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Le syndicalisme est-il soluble dans le capitalisme ?

lundi 23 novembre 2009, par Robert Paris

Le syndicalisme est-il soluble dans le capitalisme ?

Les syndicats français qui se moquaient volontiers du syndicalisme de cogestion avec les patrons à l’allemande, du syndicat-parti ultra-réformiste et respectable à l’anglaise ou du syndicat-trust à l’américaine, ont très bien su trouver la voie française de l’intégration au système. On les voit en effet de plus en plus gérer les conflits à la manière non conflictuelle mais consensuelle au risque de se contenter d’envoyer les luttes dans des voies de garage. On se souvient par exemple de la fin de conflit de la SNCM où la CGT avait édité des bulletins de vote pour la reprise du travail en accord avec la direction, bulletins sur lesquels on votait soit pour la reprise et le maintien de l’entreprise soit pour la continuation de la grève et le démantèlement de l’entreprise. Le syndicat corse qui avait joué en faveur de la lutte et se retrouve aujourd’hui en procès n’avait reçu aucun soutien des confédérations. Et ce n’est qu’un exemple parmi de multiples cas du type de l’entreprise Périer, où la CGT avait fait pression sur sa section locale pour qu’elle accepte un chantage patronal.

Il ne s’agit pas ici de faire semblant de découvrir que les syndicats sont réformistes. Cela ne date pas d’hier. Par contre, aujourd’hui, il n’y a plus aucune base au réformisme. C’est les contre-réformes, les remises en cause et les reculs qui sont signés par des syndicats fanatiques de l’accord. En cela, la CGT a rejoint les autres syndicats, et les a parfois dépassés même, dans sa course à la signature d’accords. Et on voit que le bilan n’en est nullement une amélioration de la situation des travailleurs. Quand on mesure le niveau de stress, la détérioration des conditions de travail, d’emploi et de salaires, il est clair que ces accords n’ont fait qu’engluer les organisations syndicales sans nullement changer en positif le sort des travailleurs. Bien entendu aussi, nous ne découvrons pas que les syndicats n’ont plus rien de révolutionnaire depuis belle lurette. Non seulement, ils ne visent plus au socialisme comme le proclamait l’ancienne CGT, non seulement ils ne veulent nullement renverser le système, pas plus qu’ils ne souhaitaient le faire en 36 ou en 68, mais, même dans des conflits n’engageant pas le pouvoir de la bourgeoisie, ils détournent les luttes, les divisent, les noient avec des stratégies multiples.

Un autre bilan des syndicats est à souligner : la part des cotisations des travailleurs dans la gestion syndicale devient de plus en plus minime et n’est même plus nécessaire au fonctionnement syndical. En effet, Etat et patrons des grands trusts mettent la main à la poche, sans même qu’il y ait besoin de détournements comme par le syndicat patronal UIMM de la Métallurgie, pour financer les confédérations. Ils s’ingénient à faire participer par tous les moyens possibles les directions syndicales à toutes les discussions, négociations, quitte à les multiplier et à amener tout l’appareil syndical à se retrouver sans cesse en réunion avec des cadres du patronat et de l’Etat.

Il n’y a jamais eu autant de délégués dans les entreprises, car il y en a même dans les plus petites, mais il n’y en a jamais eu aussi peu qui vont dans les ateliers et les bureaux à la rencontre des salariés. Il n’y a jamais eu aussi peu de réunions de salariés organisées par les syndicats et il n’y en a jamais eu autant organisées par les patrons et l’encadrement. Cela signifie que l’organisation des travailleurs n’est pas même en baisse mais est au niveau zéro. Les syndicats n’organisent plus du tout les travailleurs du rang. Tout au plus réunissent-ils de temps en temps leurs délégués pendant les heures de travail. Les réunions de syndiqués sont chose rare. Dans les cas d’exception où des syndiqués réclament quelques réunions de syndiqués de temps en temps, l’appareil freine des quatre fers. ce ne sont pas les syndiqués qui écrivent les tracts ni prennent véritablement les décisions sur les choix du syndicat. le plus souvent des signatures ont lieu sans même que les syndiqués soient contactés et décident. Cela au niveau de l’entreprise. Au niveau juste supérieur au site, il n’est plus du tout question que les syndiqués décident dans la plupart des cas. Pour la stratégie dans les luttes - quelles actions, quelles revendications, quels moyens et objectifs de l’action -, il n’est pas du tout question pour les organisations syndicales que les travailleurs concernés les décident et même pas les syndiqués.

La seule conclusion possible, c’est que les travailleurs doivent prendre des décisions sans se laisser dicter leurs choix par les appareils syndicaux. Cela nécessite que les travailleurs s’organisent à tous les niveaux, pour toutes les actions - des plus importantes aux plus modestes - et sous toutes les formes possibles : du comité de travailleurs d’un secteur au comité de grève national, élu et révocable, en vue d’une protestation comme en vue de la grève générale et plus loin si possible en vue que les travailleurs dictent leur loi dans une société dont le système est profondément en crise. Il fut un temps où le syndicalisme se disait école du socialisme. Aujourd’hui, il faut que l’auto-organisation soit cette école. Ce n’est pas une simple possibilité pour éviter que les luttes aillent dans le fossé. C’est carrément vital pour que toute la société n’aille dans le fossé d’un monde capitaliste en perdition.

suite à venir...

Messages

  • L’attitude des syndicats a posé problème depuis toujours aux travailleurs et aux révolutionnaires. Ne poser les problèmes de la classe ouvrière que dans le cadre du système suppose une adaptation des militants qui, même lorsqu’elle n’est pas consciente, a des conséquences catastrophiques. Voir le rôle des syndicats sociaux-démocrates dans l’évolution du mouvement socialiste dans les grands pays riches.

    Que penser de l’état du syndicalisme aujourd’hui ? Le degré du problème est encore plus grand. On a longtemps vu dans le problème syndical un défaut des directions syndicales. C’est bien sûr plus que jamais le cas mais la question des seules bureaucraties est dépassée. Le pourrissement s’est aggravé. Il touche la base syndicale. Il touche même les travailleurs qui ont une conception fondamentale de ce qu’est le syndicalisme complètement pervertie. C’est au point que la baisse du syndicalisme est devenue préoccupante pour le patronat et l’Etat qui ont absolument besoin de leurs relais syndicaux parmi les travailleurs pour servir d’encadrement, de transmetteurs, de tampons sociaux. Inversement, le caractère double (bourgeois/ouvrier) des syndicats a commencé à basculer essentiellement d’un côté étant donné que, dans les ateliers et les bureaux, l’intervention dans la lutte larvée quotidienne est quasiment absente alors que l’essentiel de l’activité syndicale est prise par la participation aux côtés des représentants des patrons et de l’Etat.

    Mais l’essentiel est ailleurs. Le rôle le plus contre-productif des syndicats consiste à enlever toute autonomie à la classe ouvrière en l’empêchant de s’organiser elle-même dans ses luttes. Le second rôle consiste à faire croire que la lutte des classes ne peut se faire qu’en tant que défense du cadre capitaliste, sans la moindre contestation de celui-ci.

    La première idée peut consister à voir la solution dans la contestation des bureaucraties syndicales. C’était vrai au début du phénomène. On en est loin. La situation et le rôle des syndicats – tampons, intermédiaires, avocats, assistance sociale, etc – a été intégré pour l’essentiel dans la classe ouvrière. Les travailleurs se plaignent des syndicats mais pas en revendiquant leur propre organisation et intervention indépendante. En particulier, ils ne sont pas choqués du rôle d’intermédiaire des syndicats. Ils y sont accoutumés et souhaitent seulement que les syndicats soient de bons avocats. Du coup, il n’y a pas nécessairement de base large pour défendre, dans le cadre syndical, une politique de classe. Le caractère de collaboration de l’essentiel de l’activité syndicale est frappant et ces dernières années ont été fertiles en situations où les syndicats ont été des sauveurs des classes dirigeantes dans les mouvements sociaux. Si des militants d’extrême gauche se sont parfois trouvé facilement bien placés dans les appareils syndicaux ce n’est pas du fait d’un accroissement du poids des conceptions révolutionnaires en leur sein mais faute de combattants, faute de candidats à ces postes et du fait que les appareils syndicaux ont vu qu’on pouvait utiliser aisément les militants révolutionnaires pour faire le travail.

    Certes les révolutionnaires ont une position de principe qui consiste à ne pas s’isoler des milieux militants même quand il y de fortes critiques à leur faire et même quand les syndicats sont réactionnaires, ils ne se tiennent pas à l’écart. Cela ne veut pas dire qu’ils doivent nécessairement participer sans arrêt à tous les postes alors même que les syndicats sont parfois des coquilles vides et que l’activité ne les met parfois en contact avec presque personne et ne permet pas nécessairement d’être en meilleure position pour défendre l’essentiel : l’auto-organisation des travailleurs et en particulier celle des luttes.

    Les militants révolutionnaires qui considèrent que le syndicat dans lequel ils ont mis un pied est « leur syndicat » et le défendent ont cessé de défendre la nécessité de l’organisation indépendante des travailleurs. Cet opportunisme est très courant dans les milieux d’extrême gauche et très catastrophique pour l’avenir.

    C’est particulièrement vrai dans les pays impérialistes où les syndicats ont une place de participants de la gestion capitaliste à tous les niveaux. Dans les pays pauvres, ils ont aussi eu plus souvent à canaliser des coups de colère sociaux pour empêcher qu’ils prennent un tour révolutionnaire. La trahison n’y est pas moins grande, loin de là.

    Et surtout, la tendance naturelle des travailleurs à fonder des syndicats plutôt qu’à s’organiser sur des bases de classe sur le terrain politique a des conséquences catastrophiques et surtout celle-ci : les courants d’extrême gauche n’ont que peu de liens avec le monde ouvrier et ne sont nullement de sous la pression des travailleurs ce qui les soumet à toutes les pressions de la société bourgeoise.

    L’essentiel n’est donc nullement de savoir si tactiquement les militants sont dans les syndicats ni ce qu’ils y font. C’est de savoir si les militants sont aux côtés des travailleurs, à la base, et ce qu’ils y font pour saisir toutes les occasions de susciter toutes les formes d’organisation des travailleurs par eux-mêmes, seule préparation du rôle conscient du prolétariat en vue des confrontations inévitables que nous préparent la crise du système.

    Les syndicats défendent le système. Ils agissent parfois radicalement mais toujours se refusent à contester les bases de la société capitaliste. C’est un rôle historique qui est donc foncièrement réactionnaire et sur lequel il convient de ne jamais susciter d’illusions. Il n’est pas question pour des militants de défendre que les syndicats devraient faire ceci, dire cela. Nous devons défendre ce que nous pensons que devrait faire ou dire les travailleurs, ce qui n’est pas du tout la même chose.

    Dans ces conditions, il ne faut pas se voiler la face ni avoir peur d’appeler un chat un chat, quitte à ne pas être suivi de certains travailleurs.

    Les syndicats sont parmi nos pires adversaires. Il ne faut pas se le cacher ni le cacher aux travailleurs.

    Tiekoura

  • Le « Nouvel Observateur » de début décembre 2009 écrit : « Sarkozy, au moins, il a des c… Il défend l’industrie française !  (…) Cet éloge émane d’un très proche de … Bernard Thibaut qui, lui-même déclare « Pour Sarko, tous les sujets passent par des relations personnelles. (…) Souvenez-vous de la grève des cheminots, à l’automne 2007. Le président Sarkozy décide de réformer les régimes spéciaux de retraite de la SNCF, de la RATP et des électriciens-gaziers. Il veut, en 2002, faire passer de 40 à 41 le nombre d’années de cotisations. La grève éclate à la mi-octobre. Prévue pour 24 heures, elle dure. Le secrétaire général de la CGT ne sait pas comment arrêter ses troupes. (…) Thibaut dit à Sarkozy : « Donnez moi quatre jours, je vous promet la reprise du travail. » (…) Le numéro un de la CGT vient d’entrer définitivement dans le clan des réformistes ! (…) Plus récemment, le choix d’Henri Proglio, le président de Veolia, pour remplacer Pierre Gadonneix à la tête d’EDF s’est fait avec l’appui de Bernard Thibaut. (…) Ce pragmatisme est davantage dans les gènes de l’autre centrale, la CFDT. (…) « Le syndicalisme à la « Conti » n’est pas le nôtre », explique le secrétaire général. (…) Depuis quelques temps, on voit souvent Thibaut et Chérèque bras dessus, bras dessous. »

  • Les syndicats ne jouent plus le rôle de défenseurs de la classe ouvrière. Leur rôle d’organisateurs du prolétariat contre le capitalisme, fait place à un rôle de courroie de transmissions du réformisme, de l’action " molle " contre le capitalisme.

    Les syndicats en France ne sont plus l’école de guerre contre le capitalisme, mais sont un moyen pour juguler les travailleurs/seuses, pour noyer leur révolte dans de pures revendications matérielles et corporatistes.

    Ainsi l’histoire nous a montré, et les faits quotidiens nous montrent, que les syndicats sont devenus de pures corporations enfermant les revendications des travailleurs/seuses à une seule entreprise, voir un seul service, sans relier la révolte des salarié/Es à un tout.

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