ce texte, on ne pourra pas construire de tels outils syndicaux sans construire parallèlement un parti mondial de la révolution. La bataille pour diriger politiquement les syndicats et garantir qu’ils soient effectivement indépendants, ne pourra se faire qu’avec la participation des militants révolutionnaires. Et cela doit être une de leurs tâches centrales. Nous soulignons ainsi la nécessité, avancée par Trotsky dans le programme de transition, de créer une Centrale Unique des Travailleurs (CUT), qui regroupe tous les travailleurs et qui soit indépendante de l’état et du patronat.

Messages

  • ne jamais participer à des responsabilités syndicales tant qu’on n’a pas de groupes autour de soi sur des bases politiques claires et tant que l’on n’a pas de parution publique régulière communiste révolutionnaire sur l’entreprise

  • 1. Il me semble qu’il n’y a aucun lien mécanique entre les principes très justes annoncés au point 9 et l’analyse catastrophiste de la situation actuelle ( décadence impérialiste ; effondrement social, politique et moral du cadre classique bourgeois, etc). L’auto-organisation des travailleurs est autant valable dans les périodes dites “calmes” que d’autres. Ce sont généralement les “révolutionnaires” brevetés qui n’ont rien compris (voire qui se sont opposés) à l’auto-organisation des travailleurs chaque fois qu’elle s’est manifestée, et ce dès la Commune de Paris....

    2. Ce type d’analyse catastrophiste est récurrent dans le mouvement ouvrier et l’extrême gauche depuis au moins les thèses des 4 premiers congrès de l’IC, même si déjà le Manifeste révèle une propension à un optimisme exagéré. Il me semble manipulatoire, et ses prédictions se sont révélées erronées. Les courants libertaires et autonomes actuels se livrent aux mêmes analyses catastrophistes mais en les plaçant sur le terrain de l’accroissement du rôle démoniaque de l’Etat (voir la thèse du totalitarisme soft, de la totalitarisation, du fascisme soft, etc.). Les écologistes aussi avec leur chantage : soit vous adoptez nos solutions immédiatement soit la planète crève dans les 10, 20 ou 50 ans. Je ne vois pas l’intérêt (autre que manipulatoire) d’avoir recours à ces procédés. Mieux vaut faire des analyses plus précises, chiffrées, délimitant des zones différentes dans le développement ou le non développement des luttes de classe, dans le développement des crises (en en précisant à chaque la nature, l’extension, la durée), dans l’intensité et la gravité variables des problèmes écologiques, la mise en place de lois dites sécuritaires (comme si toutes les lois ne l’étaient pas !), dans le démantèlement total ou partiel des amortisseurs sociaux, etc. que de se livrer à des prédictions catastrophistes universelles. Je signale un petit texte qui avance quelques pistes élémentaires, qui n’ont absolument rien d’original, sur la façon de COMMENCER à analyser une situation politique sans partir tout de suite dans des généralités mystificatrices qui mènent à adopter une posture prophétique mais préparent à de terribles déconvenues et démoralisations quand les pronostics catastrophistes ne se vérifient pas dans un délai raisonnable (pour ma part cela fait 44 ans que j’entends et lis des pronostics de ce type, de la part de gens qui n’ont su anticiper aucune des transformations fondamentales du capitalisme depuis un demi-siècle)
    http://www.mondialisme.org/spip.php?article1373

    3.Se référer à Lénine comme un partisan de l’auto-organisation me semble relever d’une mystification politique et historique colossale. (Il existe de nombreux livres classiques sur la question comme celui d’Anweiler sur les soviets en Russie paru chez Gallimard, ou celui de Maurice Brinton paru dans la revue Autogestion et socialisme et dont j’ignore s’il est disponible, mais pour un texte plus court je renvoie au texte “Les bolcheviks contre la classe ouvrière” http://www.mondialisme.org/spip.php?article968).
    En même temps, pour ne pas être trop négatif, dans ces thèses le plus important, pour moi, ce sont les positions affirmées au point 9 et non les références religieuses à Lénine ou à Trotsky. Ce point 9 peut être partagé par de nombreux camarades qui ne se reconnaissent ni dans le “marxisme”, ni dans le léninisme, ni dans le trotskysme.... Comme c’est mon cas.

    4. Dire que le rôle des révolutionnaires est de “de démontrer sans cesse aux travailleurs qu’ils représentent un autre avenir, “ et qu’ils constituent une “avant garde” qui fait “progresser toute la masse” comme le dit la citation de Lénine, me semble totalement contradictoire avec le principe de l’auto-organisation des travailleurs, avec une société communiste reposant véritablement sur des soviets, comités d’usine, etc., avec une confiance dans les capacités de la classe ouvrière à jouer un rôle autre que celui de soutien obéissant et discipliné à une avant-garde omnisciente et militairement organisée.

    5. Se référer de façon positive à Lénine et à Trotsky en matière de révolution sociale, c’est à la fois croire que la prochaine révolution sera menée à partir d’un petit état-major qui n’a de comptes à rendre à personne (l’appareil militaire du Parti) et qui liquidera physiquement toutes les tendances qui ne pensent pas comme lui, et ne pas tenir compte des conséquences historiques de cette démarche.

    6. Je ne suis pas un partisan de la cohérence absolue, et je comprends parfaitement qu’un groupe et des individus soient parcourus par des tendances et des velléités contradictoires mais en même temps il me semble difficile de ne pas souligner que certaines contradictions politiques et théoriques sont mortifères, à la fois pour ces groupes et individus s’ils sont sincères (ils termineront au Goulag) et pour le mouvement social.

    Pour terminer sur une note positive, je pense que le point 9 est excellent. Il gagnerait à être développé, illustré de quelques exemples concrets actuels et présenté de façon peut-être moins schématique, moins dans l’opposition Nous (les communistes révolutionnaires)/Eux (les prolétaires).

    Amitiés
    Yves

    • Cher camarade,

      Déjà, dans ton point 1, tu relèves l’expéreince de la Commune comme expérience d’auto-organisation à grande échelle. Tu sembles oublier que c’est bel et bien une situation "catastrophique" qui a amené les prolétaires de la capitale de France à se résoudre à prendre dans leurs propres mains le pouvoir. On peut même dire qu’ils ont tout fait, même dans ces circonstances catastrophiques (première guerre mondiale européenne, faim, misère, chômage, occupation militaire, défiance vis-à-vis du gouvernement et des classes dirigeantes) pour tenter des "solutions" réformistes qui leur étaient proposées vant de décider de construire la Commune et, là encore, sans forcément spontanément aller jusqu’au bout : attaquer l’armée de Versailles et prendre la banque.

      Donc l’auto-organisation portée à son terme, oui, elle n’a lieu que dans des circonstances extrêmes. Et cela parce que les opprimés ont généralement intégré dans leur vie de tous les jours et dans leur conscience leur oppression et ne rêvent pas du renversement du système ni de décider eux-mêmes en politique.

    • Cher Yves,

      tu as raison de penser que des révolutionnaires ont vu parfois des situations révolutionnaires ou catastrophqiues là où il n’y en avait pas. mas, justement, cela les a empêché d’en voir quand il y en avait.

      Le problème n’est donc pas d’être blindé contre ce type de déformation mais d’avoir quelques critères d’estimation des situation tant économiques, sociales et politiques. c’est le passé qui nous les enseigne. L’étude scientifique -eh oui, le grand mot que tu n’aimes pas est lâché - signifie justement l’interprétation globale du passé et sans réinterprétation permanente avec remise en question évetuelle non pas pour prédire mais pour s’orienter à l’avenir.

      La science ne prédit pas contrairement à ce que croit le grand public. Toute la physique que nous connaissons aujourd’hui ne permet pas de dire comment un objet se cassera en tombant. C’est dire ....

      Mais cela n’enlève rien à son intérêt.

      Les révolutionnaires qui se refusent à une conception scientifique risque de ne rien apprendre du passé.

      Par exemple, tu récuse la politique de Lénine ou Trotsky au nom d’un certain anarchisme mais il faut faire le bilan des idées anarchistes dans les expériences où elles ont été utilisées comme en Espagne. Et pas se contenter d’être d’accord ou pas d’accord avec tel ou tel marxiste ou tel ou tel anarchiste.

      Cela suppose l’analyse scientifique de la notion d’Etat.

      Et admettre qu’une telle analyse a des conséquences en politique si, pa l’histoire, nous nous trouvons avoir une responsabilité dans ce qui se passe.

      Si on récuse les notions d’Etat bourgeois et d’Etat ouvrier, oui, cela a de graves conséquences, catastrophiques même !

      Voilà un début de réponse.

    • je suis bien d’accord qu’en général l’auto-organisation ne nécessite pas des périodes de crise puisque j’ai cité des comités d’amiante ou de transports ou autres, de lutte aussi bien sûr comme comité de sans papiers...

      La question de la période est une autre question à débattre

      Faut-il penser que le capitalisme est dans une crise catastrophique ?

      La réponse ne peut pas être du genre : on les connait les catastrophistes !

      Si on vous annonce que vous avez le cancer, vous ne pouvez pas répondre : vous êtes pessimiste car le cancer existe

      Vous vous interrogez seulement sur les arguments et les compétences de celui qui vous fait de telles annonces

      Pour Lénine, il est bien plus anarchiste et pro-auto-oragnsiation que certains anarchistes, ceux par exemple qui en Espagne ont accepté de dissoudre les milices ouvrières et paysannes révolutionnaires pour participer à la généralité de catalogne, c’est-à-dire à l’Etat bourgeois

      amicalement

      Robert Paris

    • Je cherche toujours les analyses marxistes (ou autres) ayant prévu et analysé

      * l’importance de la crise écologique
      * l’importance du rôle des femmes dans la production et la société
      * la nature et l’évolution et la disparition des régimes staliniens
      * l’émergence d’une classe ouvrière massive dans le prétendu tiers monde
      * le rôle stratégique de la Chine, de l’Inde et du Pakistan,
      * l’avènement de l’Europe,
      * J’en passe et des meilleures.

      Je ne défends pas les bons “anarchistes” de la CNT-FAI contre les méchants “léninistes”. Ce type d’opposition ne fait pas partie de mon univers mental. Je ne crois plus depuis longtemps au fil rouge (ou au fil noir) qui mènerait de 1848 à nos jours.
      Par contre, je n’appelle pas “Etat ouvrier” un Etat qui repose sur un Parti qui contrôle tous les leviers du pouvoir, une police politique et une armée à sa dévotion, la destruction de toutes les organisations autonomes de la classe ouvrière, l’interdiction des grèves, l’interdiction ou la persécution de tous les partis politiques, le flicage de la population, la distribution de rations alimentaires en fonction des opinions politiques, etc.

      Ta métaphore sur le cancer est intéressante, parce qu’annoncer à quelqu’un qu’il a le cancer ne veut strictement rien dire. Il existe différents types de cancer, dans différents endroits du corps, avec des effets à long terme et à court terme différents, et des traitements différents. Ce pronostic n’a d’intérêt pour le patient que si l’on rentre dans de très longs et douloureux détails qui demandent à la fois des analyses, des opérations et dont l’issue repose en grande partie sur des facteurs imprévisibles. Je suis entouré de gens qui ont le cancer, et je peux te dire que pas un cas ne ressemble à l’autre... Et heureusement pour eux !

      C’est cette rigueur que j’attends de personnes ou de groupes qui prétendent savoir comment fonctionne le système capitaliste, quel est le “cancer” qui le mine, et comment le remplacer par un autre système (sans risque de cancer ? Ce serait une autre discussion). Ceux qui se limitent à des analyses catastrophistes comme celles que l’on trouve dans les 4 premiers congrès de l’IC, le programme de transition et la plupart des écrits de Lénine et Trotsky à partir de 1914 ne font pas preuve de rigueur, ils expriment seulement leur foi, ce qui en soi n’a pas d’effet trop dangereux, tant qu’ils ne sont pas ministres ou chefs militaires, ou tant qu’ils ne forment pas des milices ou des SO qui intimident, brutalisent ou liquident les opposants à leur foi....

    • Tout à fait d’accord sur ce point, le terme cancer ne suffit pas. C’est ce que nos textes expliquent : parler de "crise" ne suffit pas et même ne veut rien dire si on ne dit pas de quel type et pouvant avoir quel type de suites.

      Mais là, par contre, tu n’en veux pas. Nous proposons comme hypothèse de travail qu’il s’agit d’une crise de suraccumulation mondiale ce qui signifie que seule la disparition d’une masse considérable de richesses (en somme la guerre mondiale) peut à terme résoudre.

      Quel est ton point de vue sur une telle analyse plus largement développée dans nos textes sur l’économie ? Il ne suffit pas de dire que les catastrophistes, tu les a longuement lus et entendus pour y répondre.

      Je trouve que tu es aussi assez injuste sur des textes marxistes sur l’importance des questions écologiques que Marx et Engels avaient trouvé et apprécié chez Fourier qui est l’un des premiers grands théoriciens écologistes. En ce qui concerne l’importance des femmes, là c’est carrément de l’ignorance de ta part. Enfin, contrairement à ce que bien des commentateurs de Marx ont écrit, Marx voyait à court terme des développements révolutionnaires importants en Russie et n’était pas seulement fixé sur les pays développés d’Europe de l’ouest. Certes, faire des prédictions n’est pas un point fort du marxisme, mais encore une fois nous n’estimons pas que ce soit l’objectif d’une analyse scientifique de faire des prévisions. Chaque individu sait bien qu’il a beau programmé n’importe quelle activité, les choses ne se passent jamais comme on l’avait prévu. Et cependant on continue à esssayer de se préparer aux événements en tirant des leçons des événements passés. Et on a bien raison de la faire.

      Celui qui reprocherait à la théorie de darwin d’être incapable de prédire quelle nouvelle spèce va arriver, à la théorie des étapes de l’évolution physique de l’Univers appelé modèle standard, aux théoriciens des climats de ne pas dire les nouvelles grandes étapes de l’auto-organisation de cuex-ci tomberaient à côté. Prédire n’est pas l’objectif encore une fois. Comprendre est non seulement un objectif mais un immense plaisir de l’homme. Même si l’erreur est largement possible dans ce domaine.

      Robert Paris

  • Une analyse catastrophiste n’est pas une analyse qui prédit une catastrophe à partir d’indices solides. Une analyse catastrophiste est une "analyse " qui en prédit tout le temps depuis un siècle.
    Quand je dis que les marxistes n’ont rien compris ni aux questions écologiques ni au rôle décisif des femmes dans la société, ce n’est pas un propos en l’air. Aucun programme révolutionnaire avant la naissance de l’écologie ne mettait en avant des revendications de type écologique. Idem pour les femmes. Ces questions étaient reléguées au cinquantième plan. C’est seulement APRES que les mouvements écologistes et féministes soient apparus et aient conquis une audience de masse dans les années 60 et suivantes que les différents groupes marxistes ont commencé à s’intéresser à ces questions. Il suffit de consulter leur presse pour cela.
    Cela ne veut pas dire qu’il faut être "écologiste", si par là on entend soutenir les politiciens professionnels type Voynet, Mamère ou Cohn-Bendit. Ou si être écologiste c’est dire aux prolétaires : serrez-vous la ceinture pour promouvoir un développement capitaliste moral et durable ! Ni être "féministe" si par là on entend les féministes bourgeoises ou celles qui nient la lutte des classes.
    Simplement, que sur deux questions fondamentales pour la société capitaliste mondiale, les marxistes des années 20 à 60 n’ont rien vu venir.
    Par contre, ils ont prédit une vague révolutionnaire à la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, l’avènement d’une barbarie mondiale s’il n’y avait pas de révolution socialiste, puis pour certains une 3e guerre mondiale, puis au début des années 1970 la répétition d’une crise de 1929, etc.
    Une "science" qui ne permet pas de comprendre les grandes tendances de l’évolution de la société (pas le déroulement précis semaine après semaine, bien sûr !) doit faire preuve d’un peu de modestie et surtout se livrer à des études concrètes.
    Il y a trente ans, dans une organisation que tu connais bien, puisque tu en as été membre comme moi, à savoir LO, le SEUL livre que l’on faisait lire sur la question des femmes était La femme et le socialisme de Bebel, un livre qui datait de la fin du XIXe siècle ou des débuts du XXe siècle. On ne parlait même pas des féministes socialistes britanniques de l’époque comme Sheila Rowbotham, par exemple, dont pourtant l’un des livres était traduit en poche Payot. Quant aux autres tendances trotskystes comme la LCR elles ont été incapables de lier "féminisme" et luttes des classe.
    Je n’ai pas lu vos textes sur les question économiques. Dire qu’il y a une suraccumulation du capital ne me semble pas d’une nouveauté renversante. Quant à en conclure que l’on débouchera automatiquement soit sur une troisième guerre mondiale soit sur une révolution, je ne vois pas l’intérêt de ce genre de pronostic.
    Encore une fois c’est ce que certains trotkystes et ultragauches disaient déjà au début de la guerre froide.
    De même qu’ils disaient que l’URSS ne pourrait s’effondrer que sous les coups d’une révolution prolétarienne.
    Je ne crois pas que la "révolution" soit une science.
    On peut dire qu’il existe une "science" militaire et que certains éléments de cette science militaire ont pu être utiles aux révolutions passées. Je doute que les affrontements armés de demain - s’ils ont eu lieu - prendront la même forme que dans le passé. Il ne suffira pas de monter sur un tabouret ou sur un cheval pour faire échec au quadrillage informatique de la population, aux moyens techniques de surveillance et d’extermination de la guerre moderne, etc.
    Quant à lier misère et révolution, hum, l’immense majorité de la population mondiale vit dans la misère, je ne vois pas de révolution sociale poindre tous les ans ni même tous les dix ans.
    Face à cette objection, les trotskystes et d’autres ont une réponse toute prête : il manquait un parti révolutionnaire !
    Pour ma part, je n’ai pas de réponse.
    C’est peut-être cela qu’il t’est difficile d’admettre : il n’y a pas de réponse immédiate à toutes les questions. On peut et on doit en chercher le maximum, en fonction de nos capacités, et surtout de nos activités militantes, puisque nous prétendons être "révolutionnaires", mais il faut déjà commencer par admettre que nos prédécesseurs en révolutions réelles (et non fantasmées, car que je sache ni toi ni moi n’avons jamais participé à la moindre révolution sociale) se sont souvent trompés. Cela suppose de chercher les racines de leurs erreurs et de ne pas s’enfermer dans une fidélité à tel ou tel grand penseur d’il y a un siècle ou même 50 ans. A admettre que le savoir s’est considérablement complexifié depuis un siècle et demi. Il faut reprendre toutes les questions politiques et théoriques, sans tabous et sans vouloir s’enfermer dans une tradition qui aurait eu raison sur tout, qu’il s’agisse des anarchismes ou des marxismes . Bien sûr, sans ignorer les contributions du passé, sinon on perdra un temps immense à réinventer l’eau chaude ou une forme ou une autre de réformsime, mais sans calquer des schémas périmés sur le présent.

    • Ce que je comprend surtout de ton point de vue, c’est qu’il est très marqué, même si tu crois que c’est en contre, par celui des groupes d’extrême gauche que nous avons effectivement connu. Tu penses sans doute t’en démarquer ainsi. Mais ce qui me semble à moi, c’est l’inverse. C’est qu’ils t’ont beaucoup marqué.

      Exemple de cela. Tu sépare science, philosophie et politique. C’est très exactement ce que font la LCR et LO. Tu récuse les grandes analyses historiques. Même si LO et LCR ont longtemps prétendu se revendiquer de Marx et Trotsky, ils ont toujours refusé de faire comme Marx et Trotsky : s’engager sur leurs propres analyses de la situation.

      Sur la crise, par exemple. Essaie de trouver une véritable analyse de la crise - même fausse, même prédisant je ne sais quoi - de leur part. Ils ne prédisent nullement, ni les uns ni les autres, l’effondrement du capitalisme. Tu en es resté à ce que tu souviens de ces anciens groupes et pas sur leur état politique actuel.

      La déception n’est pas bonne conseillère en politique. Des anciens de ces groupes sont restés blessés par leur passage chez eux. Je le comprend parfaitement et c’est normal vu la manière méprisante qu’ils ont eu de les traiter. Mais ce n’est pas la soruce d’une pensée nouvelle.

      Se refuser à des analyses de fond, c’est le propre de ces groupes. LO répète à qui veut l’entendre son éternel : nous ne sommes pas des théoriciens.

      Même ton idée qu’on n’est pas capables de prévoir et ta vision étriquée de la science, étriquée car non philosophique, tu l’as héritée, je m’excuse de te le redire, de Lutte Ouvrière.

      Il n’y avait certes pas que des mauvaises choses dans le fait de militer dans ces groupes et je n’ai aucun mépris pour leurs militants, mais leur activisme est surtout très apolitique à mon sens. Etre contre leur point de vue n’est pas un point de vue.

      Robert Paris

    • Cher Yves,

      tu nous dit, d’autre part, pas de référence religieuse à Lénine et Trotsky.

      OK, mais est-ce que nos références à ces auteurs sont religieuses, telle est la question.

      Qu’est-ce que des références religieuses ?

      Nous écrivons un texte, par exemple, qui explique notre refus de la notion de continuité des révolutionnaires, de leurs groupes, de leurs organisations et même de leurs idées.

      Nous écrivons que Lénine n’est pas arrivé politiquement armé en 1917, mais a, au contraire, changé complètement de conception de la révolution, notamment avec les thèses d’avril.

      C’est l’inverse de ce que nos enseignants du marxisme et du léninisme nous disaient.

      Voilà ce qui n’est pas religieux.

      Marx qui dit, comme nous le reprenons, nous devons apprendre de l’expérience des ouvriers de la Commune ce que sera l’Etat ouvrier, ce n’est peut-être pas ton point de vue l’Etat - à discuter -, mais cela n’a rien de religieux.

      Lénine et autres auteurs que nous apprécions ne sont eux-mêmes pas religieux. Ce sont des groupes qui ont diffusé une version stalinienne qui sont religieux.

      Quant au catastrophisme, ne risques-tu pas d’y tomber en suivant les gens qui croient aux catastrophes écologiques ? Comme tu peux le lire dans nos écrits, nous n’y souscrivons pas, quitte à ne pas suivre les erreurs de la majorité de la population. Ce n’est pas pour suivre nos auteurs classiques qui n’auraient pas pris en compte l’écologie. Là encore, les LO et LCR tombent eux dans le panneau. Ils ont surtout peur de diffuser leurs idées, fussent-elles catastrophistes.

    • Je crois que si l’on veut discuter de façon productive il faut abandonner certaines méthodes que l’on trouve dans tes réponses
      1. Réduire les réflexions de quelqu’un à son expérience passée. Je rappelle que j’ai été exclu de LO il y 35 ans soit en 1974... C’est accorder bien peu d’estime à quelqu’un que d’affirmer qu’il n’a pas réfléchi pendant 35 ans... Cela dit, c’est vrai certaines personnes ont du mal à s’extraire de leur passé. En général j’évite de discuter avec elles si effectivement je pense que nous allons tourner en rond.

      2. Cataloguer quelqu’un d’anarchiste (ou lui attribuer n’importe quelle étiquette arbitrairement choisie), alors que je ne me réclame pas de l’anarchisme. La revue Ni patrie ni frontières existe depuis 2002, j’y ai écrit un certain nombre de textes et je n’ai pas souvenir d’avoir une seule fois écrit que je me réclamais de l’anarchisme. D’une part, parce que je ne le connais pas bien. D’autre part, parce que l’anarchisme est divisé en de multiples courants. Donc si je me sens des affinités sur certains points, ce ne serait pas avec l’anarchisme en général mais avec le communisme libertaire. Cela dit, si je me sentais totalement en accord avec ces thèses je serai à AL, à l’OCL, ou à l’OLS. Pas dans la nature

      3. Systématiquement affirmer que son interlocuteur est ignorant.... y compris (ce qui est comique) quand j’écris ne pas avoir lu vos textes dits économiques. Tes interventions sont empreintes d’un paternalisme particulièrement antipathique, si ton objectif est de discuter et non d’assener des vérités devant lesquelles il faudrait s’agenouiller.

      4. Inventer des positions à l’autre "tu récuses les grandes analyses historiques", etc.

      Pour résumer, une discussion productive, pour moi, est une discussion qui avance pas à pas et ne préjuge pas du résultat final. Pas une discussion où l’on somme, comme tu le fais, soit d’avoir toutes tes/vos positions sur tout soit de produire une contre-analyse sur tout.
      C’est curieux, mais j’ai déjà subi ces méthodes quelque part....

    • OK, tu perçois ma réponse comme une accusation. Dommage ! Elle ne l’était pas.

      je disais que j’estimais que tes positions reflétaient une fracture subie dans le passé militant. Ce n’est pas une accusation mais une appréciation.

      Mon point de vue provient du fait que tu es sans cesse en train de te démarquer de ce passé.

      Sur le site, nous n’avons pas évité de dire un mot de LO ou NPA mais cela ne nous paraît pas une question importante ni centrale.

      Ceci dit, cette remarque de ma part était seulement en passant. Ce qui nous différencie essentiellement n’est pas là.

      Si je parle d’anarchisme à ce propos, c’est du fait de ta position sur la révolution russe. C’est toi qui fait allusion à une opposition entre la classe ouvrière et le pouvoir bolchevik. Et le texte qui donne ces arguements dont tu te revendique est un point de vue de type anarchiste.

      je te signale que pour moi cela n’est en rien une insulte ni un anathème. il te suffit pour le vérifier que partout dans le site nous donnons la parole à des auteurs et des sites anars sans ressentir le besoin de nous en démarquer.

      Dans la discussion, il n’est justement pas nécessaire pour avancer de discuter avec nous des positions et défauts des autres mais de nos textes eux-mêmes. c’est plus direct.

      Ceci dit, si mes réponses t’ont paru agressives, style procès, j’en suis réellement désolé

      amicalement

      Robert Paris

    • Cher Yves,

      Ce que je conteste notamment dans le texte que tu cite qui critique Chris Harman est le suivant : "En créant un (prétendu) État ouvrier et en substituant le pouvoir du Parti au pouvoir des travailleurs, la révolution russe a effectué son premier pas fatal vers le stalinisme."

      Cela signifie que le premier pas vers le stalinisme a été le fait de la politique bolchevik dans le pouvoir d’Etat.

      Cela suppose notamment que les soviets se sont affaiblis puis effondrés non en raison de la situation objective (encerclement de la révolution, isolement de celle-ci du fait de la défaite des révolutions ouvrières en Europe, misère de la population, arriération du pays, destruction par la guerre puis la guerre civile, dureté de la guerre civile menée par l’impérialisme, etc...).

      Le léninisme, selon cette thèse, serait le premier responsable du stalinisme.

      Bien sûr, on peut prétendre que sont religieux de Lénine et Trotsky et refusent de le critiquer tous ceux qui pensent autrement.

      Mais ce n’est pas forcément eux les religieux.

      Des critiques de Lénine et de Trotsky, j’en vois de nombreuses mais celle-là me semble plus qu’inavalable.

      Même Rosa Luxemburg qui faisait de multiples critiques des Bolcheviks écrivait : ""Le problème le plus important du socialisme est précisément la question brûlante du moment : [...] la capacité d’action du prolétariat, la combativité des masses, la volonté de réaliser le socialisme. Sous ce rapport, Lénine et Trotsky et leurs amis ont été les premiers à montrer l’exemple au prolétariat mondial ; ils sont jusqu’ici les seuls qui puissent s’écrier "J’ai osé !". C’est là ce qui est essentiel, ce qui est durable dans la politique des bolcheviks."

      Robert Paris

    • Le livre d’Oscar Anweiler en français (Les soviets en Russie) comme d’autres études historiques malheureusement en anglais sur les rapports entre comités d’usine et soviets montre que les bolcheviks se sont appuyés sur les soviets (organismes territoriaux où les soldats d’origine paysanne étaient majoritaires et où les travailleurs étaient minoritaires) à la fois pour lutter et éliminer les autres tendances mais pour construire leur Etat et même un capitalisme d’Etat dont ils considéraient qu’il était un progrès par rapport à l’anarchie économique ambiante.

      En ce qui concerne les critiques de l’action et des idées des bolcheviks elles ont commencé par Rosa Luxembourg, se sont poursuivies par les communistes de gauche allemands et hollandais, ont été menées au sein même du parti bolchevik bien avant que Trotsky ne se réveille et ne tiennent absolument pas aux seuls anarchistes, déçus ou pas par le bolchevisme.

      Expliquer que faire remonter l’origine du stalinisme en partie au Parti bolchevik est une position uniquement anarchiste est historiquement et politiquement inexact.

      Certains héritiers idéologiques de Rosa Luxembourg, et ceux des courants dits ultragauches de l’Internationale communiste, c’est à dire marxistes non léninistes ont défendu cette position à partir d’explications ou de théories assez différentes de celles des anarchistes. Voir les écrits de Pannekoek, Mattick, etc. Même s’ils partaient de constatations empiriques ou historiques qu’ont faites aussi les anarchistes, on ne peut les assimiler aux anarchistes. A moins de considérer que tout ce qui n’est pas 100% bolchevik, soit anarchiste !

      Puisqu’on parle d’anarchistes, deux livres utiles celui de Berkman Le mythe bolchevik (malheureusement mal traduit et bourré de coquilles) et un autre livre facile à trouver et gratuit sur Internet http://fr.calameo.com/books/0000868666f95250853ef
      Je ne l’ai pas encore lu en français mais en anglais cela m’avait semblé fort instructif et concret.

      PS. J’évoque LO parce que ce sont des références pratiques et politiques communes que j’ai avec vous (vous y avez passé sacrément plus d’années que moi, quand même !), qu’il est inutile de le cacher et que cela permet de faire comprendre plus rapidement certaines choses que si je voulais partager avec vous d’autres expériences politiques qui ne nous sont pas du tout communes.

      Je précise quand même que sur les 15 numéros de Ni patrie ni frontières, et 8 livres publiés par NPNF depuis 2002, c’est à dire plusieurs milliers de pages imprimées, tu ne trouveras pas beaucoup de textes sur LO...

      Cela dit, sur le plan politique, je pense qu’il est difficile d’ignorer le rôle formateur et déformateur de cette organisation sur les personnes qui y ont passé plus que quelques mois.... Donc reconnaître sa dette intellectuelle ou politique vis-à-vis d’une organisation, identifier les points de rupture théorique avec son passé politique, n’est pas inutile ni vain à condition que ce ne soit pas une arme politique visant à discréditer l’interlocuteur et à le réduire à une seule étape de son parcours politique.

      Quant à se situer sur le registre psychologique quand on discute d’une question politique, je veux bien, mais cela ne peut se faire qu’à égalité. En clair en mettant honnêtement sur la table, l’un ET l’autre, les raisons pour lesquelles on a accepté de militer dans telle ou telle organisation. Cela suppose d’entrer dans une discussion sur le rôle de l’affect, des blessures personnelles, de l’histoire familiale de chacun dans l’engagement politique. Voire de la sexualité de chacun. Pourquoi pas ?

      Mais cela ne peut se faire à sens unique, dans une intention polémique, dans une position d’analyseur et en mettant l’autre dans une position d’analysé victime et incapable de comprendre son passé....
      Ce n’est pas l’agressivité qui me gêne (j’y suis habitué et elle a cours même dans des milieux pseudo consensuels comme RESF), c’est le procédé polémique utilisé qui ne fait pas avancer la discussion et pousse l’autre à se justifier.

      Une des raisons pour lesquelles les discussions politiques sont souvent stériles, c’est qu’on passe plus de temps à se justifier de n’avoir pas dit ou pensé telle ou telle chose qu’à approfondir le sujet du débat.

      Pour revenir donc au point de départ de la discussion, je pense que la forme même des thèses qui est adoptée bloque la discussion. Il ne s’agit pas simplement d’une forme d’exposition, il s’agit d’un mode de "débat" qui empêche la pluralité des opinions, les expérimentations possibles, qui sous-entend que l’on peut systématiser les fondements de l’intervention politique dans un document et qui appelle ceux qui ne sont pas d’accord soit à se taire, soit à faire des amendements secondaires, soit à produire des contre-thèses. Les thèses et contre-thèses figent des positions politiques et appellent à une lutte ligne contre ligne. Lutte qui aboutit à la scission ou à l’exclusion des minoritaires. Les mécanismes sont connus.

      Une façon de discuter qui me semble peu productive. Mieux vaudrait partir d’expériences concrètes et précises, de façon à ce que chacun puisse intervenir et affiner le pronostic général. Participer ainsi à l’éboration collective d’une position issue de la richesse des expériences communes. C’est en tout cas comme cela que je verrais une discussion sur les syndicats si je faisais partie d’un groupe politique.

    • Je ne dis pas que tu passe forcément ton temps à te référer à LO mais dès que tu parles avec nous tu le fais. Et je n’estime pas nécessaire que tu n’en envoie dans les filets de tes critiques LO sous prétexte que, nous aussi, nous en venons, du moins pour certains d’entre nous. Tu te méprend sur ce que j’ai voulu dire, même si je l’ai mal dit : je pense que tu es marqué par cette expérience avec LO. Y compris ta réaction vive sur mes remarques le montre. Je ne me suis pas autant offusqué lorsque tu dis que j’ai une vision religieuse avec mes citations et ma prétention scientifique.

      Pour en venir, à des sujets plus intéressants, effectivement certains auteurs ont dit que les bolcheviks avaient utilisé le pouvoir comme un pouvoir personnel pour eux et le parti.

      C’est une construction après coup. Ils utilisent tel ou tel auteur comme caution . par exemple, Rosa Luxemburg. Tu y fais référence mais va-t-elle selon dans ton sens ? Je te répète ma citation précédente :

      Même Rosa Luxemburg qui faisait de multiples critiques des Bolcheviks écrivait : "Le problème le plus important du socialisme est précisément la question brûlante du moment : [...] la capacité d’action du prolétariat, la combativité des masses, la volonté de réaliser le socialisme. Sous ce rapport, Lénine et Trotsky et leurs amis ont été les premiers à montrer l’exemple au prolétariat mondial ; ils sont jusqu’ici les seuls qui puissent s’écrier "J’ai osé !". C’est là ce qui est essentiel, ce qui est durable dans la politique des bolcheviks."

      Peut-on donc se prévaloir de l’autorité morale et politique dans le sens de la thèse que tu défends, je ne le pense pas du tout.

      Les bolcheviks, quand ils ont pris le pouvoir, étaient majoritaires dans les soviets, oui ou non ? Etaient-ils majoritaires après cette prise du pouvoir d’octobre 1917 ?

      Que signifie de dire qu’ils voulaient mettre en place un capitalisme d’Etat ?

      Qu’ils auraient pu mettre en place le socialisme et qu’ils s’y sont refusé ?

      Que la Russie isolée pouvait mettre en place le socialisme ?

      Non, bien entendu.

      Alors, qu’est-ce que cela veut dire ?

      Les "gauches" communistes ont effectivement défendu le même point de vue selon lequel la révolution pouvait avancer à marche forcé. Lénine défendait effectivement que la Russie ouvrière au pouvoir des soviets n’était pas capable d’un seul coup de passer à une économie socialiste.

      Pour en venir maintenant à la question de l’appréciation des mouvements sociaux, je ne suis pas convaincu par tes remarques sur la nécessité du chiffrage. Je ne crois pas que l’importance de la grève générale de 1905 soit essentiellement mesurable par des chiffres sur le nombre de grévistes. C’est l’organisation, la conscience et cela est d’ordre qualitatif.

      amicalement

      Robert Paris

    • Oskar Anweiler, même si son récit sur les soviets de 1905 a son intérêt, n’est pas ma tasse de thé et pas seulement sur la révolution de 1917 et les bolcheviks. Ainsi, sa vision de Marx est la suivante : « Les conseils révolutionnaires ne sont rien d’autre pour Marx que des organes de lutte politique provisoires, qui doivent hâter la révolution ; il ne les conçoit pas comme les cellules pour une transformation qui doit plutôt procéder par en haut, grâce à la centralisation de l’Etat prolétarien. »

      La conception de l’Etat-commune ou Etat ouvrier de Marx est la suivante :

      « Quand la Commune de Paris prit la direction de la révolution entre ses propres mains ; quand de simples ouvriers, pour la première fois, osèrent toucher au privilège gouvernemental de leurs « supérieurs naturels », les possédants, et, dans des circonstances d’une difficulté sans exemple, accomplirent leur oeuvre modestement, consciencieusement et efficacement (et l’accomplirent pour des salaires dont le plus élevé atteignait à peine le cinquième de ce qui, à en croire une haute autorité scientifique, le professeur Huxley, est le minimum requis pour un secrétaire du conseil de l’instruction publique de Londres), le vieux monde se tordit dans des convulsions de rage à la vue du drapeau rouge, symbole de la République du travail, flottant sur l’Hôtel de Ville. Et pourtant, c’était la première révolution dans laquelle la classe ouvrière était ouvertement reconnue comme la seule qui fût encore capable d’initiative sociale, même par la grande masse de la classe moyenne de Paris. (…)La Commune de Paris devait, bien entendu, servir de modèle à tous les grands centres industriels de France. Le régime de la Commune une fois établi à Paris et dans les centres secondaires, l’ancien gouvernement centralisé aurait, dans les provinces aussi, dû faire place au gouvernement des producteurs par eux-mêmes. Dans une brève esquisse d’organisation nationale que la Commune n’eut pas le temps de développer, il est dit expressément que la Commune devait être la forme politique même des plus petits hameaux de campagne et que dans les régions rurales l’armée permanente devait être remplacée par une milice populaire à temps de service extrêmement court. Les communes rurales de chaque département devaient administrer leurs affaires communes par une assemblée de délégués au chef-lieu du département, et ces assemblées de département devaient à leur tour envoyer des députés à la délégation nationale à Paris ; les délégués devaient être à tout moment révocables et liés par le mandat impératif de leurs électeurs. Les fonctions, peu nombreuses, mais importantes, qui restaient encore à un gouvernement central, ne devaient pas être supprimées, comme on l’a dit faussement, de propos délibéré, mais devaient être assurées par des fonctionnaires de la Commune, autrement dit strictement responsables. L’unité de la nation ne devait pas être brisée, mais au contraire organisée par la Constitution communale ; elle devait devenir une réalité par la destruction du pouvoir d’État qui prétendait être l’incarnation de cette unité, mais voulait être indépendant de la nation même, et supérieur à elle, alors qu’il n’en était qu’une excroissance parasitaire. Tandis qu’il importait d’amputer les organes purement répressifs de l’ancien pouvoir gouvernemental, ses fonctions légitimes devaient être arrachées à une autorité qui revendiquait une prééminence au-dessus de la société elle-même, et rendues aux serviteurs responsables de la société. Au lieu de décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante devait « représenter » et fouler aux pieds le peuple au Parlement [4], le suffrage universel devait servir au peuple constitué en communes, comme le suffrage individuel sert à tout autre employeur en quête d’ouvriers, de contrôleurs et de comptables pour son affaire. Et c’est un fait bien connu que les sociétés, comme les individus, en matière d’affaires véritables, savent généralement mettre chacun à sa place et, si elles font une fois une erreur, elles savent la redresser promptement. D’autre part, rien ne pouvait être plus étranger à l’esprit de la Commune que de remplacer le suffrage universel par une investiture hiérarchique. (…)Son véritable secret, le voici : c’était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte de la classe des producteurs contre la classe des appropriateurs, la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l’émancipation économique du travail."

      Karl Marx dans "La guerre civile en France"

      Pour examiner le sérieux du point de vue antimarxiste d’Anweiler, recitons le à propos de Marx : « il (Marx) ne les conçoit pas comme les cellules pour une transformation qui doit plutôt procéder par en haut, grâce à la centralisation de l’Etat prolétarien. »

    • J’ai répondu sur Anweiler et sur Rosa Luxemburg, parlons maintenant des communistes dits "de gauche". Je ne comprend pas comment tu les met dans un même sac avec les précédents. Rosa n’est pas du type communiste de gauche et Anweiler non plus. Les "gauche" se disent marxistes contrairement à Anweiler. Les "gauches" ont été des membres de l’Internationale communiste. Comment seraient-ils d’accord avec Anweiler que la prise de pouvoir d’Ocotbre est contre les soviets.

      Tout cela est confus pour moi.

      Peux tu m’éclairer sur ton point de vue. Estimes-tu qu’Octobre est un coup d’Etat capitaliste d’Etat contre la révolution soviétique ou que le coup d’Etat est venu ensuite ?

      amicalement

      Robert Paris

  • Bonjour Yves

    A mon avis, 1 peux tu imaginé et me dire comment tu caractériserai ou tu te prononcerai sur un individu qui a toute les cancer du monde ? Moi je voie le capitalisme comme un individu qui a tout les cancer du monde actuellement et je dit qu’il est mort. je peux savoir ce que tu en dit très sérieusement de ce métaphore ? je te site<< >>alors ma question est voie tu un capitalisme ou des capitalismes ?moi je voie un capitalisme.2 je te site <<< Dire qu’il y a une suraccumulation du capital ne me semble pas d’une nouveauté renversante. Quant à en conclure que l’on débouchera automatiquement soit sur une troisième guerre mondiale soit sur une révolution, je ne vois pas l’intérêt de ce genre de pronostic. Encore une fois c’est ce que certains trotskystes et ultragauches disaient déjà au début de la guerre froide. De même qu’ils disaient que l’URSS ne pourrait s’effondrer que sous les coups d’une révolution prolétarienne. >>>voila croissances exponentielle du capital égal deux possibilités sois la barbaries soit le socialisme selon moi c’est deux pronostics me parai plausible et même très important. par contre ton pronostique a toi serai quoi ? L’effondrement de L u r s s étais sur deux piliers ou elle s’effondra sur elle-même ou le prolétariat achèvera mondialement ce q’elle a commencé en Russie je ne sais pas qui tu répond mais ce genre de certitude n’est écris nulle part dans le site comme quoi voila c’est sûr que c’est le prolétariat qui mettras fin au stalinisme etc. etc. Par contre on militaien pour ? Mille fois oui.3 << je te site A admettre que le savoir s’est considérablement complexifié depuis un siècle et demi. Il faut reprendre toutes les questions politiques et théoriques, sans tabous et sans vouloir s’enfermer dans une tradition qui aurait eu raison sur tout, qu’il s’agisse des anarchismes ou des marxismes . Bien sûr, sans ignorer les contributions du passé, sinon on perdra un temps immense à réinventer l’eau chaude ou une forme ou une autre de réformisme, mais sans calquer des schémas périmés sur le présent.>> quelle sont ces schémas qui sont périmé que tu ne te prononce là-dessus ? 4 <<<

    novembre 08:31, par Yves Coleman - Ni patrie ni frontières

    Je cherche toujours les analyses marxistes (ou autres) ayant prévu et analysé

    * l’importance de la crise écologique * l’importance du rôle des femmes dans la production et la société * la nature et l’évolution et la disparition des régimes staliniens * l’émergence d’une classe ouvrière massive dans le prétendu tiers monde * le rôle stratégique de la Chine , de l’Inde et du Pakistan, * l’avènement de l’Europe, * J’en passe et des meilleures.>>>je pense que c’est toujours les même problèmes que tu poses a tu déjà vu un arbre grandir a l’oeuil nu indéfiniment et qui touchera un jour le ciel sans jamais s’arrêter ? en tout cas merci in finement pour tout ces problèmes que tu poses et qui selon moi son d’ordre philosophique important. Je pense que c’est important de dénoncé mais je pense QUE c’est une catastrophe de ce limité qu’a dénoncer. A BIENTOT SUR D’AUTRE ASPECTS DE TES ECRIS. MOSHE

  • cher Yves

    Un exemple d’abord d’une attitude non-religieuse sur le passé et ses auteurs : la discontinuité revendiquée des thèses

    Ce n’est pas seulement nos textes que tu connais mal en affirmant que notre thèse économique catastrophiste sur le capitalisme est sûrement une copie des anciens textes catastrophistes de marxistes ou une répétition religieuse des anciens auteurs, c’est ces anciens auteurs eux-mêmes.

    Sais-tu si Marx avait considéré avoir devant lui, ce type de crise ? La réponse est non. Je cite le site des sciences économiques et sociales :« On affirme souvent que Marx aurait défendu toute sa vie la thèse selon laquelle le capitalisme subirait des crises périodiques de plus en plus violentes, aboutissant à une « crise finale », un « effondrement » du mode de production capitaliste. Il est vrai que cette perspective apparaît dans les écrits de jeunesse de Marx et d’Engels. On peut remarquer qu’il n’était pas a priori absurde de penser que la série des crises de 1825, 1836, 1847, 1857, de plus en plus graves, aboutirait à une catastrophe. De plus, Clément Juglar faisait observer que plus un pays est développé et riche, plus les crises économiques y sont violentes. Toutefois, au delà des Grundrisse, dans l’œuvre de Marx à partir des années 1860 (à la différence de l’œuvre d’Engels), il est difficile de trouver des propos allant dans le sens d’un pronostic d’effondrement du mode de production capitaliste, suite à des crises économiques de plus en plus graves. Marx reste attaché à l’idée que les crises constituent un moyen de surmonter temporairement et brutalement certaines des contradictions générées par la dynamique du mode de production capitaliste. Au livre 3 du Capital, il fait observer : « Les crises ne sont jamais que des solutions violentes et momentanées des contradictions existantes, de violentes éruptions qui rétablissent pour un instant l’équilibre rompu » (Ed. Sociales, 1976, p. 243). »

    Tu affirmes d’autre part que les thèses que les quatre congrès de l’Internationale communiste étaient des catastrophistes du capitalisme. C’est faux. On y trouve la thèse opposée.

    Est-ce que les auteurs classiques étaient pour faire des prédictions ?

    Je donne quelques exemples du contraire :

    1

    2

    Il me semble qu’il y a surtout une méconnaissance de nos positions dans tes inquiétudes mais il y a aussi des divergences importantes. Par exemple, nous ne pensons pas que le pouvoir ouvrier d’octobre 1917 est le producteur du stalinisme de 1927 et encore moins de la suite.

    Le texte que tu cites contre Chris Harman “Les bolcheviks contre la classe ouvrière” ne démontre pas cela mais est une prise de position contre les bolcheviks. Ils auraient choisi de gouverner seuls pour gouverner seuls, le goût du pouvoir en somme, thèse anar classique qui ne me convainc nullement. Pourquoi avoir d’abord gouverné avec tous les partis qui étaient dans les soviets : socialistes-révolutionnaires de gauche, anarchistes-communistes et divers groupes d’origine menchéviks ou anars si les bolcheviks congénitalement voulaient d’abord le pouvoir pour eux-mêmes et que ce serait cela qui explique tout ?

    Robert Paris

  • Pour toi, il n’y a pas de science de la révolution.

    OK mais qu’est-ce que cela signifie pour toi ?

    Pour nous, il y en a une ce qui n’empêche pas que « L’imprédictibilité est au rendez vous. » comme nous l’écrivons dans Invitation au voyage au pays des révolutions

    Donc c’est bien que nous ne mettons pas dans le terme de sciences la même chose….

    Robert Paris

  • bonjour à tous,

    je voudrais discuter d’un point précis à partir de la 1er réponse d’Yves C.

    Extrait suite à la caractérisation "catastrophiste" de la thèse de crise systèmique mondiale pour définir la situation actuelle :

    "Mieux vaut faire des analyses plus précises, chiffrées, délimitant des zones différentes dans le développement ou le non développement des luttes de classe, dans le développement des crises (en en précisant à chaque la nature, l’extension, la durée), dans l’intensité et la gravité variables des problèmes écologiques, la mise en place de lois dites sécuritaires (comme si toutes les lois ne l’étaient pas !), dans le démantèlement total ou partiel des amortisseurs sociaux, etc. que de se livrer à des prédictions catastrophistes universelles".

    je voudrais savoir si le fait de faire uniquement une analyse, c’est à dire pour toi une description sur certains critères, est un gage de quoi que soit pour parler de lutte de classe ou d’autre chose d’ailleurs.

    Nos petits petits petits fils, filles, qui seraient des chercheurs ou des passionnés d’archéologie, d’histoire technique etc.., s’ils tombaient sur la brochure du comité de grève de Viry, sur le livre sans patrie ni frontière du mois d’octobre 2009, pourraient se poser longtemps les problèmes du lien et des contradictions entre la politique de la CGT et celle des sans papiers dans un comité de grève.
    Pourquoi ? à mon avis si nos petits enfants s’en tiennent à ses 2 évènements sans chercher ce qui les entourent et en même temps sans tentatives théoriques d’explications de la situation économique, sociale, ils ne pourront jamais espèrer comprendre le tableau général.

    Et surtout les 2 problèmes vont ensemble : les évènements et leur interprétations. On ne pas les dissocier.
    Alors évidemment on peut se tromper, mais ça c’est déjà se mouiller et c’est le plus important car cela pousse à se remettre en question sur les méthodes théoriques et descriptives.

    Par exemple en musique les harmoniques sont une qualité vibratoire d’un instrument et de son utilisateur, qui est assez complexe a aborder pour un simple musicien.
    J’ai jouer pendant des années du violon en prenant plaisir à faire des harmoniques...mais sans comprendre le phénomène physique de résonnance.
    En réalité je ne dis pas que j’ai tout compris aujourd’hui, mais avant je n’avais même l’idée du phénomène.

    Autre exemple, en tant que salariè d’une multinationale, j’ai vécu une grève importante et qui a concerné beaucoup de travailleurs(euses) qui ne faisaient jamais grève. Et bien j’estime que mon intervention n’est pas seulement le produit d’un militantisme général, mais comme tu l’as dit plus haut, d’un choix : celui de privilégier à tout moment l’auto-organisation car nous avons fait le choix d’analyser sous un certain angle ce que sont les syndicats, ce qu’ils ont été, et ce qu’ils ne peuvent pas être dans la période actuelle.
    (j’ai aussi écrit une histoire de cette grève assez précise je pense, que je peux te passer)

    3 émé exemple : l’art paléolithique qui me passionne.
    Je trouve que c’est un domaine qui est un exemple parfait ou les descriptions de ce que l’on voit sont elle même conditionné par nos idées, préjugés.
    Une des premières interprétations des gravures, peintures rupestre, étaient que les hommes préhistoriques ne pouvaient pas faire de tels chefs d’oeuvres (trop bêtes) et il a fallu attendre que les paléothonlogues montrent que ces hommes, qui ont 50000,20000, ou 8000 ANS sont les mêmes qu’en 2009 pour qu’on se penche plus sérieusement sur leurs passés autres que "barbares" ;
    une autre interprétation était que les peintures servaient de passe temps à des hommes qui pouvaient se le permettre n’étant pas dans des sociétés industrialisées !
    jean Clottes a bien compris ce problème qui serait de masquer nos idées derrière une descrition dit "neutre ou objective".

    Je le cite : " Toutes ces significations sont envisageables lorsqu’on traite d’un art préhistorique, d’un art « fossile » qui ne peut plus être expliqué dans ses nuances et ses complexités par ceux qui l’ont créé ou par leurs successeurs. On conçoit la difficulté de l’entreprise lorsqu’il s’agit d’approcher ces questions de signification des millénaires après la disparition des sociétés qui ont donné naissance à cet art.

    Les difficultés sont telles que la tentation est forte d’abandonner tout essai en ce sens. Des positions pessimistes à des degrés divers ont été exprimées, surtout depuis quelques années. « La connaissance précise des significations est hors du domaine de l’archéologie de l’art préhistorique qui doit modestement se satisfaire d’appréhender des structures plutôt qu’à proprement parler le sens des figurations qu’elle étudie »1. Certains vont plus loin encore et prônent l’abandon de toute recherche dans ce domaine : « Un nombre croissant de chercheurs ont décidé d’abandonner la vaine quête des significations »2, pour éviter de « travailler pour rien »3. « L’interprétation de l’art reste en dehors des possibilités de la science, et il est à présumer qu’il en sera toujours ainsi »4, car « la connaissance empirique du monde physique est la seule forme de connaissance qui nous soit accessible »5.

    La solution proposée par les pessimistes, se contenter de décrire « objectivement » des faits, voire des structures, et d’en tirer des explications immédiates le plus simples possibles, non seulement n’est pas satisfaisante par son manque d’ambition, mais est dangereuse par son empirisme trompeur. Les empiristes, en effet, prétendent à l’objectivité et ils affirment leur liberté vis-à-vis de toute hypothèse préalable, mais ils se leurrent. « L’observation absolument objective est à ranger parmi les mythes et fantasmes majeurs de la science, car nous ne pouvons voir que ce qui a déjà sa place dans notre espace mental, et toute description inclut une interprétation. »6 Confrontés à l’infinité de la réalité matérielle, il est impossible de faire un choix parmi les innombrables alternatives qui s’offrent à nous sans avoir auparavant admis que tel paramètre sera important et que tel autre ne le sera pas, c’est-à-dire avoir préféré une hypothèse à une autre.

    L’on constate ainsi que le danger de l’empirisme est double : d’une part, la prétendue objectivité qu’il revendique n’est en fait que la mise en application implicite, sans discussion, d’hypothèses et théories communément acceptées ; d’autre part, il entraîne une certaine stérilisation de la recherche, réduite au « quand ? », au « comment ? », ou à des dénombrements stériles, sans jamais s’attaquer au « pourquoi ? ».

    pour lire l’article en entier, cliquer ici.

    voilà mes réfexions pour l’instant, qui sont aussi pour beaucoup défendues largement sur le site.

    Max

    • Cher Max, merci de ta réponse qui ouvre des pistes de réflexion nouvelles, en tout cas pour moi.

      "je voudrais savoir si le fait de faire uniquement une analyse, c’est à dire pour toi une description sur certains critères, est un gage de quoi que soit pour parler de lutte de classe ou d’autre chose d’ailleurs."

      Une analyse ne se réduit pas à une description.
      Mais il faut quand même connaître un minimum la réalité. Je te donne un exemple : des polémiques récurrentes éclatent sur la Résistance. Il est bon de savoir que l’on a recensé à la Libération 200 000 résistants officiels et qu’il y avait en France 40 millions d’habitants. Cela ne nous donne aucune clé pour savoir quelle position il fallait adopter durant l’Occupation face à Vichy et à l’armée allemande, mais cela remet les pendules à l’heure par rapport à ceux qui nous expliquent que la majorité de la population française était résistante, quand on sait que pour obtenir l’homologation du titre de résistant après-guerre il suffisait d’avoir dérobé un tampon dans une mairie ou d’avoir une fois servi de boîte aux lettres.
      Idem si l’on parle de la grève actuelle des sans papiers. S’il y a (je prends un chiffre invérifiable mais qui donne un ordre de grandeur) 400 000 personnes en situation irrégulière en France, et que à la louche, 200 000 d’entre eux travaillent, quand on sait qu’il y a 5000 travailleurs sans papiers en grève cela montre que cette grève est pour le moment ultraminoritaire.
      Si les journaux d’extrême gauche étrangers qui parlent en ce moment d’une "grève générale" des sans papiers soutenus par tous les syndicats (sic) se renseignaient un peu, cela leur donnerait l’occasion de mettre l’événement dans un cadre plus réaliste. Ce qui bien sûr n’augure pas de l’avenir.
      Quand je parle d’analyse je ne parle pas simplement de chiffres élémentaires qu’il vaut mieux connaître, et que l’on peut trouver en épluchant la documentation gouvernementale ou patronale (encore faut-il la connaître et l’analyser) je parle d’un véritable travail d’enquête militante, selon notamment le principe de l’enquête ouvrière. Je renvoie pour cela aux questionnaires rédigés par des militants des groupes allemands Wildcat et Prol position que j’avais traduits et adaptés (y compris pour les étudiants lors de la lutte contre le CPE) http://www.mondialisme.org/spip.php?article484, mais il en existe d’autres, comme celui.... de l’Enquête ouvrière de Marx.
      L’équipe des Quaderni Rossi (les inventeurs de l’opéraisme italien) en avait rédigé aussi que j’espère traduire bientôt pour Ni patrie ni frontières.
      Autre exemple de réflexion et d’action qui combine intervention sur le local et réflexion globale sur le capitalisme, le site anglais http://gurgaonworkersnews.wordpress.com/ qui se fait l’écho des conditions de vie et de travail dans une zone industrielle de l’Inde sans tomber dans le misérabilisme, et en fournissant des analyses remarquables.
      Ce qui caractérise le plus souvent les militants dits révolutionnaires c’est une très faible connaissance du "terrain" sur lequel ils interviennent. Et cela se reflète dans leurs tracts comme dans leur presse. J’ai fait partie d’une cellule Renault (celle de l’Ile Seguin), il y avait plusieurs cellules de LO sur Renault, je n’ai jamais vu la moindre analyse ni réflexion ni sur l’entreprise à l’échelle nationale, encore moins sur l’industrie automobile, à l’échelle française, européenne ou mondiale. Nous raisonnions à partir du vécu des camarades de l’usine (je travaillais mais pas à Renault à l’époque), de leur expérience syndicale, mais nous ne tentions jamais de réfléchir au-delà.
      Je milite en ce moment au sein de RESF. Je retrouve dans ce Réseau (qui n’a certes aucune prétention révolutionnaire) les mêmes tares qu’à LO ou dans n’importe quel groupe gauchiste, du moins quant à la réflexion sur le sens et la portée de l’immigration, la question de la lutte contre le thème de l’identité nationale, etc. Autant sur les questions juridiques il y a une bonne mise en commun des tuyaux utiles pour la lutte immédiate, autant au niveau de la réflexion politique c’est soit l’indignation humanitaire pleine de bons sentiments (et souvent paternaliste voire inconsciemment chauvine, du moins sur les listes de discussion interne : "Nous la patrie des droits de l’homme", etc.), soit la délégation de la réflexion à des spécialistes... dont certains sont partisans d’un "bon" contrôle de l’immigration et hostiles à la régularisation de tous les sans papiers.
      Or une intervention politique efficace doit marcher sur au moins trois jambes, si ce n’est plus : une présence régulière et active sur le terrain, une réflexion fondée sur une enquête sérieuse, et une mise en perspective de cette action et de cette réflexion locales dans un cadre plus général que la simple défense de X ou Y, ou la grève dans telle ou telle entreprise.
      Voilà, je ne sais pas si j’ai bien répondu à la question que je tu posais....

    • Pour être sincère oui tu réponds à ce que tu estime être une analyse.
      "je parle d’un véritable travail d’enquête militante, selon notamment le principe de l’enquête ouvrière. Je renvoie pour cela aux questionnaires rédigés par des militants des groupes allemands Wildcat et Prol position que j’avais traduits et adaptés (y compris pour les étudiants lors de la lutte contre le CPE) http://www.mondialisme.org/spip.php..., mais il en existe d’autres, comme celui.... de l’Enquête ouvrière de Marx."

      Et en lisant les questions, tu confirme ce que je disais : "une descritption suivant certains critères". Car derrière ce type d’enquête, les questions sont orientées sans vraiment le dire.

      Car demander à un grèviste, s’il est satisfait de l’action du syndicat, ou à un salariè, s’il est content de son chef, c’est arrivé un peu avec des idées derrière laa tête comme on dit..
      LEs travailleurs doivent rapidement savoir notre point de vu. Car c’est nous qui sommes demandeurs d’informations. Et ils doivent pouvoir confronter honnêtement leurs conceptions sociales, politiques dans une libre discussion, qu’elle se fasse en tête à tête ou en A.G.

      Il me semble quand même que ce type d’enquête n’est pas dynamique et c’est la pb des enquêtes, elles figent les réponses qui sont exploitables après comme on veut.

      Dans ton exemple des Sans papiers, 5000 semble peu par rapport à 400000, mais uniquement parce qu’on veut démontrer à d’autre groupe que ce n’est pas la grève générale en ce moment.

      Mais si on veut démontrer que la CGT tente de briser les comités de grève, et surtout l’idées que c’est la lutte de tous les sans papiers, et pas seulement de ceux qui sont employés par des gros patrons, alors même une lutte de 50 sans papiers permet de discuter de cela.

      Là ou tu ne me répond pas, à mon avis, c’est sur la partie "interprétation des évènements" qui est bien expliqué par J.Clottes.

      Car dans le fond, ce qu’il veut dire à propos de peinture préhistorique, c’est qu’on peut regarder la même chose au même moment et avoir une analyse complètement opposée : pourquoi ?

      Parce qu’on n’a pas les mêmes idées et les mêmes lunettes.
      Donc ce qui me pose problème, c’est que tu semble relayer la philosophie et les problèmes théoriques, derrière des analyses (enquêtes) qui se voudraient objectives.

      Et c’est là que les problèmes commencent...

    • Voilà un exemple d’enquête menée par des syndcalistes, suite à un suicide, dans le cadre de l’intervention syndicale légale en 2010 en entreprise, en France : Lire ici

      Est ce qu’on peut dire que cette enquête est "objective" ?
      Si on évacue, on chasse de nos têtes tout ce que l’on sait depuis des années sur le monde du travail, alors on peut lire cette enquête et être d’accord avec ses conclusions implicites...Disney n’est pas responsable.

      Pour plus de renseignements sur ce qui s’est passé, cliquez ici., et le contexte de l’entreprise.

  • Autre point qui m’interroge et je te cite
    " Quant à en conclure que l’on débouchera automatiquement soit sur une troisième guerre mondiale soit sur une révolution, je ne vois pas l’intérêt de ce genre de pronostic.

    Quand tu utilise le mot "pronostic" j’ai l’impression qu’on parle du tiercé au PMU du coin. C’est une interprétation personnel mais j’aimerais être sûr que ce n’est pas ça.

    Qu’est ce qui n’est pas sérieux : prétendre en le démontrant que le capitalisme est un système qui arrive à son terme, au même titre que le féodalisme ou l’esclavage à une autre époque, ou prétendre sans le démontrer que le capitalisme en a vu d’autre et qu’il se relèvera de cette crise ?

    Je suis convaincu que le moteur de ce système est foutu.
    Est t’on d’accord sur la caractérisation du moteur ?

    Ce système n’existe que pour la rentabilité du capital.
    Si cet derniere est bloquée, le système s’arrête. ESt ce qu’il peut redémarrer ? S’il rétablit un niveau supérieur de rentabilité.
    Comment ? En détruisant une part suffisamment importante de capitaux ?

    Et c’est cette destruction qu’on appelle guerre mondiale.

    Maintenant l’intérêt de caractériser cette crise.

    Déjà parce qu’un travailleur avertit en vaut deux.

    Si on est d’accord que nous nous livrons à une guerre de classe, alors il est vital de comprendre contre quoi on se bat.

    Car nous avons mis en ligne beaucoup de témoignage personel de capitaliste et aussi de faits à l’échelle mondiale, notamment aux USA, qui montrent que la classe dirigeante se prépare à une politique de type fasciste.

    Les classes dirigeantes de ce système n’attendront pas tranquillement que le monde s’écroule.
    Les plans de relance passent et l’économie est toujours sous perfusion.

    C’est une similitude avec la situation de crise des années 30, sauf que cette fois c’est toute la planète qui connait la crise.

    En fait les crises passées ne touchaient jamais l’ensemble des nations.

    Cette fois si .

    A nous d’en tirer les conclusions.

    • "Qu’est-ce qui leur prend, à ces capitalistes, d’agir de façon à détruire le système qui était le leur ?

      Ils ne font rien de spécial. Ils ne font que fonctionner comme d’habitude. Investir et retirer leurs capitaux en fonction d’anticipations des résultats à venir."

      extrait du site M&R article : "nouvelle crise mondiale et capitalisme"

      Le secrétaire d’Etat américain Mellon face à la crise de 1929, cité Herbert Hoover, dans ses « Mémoires » :

      « Il suffit de liquider les ouvriers, les stocks, les agriculteurs et l’immobilier. »

      extrait de l’article du site M&R : "l’économie mondiale en route pour une nouvelle crise systèmique type 1929"

      Autre extrait :

      "La crise : ordre ou désordre ?

      C’est la crise.

      Tout le monde le sait. Tout le monde le voit. Mais on a du mal à la comprendre.

      Des crises, il y en a eu de nombreuses. Il y a presque toujours une crise, à un niveau ou à un autre dans cette société. De quel type de crise s’agit-il ?

      Mais qu’est-ce que la crise ?

      Pour tout le monde, la crise, c’est le désordre.

      En fait, la crise, c’est un trop grand ordre !

      Quand le système fonctionne, c’est le désordre des marchés qui changent sans cesse, dans un sens puis dans l’autre, sans être prévisibles à long terme, qui donne sa structure au système. En période de crise, tous les capitalistes jouent à la baisse en même temps sur tous les marchés. Il y a des petites phases de hausse où tout monte, puis tout redescend encore plus bas. Les rythmes qui continuent à exister ne sont plus du même type. Ce sont des rythmes trop ordonnés. Ce type de rythmes montre que le système est atteint.

      De telles crises systémiques peuvent avoir lieu dans un système social aussi bien que dans un système biologique. Quand les rythmes du cœur sont trop réguliers, quand le message du cerveau est trop ordonné, c’est la maladie grave.

      Que veulent les capitalistes ?

      Le système est menacé. On le sait puisqu’on n’arrête pas de nous dire qu’il faut toujours prendre des mesures plus radicales et des mesures impressionnantes pour sauver le système. Mais par qui le système est-il menacé ? Par les marchés, nous dit-on. C’est-à-dire par les possesseurs de capitaux !

      Qu’est-ce qui leur prend, à ces capitalistes, d’agir de façon à détruire le système qui était le leur ?

      Ils ne font rien de spécial. Ils ne font que fonctionner comme d’habitude. Investir et retirer leurs capitaux en fonction d’anticipations des résultats à venir. Mais toutes leurs anticipations leur disent que cela va s’effondrement. Et ils ne peuvent qu’y répondre en accroissant la chute …

      Ils sont en train de détruire le système en fonctionnant comme ils le faisaient avant et pourtant, maintenant, cela a comme résultat de démolir tout l’édifice.

      Chaque jour, leurs désinvestissements signifient : cette société va s’effondrer.

      D’où leur vient cet affolement ? Il vient du fait que les investissements rentables ont tous été épuisés et qu’ils ne peuvent plus trouver des achats dont ils estiment qu’ils vont rapporter du profit. Ce sont les grands capitalistes qui sont les artisans de la crise de leur propre système.

      Est-ce quelque chose de si étonnant ? Pas du tout. Dans les crises systémiques, c’est toujours le cas.

      Quand un système atteint ses limites ?

      La société féodale s’est écroulée à partir de 1789 du fait d’une crise provoquée en 1788 par la noblesse. La société pharaonique égyptienne s’est écroulée en 2350 avant J.-C du fait d’une crise au sein de la classe dirigeante qui a relancé le féodalisme au détriment du pouvoir central. Les révolutions qui ont suivi ces crises au sein de la classe dirigeante n’effacent pas le fait qu’il a fallu les conditions objective (les classes dirigeantes ne peuvent plus gouverner comme avant) pour que les classes opprimées se posent le problème d’intervenir et fassent la révolution (ou, parfois, que la classe dirigeante fasse une contre-révolution ou une guerre préventive). Les guerres mondiales, les crises mondiales n’ont pas été provoquées par les opprimées. Les révolutions sociales n’ont été que le produit des crises de la domination de classe, et non le contraire.

      C’est le capitalisme qui sonne la fin de son système. Bien entendu, cela n’enlève nullement aux opprimés, aux travailleurs, leur propre rôle pour bâtir une autre société.

      La fin d’un système, qu’est-ce que cela signifie ?

      Ce terme, qui est utilisé dans nos thèses, a fait réagir de nombreux lecteurs.

      Pourquoi parler de mort du système alors que ce sont les travailleurs qui peuvent, et eux seuls, en finir définitivement avec la société de classe, son exploitation et son oppression ?

      Il y a une différence entre une crise conjoncturelle, espèce de respiration un peu violente du système à de multiples échelles (crise d’une entreprise, d’un secteur, d’un pays, d’une région) et une crise systémique.

      Quand le fonctionnement n’est maintenu que par des intubations artificielles (à coups de centaines de milliards de dollars ou d’euros) qui permettent tout juste d’éviter la mort immédiate, c’est que le patient (Sharon par exemple) est très gravement malade. S’il s’agit de lui envoyer des doses phénoménales de sérum, de le nourrir et de le faire respirer artificiellement, on peut imaginer qu’il sortira à un moment du coma. Mais à condition que tous les hommes autour de lui ne soient pas dans le même cas. L’économie du Japon peut passer par un trou. Ou celle de l’Asie. Quand c’est l’économie mondiale c’est comme si tous les médecins autour de Sharon étaient eux aussi dans le coma ! Là, c’est fini.

      Cela change considérablement la perspective. La nécessité de la révolution sociale ne provient plus seulement de la révolte contre le système mais du fait que le bateau coule. Qu’on le veuille ou pas, il va falloir construire autre chose.

      Il ne va pas s’enfoncer en une fois. Par contre, quand il commencera à sombrer, cela ira vite. Il faut s’y préparer.

      Et ceux qui défendront qu’on peut encore prendre des mesures pour vivre sous son égide seront des gens dangereux

  • "Si on comprend que l’avenir proche est celui d’affrontements sociaux de grande ampleur, on ne peut non plus ignorer que l’avenir pour les travailleurs n’est pas au mode d’organisation des périodes calmes : la démocratie bourgeoise, les associations, la gauche et les syndicats. Elle est à l’auto-organisation des travailleurs : comités de travailleurs élus et révocables sur les lieux de travail ou d’habitation."

    D’ailleurs, ce qui accrédite cette idée, en France par exemple, c’est la volonté de l’Etat, du gouvernement, du patronnat et de tous les relais classiques média, de mettre en avant le rôle des syndicats, des partenaires sociaux, et de mettre en garde contre les risques d’auto organisation.
    Voir sur le site M&R comment la bourgeoisie apréçie la nouvelle CGT.

    Pourquoi l’Etat a cette volonté affichée en ce moment ?

    Pour toutes les raisons qui sont citées dans le texte, et surtout pour soutenir soit une solution fasciste, soit une solution Front populaire, qui ne fera que laisser le temps à la bourgeoisie de préparer sa guerre contre les travailleurs.

    De plus ces "affrontements sociaux de grandes ampleurs" ont déjà des secousses annonciatrices depuis quelques temps : en Iran, en Guinée, en Chine, en Islande, en Birmanie, aux USA, aux Antilles, en Metropole,au Vietnam, en Grèce, dans les Emirats Arabes, en Inde, en Amérique du Sud contre la gauche bourgeoise au pouvoir.

    La pression sur les classes ouvrières est trop forte pour que les secousses restent sous terre : en France les chiffres officiels sont : entre le début de l’année 2008 et la moitié de l’année 2009, il y a 400000 emplois de détruit, soit plus de 700 licenciements par jour.

    Le chomage partiel a été dans la même période multiplé par 10 : dans la même période d’un an et demi, ce sont 320000 salariés qui sont au chomage technique, soit 600 par jour.

    Aujourd’hui ce sont les agences d’intérim qui mettent la clé sous la porte..donc les commerçants le ressentent aussi etc...

    On sent dans les entreprises une exaspération plus profonde, au quotidien et sur l’avenir. Pendant que certain continue a s’exténuer à la tache, car les effectifs fondent, les travailleurs savent que leurs enfants n’ont presque aucune chance de vivre plus tard de leur travail.

    Les syndicats sont des pantins des directions et continuent de se couper lentement mais surement des travailleurs.
    Pourtant ils existent et continuent de représenter un mythique contre pouvoir dans l’entreprise.
    Et les 2 ne sont pas si contradictoires que ça en a l’air.

    LEs travailleurs peuvent penser que les syndicats ne sont pas parfaits mais qu’ils défendent quand même un minimum leurs intérêts.

    Ils sont par contre loin de penser que ces derniers sont programmés pour être leur pire ennemi.

    Toutes ces erreurs, sont aussi une méconnaissance de l’histoire de ces organisations, mais surtout une méconnaissance des implications de l’existence des classes sociales dans les sociétés humaines.

    Pourquoi le combat de la classe ouvrière serait il plus simple que celui des esclaves depuis Spartacus sous l’antiquité par exemple.

    En ce sens la secte des chrétiens à l’époque ou elle était clandestine est aussi inutile aux esclaves de Saint Domingues 1800 ans plus tard, que les syndicats à l’époque de la Commune le sont en 2009 aux chomeurs et révoltés du monde du travail.

    Cette exemple m’avait bien plu quand un copain l’a donné récemment à propos de ce débat...

    A part ça je trouve tous les points du texte fondamentalement juste.

  • Ne laissons pas les syndicats décider pour nous : tenons des AG, discutons entre nous des moyens d’élargir la lutte, privilégions dans nos revendications ce qui nous unit avec les travailleurs des autres secteurs, envoyons des délégations vers d’autres entreprises avec des tracts appelant à se mobiliser sur ce qui nous unit. Préparons ensemble les manifestations, non pas pour défiler chacun derrière "sa" banderole, mais pour prendre contact avec d’autres prolétaires. Refusons, aussi bien le saucissonnage corporatiste au nom des "acquis de la profession" que celui qui sépare soigneusement les attaques venues du MEDEF de celles mises en place par l’Etat.

    Prenons les syndicats, les partis de gauche et le gouvernement pour ce qu’ils sont : des ennemis. Ne comptons que sur nos propres forces.

    PE

  • Le syndicat est une organisation réformiste

    Cette pression à l’adaptation est d’autant plus forte en période de calme social. En ces moments là, les directions syndicales s’adaptent à la passivité de leur base sociale électorale. Plus les syndicats font des bon scores électoraux aux Prud’hommes, plus ils bénéficient de subventions sous la forme d’argent ou d’heures de décharge syndicale. La nouvelle loi sur la représentativité syndicale (juillet 2008) changera et a déjà changé beaucoup de choses dans les relations intersyndicales. [12] En effet les cinq organisations syndicales historiques (CGT, FO, CFDT, CFDT et CFE-CGC), doivent, désormais, au même titres que les autres « petites » (SUD, CNT etc.) prouver qu’elles représentent bien les salariés selon sept critères [13] adoptés par la position commune pour se présenter aux élections prud’hommales. La volonté d’institutionnaliser les syndicats sur la base de leurs scores électoraux, accentue la concurrence entre eux et concentre leur activité sur les élections au détriment des luttes.

    Le financement public, par exemple ne permet pas aux syndicats de développer une indépendance vis-à-vis des institutions. En effet les syndicats n’étant pas obligés de publier leur compte, il est difficile de savoir quelle est la part des fonds publics que reçoivent les syndicats. La loi qui les y autorise date de 1884, à l’origine il s’agissait de garantir l’anonymat des travailleurs qui cotisaient. De nos jours cela a plutôt comme conséquence d’entretenir la suspicion et de faire naître la méfiance chez ces derniers (affaire UIMM [14]). Mais surtout cela ne permet pas de savoir à quelle hauteur les cotisations syndicales participent de la construction des syndicats.

    Le fait de cotiser doit avoir comme résultat que les travailleurs construisent au quotidien un des outils de leur lutte contre les patrons, or un financement opaque et largement subventionné par l’État, ne permet pas cette prise de conscience. De plus la cotisation syndicale est importante pour financer les différentes outils du syndicats : tracts, brochures, formations, journées d’études, congrès, etc. L’argument qui justifie de se servir des fonds publics pour construire les syndicats, n’est donc pas juste car il maintient les travailleurs dans une position d’adhérents et non pas d’acteurs, de constructeurs de leur syndicat. Ceci a pour conséquence de renforcer le substitutisme du syndicat : votez pour les syndicats aux prud’hommes, dans les CE, dans les CA, etc. et les délégués et commissaires paritaires feront le reste. Cette situation n’est pas forcément critiquée par les syndiqués car ils n’ont pas le temps ni la formation pour décortiquer les nouvelles lois et leur retombées sur leurs conditions de travail. Cette face du syndicat montre sa tendance profondément réformiste, c’est-à-dire qu’il est possible de changer les choses, d’améliorer les conditions de travail par l’accumulation des réformes (convention collective, recours aux Prud’hommes, parfois quelques grèves pour maintenir la pression) mais les salariés sont passifs, ils ne développent pas un esprit combatif au quotidien.

    Or le rapport entre syndiqués/délégués/bureaucrates s’auto-entretient, car les délégués syndicaux sont confortés dans leur démarche par la passivité des travailleurs, qui se tournent vers eux pour régler des problèmes qui paraissent individuels. Cette position peut être un atout car les salariés ont confiance dans le travail quotidien du délégué, ils peuvent du coup être influencés par le discours du délégué sur la nécessité de l’action collective, mais la réciproque est vraie : si le délégué pense qu’une mobilisation n’est pas utile, les salariés ont tendance à le suivre dans cette démarche. Or les bureaucrates finissent par se convaincre que les luttes sont difficiles à mener car les syndiqués sont la plupart du temps passifs et que les résultats positifs ou négatifs de leurs négociations quotidiennes semblent détachés du rapport de force issus des luttes antérieures.

    La nature contradictoire des syndicats, met ainsi les dirigeants syndicaux face à des choix antagonistes lorsque des luttes éclatent. Tout d’abord, ils ne sont pas sûrs que les luttes soient victorieuses et perdent confiance dans la capacité des travailleurs à s’auto-organiser et à se radicaliser dans une lutte où ils ne sont pas directement impliqués. Surtout ils craignent davantage que les défaites n’accentuent la désyndicalisation et du coup ne leur fassent perdre leur légitimité vis-à-vis du patron/gouvernement. Mais également de voir leur influence diminuée auprès des syndiqués, ce qui se traduirait en une perte de voix et donc en nombre de décharges syndicales dont ils disposent, voire leur propre poste. Et quel permanent syndical aurait envie de retourner travailler après cinq à quinze ans d’arrêt de travail ?

    Par ailleurs en cas de mouvement de grève, il est fort possible que les dirigeants se fassent déborder par leur base, active dans les cadres d’auto-organisation (AG, comité de mobilisation, piquet de grève, etc) et donc plus proche des travailleurs (comme c’est le cas des délégués-séquestrateurs). Une lutte trop radicale a tendance à se politiser rapidement et à mettre en doute la légitimité du pouvoir en place. La perte de contrôle de ces luttes peut s’opposer à la stratégie réformiste des syndicats. Ils doivent sans cesse alterner mobilisations importantes pour maintenir ou améliorer leur position et en freiner la montée pour la conserver. Ils suivent alors le mouvement pour tenter de le récupérer ou d’en prendre la direction car ils tentent de conserver une légitimité à double face : auprès des patrons et du gouvernement d’une part et auprès des travailleurs d’autre part. On touche ici au cœur de la contradiction syndicale. Les permanents syndicaux ne sont plus des travailleurs car ils n’interviennent plus directement ou indirectement dans le processus de production mais ils ne sont pas non plus des patrons car il ne bénéficient pas de l’exploitation des travailleurs.

    Les syndicats comme cadres de front unique

    Dans les parties précédentes nous avons pu constater à quel point les syndicats sont des organisations contradictoires. Tout à la fois cadres de masse et organisations minoritaires, elles ont également un potentiel de radicalisation fort, tout en étant profondément réformistes. À cause de cette nature contradictoire, qui n’est finalement que le reflet accentué des contradictions de la classe ouvrière et des pressions de la classe dirigeante, le syndicat doit donc être vu comme une forme de front unique pour les anticapitalistes. Un front unique particulier car il n’y a pas à proprement parler de directions réformistes, le syndicat étant lui-même réformiste par nature.

    La tactique du front unique repose en effet sur l’idée que les travailleurs seuls ont le pouvoir de s’émanciper et de faire changer les choses quand ils prendront le contrôle de la production, mais également que ces mêmes travailleurs sont le plus souvent passifs et soumis à la pression des idées dominantes qui ne cessent de les diviser. Or le sentiment qui domine l’ensemble des travailleurs est que l’on doit changer les choses mais que cela doit se faire en « douceur » par des réformes et donc des lois qui régissent le monde du travail. Cet état d’esprit, qui est également valable pour la plupart des syndiqués, a pour conséquence de les pousser plus volontiers vers une démarche consistant à accumuler les petites réformes progressives dans un contexte favorable ou à se contenter d’essayer de limiter la casse lorsque la situation est plus difficile. Cette politique réformiste tend en retour à surestimer le poids du cadre institutionnel dans le rapport de forces que détient le syndicat et donc à privilégier ce dernier par rapport au développement des luttes.

    Les anticapitalistes doivent donc intervenir de façon active dans les syndicats pour convaincre que la perspective d’un changement de système économique et social n’est pas seulement une possibilité historique mais également une nécessité stratégique. Cette position, qui peut être résumée par la formule « les révolutionnaires sont les meilleurs réformistes » a été fortement appuyée par l’histoire du mouvement politique et syndical. L’exemple en négatif le plus connu étant certainement celui des dirigeants réformistes du PCF et de la CGT en 1936, demandant aux travailleurs français de stopper une grève qui remportait victoire sur victoire. [15] L’intervention dans les syndicats en tant qu‘anticapitalistes et pas seulement comme syndicalistes est donc nécessaire car elle implique de combattre l’ensemble des causes qui alimentent cette tendance réformiste et les conséquences pratiques qui en découlent.

    Construire

    La force du syndicalisme se trouve dans sa vocation à regrouper l’ensemble des travailleurs pour la défense de leurs droits. Le seul travail de syndicalisation implique donc une élévation du niveau de conscience de classe par la mise en évidence d’intérêts communs, quelles que soient les distinctions de « races », de sexe, de religion, etc. entre des individus soumis au quotidien à la dictature de l’idéologie dominante et donc, à la division. Ce regroupement, quand il est combiné avec des mobilisations victorieuses, implique également le développement de la confiance des travailleurs en leurs propres forces pour changer leur quotidien et à une échelle plus large, la société toute entière.

    Or les syndicats ont la capacité de regrouper l’ensemble des travailleurs parce qu’ils prouvent leur utilité au quotidien. Pour cette raison le travail syndical de défense individuel, de bataille sur l’ensemble des éléments qui peuvent améliorer les conditions des travailleurs ne peut être laissé aux bureaucrates syndicaux ou plus largement aux syndiqués qui ne sont pas dans le parti tandis que les anticapitalistes se contenteraient d’une attitude uniquement propagandiste. Au contraire, pour convaincre de leur orientation les anticapitalistes doivent également être « les meilleurs syndicalistes » et permettre aux travailleurs d’être les acteurs des luttes.

    Les militants anticapitalistes doivent donc se syndiquer mais aussi faire en sorte que les travailleurs se syndiquent. Un parti, et à plus forte raison, un parti anticapitaliste ne peut pas faire le travail de défense des travailleurs au quotidien car il ne regroupe par définition qu’une frange minoritaire des travailleurs. Plus il y aura de syndiqués convaincus par les anticapitalistes, plus les rapports de force entre la base et la direction se poseront de manière aiguë.
    Démocratie

    Mais pour cela il faut œuvrer pour plus de démocratie dans les syndicats. Tout d’abord les syndiqués devraient pouvoir délégitimer une direction syndicale (par un vote par exemple) si elle ne respecte pas le mandat pour lequel elle a été élue, et cela sans attendre un congrès mais au lendemain d’une mobilisation. Cela implique également une campagne de syndicalisation qui s’appuie sur l’idée que plus les syndiqués auront le contrôle, y compris financier, de leur outil syndical, plus le syndicat pourra être démocratique et offensif en période de lutte.

    Il faut également s’organiser au sein du syndicat pour faire entendre une voix alternative quand les directions syndicales donnent l’impression de trahir. Dire que les directions syndicales trahissent est un truisme. Cette position propagandiste encourage un pessimisme et donc une tentation à la passivité chez les syndiqués qui se diront « à quoi sert de se syndiquer puisque les directions vont nous trahir de toutes façon ? ». Inciter à la syndicalisation, utiliser la tactique du front unique dans les syndicats, ne doit pas se borner à dénoncer à tout prix les directions, mais être une médiation pour organiser les franges les plus radicales des travailleurs. Le syndicat doit être perçu comme un double moyen : se défendre au quotidien et apprendre à se battre collectivement.

    Ce rapport au syndicalisme doit donc être combiné. Le Nouveau Parti Anticapitaliste doit compter dans ses rangs des cadres syndicaux intermédiaires, au contact des travailleurs, mais qui construisent aussi leur syndicat. Ces cadres doivent se battre au quotidien pour organiser les syndiqués et les non-syndiqués, les défendre au quotidien mais aussi en faire des acteurs des luttes. Ils doivent favoriser l’auto-organisation des travailleurs en période de lutte sous la forme de conseils des travailleurs, d’AG souveraine, d’AG de ville etc.
    Une intervention coordonnée

    Le combat pour une orientation syndicale conséquente ou le progrès de la démocratie interne ne peut toutefois être le fait d’individus isolés. Pour que les analyses et les positions quotidiennes des sections syndicales comme des confédérations puissent être contrôlées par l’ensemble des syndiqués, il faudra que les militants anticapitalistes s’organisent afin de proposer le cas échéant une orientation alternative. La situation actuelle, où les militants du NPA interviennent dans des syndicats différents, implique de mettre en place des cadres de discussion et/ou d’intervention au niveau intersyndical. C’est un préalable nécessaire à la convergence des mots d’ordre qui font avancer le mouvement social dans son ensemble et toujours dans son intérêt de classe.

    Réclamer la régularisation de tous les sans-papiers, par exemple, est non seulement juste mais nécessaire car cela permet de combattre la division des travailleurs. Chaque anticapitaliste doit pouvoir porter une telle revendication dans son syndicat. Mais arriver à un tel résultat ne sera pas possible sans une réelle coordination des anticapitalistes.

    Bien entendu, les formes que prendront de tels cadres de discussion et d’intervention, ne peuvent être déterminés de manière abstraite. Ceci est vrai à l’interieur du NPA, mais l’est encore plus au sein des syndicats. Quel serait alors l’outil le plus pertinent ? L’idée d’un courant « lutte de classe », organisé autour d’une revue diffusée à l’ensemble des syndiqués, a par exemple émergé lors de la première commission nationale public/privé/privés d’emploi du NPA. Cela aurait le mérite de faire progresser l’intervention coordonnée des anticapitalistes et de faire entendre une autre voix que celle des directions réformistes. Mais cela pose également de nombreuses autres questions. S’agirait-il d’un regroupement de tendances ? Devrait-il uniquement regrouper les membres du NPA ? Devrait-il avoir une expression publique ? etc. Nous devons mener le débat dans l’ensemble des cadres du NPA et, à l’échelle nationale, du comité de base jusqu’au comité exécutif en passant par les indispensables commissions.
    Notes

    [1] D. Andolfatto, D. Labbé, Les syndiqués en France, 1990-2006, Liaisons, 2006.

    [2] Cf. « L’appel et la pioche : jeunes, précaires, anticapitalistes », entretien avec Leïla dans le même numéro, p34.

    [3] 3. Pour une analyse complète du mouvement de Mai 68 : Chris Harman, Quand la France prit feu, consultable en français sur http://tintinrevolution.free.fr/fr/….

    [4] Les études actuelles estiment qu’elle est inférieure à 2 millions aujourd’hui. Sachant que les chiffres d’avant la seconde guerre mondiale sont uniquement ceux déclarés par les organisations elles-mêmes on peut raisonnablement estimer que la syndicalisation en 1937 s’élevait à environ 4 millions de travailleurs.

    [5] Pour une analyse plus fine sur la question, lire l’entretien de Jean-Daniel Lévy réalisé par Dominique Mezzi et Francis Sitel dans Critique Communiste n°178, 2005.

    [6] Enquête REPONSE 2004 (volet représentant du personnel et volet représentation de la direction) citée dans La lutte continue ?, Éditions du croquant, 2008, sous la direction de Sophie Beroud.

    [7] Correspondant dans cette étude à au moins deux diffusions de tracts et/ou tenues de permanence par trimestre.

    [8] Selon un sondage BVA du 12 juin, 72 % des français, considéraient la mobilisation comme « justifiée ».

    [9] Leila Soula, « La charte d’Amiens, mythe et réalités », revue Que faire ?, n°7, janvier-mars 2008, consultable sur http://quefaire.lautre.net/articles… .

    [10] Sondage CSA, septembre 2007-2008.

    [11] « Séquestrer son patron, la nouvelle arme sociale », Libération.fr, 9 avril 2009.

    [12] Pour une analyse des conséquences de cette réforme sur la stratégie intersyndicale notamment, lire Sophie Béroud et Karel Yon, « Face à la crise, que fait le mouvement syndical ? », Contretemps, nouvelle formule, n°1, consultable sur http://contretemps.eu/interventions….

    [13] La position commune propose que la reconnaissance de la représentativité syndicale soit évaluée en fonction de sept critères : les effectifs d’adhérents et les cotisations, la transparence financière (certification des comptes), l’indépendance, le respect des valeurs républicaines, l’influence (activité, implantation, etc.), une ancienneté de deux ans minimum, ainsi que l’audience établie à partir des élections professionnelles (élections aux comités d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel). Pour ce dernier critère, un seuil de 10% des « suffrages valables exprimés » est fixé.

    [14] Sur l’affaire de l’UIMM : « La justice ouvre une enquête sur une grande figure du patronat… », Les Échos, 26 septembre 2007.

    [15] Sur le sujet lire Sarah Benichou, « 1936 : Tout est possible », Que Faire ?, n°4, juillet-septembre 2006, consultable sur http://quefaire.lautre.net/articles….

    • Salut, moi c’est Max.

      J’ai juste une question par rapport à tes écrits : as tu lu notre texte d’introduction et qu’en pense tu ?

      J’ai lu tes positions et évidemment j’y suis à 100% opposé.

      Pas parce que le NPA a dit telle ou telle chose.

      Non sur ce que tu écris sur notre site.

      je te cite : " La volonté d’institutionnaliser les syndicats sur la base de leurs scores électoraux, accentue la concurrence entre eux et concentre leur activité sur les élections au détriment des luttes."

      Tu parle des syndicats tels qu’ils sont en ce moment, et tels qu’ils ont été à une époque peut être ? Je ne sais pas.

      En tout cas, pour toi les syndicats sont pour les luttes et la loi de représentativité va contre ça.

      Dis moi pourquoi alors en 2007, les cheminots ont fait grève avec une participation jamais vu auparavant (75%) et que la CGT a tout de suite dit qu’il n’y aurait pas de suite au mouvement.

      A cause de quelle loi ?

      Les syndicats codirigent depuis combien de temps les organismes d’état des retraites, de sécu, de logement, de chomage, d’emploi etc...

      Sais tu qu’en 1914 la CGT était au gouvernement pour envoyer les travailleurs dans la plus grande boucherie de l’histoire de l’humanité ?

      Sais tu que au quotidien dans n’importe quelle entreprise, les syndicats agissent en fonction des ordres qu’ils reçoivent du patronnat. Et ça du plus petit délégué qui reçoit ses consignes du délégué syndicale, qui obéit au patron.

      Si ce n’est pas le cas alors soit le délégué va être rapidement viré du syndicat, soit viré de l’entreprise, soit isolé au maximum pour être neutralisé si son licenciement est trop risqué par rapport à une réaction des travailleurs.

      Si une section syndicale entière, contre la bureaucratie, commence à prendre de l’ampleur malgré tout, alors le patron va se servir (ou créer de toute pièce) des autres syndicats pour lutter contre et semer la division.

      Alors ce que je veux te dire, c’est que quand on manipule le feux, on ne peut se convaincre et convaincre les autres que c’est sans danger.

      Par ailleurs plusieurs fois tu parle de passivité des travailleurs, et là tu semble convaincu !
      C’est exactement ce que j’entends à chaque fois que je parle avec un syndicaliste qu’il soit petit délégué ou grand.

      Pourtant la passivité est une notion piège : le volcan semble éteint lui aussi.
      les 3 millions de travailleurs au mois de mai existaient en France, ceux d’Iran existent encore, en Guinée aussi, les agriculteurs, les pêcheurs, les étudiants et les enseignants chercheurs...

      Tout ces gens n’ont pas été passifs, même s’ils l’étaient avant ou après...que les organisations ouvrières ou d’opposition les aient roulés dans la farine.

      Tu vois dans les syndicats des orga de lutte, moi j’y vois des orga pour décourager, et briser s’il le faut, les luttes.

  • Barta le 11 décembre 1947 :

    Un document à lire -> OU ETAIENT LES SCISSIONNISTES ?

    "Les manoeuvres de la réaction sont parvenues à entamer notre front de lutte". C’est ainsi que le "Comité central national de grève" cégétiste justifie la défaite à laquelle il vient de conduire les ouvriers.

    Mais dans quelle catégorie de réactionnaires faut-il classer Léon Jouhaux et "Force Ouvrière" qui, par leur appel à la répression policière contre les grévistes ont entamé, plus qui quiconque, le front de lutte ? Ne sont-ils pas membres de la C.G.T. et du bureau confédéral ?

    A l’épreuve, la C.G.T. qui devait soi-disant assurer l’unité des travailleurs, s’est avérée le principal facteur de division et de désagrégation. Quel spectacle lamentable que la scission, en plein mouvement gréviste, du cartel des fonctionnaires, de Fédérations faisant appel à la grève et leurs syndicats ne suivant pas, ou de syndicats faisant la grève quand leurs Fédérations se prononçaient contre ! Voilà les fruits du régime de violences et d’étouffement entretenu par les deux cliques, frachoniste et jouhausiste, qui forment l’appareil bureaucratique de la C.G.T.

    Quel contraste avec le mois de mai, quand le Comité de grève réalisa, pour la première fois depuis 36, l’unité librement exprimée de tous les travailleurs de chez Renault, inorganisés ou organisés et quelle que fût leur appartenance !

    Quelle différence entre une C.G.T. dont l’unité n’était que façade et l’attitude du S.D.R. qui a constamment subordonné son activité à la volonté de la majorité des travailleurs et à l’unité d’action avec les autres organisations syndicales.

    Où sont les scissionnistes ?

    Tous les travailleurs qui ne s’étaient résignés à rester dans la C.G.T. que parce qu’ils pensaient que celle-ci représentait tant bien que mal une garantie d’unité, sont aujourd’hui amèrement déçus. Le coup de poignard dans le dos de Jouhaux, en mettant fin au mythe de "l’unité" dans une C.G.T. bureaucratisée, les laisse complètement désorientés.

    Mais l’action du Comité de grève, au mois de mai, et du S.D.R. depuis, bien que privés de toutes ressources ou facilités, prouve ce dont sont capables les travailleurs lorsqu’ils prennent leur sort en leur propre main.

    Pour refaire l’unité syndicale de la classe ouvrière, il n’y a d’autre moyen que de commencer à reconstruire à la base, dans chaque usine, des syndicats directement sous le contrôle des ouvriers, englobant leur majorité sans distinction de tendances, et lier ces syndicats les uns aux autres au fur et à mesure de leur création. Dans certains cas, comme chez Alsthom-Lecourbe, le Syndicat C.G.T. en entier, se méfie depuis longtemps de la direction confédérale, et le lien avec celle-ci n’est que nominal. Mais dans un cas comme dans l’autre, il faut s’assurer des fondations de la maison avant de mettre le toit ; et c’est là tout le sens du travail accompli jusqu’à maintenant par les camarades initiateurs du S.D.R.

    LA VOIX DES TRAVAILLEURS

    • Toujours de Barta :

      AU MATERIEL TELEPHONIQUE
      Pas d’unité sans démocratie

      Si les ouvriers du L.M.T., après avoir voté, quelques semaines auparavant, contre la grève, sont entrés en lutte, c’est dû, en partie, à leur situation actuelle, mais, avant tout, à l’ampleur que paraissait prendre le mouvement. Les responsables cégétistes ayant promis une grande lutte généralisée, avec toutes les garanties.

      Seuls quelques ouvriers continuèrent à travailler, dont plusieurs méfiants, qui attendaient un mouvement effectif pour s’y joindre. Un ancien délégué du 473 était du nombre. Mais la majorité des grévistes restèrent chez eux. Quant aux autres (pour la plupart des cégétistes), plus combatifs, ils organisèrent la défense de l’usine, dressèrent des barricades, formèrent des équipes de garde, etc.

      Mais au bout de trois semaines de grève, l’inquiétude finit par gagner les grévistes malgré les bals et les tombolas. La police et le renvoi ne les effrayaient pas. Au contraire, tous étaient prêts à lutter, mais l’unanimité, qui est tout, n’existait pas et chaque gréviste se sentait impuissant contre cela.

      – Il faut s’unir à la base, disait un délégué.

      – Si tous les gars marchaient, reprenait un ouvrier, nous ferions des manifestations.

      – Si toutes les corporations arrêtaient en même temps, ça ne durerait pas si longtemps, ajoutait un autre, énervé.

      Quant au délégué cégétiste Deveau, qui sentait de quel côté venait le vent, il avait découvert les coupables et déclara, dans une assemblée générale : "Si le mouvement n’est pas unanime, c’est la faute de ceux qui criaient à la grève, avant, et qui, maintenant, font les jaunes".

      Mais qu’avait dit M. Deveau à cette époque-là ? "Un tel mouvement se heurterait à la police et à la réaction fasciste. La classe ouvrière n’est pas prête."

      Que pouvaient penser les ouvriers du L.M.T. quand ce même Deveau, ces jours derniers, envisageait l’intervention de la police pour faire voir comment les ouvriers savent se battre (sic), alors que ceux-ci étaient divisés, affaiblis et que certains d’entre eux, après avoir écouté la C.G.T., parlaient de reprendre le travail isolément parce qu’ils se sentaient trahis. Quand, dans une réunion, un délégué cégétiste, après un laïus interminable sur la force d’un grand mouvement généralisé, déclarait à un ouvrier que le bureau confédéral était contre ?

      Le bluff des girouettes cégétistes du L.M.T. n’aura pas trompé les ouvriers. Les défaites changées en victoires ne peuvent que les détourner davantage de la lutte.

      En réalité, même des délégués cégétistes, au L.M.T., arrivèrent à comprendre que seul un regroupement démocratique de tous les ouvriers à la base peut assurer l’unanimité, gage essentiel de leur victoire.

  • Ci-joint le point de vue de la Fraction (de LO ou du NPA) :

    Un cadre d’organisation

    C’est que les organisations syndicales ne sont pas que les relais des politiques de collaboration de classes de leurs directions. Elles restent bien souvent encore, malgré tout, en particulier au niveau des entreprises, des organisations de classe, défendant au quotidien les intérêts des travailleurs face à l’exploitation, et regroupant ces travailleurs par-delà la diversité des opinions ou des préjugés philosophiques, politiques ou religieux. C’est fondamentalement pour cela que les militants communistes et révolutionnaires peuvent et doivent y trouver leur place, peuvent et doivent y militer. Bien entendu à leur manière et non à celle que voudraient trop souvent imposer les appareils bureaucratiques. Une manière qui commence dans la pratique quotidienne : en cherchant au maximum à se servir du cadre syndical pour réunir les travailleurs pour leur permettre de discuter et décider de tout ce qui les concerne, de devenir leurs propres organisateurs, c’est-à-dire leurs propres maîtres ; en utilisant les facilités militantes qu’offre la législation (mandats et heures de délégation par exemple) ou encore les positions dans la hiérarchie syndicale non seulement pour défendre face au patron systématiquement les intérêts individuels ou collectifs de leurs camarades mais aussi pour rendre des comptes et soumettre à tous leur activité et leur action. Bref, en essayant d’animer une vie syndicale réellement démocratique qui puisse être une « école de la classe ouvrière » au travers de laquelle celle-ci apprend à défendre elle-même ses intérêts, à prendre réellement ses affaires en main.

    Les possibilités pour mener un tel travail sont certainement extrêmement variables selon les entreprises et les secteurs, mais c’est cela qui doit rester fondamentalement l’objectif du militantisme dans les syndicats. D’autant plus que faire vivre une telle activité d’organisation à la base est finalement le seul moyen d’éviter les pièges que réserve le syndicalisme et de résister aux pressions qu’il exerce sur les militants. Car entre les politiques patronales qui cherchent à s’associer les syndicats et une situation où trop souvent les travailleurs eux-mêmes ne se posent guère le problème de contrôler les organisations syndicales et leurs élus, le risque est grand pour un militant de se retrouver, sans l’avoir voulu, coupé des travailleurs et du coup dépendant des appareils bureaucratiques et de la politique de collaboration de classe de ceux-ci.

    • Les révolutionnaires ne doivent pas se tenir à l’écart des revendications quotidiennes des travailleurs. Les luttes sociales, même limitées dans leur ampleur et leurs revendications, sont une éducation de classe élémentaire des travailleurs. Elles leur permettent partiellement de mesurer leurs forces et celles de leurs adversaires. Mais la conscience de classe, c’est déjà autre chose. Cela nécessite que ces luttes dépassent le cadre corporatiste ou d’une seule entreprise. Cela nécessite aussi que les travailleurs prennent conscience d’appartenir à une classe internationale. Enfin, il faut que cette conscience de classe mène à une conscience historique du rôle du prolétariat, ce qui n’a rien de spontané. En ce sens, les grèves qui mènent les travailleurs à s’organiser ont un rôle tout particulier. Les travailleurs qui ont participé aux décisions, pesé les tenants et les aboutissants de la lutte, en ont tiré des leçons sociales et politiques beaucoup plus que l’ensemble des grévistes.

      Donc l’activité réformiste de la classe ouvrière, de type syndical, même si elle déborde sur le plan d’organisation des cadres des appareils, est bien le premier pas de la conscience de classe. Mais ce premier pas, loin de mener directement au second, est souvent une entrave pour faire le second. Tout d’abord, il n’y a rien de spontané dans la conscience révolutionnaire du prolétariat. Les circonstances révolutionnaires jouent. La théorie révolutionnaire aussi. Pas de parti sans théorie révolutionnaire. Précisons que le parti ce n’est pas d’abord des calculs tactiques, concentrant par exemple syndicats et revendications, mais d’abord une conception théorique permettant une appréciation des situations, des forces des classes et des perspectives. Et perspectives ne veut pas dire propagande générale pour le socialisme. Il ne suffit pas, en effet, de généralités mais il faut analyser des situations données, toujours nouvelles. L’histoire ne se répète pas. Le chirurgien étudie la physiologie, les techniques opératoires. Il a besoin d’un véritable art comme le musicien, mais rien ne peut remplacer sa capacité d’analyse d’une situation particulière. C’est loin d’être simplement de la tactique.

      L’autre point est la prise en compte du fait que le syndicalisme a pris un tour particulier dans une longue période de relative stabilité dans les pays impérialistes. Il est intégré comme jamais dans l’histoire. Les travailleurs des grandes entreprises le sont aussi. Le réformisme a pris de l’ampleur. Et, malgré le revers de la crise, les travailleurs sont encore englués dans le réformisme. Ils ne sont pas indignés d’une façon générale de la collaboration de classe. Ils sont fâchés parfois de la stratégie syndicale mais ne l’attribuent pas à sa vraie cause. Ils incriminent la division syndicale, une trahison de tel ou tel leader alors qu’il s’agit d’un phénomène général, international et historique. Ils croient que les syndicats n’ont pas le rôle qui devrait être le leur à la manière dont ils pensent que l’Etat ou le gouvernement n’ont pas le rôle qui devrait être le leur. Sous-entendu, ces organismes devraient, d’après eux, servir un intérêt général. C’est-à-dire un raisonnement diamétralement opposé à celui de la lutte des classes. Les directions syndicales ont choisi une classe et ce n’est pas le prolétariat. Il ne suffit plus, dès lors, que des révolutionnaires postulent à leur direction. Exactement comme il ne suffirait pas que d’honnêtes révolutionnaires prennent la tête de l’Etat bourgeois pour en changer la nature !

      Robert Paris

      P.S

      Je conclurai volontiers ces quelques remarques par des réflexions fondamentales de nos illustres prédécesseurs. Sans religion de la parole du passé, elles me semblent un élément important de la réflexion.

      Léon Trotsky dans Les syndicats dans l’époque de transition :

      “Les sections de la IV° Internationale doivent constamment s’efforcer, non seulement de renouveler l’appareil des syndicats, en proposant hardiment et résolument dans les moments critiques de nouveaux leaders prêts à la lutte à la place des fonctionnaires routiniers et des carriéristes, mais encore de créer, dans tous les cas où c’est possible, des organisations de combat autonomes qui répondent mieux aux tâches de la lutte des masses contre la société bourgeoise, sans même s’arrêter, si c’est nécessaire, devant une rupture ouverte avec l’appareil conservateur des syndicats.(...) Les bureaucrates des syndicats s’opposeront, en règle générale, à la création de comités d’usine, de même qu’ils s’opposeront à tout pas hardi dans la voie de la mobilisation des masses. Il sera, cependant, d’autant plus facile de briser leur opposition que le mouvement aura plus d’ampleur. (...)Cependant, la principale signification des comités est de devenir des états-majors de combat pour les couches ouvrières que le syndicat n’est, en général, pas capable d’atteindre. C’est d’ailleurs précisément de ces couches les plus exploitées que sortiront les détachements les plus dévoués à la révolution. Dès que le comité fait son apparition, il s’établit en fait une DUALITÉ DE POUVOIR dans l’usine. Par son essence même, cette dualité de pouvoir est quelque chose de transitoire, car elle renferme en elle-même deux régimes inconciliables : le régime capitaliste et le régime prolétarien. L’importance principale des comités d’usine consiste précisément en ce qu’ils ouvrent, sinon une période directement révolutionnaire, du moins une période pré-révolutionnaire, entre le régime bourgeois et le régime prolétarien. Que la propagande pour les comités d’usine ne soit ni prématurée ni artificielle, c’est ce que démontrent amplement les vagues d’occupations d’usines qui ont déferlé sur un certain nombre de pays. De nouvelles vagues de ce genre sont inévitables dans un prochain avenir. Il est nécessaire d’ouvrir à temps une campagne en faveur des comités d’usine pour ne pas se trouver pris à l’improviste.”

      « Le mot d’ordre de comités ne peut être abordé que par une véritable organisation révolutionnaire, absolument dévouée aux masses, à leur cause, à leur lutte. Les ouvriers français viennent de montrer de nouveau qu’ils sont dignes de leur réputation historique. Il faut leur faire confiance. Les soviets sont toujours nés des grèves. La grève de masse est l’élément naturel de la révolution prolétarienne. D’atelier en atelier, d’usine en usine, de quartier en quartier, de ville en ville, les comités d’action doivent établir entre eux une liaison étroite, se réunir en conférences par villes, par branches de production, par arrondissements, afin de couronner le tout par un congrès de tous les comités d’action de France. »
      Extraits de Léon Trotsky dans « L’étape décisive » (5 juin 1936)

      "Une des erreurs les plus grandes et les plus dangereuses que commettent les communistes (comme, d’ailleurs, les révolutionnaires en général qui ont mené à bien le début d’une grande révolution), c’est de se figurer que la révolution peut être accomplie par les mains des seuls révolutionnaires. Or, pour assurer le succès de toute action révolutionnaire sérieuse, il faut comprendre et savoir appliquer pratiquement l’idée que les révolutionnaires ne peuvent jouer un rôle que comme avant garde de la classe réellement avancée et viable. L’avant garde ne remplit sa mission que lorsqu’elle sait ne pas se détacher de la masse qu’elle dirige, lorsqu’elle sait véritablement faire progresser toute la masse. Sans l’alliance avec les non communistes dans les domaines d’activité les plus divers, il ne saurait être question d’aucun succès en matière de construction de la société communiste."
      Lénine dans "Le matérialisme militant"

  • « Le mot d’ordre de comités ne peut être abordé que par une véritable organisation révolutionnaire, absolument dévouée aux masses, à leur cause, à leur lutte. Les ouvriers français viennent de montrer de nouveau qu’ils sont dignes de leur réputation historique. Il faut leur faire confiance. Les soviets sont toujours nés des grèves. La grève de masse est l’élément naturel de la révolution prolétarienne. D’atelier en atelier, d’usine en usine, de quartier en quartier, de ville en ville, les comités d’action doivent établir entre eux une liaison étroite, se réunir en conférences par villes, par branches de production, par arrondissements, afin de couronner le tout par un congrès de tous les comités d’action de France. »

    Extraits de Léon Trotsky dans « L’étape décisive » (5 juin 1936)

    • 5- Le syndicalisme n’est pas et n’a jamais été le mode unique d’organisation de la classe ouvrière.

    • A PROPOS DU "SYNDICALISME PUR"

      Le journal du P.C.F., L’Acier, critique "le syndicalisme pur" du comité de grève. Or, le comité de grève, à aucun moment, ne s’est réclamé du "syndicalisme pur", pas plus que d’une autre étiquette. Qu’il y ait eu, dans le comité de grève, des "syndicalistes purs", c’est évident, de même qu’il y avait des ouvriers de toutes tendances. Mais les camarades du comité de grève n’ont jamais été mandatés par les ouvriers pour faire du "syndicalisme pur", pas plus que pour faire de la "politique". Ils ont été mandatés pour diriger une grève qui avait un but précis : les 10 francs sur le taux de base. Malheureusement, ils n’ont pas pu mener leur tâche jusqu’au bout, les ouvriers ayant dû reprendre le travail avec 3 fr. de prime et 1.600 francs d’indemnité de grève.

      Maintenant, également, au point de vue syndical, la tâche que se donne l’ancien comité de grève, devenu la commission exécutive du syndicat démocratique Renault, c’est de défendre les intérêts des ouvriers à tout moment, avec eux et pour eux, et non pas sans eux et contre eux.

      Avec ses moyens habituels de calomnie, L’Acier tente de nous discréditer, en nous accusant de "collusion" avec toutes sortes d’organisations, surtout de droite. En fait, de quel côté était la collusion ? En ce qui nous concerne, la direction réactionnaire de la Régie n’a jamais voulu nous recevoir, et, même lorsque M. Lefaucheux a reçu les membres du comité de grève, il s’est empressé de démentir cette entrevue en prétendant qu’il avait reçu des "ouvriers" accompagnés de leurs délégués (cégétistes). De même, lorsque le comité de grève a entrepris des démarches au ministère du travail, on lui a fermé les portes.

      Par contre, ceux qui nous accusent, eux, discutaient à longueur de journée avec les représentants de la direction et dans les antichambres ministérielles.

      Tandis que la C.G.T., suivant les instructions de la direction, retirait ses piquets de grève, seul le comité de grève maintenait les siens. Et quand Hénaff et Coste vinrent faire leur discours dans l’usine pour inviter les ouvriers à reprendre avec 3 francs, c’est avec l’autorisation de la direction que leurs voitures pénétrèrent dans l’usine.

      Où est la collusion du comité de grève avec la réaction ? Et n’y a-t-il pas eu plutôt collusion de la direction, du gouvernement et de la C.G.T. contre notre grève ?

      Jean BOIS

  • Qu’est-ce qu’une lutte de classe ?

    Lénine l’exposait aux travailleurs : "Qu’est-ce que la lutte des classes ? Quand les ouvriers d’une seule usine ou d’une profession particulière engagent la lutte contre leur patron ou contre leurs patrons respectifs, est-ce là lutte de classes ? Non, ce n’en sont que de faibles débuts. La lutte d’ouvriers ne devient lutte de classes qu’au moment où tous les représentants les plus avancés de la classe ouvrière du pays prennent conscience de former une classe ouvrière unie et où ils commencent à mener une lutte, non pas chacun contre son patron à lui, mais contre la classe capitaliste tout entière et contre le gouvernement qui la soutient. Ce n’est qu’au moment où chaque ouvrier prend conscience de faire partie de toute la classe laborieuse et qu’il considère sa lutte quotidienne contre un patron, contre un fonctionnaire de l’Etat comme la lutte contre toute la bourgeoisie et contre le gouvernement tout entier, ce n’est qu’à ce moment que sa lutte devient lutte de classes."

  • Trotsky : lettre à Monatte sur le syndicalisme "pur" :

    "Il est clair que l’influence du Parti communiste de manière générale, y compris dans les syndicats, se développera au fur et à mesure que la situation deviendra plus révolutionnaire. Ces conditions permettent une appréciation du degré et de la forme de la véritable autonomie des syndicats, l’autonomie réelle et non métaphysique. En période de “paix”, quand les formes les plus militantes d’action syndicale sont des grèves économiques isolées, le rôle direct du parti dans les syndicats reste au second plan. En règle générale, le parti n’intervient pas dans chaque grève isolée. Il aide le syndicat à décider si la grève est opportune, par son information politique et économique et par son conseil. Il sert la grève par son agitation, etc. Le premier rôle dans la grève revient naturellement au syndicat. La situation change radicalement quand le mouvement s’élève au niveau de la grève générale et de la lutte directe pour le pouvoir. Dans ces conditions, le rôle dirigeant du parti devient immédiatement direct et ouvert. Les syndicats — naturellement pas ceux qui passent de l’autre côté des barricades — deviennent les appareils de l’organisation du parti qui prend le devant comme dirigeant la révolution, en portant la pleine responsabilité devant la classe ouvrière toute entière. Dans ce domaine, pour tout ce qui se situe entre la grève économique locale et l’insurrection révolutionnaire de classe, on trouve toutes les formes possibles de relations réciproques entre le parti et les syndicats, les degrés variables de leadership direct et immédiat, etc. Mais en toutes circonstances, le parti cherche à gagner le leadership général en comptant sur la vraie autonomie des syndicats qui, en tant qu’organisations — cela va sans dire — ne sont pas “soumises” à lui.

    Les faits démontrent que des syndicats politiquement “indépendants” n’existent nulle part. Il n’y en a jamais eu. L’expérience et la théorie indiquent qu’il n’y en aura jamais. Aux Etats-Unis, les syndicats sont directement liés par leur appareil au patronat industriel et aux partis bourgeois."

  • Il y a quelques années (trente ans) l’organisation Lutte Ouvrière - bien différente de ce qu’elle est aujourd’hui - écrivait dans un texte intitulé « Les révolutionnaires dans les luttes revendicatives » :

    « Nous luttons bien sûr pour la révolution. Mais, à l’époque actuelle, les révolutionnaires ont surtout l’occasion de connaître des luttes de bien moindre envergure. Ce n’est pas nous qui choisissons la forme ni les objectifs des luttes des travailleurs (…) mais il ne faut pas perdre de vue que nous participons à ces luttes avec comme objectif d’élever la conscience des travailleurs. (…) Mais, à travers de ces mouvements, petits et grands, qui sont des moments privilégiés où les travailleurs sont réceptifs aux idées et où leur conscience peut progresser d’un bond, nous voulons leur apprendre, grâce à nos interventions, à diriger eux-mêmes leurs luttes, à les prendre en mains dans les moindres détails. (…) Et, pour nous, il est préférable et de loin que des travailleurs aient appris à s’organiser et à diriger démocratiquement leurs mouvements même s’ils n’ont rien obtenu, plutôt qu’obtenir une bricole, tout en restant spectateurs, en laissant aux militants syndicaux le soin de s’occuper de tout. (…) Journées d’action nationales, régionales, locales et par branche : souvent les syndicats lancent des actions pour le communiqué, et elles son sans lendemain. (…) Dès qu’un mouvement devient un peu plus profond qu’une simple protestation, qu’une simple demande, nous devons alors nous poser le problème de la mise en place d’une organisation et d’une direction démocratique de la grève : ce que l’on appelle le comité de grève.

    Cela nous devons le proposer systématiquement, même si les syndicats ont une attitude correcte dans la grève, même si c’est eux qui l’ont déclenchée, et même si c’est nous-mêmes qui dirigeons la grève dès le début grâce à nos responsabilités syndicales. Ce comité de grève, nous devons le proposer, même si les travailleurs n’en voient pas au premier abord la nécessité.

    Et ce comité de grève n’a rien à voir avec un comité inter-syndical auquel on adjoint quelques travailleurs, qui sont là en tant qu’assistants ou spectateurs plutôt que représentants des grévistes. Le comité de grève, c’est le groupe de travailleurs, syndiqués ou non syndiqués, ayant des responsabilités syndicales ou non, élu par l’ensemble des travailleurs en grève, syndiqués ou non, avec le mandat précis d’organiser et de diriger la grève.

    Tout d’abord, nous sommes, en tant que révolutionnaires, pour que ce soit les travailleurs qui dirigent la société. Alors cela doit commencer en donnant les moyens aux travailleurs de prendre directement la direction de leurs grèves, quelque soit par ailleurs l’influence des organisations syndicales dans les entreprises.

    En dirigeant leurs grèves à travers des comités de grève, les travailleurs ayant à résoudre les problèmes quotidiens du mouvement (propagande, occupation des locaux, animation et même certaines tâches de gestion, par exemple la nourriture des grévistes, les problèmes de financement, etc), ils font l’apprentissage qui leur servira à l’avenir.

    Des comités de grève pour l’apprentissage du pouvoir ouvrier : nous sommes pour la démocratie ouvrière, c’est pour nous une conception fondamentale qui nous différencie de tous les autres syndicats et partis de gauche.

    Des comités de grève pour la démocratie : les syndicats étant minoritaires dans la classe ouvrière, ils ne peuvent pas prétendre représenter les travailleurs lorsqu’ils sont en lutte. (…)

    Des comités de grève pour l’efficacité du mouvement : il s’agit de placer le mouvement sous le contrôle de tous les travailleurs et non pas sous le contrôle des bureaucraties syndicales.

    Avec le comité de grève, si au cours de la lutte, les travailleurs entrent en contradiction avec les syndicats, ils disposent alors d’un instrument, d’une direction, pour la poursuite de la lutte, au lieu de devoir s’incliner devant les diktats des bureaucrates et de terminer leur mouvement non seulement battus, mais déçus et démoralisés de se sentir impuissants, même de décider de leurs propres actions. (…)

    Ce que nous cherchons dans un comité de grève, c’est qu’il soit le plus représentatif possible des travailleurs en lutte. C’est pourquoi nous sommes pour que les travailleurs qui le composent soient élus directement par leurs camarades de travail.

    Le comité de grève doit être sous le contrôle des travailleurs et, pour cela, rendre compte, le plus souvent possible, de son activité devant l’assemblée générale des grévistes.

    Bien évidemment, le comité de grève a pour rôle de préparer par ses délibérations, ce qu’il propose et comment il le propose en ce qui concerne la poursuite du mouvement à l’assemblée générale des grévistes. Mais il est en tout cas nécessaire que tous les grands problèmes engageant la grève (revendications, négociations, tactique, actions diverses, reprise) soit décidée par les travailleurs en assemblée générale. (…)

    Les révolutionnaires doivent tenter d’influencer le comité de grève, mais en veillant à ce que celui-ci n’apparaisse pas comme un appendice de notre organisation politique. Le comité de grève doit rester un organe représentant les travailleurs en lutte et ouvert à tous. » signé Lutte Ouvrière – il y a quelques temps ….

    • CRISE DU SYNDICALISME ? Barta, janvier 1946
      Le Congrès du S.N. des Instituteurs a pris position contre la politique suivie par la C.G.T. Ainsi se sont manifestés publiquement le manque d’unité et la crise profonde que traverse le syndicalisme en France.

      Le Congrès du S.N. "revendique hautement pour le mouvement syndical le droit de déterminer démocratiquement sa position". Mais il se garde par ailleurs de préciser concrètement quelle est sa position. La C.G.T. n’a pas fait ce qu’elle aurait dû faire. Mais qu’aurait-elle dû faire ? Le S.N. s’est contenté de reproches formels à l’égard de la C.G.T. qui à son tour critique formellement les partis politiques. (Editorial du Peuple, 22-12-45).

      Le fond de l’affaire est soigneusement évité. Toute cette discussion de principe ne vise, en définitive, dans la tête des dirigeants qu’à masquer les responsabilités, et la peur de la lutte qu’ils ont manifestée dans les faits.

      Au nom du S.N., Bonissel qualifie de "malheureuses" (!) les paroles prononcées par H. Raynaud au Vel’ d’Hiv’ le 12-12, se déclarant opposé au principe d’une grève générale qui désorganiserait le pays (pourtant, pour ce qui est du désordre, le gouvernement des capitalistes ne craint pas de concurrence...)

      Mais que dit Neumeyer, secrétaire de la Fédération des Fonctionnaires et syndicaliste "pur" ?

      "... Nous aurions dû avoir recours à la grève générale... Dès à présent, nous pouvons dire qu’une seule considération a arrêté les responsables de l’ordre à donner : la crainte d’engager le pays dans un chaos économique sans précédent qui aurait pu conduire à une véritable révolution, dont l’issue pouvait être très dangereuse à bien des points de vue, surtout après les manifestations de dictature gouvernementales dont nous avions été témoins.

      N’ayant pas été jusqu’à ce stade, nous étions forcément amenés à subir la position du gouvernement, comme nous avions subi jusqu’à présent l’augmentation du coût de la vie qu’il avait été incapable d’arrêter. Nous en sommes à peu près là aujourd’hui." (Tribune des Fonctionnaires, 25-12-45).

      En réalité, nous étions bien loin de la révolution. Mais les travailleurs révolutionnaires doivent se rappeler qu’un de leurs propres "chefs" a déclaré de lui-même que c’est la crainte de la révolution qui a seule empêché de pousser la lutte jusqu’au bout, et que, à défaut de la pousser jusqu’au bout, il ne reste qu’à subir la volonté du gouvernement.

      Mais alors, toutes les rodomontades de Neumeyer, etc..., sur la reprise de la lutte revendicative ne sont que de la poudre aux yeux des travailleurs.

      Du stalinien Raynaud au "syndicaliste" Neumeyer, les préoccupations sont les mêmes.

      S’ils font montre d’une pareille incapacité et d’une pareille peur de la lutte, c’est qu’ils agissent en défenseurs et provocateurs de la politique bourgeoise au sein du mouvement ouvrier. Voilà pourquoi ils sont obligés de mentir, et pourquoi il y a un tel écart entre leurs paroles et leurs actes. Car si cette politique bourgeoise se montrait sous son vrai visage, pas un ouvrier, pas un travailleur ne la supporterait. Cependant, la lutte de classes fait sauter le masque, et sous la pression des circonstances, il arrive même qu’un Neumeyer dise la vérité !

      En même temps que producteur, le travailleur est "citoyen". Aussi la lutte anti-capitaliste se mène-t-elle sur tout les fronts à la fois, sur le plan politique et sur le plan économique. La lutte syndicale – la résistance des masses à l’exploitation économique – n’est qu’un des aspects de la lutte immense qui oppose les exploités et les exploiteurs, et elle reste soumise à sa stratégie générale : la lutte de classe. Il n’existe pas de politique de syndicalisme. L’impuissance et la servilité de la C.G.T. ne viennent pas de la pénétration politique dans ses rangs mais de la pénétration de la politique bourgeoise par l’intermédiaire des partis ouvriers dégénérés. Merrheim écrivait déjà en 1909 que "si les Briand et les Viviani (les Thorez et Tillon de l’époque) n’avaient pas trouvé de domestiques au sein de la C.G.T. pour y faire leur besogne, tout comme ceux de Millerand en 1900, leurs efforts n’eussent pas abouti à cette défiance naturelle qui règne dans les milieux syndicaux... Celle-ci (la crise) n’est pas une crise domestique, mais une crise de domestication". L’"indépendance syndicale" n’est qu’un mot d’ordre réactionnaire si on ne lui donne pas un contenu de classe – et si on lui donne un contenu de classe, comment les travailleurs pourraient-ils mener leur action syndicale "indépendamment" de leur action politique ?

      Pourraient-ils dire noir et blanc du même coup, défendre leurs conditions de vie et "gagner la bataille de la production" ?

      Au nom de l’"indépendance" du mouvement syndical, les "syndicalistes purs" brisent l’unité du mouvement ouvrier, et par là font la besogne des capitalistes. C’est pourquoi, devant la crise du syndicalisme, nous voyons des bonzes invétérés, qui craignent l’éveil de conscience des masses, se raccrocher si vite à la branche pourrie du "syndicalisme pur".

      La question en fait est la suivante : qui impulse les syndicats, qui exerce son hégémonie sur eux ? Si c’est la bourgeoisie, nous aurons toute la gamme des syndicats larbins actuels jusqu’aux "syndicats" fascistes. Si c’est le prolétariat, nous aurons des syndicats de combat, non pas "indépendants", mais intimement liés à l’ensemble de la lutte ouvrière. De quoi celle-ci a-t-elle besoin ?

      Le mouvement communiste est la forme la plus évoluée, la plus consciente de la lutte de classe. Il est la théorie pratique du mouvement ouvrier qu’il représente, dit Marx, en totalité. Comment alors pourrait-il entrer en contradiction avec un des aspects principaux (le syndicalisme) du mouvement ouvrier ? En fait, au nom de l’indépendance syndicale, nous assistons à un règlement de comptes entre ex-unitaires et ex-confédérés. Les cliques embourgeoisées et leurs idéologies divisent et empoisonnent les syndicats. Le rôle des ouvriers révolutionnaires, communistes, c’est d’unifier les syndicats sur la base de la lutte.

      La complète indépendance vis-à-vis de la bourgeoisie, l’hégémonie prolétarienne réalisée grâce au parti révolutionnaire : voilà comment résoudre la crise syndicale.

    • L’ORGANISATION NECESSAIRE, par Barta septembre 1946
      Benoît Frachon essaie de justifier la position du P.C.F. vis-à-vis du mouvement gréviste, dans L’Humanité du 28 août. En relatant, à sa façon, les manifestations et grèves de Nantes, Dijon, Bordeaux, etc..., il tire les conclusions suivantes :

      "La grève n’est pas une arme dont on use à tort et à travers... Il est des gens qui sont pris d’une subite et violente passion de retour d’âge pour la grève... Tout cela avec l’objectif bien arrêté de créer un climat favorable à l’éclosion de grèves désordonnées... Nous demandons à tous les militants d’être vigilants, de faire échec à toutes les tentatives des excitateurs pour qui les revendications ne sont qu’un prétexte."

      Sur le même ton, Le Populaire vient à sa rescousse, le 30-8 : "La grève est une arme précieuse pour la classe ouvrière. Mais il ne faut l’employer qu’à bon escient et ne pas la placer, surtout, entre toutes les mains. Il en est de plus ou moins honnêtes ou bien intentionnées."

      Ce sont là des vérités générales. Mais dans le cas présent, elles n’ont d’autre but que de créer la confusion parmi les ouvriers et de déplacer les propres responsabilités de ces "dirigeants syndicaux ; et politiques sur... la réaction et le Malin !

      Examinons de plus près leurs affirmations :

      "Dans la totalité des cas, le mécontentement ouvrier est légitime", les ouvriers ont raison, le motif de leurs grèves est juste, reconnaît L’Humanité. Mais... on peut obtenir satisfaction sans grève ! "Le résultat que les postiers ont obtenu, ils pouvaient l’avoir sans grève", dit Frachon. "Le mécontentement est provoqué par la réaction et la grève exploitée par elle." Or, "la C.G.T. a montré qu’elle est une organisation sérieuse, puissante, qui sait obtenir, sans vaine gesticulation, ce dont la classe ouvrière a besoin."

      Ainsi donc, les ouvriers pourraient voir leurs revendications satisfaites sans grève, d’une manière pacifique ; et bien que la "puissante" C.G.T. soit partisan de cette tactique rationnelle, une minorité de réactionnaires prend le dessus dans de nombreux conflits !

      Ainsi donc, au lieu de suivre la tactique géniale et facile du P.C.F., qui peut obtenir des concessions sans l’action des ouvriers, de façon "économique", les ouvriers tendent leurs nerfs et leurs muscles dans des conflits grévistes répétés, sont en butte aux attaques de la bourgeoisie et des organisations prétendument ouvrières, mènent des combats inutiles à seule fin de satisfaire des réactionnaires !

      Ce ne sont là que calomnies et mensonges d’autant plus flagrants que, dans tous les mouvements jusqu’à présent, les ouvriers ont repris les revendications même de la C.G.T., non satisfaites malgré toutes les négociations.

      Si les revendications ouvrières pouvaient être satisfaites sans grève, verrait-on les ouvriers faire grève ? C’est parce que depuis deux ans les ouvriers ont eu le temps de mettre à l’épreuve la tactique géniale des Frachon, qui enchaîne tous les jours un peu plus les ouvriers à l’exploitation patronale, qu’ils prennent sur eux, de plus en plus, d’entrer en mouvement à l’encontre de ces "dirigeants".

      Les mouvements ouvriers actuels, c’est la situation générale des classes travailleuses qui les commande, et rien d’autre.

      Ils surgissent de l’opposition d’intérêts irréductible entre bourgeoisie et prolétariat, ils représentent la lutte de la classe ouvrière contre sa paupérisation, au sortir d’une guerre qui a été pour la bourgeoisie un moyen de réduire les classes laborieuses à une situation de misère.

      Il y a dix mois, nous écrivions dans La Lutte de Classes (n°53) : "...Par suite de la politique menée par la bourgeoisie, les grèves, les protestations, etc..., sont tout à fait inévitables dans la situation actuelle et leur importance ne fera que croître." Car... "tout le labeur à bas prix des ouvriers n’est pas destiné à la reconstruction, mais à soutenir la concurrence capitaliste. Il n’y a pas, dans ces conditions, d’amélioration possible à la situation des masses ouvrières en Europe. Dans la concurrence capitaliste acharnée qui se livre en même temps que se prépare la nouvelle guerre, les ouvriers seront sacrifiés économiquement, comme ils le furent physiquement pendant la guerre". (Lutte de Classes. 56, 24-12-1945.)

      Le fait qu’aujourd’hui les ouvriers entrent en lutte à l’encontre des dirigeants officiels n’est que le résultat du fait que ces dirigeants ne veulent pas aider les ouvriers à lutter contre la bourgeoisie, mais aident la bourgeoisie contre les ouvriers.

      En prétendant que les ouvriers font des grèves inutiles suscitées par la réaction, les chefs staliniens reprennent les calomnies bourgeoises, selon lesquelles le mouvement ouvrier est provoqué non par les besoins profonds de la classe ouvrière, mais par des "meneurs" et des "excitateurs", que la classe ouvrière par son "ignorance" met en danger "l’ordre", etc...

      Mais comme le mouvement ouvrier répond, en réalité, au besoin profond de la classe ouvrière de s’opposer à la politique de spoliation de la bourgeoisie, comme ce mouvement témoigne d’une forme de conscience supérieure prise par les ouvriers, dans le fond les arguments de Frachon ne sont qu’un aveu que les chefs staliniens sont en dehors de ce mouvement, qu’ils ne sont pas à la tête des ouvriers dans leur lutte contre la bourgeoisie, qu’ils s’opposent à cette lutte ; c’est pour cela qu’ils recourent aux plus basses calomnies.


      En présence d’une C.G.T. opposée à leurs luttes, les travailleurs ont réagi en ne tenant pas compte de son opposition, et en poursuivant la lutte contre la volonté de la direction.

      Après Cherbourg, Nantes, le mouvement des postiers, il n’est pas rare de trouver maintenant dans L’Humanité des mises en garde et des protestations de la C.G.T. contre les travailleurs de différentes usines qui font grève sans tenir compte de celle-ci.

      Cependant, là où le mouvement dépasse en importance des entreprises isolées ou même des localités, plus exactement dans la grève des postiers où il s’agissait de coordonner en un seul mouvement la lutte de travailleurs dispersés à l’échelle nationale, il a fallu remplacer l’organisation syndicale défaillante.

      Cette nouvelle organisation, c’était les Comités de grève, reliés entre eux par un Comité central.

      L’opposition de la direction cégétiste aux grèves n’a donc nullement paralysé le mouvement gréviste, n’a pas pu le priver d’organisation. Au contraire, dans les Comités de grève couronnés par un Comité de grève national, les travailleurs ont trouvé une organisation de lutte bien plus démocratique et plus efficace. A la tête du mouvement se trouvaient des gens non pas en vertu de postes de permanents syndicaux, mais élus par tous les travailleurs. Le Comité de grève réalisait ainsi l’unité de tous les ouvriers engagés dans la lutte, indépendamment de leur appartenance politique ; c’est ainsi que malgré l’opposition de la Fédération stalinienne au mouvement, des membres du P.C.F. ont été élus dans des Comités de grève locaux. Mandatés pour une action déterminée, ils donnent la possibilité à la masse ouvrière de contrôler et de renouveler ses dirigeants, sur la base de leurs actes.

      Même s’il manque de cadres véritablement prolétariens, par des réunions fréquentes, en donnant aux Comités un caractère permanent, en procédant à des élections de bas en haut, en changeant ceux qui ne donnent pas satisfaction, les Comités fournissent à la classe ouvrière un moyen de former une nouvelle direction, par la sélection de nouveaux cadres.

      Dans le mouvement des postiers, des "dirigeants" profitant de leur situation centrale se sont proclamés Comité national, sans élection préalable par les délégués de tous les Comités de base, sans être donc l’expression fidèle de ce mouvement.

      Mais même si pour un moment des Jouhaux ou des Staliniens se glissent à la tête des Comités, la forme elle-même de l’organisation, basée sur les éléments engagés dans la lutte, ne leur permet pas de rester à la tête, pour peu que la lutte se prolonge, mettant à nu leur véritable position.

      Dans les Comités de grève, aussi bien sur le plan local qu’en les coordonnant sur le plan national par un Comité Central, la classe ouvrière possède la meilleure arme pour s’opposer aux menées bureaucratiques et pour se donner, dans le cadre des luttes à venir, de nouveaux dirigeants dévoués à ses intérêts.

    • ROUTINE CORPORATISTE
      A l’heure où nous écrivons, les travailleurs de la presse continuent à tenir bon. Leurs piquets de grève sont prêts à défendre avec acharnement les lieux de travail.

      Ceci explique aussi pourquoi le gouvernement n’a pas fait intervenir la police, comme il l’avait fait pour la grève des rotativistes. Cette fois, il risque une collision qui pourrait mettre le feu aux poudres dans toute la région parisienne.

      Ne pouvant briser la grève par la force, il reste neutre... en déclarant que la politique gouvernementale interdit toute hausse des salaires !

      On comprend que le gouvernement interdise aux patrons des journaux l’augmentation des salaires ; car, en réalité, dans ce conflit, il ne s’agit pas seulement des ouvriers de la Presse, D’UNE catégorie de salariés. Le fond de la lutte n’est pas entre les catégories de salariés et leurs patrons respectifs, mais entre la classe laborieuse et la politique gouvernementale de blocage des salaires.

      Pour obtenir gain de cause, les grévistes doivent donc faire capituler le gouvernement, briser sa politique de blocage des salaires. Car il y a une opposition irréductible entre l’objectif de la lutte (l’augmentation du salaire horaire, l’atténuation de l’exploitation patronale, voulues par toute la classe ouvrière), et la politique gouvernementale qui veut sauvegarder intacte l’exploitation patronale. C’est pour cela que l’enjeu des grèves, briser la politique gouvernementale de blocage des salaires en faveur du patronat, concerne, au-dessus des catégories et des corporations, toute la classe ouvrière, tous les salariés.

      Les dirigeants du Syndicat du Livre le savent : un essai d’étendre le mouvement, tout au moins aux ouvriers des imprimeries du Labeur, a été fait par un tract non officiel. Mais il fut suivi aussitôt par un autre appel, publié par le "Syndicat général du Livre et des industries connexes de la région parisienne", qui s’adresse ainsi à tous les ouvriers imprimeurs : "...Pour le moment, restez calmes et disciplinés, attendez les mots d’ordre de vos organisations syndicales... Courage et confiance".

      Cet appel au calme et à la discipline équivaut pratiquement à isoler la grève des ouvriers de la Presse, à les laisser seuls dans leur mouvement. D’où vient cette scission d’un mouvement qui englobe les travailleurs d’une même industrie ?

      Des discussions avec les représentants syndicaux, il ressort que personne ne se fait d’illusions sur la portée des grèves fractionnées, et que les revendications de telle ou telle catégorie, qui sont en réalité celles de toute la classe ouvrière, ne peuvent recevoir une solution qu’en opposant au bloc gouvernemental la force unie de toute la classe ouvrière.

      Les responsables syndicaux préfèrent cependant faire la politique de l’autruche, en essayant de consoler les ouvriers avec des formules : "Nous nous débrouillerons dans notre catégorie..." "La position de la C.G.T. c’est grignoter peu à peu chacun pour soi..." Les ouvriers connaissent les résultats obtenus jusqu’à présent par cette méthode : ce sont leurs salaires qui ont été grignotés par l’Etat. Et devant le décalage croissant entre les salaires et le coût de la vie, le "débrouillage" ne fait que camoufler ce déca-lage, et non l’atténuer.

      C’est parce que les responsables syndicaux capitulent qu’ils sont obligés de donner des prétextes corporatistes aux ouvriers et de disperser ainsi leurs forces. Et c’est dans ces conditions que les responsables syndicaux du Livre, qui se targuent de leur indépendance vis-à-vis des partis, ont recommandé, sous la pression personnelle de Hénaff, le "calme" aux autres corporations du Livre qui auraient pu se solidariser avec les ouvriers de la Presse.

      Les raisons qu’ils donnent : "Les métallurgistes ne nous suivraient pas, ils sont derrière Hénaff", "la C.G.T. est contre nous", ne sont que des prétextes dûs à leurs conceptions étroites. Car en réalité, comme le prouve l’exemple de l’attitude des travailleurs de chez Citroën ou Renault vis-à-vis des bureaucrates staliniens, ou l’attitude des ouvriers grévistes de la Presse vis-à-vis du "vénérable Cachin", ce ne sont pas les travailleurs du rang qui se laissent aujourd’hui intimider par les Hénaff.

      Les prétextes donnés par les dirigeants syndicaux du Livre révèlent en réalité qu’ils n’ont pas le courage de mener la lutte que la situation d’aujourd’hui exige, parce que celle-ci implique une rupture complète avec leurs traditions de routine syndicale. Et comme on peut multiplier cet exemple par cent et par mille, on comprend pourquoi l’effort de millions d’ouvriers, depuis 1934, n’a pas abouti à un résultat définitif pour la classe ouvrière.

      A. MATHIEU.

    • LA CLASSE OUVRIERE PEUT-ELLE FAIRE LA GREVE GENERALE ?
      Par barta mars 1947
      La nécessité d’une grève générale est une question qui préoccupe tous les travailleurs. Mais pourrons-nous tenir le coup ? se demandent-ils. Tout le monde est contre nous, le Gouvernement, le patronat et même la C.G.T., qui nous tire dans le dos.

      Mais si les travailleurs se trouvent devant la nécessité de lutter, c’est justement parce que tous les privilégiés de ce monde sont contre eux, et que seule leur propre action peut les défendre. D’autre part, pour que la direction des Syndicats marche droit, ce sont aussi les ouvriers du rang qui ont toujours dû intervenir, à chaque occasion importante. En 1934, il y avait même la scission syndicale, et c’est justement grâce au magnifique mouvement ouvrier, à partir de février 34, que l’unification a été réalisée et la victoire de 36 préparée ; pour la grève générale de juin 36, ce ne sont pas non plus les dirigeants syndicaux qui en ont donné l’ordre. En réalité donc, quand les ouvriers veulent lutter, ils peuvent passer et passent outre les dirigeants pourris, parce qu’ils savent bien qu’en dehors de leur propre action, personne n’a jamais fait quoi que ce soit pour eux.

      La véritable raison des hésitations actuelles des travailleurs est ailleurs. C’est que, alors qu’avant guerre ils étaient relativement forts au point de vue économique, maintenant ils sont beaucoup plus faibles ; c’est pourquoi se pose la question : comment ferons-nous, comment nourrirons-nous nos femmes et nos enfants ?

      Les dirigeants pourris, qui s’opposent à l’action ouvrière, insistent justement beaucoup en ce moment sur ce point. Ils oublient d’abord de nous dire à quoi sert alors la caisse de secours des Syndicats ; ils oublient aussi que tout mouvement a parmi ses revendications le paiement des journées de grève, et, chose plus importante encore, ils oublient de nous dire que ce sont les travailleurs qui font marcher tous les rouages de la société, que ceux-ci pourraient fort bien se passer des parasites capitalistes, et que la lutte contre le patronat n’est pas forcément la grève des bras croisés. La classe ouvrière organisée ne peut-elle pas, mille fois mieux que l’anarchie capitaliste, nourrir et faire vivre toute la société ?

      Mais quelles que soient les souffrances et les privations que peut nous imposer momentanément la lutte pour des objectifs ouvriers, elles ne pourront jamais atteindre le niveau de celles que nous impose, et que tend à nous imposer de plus en plus, la bourgeoisie.

      Sous la férule de celle-ci, nous avons, pendant la guerre, souffert les bombardements et les privations ; des familles entières ont été dispersées ; nous avons vu les nôtres continuellement exposés à la mort ; la maladie s’est installée dans tous les foyers ; tout cela en échange de promesses (démocratie, bien-être, une vie plus digne, la fin des privations), qui ne se sont jamais réalisées.

      Aujourd’hui, après deux ans de désillusion et de misère accrue, le Gouvernement nous dit, par la bouche de Ramadier, qu’il faut continuer à souffrir et à peiner comme sous l’occupation. Ainsi, plus on peine pour les capitalistes, plus ceux-ci nous demandent de peiner.

      Quels que soient les souffrances et les sacrifices que nous impose une lutte pour notre vie, ils ne sauraient jamais être aussi grands et aussi longs que ceux que la bourgeoisie nous impose pour son bénéfice exclusif.

      La grève générale n’est donc pas une solution de désespoir. Les travailleurs qui se sentent faibles individuellement devant toutes les forces liguées contre eux doivent se persuader que cette faiblesse n’est pas celle de leur classe ; c’est dans la force de la classe ouvrière unie dans l’action et dans la compréhension des buts à atteindre qu’ils puiseront le pouvoir de vaincre les obstacles.

    • La Voix des Travailleurs de chez Renault

      PREMIER BILAN
      La fin de la grève des cheminots nous permet de faire un premier bilan des luttes ouvrières.

      Le mouvement d’ensemble auquel avait fait appel le Comité de grève Renault ne s’est pas réalisé, du fait du sabotage de la bureaucratie syndicale. Ainsi, la première poussée d’ensemble de la classe ouvrière depuis 1938 s’est trouvée freinée ou fractionnée en grèves séparées. Il ne faut pas s’étonner si les résultats matériels immédiats obtenus sont incomplets : ils correspondent au caractère incomplet de la Lutte. La grève de Renault et de quelques autres usines à Paris et en province a arraché pour la métallurgie des augmentations de salaires très variables ; pour l’ensemble de la métallurgie, les ouvriers sont loin du compte, c’est-à-dire des 10 francs. Le patronat qui, lui, est uni parce qu’il forme économiquement un tout monopoleur, a lâché aux ouvriers là où il a été obligé de lâcher, en défavorisant les secteurs ouvriers qui n’ont pas pu se défendre par leurs propres forces.

      Or, les ouvriers de partout voulaient un minimum vital, garanti pour toute la classe ouvrière, et non pas des concessions pour les contenter quelques semaines et que les capitalistes et le gouvernement reprennent par la hausse des prix et l’inflation au détriment de toute la population laborieuse.

      Ce serait un bien maigre bilan, si c’était le bilan d’une lutte finie. Mais ce n’est là que le bilan provisoire d’une lutte à peine commencée. C’est pourquoi, en regardant non pas les résultats immédiats de ces premières luttes, mais les conditions nouvelles qu’elles ont créées, les avantages retirés jusqu’à présent sont décisifs.

      D’un côté, les grèves ont obligé le gouvernement à capituler ; au lieu du ton totalitaire du début de la réquisition, il a dû finalement se montrer en "conciliateur". Le blocage des salaires, c’est-à-dire l’obligation pour les travailleurs d’accepter sans rechigner des salaires de famine, pour le "bien général", c’est-à-dire pour les capitalistes, a été mis en échec.

      D’un autre côté, pour faire capituler le gouvernement, les ouvriers se sont montrés capables de passer outre leur propre bureaucratie syndicale (Renault, Gaz et Electricité, Cheminots, etc.). Ils ont commencé, dans une grande mesure, à s’émanciper de sa tutelle, émancipation qui est la première condition de nos luttes ultérieures.

      Les arguments cégétistes aussi se sont trouvés démasqués dans la lutte. Ils disaient aux ouvriers de ne pas faire grève, de ne pas entrer en lutte ouverte, parce que ce sera la réaction le gagnant. Mais c’est Ramadier et la réaction qui ont capitulé devant les travailleurs.

      Rappelons ce que nous disions dans La Voix, n° 8, le 3 juin, avant la grève des cheminots : "Seule une grève générale peut faire capituler les capitalistes et le gouvernement". Les dirigeants de la C.G.T. proclamaient la grève générale "une idiotie", au profit de la réaction, mais la grève des cheminots a donné raison aux ouvriers contre eux.

      Entre les différents moyens de lutte proposés, les travailleurs savent maintenant que c’est la grève générale qui reste le moyen pour obtenir, non pas quelques aumônes ou quelque allègement temporaire que les capitalistes reprennent de l’autre main, mais les revendications fondamentales.

      Car, au point de vue des moyens à utiliser, est-ce un hasard que la seule grève qui, par son caractère total et généralisé, a menacé de paralysie le gouvernement bourgeois, ait obtenu presque toutes ses revendications ?

      Mais ce bilan, décisif pour de nouvelles luttes, ne sera converti en avantage réel pour la classe ouvrière que dans la mesure où les travailleurs, émancipés de la bureaucratie qui paralyse nos luttes, seront capables de se regrouper DIRECTEMENT ENTRE EUX, c’est-à-dire de s’unir à l’intérieur des usines, et d’usine à usine.

      La première forme de ce regroupement, c’est de s’organiser syndicalement en dehors des dirigeants cégétistes, partout où l’appareil a démasqué son caractère de jaune à la masse des ouvriers.

      Ce qui n’a pas été obtenu dans une lutte morcelée et séparée sera obtenu demain par l’organisation dans une lutte unie et d’ensemble.

      La Voix des Travailleurs


      Un cheminot s’adresse aux ouvriers de chez Renault

      LA GREVE PAIE !..
      Sous la pression imposante exercée par notre grève totale, le gouvernement, s’il n’a pas cédé entièrement, a dû nous accorder d’importants avantages. Ces derniers ont suffisamment été publiés par tous les journaux pour ne plus y revenir. Je préciserai, cependant, que ces avantages, arrachés par la force d’un mouvement particulièrement bien réussi, s’échelonnent, pour les bas salaires, entre 1.700 et 3.000 par mois et pour quarante heures, ce qui donne une augmentation horaire de 8,50 à 15 francs de l’heure. De plus, le protocole d’accord du 12-6-1947 précise : "Il a été entendu qu’il n’y aurait aucune sanction, ni retenue sur les salaires pour cette grève".

      Ainsi, cinq jours de grève nous ont permis de remporter une victoire, sinon éclatante, du moins satisfaisante. Nous n’avons dû céder que sur deux points ; celui concernant le reclassement dans les échelles, qui est prévu pour le 1° Janvier 1948, et l’étude de la mise en harmonie de nos salaires avec ceux de l’industrie nationalisée (houillères notamment) et pour laquelle aucune date n’a été retenue. Enfin, la Fédération n’a pu obtenir du gouvernement et de la S.N.C.F. l’assurance formelle que les tarifs voyageurs et marchandises ne seraient pas modifiés.

      Comment a-t-on obtenu de tels avantages ? Quelles circonstances favorables nous ont permis d’arracher en cinq jours plus que vous en trois semaines ?

      Ce n’est certes pas le gouvernement qui, soudain "raisonnable" et paternaliste, trouva nos salaires vraiment dérisoires, nos "revendications modestes et légitimes".

      Ce n’est pas non plus notre Fédération qui fut plus combative, moins bureaucratique (C.G.T. ou C.F.T.C.). Dès le début, la C.G.T. tenta même de briser la grève dans l’oeuf et de donner au gouvernement une porte de sortie, en stoppant la grève des "pétroliers". Quant à la Fédération elle-même, elle se dépensa beaucoup avant le conflit total pour essayer d’appeler au calme les futurs grévistes, comme elle le fit à maintes reprises dans les gares parisiennes.

      C’est notre unité dans l’action, notre cohésion qui contribua pour beaucoup à ce résultat. C’est surtout parce que, né d’un mécontentement général, le mouvement fut général ; c’est parce que, né dans la masse des syndiqués de base, il poussa les syndicats à entrer en action, ces derniers agissant eux-mêmes sur la fédération. De plus, tous les cheminots étaient décidés à aller jusqu’au bout, à gagner la bataille et à ne pas perdre une seule journée de notre salaire. Nous avions presque un mois devant nous jusqu’à la prochaine paye. Nous savions, notre grève étant totale, que le gouvernement ne saurait tenir aussi longtemps que nous, les mesures qu’il prenait pour nous contrecarrer étant plus spectaculaires qu’efficaces.

      La Fédération, aussi bien que le gouvernement, a senti cette ferme volonté. Elle n’osa pas l’attaquer de front. Elle essaya de gagner du temps en "oubliant" de lancer de suite l’ordre de grève à la province, en manoeuvrant les comités de grève pour leur enlever toute initiative et toute puissance, chose qu’elle réussit dans maint endroits. Mais, bientôt, elle fut obligée de prendre position : ou briser froidement la grève en faisant "accepter des promesses" par les cheminots (c’était perdre la confiance de la majorité de ces derniers) ; ou bien heurter de front le gouvernement.

      Le gouvernement, de son côté, essaye de lasser les grévistes, de les provoquer par la division ou des appels démagogiques, ou bien même en organisant ses fameux services routiers.

      La Fédération, prise entre deux feux, ménagea les deux parties. Mais le temps pressait. Il fallait agir très vite.

      Un fait nouveau précipita les événements.

      Le conflit du gaz et de l’électricité rebondissait. Tout le monde sait dans quelles conditions. Dès lors, il n’était plus possible de donner aux cheminots, instruits par l’expérience des gaziers et des électriciens, de vagues promesses. Ils réclamaient des résultats concrets.

      Désormais, le gouvernement se sait battu. Il fera semblant de résister encore un peu pour la forme, mais il s’attachera surtout à limiter les dégâts tout en donnant assez pour pouvoir classer l’affaire pour longtemps.

      Mais demain, si les ouvriers de toutes les usines, à l’instar des cheminots de toutes les gares, déclenchaient la grève générale, il est certain qu’un succès se dessinerait. Et si les métallos de chez Renault n’ont pas obtenu ce qu’ils réclamaient lors de leur dernière grève, c’est parce que le mouvement n’a pas su, ou n’a pas pu s’étendre aux autres usines comme chez nous il s’est étendu aux autres gares.

      Confiance et courage, camarades ouvriers de la R.N.U.R. Par notre grève, nous avons démontré aux saboteurs de grève de tout horizon que, lorsqu’elle est complète et générale, la grève paie toujours. Il suffit, par la lutte quotidienne, de lui en donner la possibilité.

    • DEUX GREVES, par Pierre Bois

      Si, depuis près de dix ans, les travailleurs de chez Renault n’avaient pas fait grève, cette année ils en ont fait deux. Mais, bien que très rapprochées et ayant les mêmes objectifs : le salaire minimum vital garanti, ces deux grèves ont été totalement différentes l’une de l’autre.

      Au mois de mai, la grève contre la direction patronale et gouvernementale fut déclenchée par une poignée d’ouvriers, malgré l’hostilité ouverte des dirigeants syndicaux.
      La grève du mois de novembre, au contraire, fut déclenchée par les dirigeants cégétistes.
      Cependant, à force d’avoir endigué le mouvement gréviste général pendant des mois, c’est dans les pires conditions qu’ils furent obligés d’y entrer (l’approche de l’hiver, le manque de travail dans l’usine et la méfiance qu’à juste titre ils s’étaient attirée de la part des ouvriers).
      Mais, "au mois de mai, le mouvement avait été déclenché par une poignée de diviseurs et n’avait aucune chance d’aboutir, tandis qu’aujourd’hui c’est la grande C.G.T. qui prend ses responsabilités". Ainsi se rassuraient les fidèles. Dans leur enthousiasme, ils avaient oublié ce que disait Carn aux responsables syndicaux, huit jours avant : "Vous savez bien qu’actuellement c’est impossible de déclencher la grève.

      Les ouvriers ne nous suivraient pas".
      Les ouvriers ont suivi quand même ce mouvement déclenché d’en haut, en dehors de leur volonté, parce qu’ils savent bien que seule l’action directe peut faire aboutir leurs revendications.

      Mais il s’est avéré que la grève a été mieux conduite au mois de mai avec des ouvriers du rang, qu’aujourd’hui par la "grande" C.G.T.

      Au mois de mai, la seule grève Renault a donné le branle à tout le mouvement revendicatif de cet été, sans aucun ordre venant d’en haut. La grève générale des cheminots a fait capituler le gouvernement au bout d’une semaine.

      C’est l’unanimité de tous les travailleurs qui caractérisait le mouvement au mois de mai, que seule l’opposition farouche de la C.G.T. a empêché d’éclater en une grève générale.
      Au mois de novembre, la C.G.T., englobant des millions d’adhérents et dirigeant le mouvement, n’a pas pu empêcher la division, le manque de confiance, elle n’a pas été capable de faire renaître un nouveau juin 1936.

      Au mois de mai, le comité de grève Collas fut capable de rallier dans la grève tous les ouvriers de l’usine, y compris les cadres, qui débrayaient malgré l’opposition farouche des responsables cégétistes.

      Au mois de novembre, il a fallu que les piquets de grève emploient la force pour empêcher la maîtrise et les employés de continuer le travail.

      En mai, alors que tous les ouvriers étaient dans la grève, alors qu’ils refusaient de reprendre le travail le mardi 29 avril, à 13 heures, comme l’avait préconisé la C.G.T., celle-ci organisait un vote secret dans l’usine, pour briser le mouvement. Le résultat fut que deux tiers des ouvriers se prononcèrent pour le comité de grève.

      En novembre, la même direction cégétiste dut s’opposer de toutes ses forces à ce qu’un vote ait lieu, tant elle craignait le sentiment des ouvriers.

      Au mois de mai, les travailleurs de Collas, continuant la grève trois jours de plus que le restant de l’usine, arrachèrent à M. Mayer le paiement des heures de grève pour tous, revendication reprise depuis dans toutes les grèves. Contre les grévistes de Collas, la section syndicale C.G.T. fit alors appel à MM. Lefaucheux et Mayer pour faire respecter la "liberté du travail". Mais les grévistes avaient pour eux la sympathie de tous les travailleurs de la Régie qui, en deux jours, collectèrent plus de 60.000 francs pour les soutenir.

      Au mois de mai, les ouvriers formaient eux-mêmes leurs piquets et comités de grève, chaque travailleur pouvant ainsi librement se manifester. La démocratie ouvrière réalisait l’unité.

      Au mois de novembre, la section syndicale a rejeté du Comité central de grève les militants ouvriers du S.D.R. partisans de la grève, parce qu’ils n’étaient pas dans la C.G.T., pendant que les bureaucrates pro-grévistes (Frachon) et antigrévistes (Jouhaux) faisaient "l’unité" dans le bureau confédéral.

      Au mois de mai, les ouvriers allaient eux-mêmes faire débrayer d’autres usines et faire la propagande pour la grève générale et ses revendications.

      Au mois de novembre, le Bureau confédéral de la C.G.T., de peur de prendre ses responsabilités, s’est défendu publiquement d’avoir voulu déclencher la grève générale.
      L’échec du mouvement de novembre n’est pas une défaite directe de la classe ouvrière, mais celle d’une entreprise que les dirigeants cégétistes ont mené à sa perte, parce qu’ils sont désormais incapables de gagner la confiance des ouvriers qu’ils ont abusés.

      La grève de mai prouve que l’organisation des travailleurs du rang est capable de surmonter obstacles et difficultés, la grève de novembre prouve que les défaites sont l’oeuvre des directions bureaucratiques. Les ouvriers n’avaient pas encore suffisamment compris en mai la leçon que leur renouvelle le mouvement en novembre.

      P. BOIS

  • Toutes les fois qu’il est possible de mettre en place une véritable auto-organisation des travailleurs, il est hors de question de faire appel aux syndicats même si nous en faisons partie, même si nous y militons, même si nous les dirigeons.

    8- La raison fondamentale est la suivante : il faut que les luttes sociales préparent l’organisation révolutionnaire politique mais préparent aussi la classe elle-même à son rôle de direction et ces deux question ne doivent pas être confondues comme Lénine l’a maintes fois répété

  • "Quant à la tactique de la reconquête de la direction des syndicats pour en faire de vraies organisations de classe, elle relève de la même myopie, lorsqu’elle n’est pas tout simplement le paravent de vulgaires ambitions bureaucratiques. L’attitude anti-ouvrière des syndicats n’est pas une affaire de bons ou de mauvais chefs. Ce n’est pas un hasard si, depuis plus de cinquante ans, les syndicats ont toujours eu de "mauvais dirigeants".

    Ce n’est pas parce que les chefs sont mauvais que les syndicats ne se prêtent pas aux véritables luttes de la classe ouvrière. C’est au contraire parce que les syndicats, comme organisations, ne peuvent plus servir à la lutte prolétarienne que leurs chefs sont inévitablement "mauvais". Comme le faisait remarquer Pannekoek

    Extrait de la brochure, les syndicats contre la classe ouvrière, partie "les gauchistes et le syndicats",publié par le CCI
    Lu sur leur site.

  • "Le syndicalisme n’est pas et n’a jamais été le mode unique d’organisation de la classe ouvrière. Il a longtemps été le mode d’organisation des plus grandes masses. De nos jours, dans les pays impérialistes, ce serait une tromperie que de dire qu’il organise les travailleurs. Ni il les réunit, ni il leur donne les moyens de discuter, de décider, d’avoir voix au chapitre, même pour la simple confection d’un tract, pour la décision d’une action, pour l’élection d’un dirigeant, pour la conclusion d’une lutte. C’est bien connu : c’est le bureaucratisme quasi-total. C’est loin d’être nouveau mais cela a pris encore des proportions supplémentaires avec l’aggravation de la dépendance des syndicats vis-à-vis de l’Etat et des trusts."

    Extrait de l’article ci dessus.

    Hier, je discutais avec un syndiqué CGT, ancien délégué CHSCT, qui me disait texto : "aujourd hui, j’ai l’impression d’être retourné dans mon ancienne boite il y a 20ans, quand il y avait zéro syndicat...on ne voit personne (délégué) on ne sait pas qui est délégué de quoi, et on a aucune info.. ça pour venir distribuer des calaendriers, des stylos ou de la pub, il y a du monde, mais après c’est le désert ".
    P.S. : dans cette entreprise privé géante tous les syndicats existent et les élections professionnelles viennent d’avoir lieu...

  • Il en résulte les tâches suivantes pour les communistes révolutionnaires :

    militer en développant le maximum de liens avec la classe ouvrière et pas seulement avec ses militants organisés
    ne jamais s’isoler de la masse des travailleurs et les faire juges de nos positions, de nos orientations et de nos combats par tous les moyens (prises de paroles, affiches, tracts publics)
    participer à l’activité syndicale mais en ayant conscience que l’on intervient en terrain miné, en préparant les camarades non seulement aux combats avec les bureaucrates mais aux pressions multiples et aux déformations que représente la participation aux organismes syndicaux
    ne jamais participer à des responsabilités syndicales tant qu’on n’a pas de groupes autour de soi sur des bases politiques claires et tant que l’on n’a pas de parution publique régulière communiste révolutionnaire sur l’entreprise
    ne briguer des responsabilités syndicales que sur la base d’un soutien clair et sur des objectifs écrits et votés des travailleurs
    s’interdire de diriger une lutte en tant que syndicaliste sans se donner les moyens d’organiser tous les travailleurs en lutte en faisant élire des organes de direction de cette lutte.
    Et ne jamais oublier que prôner la grève générale et même la révolution sans l’organisation de comités de grève, de comité central de grève, de comité d’usine et de soviets, c’est envoyer la classe ouvrière à la défaite et même bien pire…

  • Interview d’un militant syndicaliste chez Eurodisney à écouter ici

    Ce militant raconte son parcours syndical depuis 1992 jusqu’à la création d’1 section CNT-SO , au mois d’avril 2014.

    Nous sommes à VDT, contre la répression anti-syndicale, solidaire de ce type de militant ouvrier. Notre solidarité s’arrête là car nous sommes opposés à sa conception des rapports patrons/salariés teintés de paternalisme voire d’alliance des classes. Son témoignage est intéressant car il montre que les idées et la pratiques du syndicalisme, sont celles qu’imposent la classe dirigeante avec la bureaucratie ouvrière dans la société = une dictature sociale qui combat l’internationalisme de la classe ouvrière, la lutte de classe, l’auto organisation des travailleurs dans leur plus petite lutte du quotidien etc...

    "Bureaucratisés ou pas, les syndicats sont un certain niveau de conscience limité de la classe ouvrière, niveau qui ne mène nullement spontanément à la conscience historique du rôle du prolétariat et même qui s’y oppose en quelque sorte."

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