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La grève des mineurs de 1963

dimanche 5 mai 2024, par Robert Paris

La grève des mineurs de 1963

Un militant PCF conclue sur la grève :

"Certains étaient grisés par toute cette solidarité et ça n’a pas été facile de faire reprendre le travail" après 35 jours de grève, le 4 avril, une fois obtenues une augmentation salariale de 11% et une semaine de congés supplémentaire. (Louis Bembenek, 24 ans à l’époque, mineur et délégué CGT à la fosse Delloye : voir ici)

Il fallait faire reprendre le travail avant que cela s’étende à toute la classe ouvrière !

PCF et CGT ont présenté comme une victoire ce qui était presque une simple défaite et qui n’avait aucune raison de le devenir vu le soutien massif de la classe ouvrière et la mobilisation des mineurs.

CGT et PCF voulaient que le reste de la classe ouvrière, les non mineurs, s’en tienne à « la solidarité » ! C’est pour cela qu’il fallait en finir et vite.

Lire ici à la date du « jeudi 4 avril » comment les mineurs dénoncent la trahison des négociateurs syndicaux aux cris de « traitres, vendus » :

https://www.google.fr/books/edition/Le_syndicalisme_%C3%A0_l_%C3%A9preuve/CUGEDwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=gr%C3%A8ve+mineurs+1963&printsec=frontcover

L’extrême gauche fait croire à une victoire :

https://wikirouge.net/Gr%C3%A8ve_des_mineurs_fran%C3%A7ais_de_1963

Comment on nous la présente :

La grève générale est lancée en janvier 1963 par la CFTC, afin d’attirer l’opinion sur l’avenir incertain du charbonnage. Très vite, la CGT lui emboîte le pas et s’empare de la grève, éliminant la CFTC du mouvement. Ce n’est plus l’avenir du mineur qui est alors mis en avant, mais les salaires.

La CGT proteste contre une stagnation des salaires et demande une revalorisation. A l’origine de cette grève il y a donc bien un archaïsme social, celui du dialogue impossible entre les syndicats et
le gouvernement. C’est donc à la mi février 1963 que le mouvement social prend son
ampleur, et que les premiers manques de charbon se font ressentir sur la production.

Pour éviter une pénurie de charbon, alors même que l’hiver 1963 est rigoureux, le
ministre de l’Industrie décide de réquisitionner les mineurs pour les obliger à
produire. Le Général est favorable à cela, et du reste la réquisition à déjà été
employée, notamment en 1962 lors des grèves de la SNCF. Mais le décret est signé
de façon désastreuse : de Gaulle étant parti à Colombey pour la fin de semaine, et le
Premier ministre souhaitant que le décret paraisse le lundi, il lui envoya un motard
afin qu’il puisse le signer, ce qui fit donc que le décret fut signé à Colombey, geste
qui apparu comme un abus de pouvoir, alors même que cela était tout à fait légal.
Lorsque Pompidou se rend compte de l’erreur commise, il est trop tard :

« Je m’en veux d’avoir envoyé un motard le samedi à Colombey, sans attendre que le
Général revienne le lundi. Le Général est trop honnête et a inscrit à la main le lieu et la date.
La presse a mis l’accent sur ce « décret de Colombey » saugrenu. Ça a exposé le Général
beaucoup plus qu’il n’aurait dû l’être. Ce qui aurait dû être un paraphe de routine a été
présenté comme une provocation personnelle du monarque, adressée à la classe ouvrière.
Comme un caprice pharaonique. Je ne me le pardonne pas. »

La méthode Pompidou consiste a entretenir de bonnes relations avec les
syndicats, à laisser faire la grève, pour qu’elle aille suffisamment loin, au point que la
population française, qui soutenait les mineurs, en ait assez et espère la fin du
conflit. Cette méthode de gestion agace certains députés UDR, qui lui reproche aussi
de ne pas être l’un des leur, et de laisser pourrir le mouvement, au risque de leur
faire perdre leur place. La majorité se déchaîne contre Pompidou, au point que
certains pensent que sa démission est proche. Mais le Premier ministre tient bon.

La majorité s’exclamait qu’elle n’avait pas ménagé les mises en garde. Elle dénonçait
l’insensibilité technocratique du gouvernement et ne se gênait pas pour dire à de Gaulle qu’on
n’en serait pas là s’il n’était pas allé chercher hors du parti gaulliste un commis comme chef
du gouvernement.

Le 13 mars, Pompidou institue une commission, la commission Massé,
chargée d’étudier la situation des houillères, et de faire des préconisations sur le
futur. Cette commission est une habile tactique de Pompidou, car cela lui permet de
dévier les attaques, et de pouvoir présenter un document comme base de
négociation, document qui n’est pas préparé par lui mais par une personne externe,
ce qui lui assure d’être écouté par les syndicats. Le rapport Massé est rendu le 23
mars. Le 25, Alain Peyrefitte fait une intervention télévisée afin de présenter la réalité
de la situation aux Français. Le rapport plus l’intervention, conjugué à la lassitude,
assurent un retournement de l’opinion, qui commence à se désolidariser des
grévistes. Les syndicats comprennent alors qu’il est temps de négocier et de mettre
un terme à la grève. Les négociations s’ouvrent le 1er avril, le 3 un protocole d’accord
est conclu. Après deux mois de grève larvée, et un mois de grève dure, le premier
grand conflit social de la Ve République et le plus important depuis 1948, s’achève.

Les conséquences d’une grève

Mais au bout de trois mois de grève, quelles conclusions peut-on tirer ? Les
mineurs ont été le jouet d’organisations syndicales sans scrupules, qui se sont servis
d’eux pour assurer leur hégémonie. Avant le déclenchement de la grève le ministre
de l’Industrie avait proposé une augmentation salariale de 5.77%. Après la grève ils
ont obtenu 8% d’augmentation, ce qui n’a pas comblé la perte salariale subie par
l’arrêt de travail. S’ils n’avaient pas fait grève, ils auraient donc gagné plus d’argent.
Echec pour les mineurs, cette grève fut aussi un échec pour les syndicats et les
partis de gauche qui n’ont pas réussi à regagner la confiance perdue de l’opinion. Le
véritable gagnant fut le gouvernement. La grève a permis de renforcer la constitution
de 1958.

CGT et FO avaient organisé une grève du rendement tandis que la CFTC (la CFDT, qui est issue de la CFTC, n’existait pas encore) appelait à la grève générale illimitée, ce qui lui valait de la part de l’hebdomadaire de la CGT, la Vie Ouvrière, ce commentaire : « Une petite organisation comme l’est la CFTC dans les mines peut se permettre de lancer des mots d’ordre irresponsables. Il est exclu que la grande organisation des mineurs de la CGT puisse voir les choses de cette façon (...) Chacun comprend qu’au moment où on manque de charbon à Paris jusque dans les asiles ou les hôpitaux, le gouvernement serait trop heureux de saisir l’occasion et de retourner la colère de ces victimes contre les mineurs. » Ce chantage fut utilisé tout au long de la grève, aussi bien par la CGT que par le gouvernement, dans le but de faire pression sur les mineurs. Ainsi, avant même le début de la grève, la CGT avait annoncé la couleur : pas question d’appeler à la grève générale.

Face à la montée générale du mécontentement ouvrier, la CGT avait lancé un mot d’ordre de grève de 48 heures à compter du 1er février, annulé sitôt que le gouvernement proposa des négociations. Elles s’engagèrent le 15 février avec la direction des Charbonnages, qui accorda une augmentation de salaire de 5,77 % pour l’année 1963, rejetée par les organisations syndicales (elles estimaient à 11 % le retard pris par les salaires). La CGT annonçait alors une semaine revendicative à partir du 1er mars, avec un temps fort d’une journée de grève totale, suivie d’une grève du rendement. La réaction du gouvernement fut immédiate. Il accorda dix minutes d’entretien aux trois confédérations, pour leur signifier d’arrêter ça tout de suite, faute de quoi les mineurs seraient réquisitionnés.

La réquisition des mineurs reste lettre morte

Non seulement la journée du vendredi 1er mars fut un succès avec la grève presque totale parmi les mineurs de fond du Nord-Pas-de-Calais et de Lorraine, mais, ce qui n’était pas prévu, la grève toucha également les mines de fer de Lorraine, divers gisements de potasse, de bauxite, d’uranium, des ardoisières, etc. Face à la grève, le gouvernement de Gaulle signa en urgence un décret de réquisition. Il concernait principalement les bassins de Lorraine et du Nord, mais resta sans effet, les mineurs refusant de descendre au fond. La CGT, la CFTC, la FEN, l’UNEF appelaient à une grève générale... de 15 minutes dans tout le pays pour la défense du droit de grève.

Au moment où la combativité des travailleurs exigeait une politique offensive, les directions syndicales faisaient du surplace. Nous écrivions dans Lutte de Classe, du 12 mars 1963 : « Les réactions des travailleurs de toutes les professions, le fait que des grèves de solidarité, de solidarité pure sans aucun objectif revendicatif, aient été suivies partout, est un indice de la combativité de la classe ouvrière. Les centrales syndicales se sont refusées à généraliser la grève (...). Cependant, elles ont dû engager des luttes (qu’elles ont limitées au maximum) telle la grève de deux heures de la SNCF ou la journée d’action de la métallurgie prévue pour jeudi (14 mars). » Le Figaro de son côté reconnaissait « tous les témoins le certifient, aujourd’hui comme hier, la base est plus intransigeante que la tête ».

Les mineurs se battent seuls

Les mineurs tinrent bon en effet, mais les centrales syndicales firent tout pour éviter d’étendre le mouvement à d’autres secteurs, y compris et surtout ceux de l’industrie privée comme l’automobile, qui auraient alors pu exercer une pression puissante pour contraindre le gouvernement à satisfaire les revendications. Pourtant, les débrayages se multipliaient et étaient massivement suivis chez les postiers, les gaziers, à l’EDF, chez les métallos et même chez les étudiants. L’opinion publique restait acquise aux grévistes, malgré les campagnes de dénigrement, et la solidarité s’exprimait financièrement.

Mais si « la grève générale est dans l’air », comme le notait la presse, les directions syndicales, et en particulier la plus puissante, la CGT, lui tournaient le dos. Un accord fut signé le 24 mars alors que la pénurie de charbon commençait à poser des problèmes sérieux au gouvernement. Il cédait une augmentation de salaire de 6,5 % au 1er avril 1963, une quatrième semaine de congés payés, une vague promesse de table ronde pour discuter de l’avenir de la profession. C’était loin du compte. À l’annonce de l’accord signé entre les directions syndicales et les Charbonnages, une vague de colère s’exprima, entre autres à Lens, Liévin et Hénin-Liétard. Les mineurs huèrent le secrétaire général de la Fédération CGT du sous-sol et refusèrent à 56 % à Lens, à 46 % à Hénin, de redescendre dans la mine. La grève se poursuivit et la reprise du travail totale se fit, difficilement, le 5 avril.

Lire aussi

Films

http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/56147

https://fresques.ina.fr/memoires-de-mines/fiche-media/Mineur00132/interview-du-premier-ministre-georges-pompidou-sur-l-ordre-de-requisition-dans-les-mines.html

https://fresques.ina.fr/memoires-de-mines/fiche-media/Mineur00143/la-greve-de-1963.html

https://fresques.ina.fr/memoires-de-mines/fiche-media/Mineur00111/meeting-a-lens-lors-de-la-greve-des-mineurs.html

https://fresques.ina.fr/memoires-de-mines/parcours/0009/le-temps-de-la-modernisation.html

https://fresques.ina.fr/memoires-de-mines/fiche-media/Mineur00132/interview-du-premier-ministre-georges-pompidou-sur-l-ordre-de-requisition-dans-les-mines.html

https://www.franceculture.fr/emissions/les-annees-60/lannee-1963-44-la-grande-greve-des-mineurs-en-mars-1963

https://www.cinearchives.org/Films-447-237-0-0.html

https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-07-octobre-2019

Film et texte du PCF

https://fresques.ina.fr/memoires-de-mines/fiche-media/Mineur02015/extrait-de-la-grande-greve-des-mineurs-1963-de-louis-daquin.html

https://www.humanite.fr/tribunes/mars-avril-1963-les-mineurs-en-greve-font-plier-le-518502

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