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Les élections contre ... la vraie démocratie

lundi 8 novembre 2010, par Robert Paris

PAS DE DÉMOCRATIE SANS DESTRUCTION DES ÉTATS BOURGEOIS ET SANS APPROPRIATION COLLECTIVE DES MOYENS DE PRODUCTION

La véritable démocratie, celle des travailleurs et des petites gens, n’est pas le droit de voter pour celui qui durant plusieurs années servira de chef de file des classes dirigeantes et d’un appareil d’Etat, qui eux n’ont été choisis et ne sont révocables par personne.

La véritable démocratie ne consiste pas à cacher la réalité de la lutte des classes qui fait que, dans le vieux monde, une infime minorité accapare toutes les richesses.

La véritable démocratie est organisée par et pour les classes opprimées et contre les classes oppresseuses comme la démocratie bourgeoise est organisée par et pour les classes exploiteuses, particulièrement la classe bourgeoise.

La véritable démocratie ne cherche pas à camoufler la nature de classe de l’Etat : Etat ouvrier ou Etat bourgeois, mais au contraire à la rendre consciente.

La véritable démocratie, c’est quand des millions d’opprimés font de la politique !


Les pires sociétés, les pires dictatures, les pays en pleine guerre et guerre civile, les régimes féroces, les tyrannies, les sociétés sous occupation militaire, toutes annoncent des élections, toutes affirment vouloir donner la parole au peuple.

Élections en Guinée, élections en Côté d’ivoire, élections en Afghanistan, élections en Haïti, élections en Birmanie et on en passe...

Les élections sont vraiment devenues le véritable bouclier des classes dirigeantes pour éviter que le peuple travailleur ne fasse de la politique et ne s’organise dans ce but...

La Birmanie sous dictature militaire violente depuis la révolte de 1991 contre Ne Win organise un simulacre d’élections. En Afrique, les pays en guerre civile ou proches de la dictature militaire ne sortiront pas de leurs problèmes par la voie des urnes. Car voter ne change rien ! Les pays les plus riches souvent dits démocratiques n’ont pas accédé à cette richesse par des votes mais par des révolutions...

Le peuple haïtien n’a ps de logements, pas de santé, pas de nourriture mais les grandes puissances lui organisent ... un vote. Quelle comédie !!!

Dans des pays en guerre civile ou pas loin, divisés par des bandes armées, on propose aux peuples de voter entre l’un des chefs de bande qui razzient le pays !!!

Dans l’Europe dite démocratique, la crise change les choses. Le peuple grec est descendu dans la rue contre les mesures d’austérité mais les élections qui viennent d’avoir lieu sont considérées par le pouvoir comme un appui à sa politique d’austérité anti-ouvrière !

Quand la bourgeoisie veut réellement donner des droits démocratiques, elle sait le faire. Les gros actionnaires ont un réel pouvoir sur les dirigeants des entreprises que n’ont nullement les citoyens sur les gouvernants. Elle leur donne le droit de les démissionner immédiatement. Des élus qui seraient ainsi sous le contrôle devraient être révocables à tout moment par leurs mandants. Et ce n’est pas tout. il faudrait que les électeurs aient les moyens de vérifier la réalité de leurs déclarations, avec une transparence des politiques et des finances. Ce n’est jamais le cas dans les élections politiques même dans la plus "démocratique" des républiques bourgeoises...

On entend souvent des reproches contre des élections dites truquées parce que tel ou tel candidat a été désavantagé par des bourrages ’urnes. mais le peuple travailleur, lui, dans ces élections bourgeoises n’est tout simplement pas présent dans les urnes, il n’ aucun candidat, il n’a aucun parti.

Pour le peuple travailleur dans la société bourgeoise, il n’existe pas d’élections régulières....

Il n’est nullement question de décisions à la majorité dans les entreprises puisque celles-ci sont des dictatures de leurs "propriétaires". Les armées, elles non plus, ne savent pas ce que démocratie et décision à la majorité veut dire. sans parler des banques ou des bourses....

Une élection ne pourrait-elle pas réconcilier un peuple, supprimer la corruption, en finir avec une dictature ? Eh bien NON !

Dans les pays dits démocratiques, la dictature des nobles a été supprimée mais il a fallu pour cela bien autre chose que des élections : il a fallu une révolution sociale. Et pas seulement un changement politique.

Mais quelle est donc cette "vraie démocratie que nous opposons à la comédie des élections aux parlements bourgeois et à la présidence à la tête de l’Etat bourgeois ?

La Commune de Paris a donné une première réponse à cette question : la voici

La révolution russe de 1905 en a donné une deuxième : la voilà

Ce qu’était le démocratie des travailleurs en Russie... en 1905

Quel rôle des organisations de masse des conseils ouvriers en 1905 et 1917

Lettre aux ouvriers américains
Lénine

20 août 1918

Camarades,

Un bolchevik russe qui a pris part à la Révolution de 1905 et a vécu ensuite de longues années dans votre pays, s’est chargé de vous faire parvenir ma lettre. J’ai accepté d’autant plus volontiers sa proposition que les prolétaires révolutionnaires américains sont appelés, aujourd’hui surtout, à jouer un rôle exceptionnellement important en tant qu’ennemis intransigeants de l’impérialisme américain, le plus jeune, le plus fort, le dernier à participer au carnage mondial des peuples pour le partage des profits capitalistes. Les milliardaires américains, ces modernes esclavagistes, ont ouvert aujourd’hui une page particulièrement tragique dans l’histoire sanglante de l’impérialisme sanglant en donnant leur consentement, - explicite ou non, formel ou hypocritement dissimulé, peu importe, - à l’intervention armée entreprise par les brutes anglo-japonaises pour étrangler la première république socialiste.

L’histoire de l’Amérique moderne, civilisée, s’ouvre par une de ces grandes guerres réellement libératrices, réellement révolutionnaires, si rares dans l’énorme quantité de guerres de rapine provoquées, comme la guerre impérialiste actuelle, par un conflit entre les rois, les gros propriétaires fonciers, les capitalistes, pour le partage des territoires conquis ou des profits volés. Ce fut une guerre du peuple américain contre les brigands anglais qui opprimaient l’Amérique et la tenaient dans un esclavage colonial, de même que ces pieuvres « civilisées », aujourd’hui encore, oppriment et tiennent dans un esclavage colonial des centaines de millions d’hommes aux Indes, en Egypte et dans toutes les parties du monde.

Près de 150 ans se sont passés depuis. La civilisation bourgeoise a porté tous ses fruits abondants. L’Amérique a pris la première place parmi les pays libres et cultivés par le niveau de développement des forces productives du travail humain collectif, par l’emploi du machinisme et de toutes les merveilles de la technique moderne. Mais d’autre part, elle est aussi un des premiers pays par la profondeur de l’abîme qui sépare une poignée de milliardaires sans vergogne, vautrés dans la fange et le luxe, et des millions de travailleurs éternellement au bord de la misère. Le peuple américain, qui a donné au monde l’exemple d’une guerre révolutionnaire contre l’esclavage féodal, subit aujourd’hui cette forme moderne d’esclavage qu’est l’esclavage capitaliste, salarié, que fait peser sur lui une poignée de milliardaires ; il a joué le rôle de bourreau à gages qui, dans l’intérêt de la canaille riche, a étranglé les Philippines en 1898 sous prétexte de les « libérer » et, en 1918, essaie d’étrangler la République socialiste de Russie sous prétexte de la « défendre » contre les Allemands.

Mais les quatre années de la boucherie impérialiste des peuples n’ont pas été vaines. Des faits évidents, indiscutables, ont entièrement démasqué la duperie dont le peuple est victime de la part des coquins des deux groupes de brigands, l’anglais et l’allemand. Le bilan de quatre années de guerre a montré ce qu’était la loi générale du capitalisme dans une guerre entre brigands pour le partage du butin : les plus riches et les plus forts ont le plus profité, le plus pillé ; les plus faibles ont été dépouillés, déchirés, écrasés, étranglés sans merci.

Les brigands de l’impérialisme anglais étaient les plus forts quant au nombre de leurs « esclaves coloniaux ». Les capitalistes anglais n’ont pas perdu un pouce des territoires « qui leur appartenaient » (c’est-à-dire qu’ils ont rafles au cours des siècles) ; bien au contraire, ils ont fait main basse sur toutes les colonies allemandes en Afrique, sur la Mésopotamie et la Palestine, ils ont pris la Grèce à la gorge et entrepris de piller la Russie.

Les brigands de l’impérialisme allemand étaient les plus forts quant au degré d’organisation et à la discipline de « leurs » troupes, mais les plus faibles sous le rapport des colonies. Ils ont perdu toutes leurs colonies, mais ils ont pillé la moitié de l’Europe, étranglé le plus grand nombre de petits pays et de peuples faibles. Quelle grande guerre « libératrice » de part et d’autre, n’est-il pas vrai ? Comme ils ont bien « défendu la patrie », les brigands des deux groupes, les capitalistes anglo-français et allemands avec leurs valets, les social-chauvins, c’est-à-dire les socialistes passés du côté de « leur » bourgeoisie !

Les milliardaires américains étaient peut-être les plus riches de tous et se trouvaient, géographiquement parlant, le plus en sécurité. Ce sont eux qui ont le plus gagné. Ils ont fait de tous les pays, même les plus riches, leurs tributaires. Ils ont raflé des centaines de milliards de dollars. Et sur chaque dollar, on voit des traces de boue : celle des traités secrets sordides conclus entre l’Angleterre et ses « alliés », entre l’Allemagne et ses vassaux ; des traités relatifs au partage du butin ; des traités d’« assistance » mutuelle pour opprimer les ouvriers et persécuter les socialistes internationalistes. Sur chaque dollar, il y a la boue de fournitures militaires « lucratives » qui, dans chaque pays, ont enrichi les riches et ruiné les pauvres. Sur chaque dollar, il y a des traces de sang, de cette mer de sang qu’ont versée les 10 millions de morts et les 20 millions de mutilés dans la grande, la noble, la sainte lutte libératrice livrée pour savoir qui, du brigand anglais ou du brigand allemand, s’appropriera la plus grande part de butin ; qui, des bourreaux anglais ou allemands, seront les premiersparmi les étrangleurs des peuples faibles du monde entier.

Si les brigands d’Allemagne ont battu tous les records par la férocité de leurs répressions militaires, les brigands anglais ont battu tous les records non seulement par le nombre des colonies dont ils se sont saisi, mais aussi par le raffinement de leur abominable hypocrisie. La presse bourgeoise anglo-française et américaine déverse justement à l’heure actuelle, à des millions et des millions d’exemplaires, le mensonge et la calomnie sur la Russie, cherchant hypocritement à justifier la campagne de piraterie qu’elle a entreprise contre notre pays par le soi-disant désir de le « défendre » contre les Allemands !

Point n’est besoin de longs discours pour réfuter ce mensonge aussi odieux que vil : il suffira de signaler un fait connu de tous. Quand les ouvriers de Russie renversèrent leur gouvernement impérialiste, en octobre 1917, le pouvoir des Soviets, le pouvoir des ouvriers et des paysans révolutionnaires, proposa ouvertement une paix juste, sans annexions ni contributions, une paix respectant entièrement l’égalité en droits de toutes les nations, et cette paix, il l’a proposée à tous les pays belligérants.

C’est justement la bourgeoisie anglo-française et américaine qui a repoussé notre proposition ; elle qui a même refusé d’entrer en conversations avec nous en vue d’une paix générale ! C’est elle qui a trahi les intérêts de tous les peuples, elle qui a prolongé le carnage impérialiste !

C’est elle qui, afin d’entraîner à nouveau la Russie dans la guerre impérialiste, s’est dérobée à des pourparlers de paix et, de la sorte, a donné les coudées franches aux capitalistes d’Allemagne, non moins rapaces, qui ont imposé à la Russie la paix annexionniste de Brest-Litovsk !

On a peine à imaginer hypocrisie plus répugnante que celle de la bourgeoisie anglo-française et américaine rejetant sur nous la « responsabilité » de la paix de Brest. Ce sont les capitalistes des pays dont il dépendait de transformer les pourparlers de Brest en conversations générales en vue d’une paix générale, qui se font nos « accusateurs » ! Les charognards de l’impérialisme anglo-français, que le pillage des colonies et le carnage des peuples ont enrichis et qui ont prolongé la guerre depuis bientôt un an après Brest, ont aujourd’hui le front de nous « accuser », nous bolchéviks qui avons proposé une paix juste à tous les pays ; nous qui avons déchiré, rendu publics et cloué au pilori les traités secrets criminels conclus entre l’ex-tsar et les capitalistes anglo-français.

Les ouvriers du monde entier, de quelque pays qu’ils soient, sympathisent avec nous, nous acclament et nous applaudissent parce que nous avons rompu les anneaux de fer des attaches impérialistes, des sordides traités impérialistes, des chaînes impérialistes ; parce que nous avons conquis notre liberté au prix des plus lourds sacrifices ; parce que nous, république socialiste martyrisée et pillée par les impérialistes, nous sommes restés en dehors de la guerre impérialiste et avons levé à la face du monde entier le drapeau de la paix, le drapeau du socialisme.

Quoi d’étonnant si la bande des impérialistes internationaux nous hait pour cette raison, s’ils nous « accusent », si tous les larbins des impérialistes, y compris nos socialistes-révolutionnaires de droite et nos menchéviks, nous « accusent » eux aussi ? Dans la haine que ces chiens de garde de l’impérialisme vouent aux bolchéviks, comme dans la sympathie des ouvriers conscients de tous les pays, nous puisons une assurance nouvelle dans la justice de notre cause.

Celui-là n’est pas un socialiste qui ne comprend pas que pour triompher de la bourgeoisie, pour assurer le passage, du pouvoir aux ouvriers, pour permettre le déclenchement de la révolution prolétarienne internationale, on peut et on doit ne s’arrêter devant aucun sacrifice, y compris celui d’une partie du territoire, celui qu’imposent de lourdes défaites infligées par l’impérialisme. Celui-là n’est pas un socialiste qui n’a pas prouvé par des actes qu’il était prêt à acquiescer aux plus grands sacrifices de la part de « sa » patrie, pourvu que la cause de la révolution socialiste progressât effectivement.

Pour assurer le succès de « leur » cause, c’est-à-dire pour conquérir la domination mondiale, les impérialistes d’Angleterre et d’Allemagne n’ont pas hésité à ruiner entièrement et à étrangler un certain nombre de pays, à commencer par la Belgique et la Serbie, et en continuant par la Palestine et la Mésopotamie. Quant aux socialistes, devraient-ils pour faire triompher « leur » cause, pour affranchir les travailleurs du monde entier du joug du capital, pour assurer une paix générale solide, attendre de voir s’ouvrir une route exempte de sacrifices ; devraient-ils craindre d’engager le combat tant qu’un succès facile ne leur serait pas « garanti » ; devraient-ils placer la sécurité et l’intégrité de « leur patrie », œuvre de la bourgeoisie, au-dessus des intérêts de la révolution socialiste universelle ? Trois et quatre fois méprisables les goujats du socialisme international, les larbins de la morale bourgeoise qui pensent de la sorte !

Les rapaces de l’impérialisme anglo-français et américain nous « accusent » d’« entente » avec l’impérialisme allemand. Ô hypocrites ! Ô gredins qui calomnient le gouvernement ouvrier tout en tremblant devant la sympathie que les ouvriers de « leurs » propres pays manifestent pour nous ! Mais leur hypocrisie sera démasquée. Ils font mine de ne pas comprendre la différence qui existe entre une entente des « socialistes » avec la bourgeoisie (nationale et étrangère) contre les ouvriers, contre les travailleurs, et une entente conclue avec la bourgeoisie d’une couleur contre la bourgeoisie d’une autre couleur nationale, -pour la sauvegarde des ouvriers qui ont triomphé de leur bourgeoisie, afin de permettre au prolétariat de tirer parti de l’antagonisme qui divise les différents groupements de la bourgeoisie.

Or, chaque Européen saisit très bien cette différence, et le peuple américain, comme je le montrerai tout à l’heure, a appris à la « connaître » par expérience au cours de son histoire. Il y a ententes et ententes, de même qu’il y a fagots et fagots [1], comme disent les Français.

Quand, en février 1918, les rapaces de l’impérialisme allemand ont lancé leurs troupes contre la Russie désarmée, qui avait démobilisé, confiante dans la solidarité internationale du prolétariat avant que la révolution internationale ne fût tout à fait mûre, je n’ai pas hésité un seul instant à m’« entendre » avec des monarchistes français. Le capitaine français Sadoul, qui en paroles sympathisait avec les bolchéviks mais était en fait un serviteur fidèle et zélé de l’impérialisme français, me présenta l’officier français de Lubersac. « Je suis monarchiste ; mon seul but est la défaite de l’Allemagne », me déclara de Lubersac. « Cela va sans dire », répondis-je. Ce qui ne m’empêcha pas le moins du monde de m’« entendre » avec de Lubersac au sujet des services que désiraient nous rendre des officiers français du génie pour faire sauter des voies ferrées afin d’entraver l’invasion allemande. C’est là l’exemple d’une « entente » qu’approuvera tout ouvrier conscient, d’une entente dans l’intérêt du socialisme. Nous avons échangé une poignée de main, le monarchiste français et moi, chacun de nous sachant fort bien que son « partenaire » l’aurait fait pendre très volontiers. Mais, momentanément, nos intérêts coïncidaient. Contre les rapaces allemands qui nous attaquaient, nous avons utilisé dans l’intérêt de la révolution socialiste russe et internationale les intérêts contraires, non moins rapaces, d’autres impérialistes. Nous avons ainsi servi les intérêts de la classe ouvrière de Russie et des autres pays, nous avons renforce le prolétariat et affaibli la bourgeoisie du monde entier ; nous avons manœuvré, ce qui est parfaitement légitime et obligatoire dans toute guerre, nous avons louvoyé, nous nous sommes repliés en attendant le moment où achèverait de mûrir la révolution prolétarienne qui montait rapidement dans un certain nombre de pays avancés.

Et les requins de l’impérialisme anglo-français et américain auront beau écumer de rage, nous calomnier, dépenser des millions pour acheter les journaux social-patriotes-socialistes-révolutionnaires de droite, menchéviks et autres, - je n’hésiterai pas un instant à conclure une « entente » de ce genre avec les rapaces de l’impérialisme allemand si une attaque des troupes anglo-françaises contre la Russie nous y oblige. Et je sais très bien que ma tactique sera approuvée par le prolétariat conscient de Russie, d’Allemagne, de France, d’Angleterre, d’Amérique, bref du monde civilisé tout entier. Cette tactique facilitera la révolution socialiste, hâtera sa venue, affaiblira la bourgeoisie internationale, renforcera les positions de la classe ouvrière en train de triompher d’elle.

Le peuple américain a autrefois appliqué cette même tactique pour le plus grand profit de sa révolution. Lorsqu’il menait sa grande guerre libératrice contre ses oppresseurs anglais, il avait également contre lui les oppresseurs français et espagnols auxquels appartenait alors une partie du territoire actuel des États-Unis de l’Amérique du Nord. Dans sa lutte difficile pour la libération, le peuple américain s’est « entendu », lui aussi, avec certains oppresseurs contre d’autres, afin d’affaiblir les oppresseurs et de renforcer ceux qui combattaient révolutionnairement l’oppression, dans l’intérêt de la masse opprimée. Le peuple américain a su mettre à profit la rivalité entre Français, Espagnols et Anglais ; il a même parfois combattu de concert avec les armées des oppresseurs français et espagnols contre les oppresseurs anglais ; il a triomphé d’abord des Anglais, puis s’est débarrassé (en partie à prix d’argent) des Français et des Espagnols.

L’activité historique n’est pas aussi rectiligne que le trottoir de la perspective Nevski, disait le grand révolutionnaire russe Tchernychevski [2]. Celui qui n’« admet » la révolution du prolétariat qu’« à la condition » qu’elle se déroule avec facilité et sans heurt ; que l’action commune des prolétaires des différents pays soit acquise d’emblée ; que la possibilité de défaites soit exclue d’avance ; que la révolution suive une voie large, dégagée, bien droite ; qu’on n’ait pas, en marchant à la victoire, à faire parfois les plus grands sacrifices, à « résister dans une forteresse assiégée » ou à se frayer un passage par d’étroits sentiers de montagne, impraticables, tortueux, et pleins de périls, - celui-là n’est pas un révolutionnaire, celui-là ne s’est pas affranchi du pédantisme de l’intellectuel bourgeois, celui-là glissera toujours, en fait, dans le camp de la bourgeoisie contre-révolutionnaire comme nos socialistes-révolutionnaires de droite, nos mencheviks et même (bien que plus rarement) nos socialistes-révolutionnaires de gauche.

A la suite de la bourgeoisie, ces messieurs aiment à nous imputer le « chaos » de la révolution, la « destruction » de l’industrie, le chômage et le manque de pain. Que d’hypocrisie dans ces accusations de la part de ceux qui ont applaudi et accordé, leur soutien à la guerre impérialiste, ou se sont « entendus » avec Kérenski qui poursuivait cette guerre ! C’est la guerre impérialiste qui a entraîné toutes ces calamités. La révolution engendrée par la guerre ne peut manquer de connaître des difficultés et des souffrances incroyables, héritées de plusieurs années de carnage des peuples, dévastateur et réactionnaire. Nous accuser de la « destruction » de l’industrie ou de « terrorisme », c’est faire preuve d’hypocrisie ou bien d’un pédantisme obtus, d’une incapacité notoire de comprendre les conditions essentielles de cette lutte de classe furieuse, exacerbée, qu’est la révolution.

Au fond, les « accusateurs » de ce genre, s’ils « reconnaissent » la lutte de classe, ne la reconnaissent qu’en paroles ; en fait, ils tombent constamment dans l’utopie philistine d’une « entente » - et d’une « collaboration » des classes. Car à l’époque de la révolution, la lutte des classes a pris fatalement, inéluctablement, toujours et dans tous les pays, la forme d’une guerre civile ; et une guerre civile est inconcevable sans les pires destructions, sans la terreur, sans des restrictions apportées à la démocratie formelle dans l’intérêt de la guerre. Seuls des popes mielleux - qu’ils soient chrétiens ou « laïques », en la personne des socialistes parlementaires, des socialistes de salon, - peuvent ne pas voir, ne pas comprendre, ne pas sentir cette nécessité. Seuls des « hommes sous cloche de verre [3] », figés et inertes, peuvent, pour cette raison, se détourner de la révolution au lieu de s’élancer passionnément et résolument au combat quand l’histoire exige que les problèmes majeurs de l’humanité soient tranchés par la lutte et par la guerre.

Le peuple américain possède une tradition révolutionnaire dont ont hérité les meilleurs représentants du prolétariat américain qui, à maintes reprises, ont affirmé leur entière sympathie pour nous autres, bolcheviks. Cette tradition, c’est la guerre d’affranchissement contre les Anglais au XVIII° siècle, puis la guerre civile du XIX° siècle. A certains égards, si l’on s’en tient à la « destruction » de certaines branches de l’industrie et de l’économie nationale, l’Amérique a été, en 1870, rejetée en arrièrepar rapport à 1860. Mais seul un pédant, un crétin fini peut nier pour cetteraison la portée progressiste et révolutionnaire grandiose, l’importance historique et mondiale, de la guerre civile de 1863-1865 en Amérique !

Les représentants de la bourgeoisie comprennent que l’abolition de l’esclavage des Nègres, le renversement du pouvoir des esclavagistes méritaient bien que le pays connût de longues années de guerre civile, toutes les ruines, les destructions, la terreur inhérentes à une guerre. Mais aujourd’hui qu’il s’agit d’une tâche infiniment plus haute, le renversement de l’esclavage salarié, capitaliste, le renversement du pouvoir de la bourgeoisie, les représentants et les avocats de cette dernière, ainsi que les socialistes réformistes intimidés par elle et qui ont peur de la révolution comme de la peste, ne peuvent ni ne veulent comprendre la nécessité et la légitimité de la guerre civile.

Les ouvriers américains ne suivront pas la bourgeoisie. Ils seront avec nous, pour la guerre civile contre la bourgeoisie. Toute l’histoire du mouvement ouvrier, mondial et américain, me fortifie dans cette conviction. Je me rappelle aussi les paroles d’Eugène Debs, un des chefs les plus aimés du prolétariat américain, qui écrivait dans l’Appel à la Raison [4](Appeal to Reason) - à la fin de 1915, je crois - dans son article « What shall I fight for » (« Pour quoi je me battrai »), (j’ai cité cet article au début de 1916 dans une réunion publique ouvrière tenue à Berne, en Suisse) [5], - que lui, Debs, se ferait fusiller plutôt que de voter des crédits pour la guerre actuelle, criminelle et réactionnaire ; que lui, Debs, ne connaissait qu’une seule guerre sainte et légitime aux yeux des prolétaires : la guerre contre les capitalistes, la guerre pour affranchir l’humanité de l’esclavage salarié.

Que Wilson, ce chef des milliardaires américains, ce valet des requins capitalistes, ait fait jeter Debs en prison n’est pas pour m’étonner. La bourgeoisie aura beau sévir contre les vrais internationalistes, contre les vrais représentants du prolétariat révolutionnaire ! Plus elle fait preuve d’acharnement et de férocité, et plus est proche le jour de la révolution prolétarienne victorieuse.

On nous rend responsables des ruines qu’a causées notre révolution ! ... Et qui donc nous accuse ? Les larbins de la bourgeoisie, de cette bourgeoisie qui, après quatre années de guerre impérialiste, a presque anéanti la culture européenne et réduit l’Europe à la barbarie, à la sauvagerie, à la famine. Elle voudrait aujourd’hui, cette bourgeoisie, que nous ne fassions pas la révolution à partir de ces destructions, parmi les décombres de la culture, les décombres et les ruines causées par la guerre, avec des hommes que la guerre a rendus sauvages ! Oh ! que cette bourgeoisie est humaine et juste !

Ses valets nous accusent de terrorisme... Les bourgeois anglais ont oublié 1649 et les Français 1793. La terreur était juste et légitime quand la bourgeoisie l’appliquait en sa faveur contre les féodaux. Elle est monstrueuse et crminelle quand les ouvriers et les paysans pauvres ont osé l’appliquer contre la bourgeoisie ! La terreur était juste et légitime quand elle était appliquée pour substituer une minorité exploiteuse à une autre. Elle est monstrueuse et criminelle dès qu’elle est appliquée pour aider au renversement de toute minorité exploiteuse, dans l’intérêt d’une majorité réellement immense, dans l’intérêt du prolétariat et du semi-prolétariat, de la classe ouvrière et de la paysannerie pauvre !

La bourgeoisie de, l’impérialisme international a fait exterminer 10 millions d’hommes et estropier 20 millions d’autres dans « sa » guerre, déchaînée pour savoir qui, des rapaces anglais ou allemands, dominera le monde.

Si notre guerre, la guerre des opprimés et des exploités contre leurs oppresseurs et leurs exploiteurs entraîne un demi million ou un million de victimes dans tous les pays, la bourgeoisie dira que les premiers sacrifices étaient légitimes et les seconds criminels.

Le prolétariat, lui, sera d’un autre avis.

Aujourd’hui, parmi les horreurs de la guerre impérialiste, il se pénètre pleinement et de façon concrète, de cette grande vérité qu’enseignent toutes les révolutions, vérité qu’ont léguée aux ouvriers leurs plus grands éducateurs, les fondateurs du socialisme moderne. Cette vérité, c’est que la révolution ne peut réussir sans écraser la résistance des exploiteurs. Ouvriers et paysans travailleurs, nous étions tenus, une fois maîtres du pouvoir, d’écraser la résistance des exploiteurs. Nous sommes fiers de l’avoir fait et de continuer à le faire. Nous regrettons de ne pas le faire avec assez de fermeté et de résolution.

Nous savons que dans tous les pays une résistance furieuse de la bourgeoisie contre la révolution socialiste est inévitable, et qu’elle grandira à mesure que grandira la révolution. Le prolétariat brisera cette résistance ; il deviendra définitivement capable de vaincre et d’exercer le pouvoir au cours même de la lutte contre la bourgeoisie récalcitrante.

La presse bourgeoise vénale peut claironner sur tous les toits chaque faute commise par notre révolution. Nos fautes ne nous font pas peur. Les hommes ne sont pas devenus des saints du fait que la révolution a commencé. Les classes laborieuses opprimées, abêties, maintenues, de force dans l’étau de la misère, de l’ignorance, de la barbarie, pendant des siècles, ne peuvent accomplir la révolution sans commettre de fautes. Et, comme je l’ai déjà dit un jour, on ne saurait enfermer dans un cercueil le cadavre de la société bourgeoise et l’enterrer [6]. Le capitalisme abattu pourrit, se décompose parmi nous, infectant l’air de ses miasmes, empoisonnant notre vie ; ce qui est ancien, pourri, mort, s’accroche par des milliers de fils et de liens à tout ce qui est nouveau, frais, jeune, vivant.

Pour cent erreurs commises par nous et que vont claironnant partout la bourgeoisie et ses larbins (nos menchéviks et nos socialistes-révolutionnaires de droite y compris), on compte dix mille actes grands et héroïques, d’autant plus grands et héroïques qu’ils sont simples, effacés, enfouis dans l’existence quotidienne d’un quartier industriel ou d’un village perdu, qu’ils sont accomplis par des hommes qui n’ont pas l’habitude (ni la possibilité) de crier sur les toits chacun de leur succès.

Mais si même c’était le contraire - bien que je sache qu’une telle hypothèse serait inexacte, - si même pour cent actes justes on comptait dix mille erreurs, notre révolution n’en serait pas moins, - et elle sera devant l’Histoire, grande et invincible, car pour la première fois ce n’est pas une minorité, ce ne sont pas uniquement les riches, uniquement les couches instruites, c’est la masse véritable, l’immense majorité des travailleurs qui édifient eux-mêmes une vie nouvelle, tranchent en partant de leur expérience les problèmes si ardus de l’organisation socialiste.

Chaque erreur dans ce travail-là, dans ce travail qu’exécutent de la façon la plus consciencieuse et la plus sincère des dizaines de millions de simples ouvriers et paysans pour transformer toute leur existence, - chacune de ces défaillances vaut des milliers et des millions de succès « infaillibles » de la minorité exploiteuse, de succès remportés dans l’art de duper et de gruger les travailleurs. Car ce n’est qu’au prix de ces erreurs que les ouvriers et les paysans apprendrontà bâtir une vie nouvelle, apprendront à se passer de capitalistes ; ce n’est qu’ainsi qu’ils se frayeront un chemin - à travers mille obstacles - vers le socialisme triomphant.

Ils commettent des erreurs dans leur œuvre révolutionnaire, nos paysans qui, d’un seul coup, dans la nuit du 25 au 26 octobre (vieux style) 1917, ont aboli toute propriété privée de la terre et qui, mois après mois, malgré d’immenses difficultés et en corrigeant eux-mêmes leurs erreurs, mènent à bien pratiquement la tâche si difficile d’organiser les conditions nouvelles de la vie économique, de lutter contre les koulaks, d’assurer la terre aux travailleurs (et non aux richards), de passer à la grande agriculture communiste.

Ils commettent des erreurs dans leur œuvre révolutionnaire, nos ouvriers qui, en l’espace de quelques mois, ont nationalisé presque toutes les fabriques et usines les, plus importantes, et qui apprennent par un dur effort de chaque jour cette chose nouvelle pour eux qu’est la gestion d’industries entières, mettent en marche les exploitations nationalisées en surmontant la formidable résistance de la routine, de l’esprit petit-bourgeois, de l’égoïsme, et posent pierre par pierre le fondement de nouveaux rapports sociaux, d’une nouvellediscipline du travail, d’une nouvelle autorité des syndicats ouvriers sur leurs adhérents.

Ils commettent des erreurs dans leur œuvre révolutionnaire, nos Soviets créés dès 1905 par le puissant essor des masses. Les Soviets ouvriers et paysans constituent un nouveau typed’État, un typenouveau et supérieur de démocratie ; ils sont la forme que revêt la dictature du prolétariat, un moyen d’administrer l’État sans la bourgeoisie et contre la bourgeoisie. Pour la première fois, la démocratie est Ici au service des masses, au service des travailleurs ; elle a cessé d’être une démocratie pour les riches, ce qu’elle reste dans toutes les républiques bourgeoises même les plus démocratiques. Pour la première fois, les masses populaires mènent à bien, à l’échelle d’une centaine de millions d’hommes, la tâche de réaliser la dictature des prolétaires et des semi-prolétaires, tâche sans la solution de laquelle il ne saurait être question de socialisme.

Qu’importe si les pédants ou tous ceux qui sont irrémédiablement bourrés de préjugés démocratiques bourgeois ou parlementaires secouent la tête, perplexes, devant nos Soviets, se récriant par exemple contre l’absence d’élections directes. Ces gens-là n’ont rien appris ni rien oublié au cours des grandes transformations de 1914-1918. L’union de la dictature du prolétariat et d’une démocratie nouvelle, pour les travailleurs, - de la guerre civile et de la participation la plus large des masses à la politique, - pareille union ne se réalise pas d’emblée et ne cadre, pas avec les formes éculées d’un démocratisme parlementaire routinier. Un monde nouveau, le monde du socialisme : voilà comment se présente à nous la République des Soviets. Aussi rien d’étonnant si ce monde ne naît point tout prêt, d’un seul coup, comme Minerve sortant de la tête de Jupiter.

Alors : que les vieilles constitutions démocratiques bourgeoises s’étendaient, par exemple, sur l’égalité formelle et sur le droit de réunion, notre Constitution soviétique, prolétarienne et paysanne, rejette l’hypocrisie d’une égalité toute formelle. Quand les républicains bourgeois renversaient les trônes, ils ne se souciaient nullement de l’égalité formelle des monarchistes et des républicains. Quand il s’agit de renverser la bourgeoisie, seuls des traîtres ou des crétins peuvent réclamer l’égalité formelle pour la bourgeoisie. A quoi bon « la liberté de réunions » pour les ouvriers et les paysans si les meilleurs édifices sont tous accaparés par la bourgeoisie. Nos Soviets ont enlevéaux riches tous les beaux édifices, à la ville et à la campagne, et les ont tous remisaux ouvriers et aux paysans pour en faire le siège de leurs associations et y tenir leurs réunions. Telle est notre liberté de réunions pour les travailleurs ! Telles sont la raison d’être et la substance de notre Constitution soviétique, de notre Constitution socialiste [7] !

C’est pourquoi nous sommes tous si profondément convaincus que quelles que soient les épreuves qui s’abattent encore sur notre république des Soviets, -elle est invincible.

Elle est invincible, car chaque coup porté par l’impérialisme furieux, chaque défaite qui nous est infligée par la bourgeoisie internationale, font entrer dans la lutte des couches toujours nouvelles d’ouvriers et de paysans, les instruisent au prix des plus grands sacrifices, les aguerrissent, engendrent un nouvel héroïsme chez les masses.

Nous savons que votre aide, camarades ouvriers américains, se fera peut-être encore bien attendre, car le développement de la révolution dans les divers pays se poursuit sous des formes différentes, à un rythme différent (et il ne saurait en être autrement). Nous savons que malgré sa montée rapide ces derniers temps, la révolution prolétarienne en Europe peut ne pas, éclater dans quelques semaines. Nous misons sur l’inéluctabilité de la révolution internationale, mais cela ne signifie nullement que nous misions comme des benêts sur l’inéluctabilité de la révolution à bref délai et à date fixe. Nous avons assisté, en 1905 et en 1917, à deux grandes révolutions dans notre pays, et nous savons que les révolutions ne se font ni sur commande, ni après entente préalable. Nous savons que les circonstances ont mis en avant notre détachement, le détachement russe du prolétariat socialiste, non en raison de nos mérites, mais par suite d’un retard particulier à la Russie, et que certaines révolutions auront peut-être à essuyer des défaites avant que n’éclate la révolution internationale.

Néanmoins, nous savons très bien que nous sommes invincibles, car le carnage impérialiste n’abattra pas l’humanité ; c’est elle qui triomphera de lui. Notre pays, le premier, a brisé le carcan de la guerre impérialiste. Nous avons enduré les plus lourds sacrifices en luttant pour détruire ce carcan, mais nous l’avons brisé. Nous sommes en dehors des servitudes impérialistes, nous avons levé à la face du monde entier le drapeau de la lutte pour le renversement complet de l’impérialisme.

Nous nous trouvons comme dans une forteresse assiégée tant que les autres détachements de la révolution socialiste internationale ne seront pas venus à notre aide. Mais ces détachements existent, ils sont plus nombreux que les nôtres ; ils se développent, ils grandissent, ils se renforcent à mesure que l’impérialisme, poursuit ses atrocités. Les ouvriers rompent avec les social-traîtres, les Gompers les Henderson, les Renaudel, les Scheidemann, les Renner. Ils se rallient, peu à peu mais sûrement, à la tactique communiste, bolchévique, à la révolution prolétarienne qui seule peut sauver la culture et l’humanité en péril.

Bref, nous sommes invincibles, car la révolution prolétarienne mondiale est invincible.

20 août 1918.

« Pravda » n° 178, 22 août 1918

Notes

[1] En français dans le texte. N.R.

[2] Voir le compte rendu, par N. Tchernychevski, du livre de H. Carey Lettres au Président des Etats-Unis d’Amérique sur des sujets d’économie politique. (N. Tchernychevski, Œuvres économiques choisies, t. 2, p. 550, 1948, éd. russe.).

[3] « L’homme sous cloche de verre », personnage d’une nouvelle de Tchékhov portant le même titre. Type du philistin borné, ennemi de toute nouveauté, de toute initiative.

[4] « L’Appel à la Raison (Appeai Io Reason), journal socialiste américain, fondé en 1895 dans l’Etat de Kansas (Etats-Unis) ; adopta pendant la première guerre mondiale une position internationaliste.

[5]Voir V. Lénine, « Discours prononcé au meeting international de Berne, le 8 février 1916 »,Œuvres, t. 22, p. 113, 4° éd. russe.

[6] Voir V. Lénine, « Rapport présenté à la séance commune du Comité exécutif central des Soviets de Russie, du Soviet des députés ouvriers, paysans et soldats rouges de Moscou et des Syndicats, le 4 juin 1918 », Œuvres, t. 27, p. 397, 4° éd. russe.

[7] La Constitution (Loi fondamentale) de la République Socialiste Fédérative Soviétique de Russie fut adoptée le 10 juillet 1918 par le V° Congrès des Soviets de Russie et promulguée le 19 juillet.

Le projet en avait été élaboré par une commission avant à sa tête J. Staline et J. Sverdlov. Cette commission, créée par décision du Comité exécutif central des Soviets de Russie, le I° avril 1918, mit à la base de ses travaux la « Déclaration des droits du peuple travailleur et exploité », rédigée par Lénine, et la résolution « Des institutions fédérales de la République de Russie » (dont le projet était dû à J. Staline), adoptée par le III° Congrès des Soviets de Russie sur le rapport de J. Staline en janvier 1918. Un projet intitulé « La Constitution de la République Socialiste Fédérative Soviétique de Russie, Généralités », dressé par J. Staline (voir J. Staline, Œuvres, t. 4, pp. 7980, 1947, éd. russe), fut étudié et adopté par la commission du Comité exécutif central des Soviets de Russie à sa séance du 19 avril 1918.

Ce projet de Constitution fut examiné le 3 juillet 1918 par une commission du C,C. du P.C. (b) R. que présidait Lénine, et présenté ensuite à l’approbation du V° Congrès des Soviets de Russie.

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Lénine

LETTRE AUX OUVRIERS D’EUROPE ET D’AMÉRIQUE

Camarades,

A la fin de ma lettre aux ouvriers américains, en date du 20 août 1918, j’écrivais : nous nous trouvons comme dans une forteresse assiégée, tant que les autres armées de la révolution socialiste internationale ne viennent pas à notre secours. J’ajoutais : les ouvriers brisent avec leurs social-traîtres, les Gompers et les Renner. Les ouvriers se rapprochent, lentement mais sûrement, de la tactique communiste et bolchévique.

Moins de cinq mois se sont écoulés depuis que ces mots ont été écris, et il faut dire que pendant cette période la montée de la révolution prolétarienne mondiale a été extrêmement rapide, du fait que les ouvriers de différents pays passent au communisme et au bolchévisme.

Alors, le 20 août 1918, seul notre parti, le Parti bolchévik, avait résolument rompu avec l’ancienne Internationale, la IIe Internationale des années 1889-1914, qui avait fait honteusement faillite pendant la guerre impérialiste de 1914-1918. Seul notre parti s’était entièrement engagé dans une voie nouvelle, abandonnant un socialisme et un social-démocratisme déshonorés par leur alliance avec la bourgeoisie exploiteuse, pour passer au communisme ; abandonnant le réformisme et l’opportunisme petit-bourgeois qui imprégnaient et imprègnent entièrement les partis officiels social- démocrates et socialistes, pour adopter une tactique véritablement prolétarienne, une tactique révolutionnaire.

Maintenant, le 12 janvier 1919, nous voyons déjà nombre de partis prolétariens communistes, non seulement dans le cadre de l’ancien empire du tsar, par exemple en Lettonie, en Finlande, en Pologne, mais aussi en Europe occidentale, en Autriche, en Hongrie, en Hollande et, enfin, en Allemagne. Lorsque la « Ligue Spartacus » allemande, conduite par ces chefs illustres, connus du monde entier, ces fidèles partisans de la classe ouvrière que sont Liebknecht, Rosa Luxembourg, Clara Zetkin, Franz Mehring, eut rompu définitivement tout lien avec les socialistes comme Scheidemann et Südekum, avec ces social-chauvins (socialistes en paroles et chauvins en fait), qui se sont à jamais déshonorés par leur alliance avec la bourgeoisie impérialiste, spoliatrice, d’Allemagne et avec Guillaume II, lorsque la « Ligue Spartacus » se fut intitulée « Parti communiste d’Allemagne », alors la fondation de la IIIe Internationale, de l’Internationale Communiste, véritablement prolétarienne, véritablement internationaliste, véritablement révolutionnaire, devint un fait. Formellement, cette fondation n’a pas encore été consacrée, mais, en réalité, la IIIe Internationale existe dès à présent.

Aujourd’hui, tous les ouvriers conscients, tous les socialistes sincères, ne peuvent plus ne pas voir quelle lâche trahison du socialisme ont perpétrée ceux qui, à l’instar des menchéviks et des « socialistes-révolutionnaires » en Russie, à l’instar des Scheidemann et des Südekum en Allemagne, à l’instar des Renaudel et des Vandervelde en France, des Henderson et des Webb en Angleterre, des Gompers et consorts en Amérique, ont soutenu « leur » bourgeoisie pendant la guerre de 1914-1918. Cette guerre s’est entièrement révélée comme une guerre impérialiste, réactionnaire, une guerre de brigandage de la part de l’Allemagne, mais aussi de la part des capitalistes d’Angleterre, de France, d’Italie, d’Amérique, qui commencent à se quereller pour le partage du butin, pour le partage de la Turquie, de la Russie, des colonies d’Afrique et de Polynésie, des Balkans, etc. L’hypocrisie des phrases de Wilson et des « wilsoniens » sur la « démocratie » et l’« union des peuples » se dévoile singulièrement vite, lorsque nous voyons la bourgeoisie française s’emparer de la rive gauche du Rhin, les capitalistes français, anglais et américains mettre la main sur la Turquie (Syrie, Mésopotamie) et sur une partie de la Russie (Sibérie, Arkhangelsk, Bakou. Krasnovodsk, Achkhabad, etc.) lorsque nous voyons grandir sans cesse l’hostilité provoquée par le partage du butin entre l’Italie et la France, la France et l’Angleterre, l’Angleterre et l’Amérique, l’Amérique et le Japon.

Et à côté de ces « socialistes » pusillanimes, hypocrites, entièrement imbus de préjugés de la démocratie bourgeoise, à côté de ces « socialistes » qui hier défendaient « leurs » gouvernements impérialistes et aujourd’hui se bornent à des « protestations » platoniques contre l’intervention militaire en Russie, à côté d’eux augmente, dans les pays de l’Entente, le nombre de ceux qui suivent la voie communiste, la voie de MacLean, Debs, Loriot, Lazzari, Serrati, de ceux qui ont compris que seuls le renversement de la bourgeoisie et la destruction des parlements bourgeois, seul le pouvoir des Soviets et la dictature du prolétariat permettront d’écraser l’impérialisme, d’assurer la victoire du socialisme, d’assurer une paix durable.

Alors, le 20 août 1918, la Révolution prolétarienne se bornait à la Russie, et le pouvoir des Soviets - c’est-à-dire la totalité du pouvoir dans l’Etat appartenant aux Soviets des députés ouvriers, soldats et paysans, - apparaissait encore (et était en fait) une institution propre uniquement à la Russie.

Maintenant, le 12 janvier 1919, nous voyons un vigoureux mouvement « soviétique » non seulement dans les différentes parties de l’ancien empire du tsar, par exemple en Lettonie, en Pologne, en Ukraine, mais aussi dans les pays d’Europe occidentale, dans les pays neutres (Suisse, Hollande, Norvège), ainsi que dans les pays ayant souffert de la guerre (Autriche, Allemagne). La révolution en Allemagne - particulièrement importante et caractéristique du fait que c’est un des pays capitalistes les plus avancés - a, d’emblée, revêtu des formes « soviétiques ». Tout le cours du développement de la révolution allemande, et surtout la lutte des « spartakistes », c’est-à-dire des seuls véritables représentants du prolétariat, contre l’alliance des canailles et des traîtres, des Scheidemann et des Südekum, avec la bourgeoisie, tous ces faits montrent clairement comment la question est posée par l’histoire en ce qui concerne l’Allemagne :

« Pouvoir des Soviets » ou parlement bourgeois, quelles que soient les enseignes dont s’affuble ce dernier (Assemblée « Nationale » ou Assemblée « Constituante »).

Ainsi se pose la question sur le plan historique et mondial. Maintenant on peut et on doit le dire, sans aucune exagération.

Sur le plan historique et mondial, le « pouvoir des Soviets » est le deuxième pas, ou la deuxième étape, du développement de la dictature du prolétariat. La Commune de Paris en avait été le premier pas. La géniale analyse du contenu et de la portée de la Commune donnée par Marx dans sa Guerre civile en France a montré que la Commune avait créé un nouveau type d’Etat, l’Etat prolétarien. Tout Etat, y compris la république la plus démocratique, n’est pas autre chose qu’une machine destinée à réprimer une classe par une autre. L’Etat prolétarien est une machine pour réprimer la bourgeoisie par le prolétariat ; et cette répression est nécessaire, en raison de la résistance furieuse, acharnée, ne s’arrêtant devant rien, qu’opposent les grands propriétaires fonciers et les capitalistes, toute la bourgeoisie et tous ses acolytes, tous les exploiteurs, lorsque commence leur renversement, lorsque commence l’expropriation des expropriateurs.

Le parlement bourgeois, fût-il le plus démocratique dans la république la plus démocratique, où la propriété des capitalistes et leur pouvoir sont maintenus, est une machine destinée à réprimer les millions de travailleurs par une poignée d’exploiteurs. Les socialistes en lutte pour délivrer les travailleurs de l’exploitation devaient utiliser les parlements bourgeois comme une tribune, comme une base pour la propagande, l’agitation, l’organisation tant que notre 1utte demeurait dans le cadre du régime bourgeois. Aujourd’hui que l’histoire mondiale a inscrit à l’ordre du jour la destruction de ce régime tout entier, le renversement et l’écrasement des exploiteurs, le passage du capitalisme au socialisme, se contenter du parlementarisme bourgeois, de la démocratie bourgeoise, la parer du nom de « démocratie » en général, estomper son caractère bourgeois, oublier que le suffrage universel, aussi longtemps qu’est maintenue la propriété capitaliste, est un des instruments de l’Etat bourgeois, c’est trahir honteusement le prolétariat, c’est passer du côté de son ennemi de classe, du côté de la bourgeoisie, c’est être félon et renégat.

Aujourd’hui, à la lumière de la lutte sanglante et de la guerre civile en Allemagne, trois tendances dans le socialisme mondial, tendances dont la presse bolchévique parle inlassablement depuis 1915, se présentent à nous avec un relief particulier.

Karl Liebknecht, ce nom est connu des ouvriers de tous les pays. Partout, et surtout dans les pays de l’Entente, ce nom est le symbole du dévouement d’un chef aux intérêts du prolétariat, de la fidélité à la révolution socialiste. Ce nom est le symbole d’une lutte réellement sincère, réellement pleine d’abnégation, d’une lutte implacable contre le capitalisme. Il est le symbole d’une lutte intransigeante non pas en paroles, mais en actes, contre l’impérialisme, d’une lutte prête à tous les sacrifices, précisément à l’heure où son « propre pays » est grisé par les victoires impérialistes. Tout ce qui est resté d’honnête et de véritablement révolutionnaire parmi les socialistes d’Allemagne, les meilleurs éléments, les plus convaincus du prolétariat, toutes les masses exploitées, dont l’indignation bouillonne et dont la volonté d’accomplir la révolution s’accroît, suivent Liebknecht et les « spartakistes ».

Contre Liebknecht se dressent les Scheidemann, les Südekum, et toute cette bande de méprisables valets du Kaiser et de la bourgeoisie. Ce sont des traîtres au socialisme, tout comme les Gompers et les Victor Berger, les Henderson et les Webb, les Renaudel et les Vandervelde. C’est cette mince couche supérieure d’ouvriers corrompus par la bourgeoisie que nous, les bolchéviks, avons qualifiés (en appliquant cette appellation aux menchéviks, ces Südekum russes) d’« agents de la bourgeoisie au sein du mouvement ouvrier », et que les meilleurs parmi les socialistes d’Amérique ont baptisés d’une épithète excellente par sa force d’expression et sa profonde vérité : « labour lieutenants of the capitalist class ». C’est le type « moderne » de la trahison socialiste, car dans tous les pays civilisés, avancés, la bourgeoisie pille, - en exerçant l’oppression coloniale ou en soutirant des « avantages » financiers aux peuples faibles, formellement indépendants, - une population infiniment plus nombreuse que la population de « son propre » pays. D’où la possibilité économique, pour la bourgeoisie impérialiste, de tirer des « surprofits » et d’employer une part de ces surprofits pour corrompre une certaine couche supérieure du prolétariat, pour la transformer en une petite bourgeoisie réformiste, opportuniste, craignant la révolution.

Entre les spartakistes et les scheidemaniens se trouvent les « kautskistes » hésitants, veules, « indépendants » en paroles, mais, en fait, dépendant entièrement et sur toute la ligne aujourd’hui de la bourgeoisie et des scheidemaniens, demain des spartakistes, marchant en partie à la suite des premiers, en partie à la suite des seconds, hommes sans idées, sans caractère, sans ligne politique, sans honneur, sans conscience, personnification du désarroi philistin, hommes qui, en paroles, s’affirment pour la révolution socialiste mais, en fait, sont incapables de la comprendre quand elle a commencé, et qui défendent à la manière des renégats la « démocratie » en général, c’est-à-dire, en fait, la démocratie bourgeoise.

Dans chaque pays capitaliste, tout ouvrier pensant relèvera, dans la situation modifiée selon les conditions nationales et historiques, précisément ces trois tendances essentielles parmi les socialistes et parmi les syndicalistes. Car la guerre impérialiste et le début de la révolution prolétarienne mondiale engendrent dans le inonde entier des courants idéologiques et politiques analogues.
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Les lignes qui précèdent avaient été écrites avant le sauvage et lâche assassinat de Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg par le gouvernement d’Ebert et de Scheidemann. Ces bourreaux, à plat ventre devant la bourgeoisie, ont permis aux réactionnaires allemands, aux chiens de garde de la sacro-sainte propriété capitaliste, de lyncher Rosa Luxembourg, d’assassiner perfidement Karl Liebknecht, sous le prétexte manifestement mensonger de tentative d’« évasion » (le tsarisme russe, qui noya dans le sang la révolution de 1905, recourut maintes fois à ce mode d’assassinat, sous le même prétexte mensonger de tentative d’« évasion » des détenus) et, dans le même temps, ces bourreaux ont couvert les réactionnaires de l’autorité du gouvernement soi-disant innocent, soi-disant placé au-dessus des classes ! Les mots manquent pour exprimer toute l’infamie, toute la bassesse de cet acte de bourreau, commis par de prétendus socialistes. Apparemment, l’histoire a choisi une voie où le rôle des « lieutenants ouvriers de la classe capitaliste » doit être poussé à la « limite extrême » de la sauvagerie, de la bassesse et de la lâcheté. Laissons les benêts kautskistes disserter dans leur journal Freiheit [1] sur un « tribunal » composé des représentants de « tous » les partis « socialistes » (ces âmes de laquais continuent d’appeler socialistes les bourreaux sheidemaniens) ! Ces héros de la stupidité philistine et de la lâcheté petite-bourgeoise ne comprennent même pas que le tribunal est un organe du pouvoir d’Etat ; or la lutte et la guerre civile en Allemagne sont menées justement pour trancher la question de savoir qui détiendra ce pouvoir : la bourgeoisie, que « serviront » les Scheidemann, en qualité de bourreaux et de pogromistes, et les Kautsky, en qualité de louangeurs de la « démocratie pure », ou bien le prolétariat qui renversera les capitalistes exploiteurs et écrasera leur résistance.

Le sang des meilleurs militants de l’internationale prolétarienne, des chefs regrettés de la Révolution socialiste internationale, trempera des masses toujours nouvelles d’ouvriers pour une lutte à mort. Et cette lutte aboutira à la victoire. Nous avons vécu en Russie les « journées de juillet » de l’été de 1917, lorsque les Scheidemann russes, les menchéviks et les socialistes-révolutionnaires couvraient, eux aussi, de l’autorité de l’« Etat » la « victoire » des gardes blancs sur les bolchéviks, lorsque dans les rues de Petrograd, les cosaques lynchaient l’ouvrier Voïnov, qui distribuait des tracts bolchéviques. Nous savons par notre propre expérience avec quelle rapidité ces « victoires » de la bourgeoisie et de ses valets guérissent les masses de leurs illusions sur la démocratie bourgeoise, sur le « suffrage universel » et ainsi de suite.
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La bourgeoisie et les gouvernements de l’Entente manifestent aujourd’hui certains flottements. Une partie d’entre eux voit que la démoralisation a déjà commencé parmi les troupes alliées en Russie, qui aident les gardes blancs et servent la réaction monarchiste et terrienne la plus noire ; que la prolongation de l’intervention militaire et les tentatives de vaincre la Russie, nécessitant le maintien, pendant une longue période, d’une armée d’occupation forte de millions d’hommes, constituent le moyen le plus sûr pour transplanter le plus rapidement possible la révolution prolétarienne dans les pays de l’Entente. L’exemple des troupes d’occupation allemandes en Ukraine est suffisamment probant.

Une autre partie de la bourgeoisie de l’Entente s’affirme toujours pour l’intervention militaire en Russie, pour l’« encerclement économique » (Clemenceau), et pour l’étranglement de la République des Soviets. Toute la presse au service de cette bourgeoisie, c’est-à-dire la plupart des quotidiens soudoyés par les capitalistes, en Angleterre et en France, prophétisent la prompte faillite du pouvoir des Soviets, se complaisant dans la description des horreurs de la famine en Russie, débitent des mensonges à propos des « désordres » et de la « fragilité » du gouvernement soviétique. Les troupes des gardes blanc, des grands propriétaires fonciers et des capitalistes, auxquelles l’Entente prête son aide en officiers, en munitions, en argent, en détachement auxiliaires, ces troupes coupent le centre et le nord affamés de la Russie de ses régions les plus fertiles en blé de la Sibérie et du Don.

La détresse des ouvriers affamés à Pétrograd et à Moscou, à Ivanovo-Voznessensk et dans les autres centres ouvriers, est grande en vérité. Jamais les masses ouvrières n’auraient pu supporter les calamités, les tortures de la faim, auxquelles les voue l’intervention militaire de l’Entente (intervention souvent masquée par des promesses hypocrites de ne pas envoyer « ses » troupes, alors qu’elle continue à envoyer des troupes « noires » ainsi que des munitions, de l’argent, des officiers), jamais les masses ouvrières n’auraient pu supporter ces calamités, si elles ne comprenaient pas qu’elles défendent la cause du socialisme en Russie et dans le monde entier.

Les troupes « alliées » et les gardes blancs détiennent Arkhangelsk, Perm, Orenbourg, Rostov-sur-le-Don, Bakou, Achkhabad, mais le « mouvement soviétique » a gagné Riga et Kharkov. La Lettonie et l’Ukraine deviennent des républiques soviétiques. Les ouvriers voient que leurs grands sacrifices ne sont pas vains, que la victoire du pouvoir de Soviets progresse et s’élargie, grandit et s’affermit dans le monde entier. Chaque mois de lutte pénible et de lourds sacrifices fortifie la cause du pouvoir des Soviets dans le monde entier, affaiblit ses ennemis, les exploiteurs.

Les exploiteurs disposent encore d’une force suffisante pour lyncher et assassiner les meilleurs chefs de la révolution prolétarienne mondiale, pour multiplier les victimes et pour aggraver les souffrances des ouvriers dans les pays et régions occupés ou conquis. Mais les exploiteurs du monde entier ne seront pas assez forts pour empêcher la victoire de la révolution prolétarienne mondiale, qui délivrera l’humanité du joug du capital, de la menace perpétuelle de nouvelles guerres impérialistes, inévitables en régime capitaliste.

Le 21 janvier 1919


I° Congrès de l’I.C.
LENINE

Thèses sur la démocratie bourgeoise et la dictature prolétarienne
4 mars 1919

1. La croissance du mouvement révolutionnaire prolétarien dans tous les pays suscite les efforts convulsifs de la bourgeoisie et des agents qu’elle possède dans les organisations ouvrières pour découvrir les arguments philosophico-politiques capables de servir à la défense de la domination des exploiteurs. La condamnation de la dictature et la défense de la démocratie figurent au nombre de ces arguments. Le mensonge et l’hypocrisie d’un tel argument répété à satiété dans la presse capitaliste et à la conférence de l’Internationale jaune de Berne en février 1919 sont évidents pour tous ceux qui ne tentent pas de trahir les principes fondamentaux du socialisme.

2. D’abord, cet argument s’appuie sur les conceptions de « démocratie en général » et de « dictature en général », sans préciser la question de la classe. Poser ainsi le problème, en dehors de la question de classes, en prétendant considérer l’ensemble de la nation, c’est proprement se moquer de la doctrine fondamentale du socialisme, à savoir la doctrine de la lutte de classes, acceptée en paroles, mais oubliée en fait par les socialistes passés dans le camp de la bourgeoisie. Car, dans aucun pays civilisé, dans aucun pays capitaliste, il n’existe de démocratie en général : il n’y a que la démocratie bourgeoise. Il ne s’agit pas davantage de la dictature exercée par la classe opprimée, c’est-à-dire par le prolétariat, sur les oppresseurs et les exploiteurs, sur la classe bourgeoise, dans le but de triompher de la résistance des exploiteurs luttant pour leur domination.

3. L’histoire enseigne qu’aucune classe opprimée n’est jamais parvenue à la domination, et n’a pu y parvenir sans passer par une période de dictature pendant laquelle elle s’empare du pouvoir politique et abat par la force la résistance désespérée, exaspérée, qui ne s’arrête devant aucun crime, qu’ont toujours opposée les exploiteurs. La bourgeoisie dont aujourd’hui la domination est soutenue par les socialistes qui pérorent sur la dictature en général et qui se démènent en faveur de la démocratie en général a conquis le pouvoir dans les pays civilisés au prix d’une série d’insurrections, de guerres civiles, de l’écrasement par la force – des rois, des nobles, des propriétaires d’esclaves – et par la répression des tentative de restauration.

Des milliers de fois, les socialistes de tous les pays ont expliqué au peuple le caractère de classe de ces révolutions bourgeoises, dans leurs livres, dans leurs brochures, dans les résolutions de leurs congrès, dans leurs discours de propagande. C’est pourquoi cette défense actuelle de la démocratie bourgeoise au moyen de discours sur la « dictature en général », tous ces cris et ces pleurs contre la dictature du prolétariat sous prétexte de condamner « la dictature en général », ne sont qu’une trahison véritable du socialisme, qu’une désertion caractérisée au profit de la bourgeoisie, qu’une négation du droit du prolétariat à sa révolution prolétarienne. C’est défendre le réformisme bourgeois, précisément à l’heure où il a fait faillite dans le monde entier, alors que la guerre a créé un état de choses révolutionnaire.

4. Tous les socialistes en démontrant le caractère de classe de la civilisation bourgeoise, de la démocratie bourgeoise, du parlementarisme bourgeois, ont exprimé cette idée déjà formulée, avec le maximum d’exactitude scientifique par Marx et Engels que la plus démocratique des républiques bourgeoises ne saurait être autre chose qu’une machine à opprimer la classe ouvrière à la merci de la bourgeoisie, la masse des travailleurs à la merci d’une poignée de capitalistes. Il n’y a pas un seul révolutionnaire, pas un seul marxiste parmi ceux qui crient aujourd’hui contre la dictature et pour la démocratie qui n’ait juré ses grands dieux devant les ouvriers qu’il acceptait cette vérité fondamentale du socialisme ; et maintenant que le prolétariat révolutionnaire est en fermentation et en mouvement, qu’il tend à détruire cette machine d’oppression et à conquérir la dictature du prolétariat, ces traîtres au socialisme voudraient faire croire que la bourgeoisie a donné aux travailleurs la « démocratie pure », comme si la bourgeoisie avait renoncé à toute résistance et était prête à obéir à la majorité des travailleurs, comme si, dans une république démocratique, il n’y avait pas une machine gouvernementale faite pour opérer l’écrasement du travail par le capital.

5. La Commune de Paris, que tous ceux qui veulent passer pour socialistes honorent en paroles, parce qu’ils savent que les masses ouvrières sont pleines d’une vive et sincère sympathie pour elle, a montré avec une particulière netteté la relativité historique, la valeur limitée du parlementarisme bourgeois et de la démocratie bourgeoise, institutions marquant un très grand progrès par rapport à celles du moyen-âge, mais exigeant nécessairement une réforme fondamentale à l’époque de la révolution prolétarienne. Marx, qui a apprécié mieux qu’aucun autre l’importance historique de la Commune, a prouvé en l’analysant le caractère d’exploitation de la démocratie et du parlementarisme bourgeois, régime sous lequel les classes opprimées recouvrent le droit de décider en un seul jour pour une période de plusieurs années quel sera le représentant des classes possédantes qui représentera et opprimera le peuple au Parlement. Et c’est à l’heure où le mouvement soviétiste embrassant le monde entier, continue aux yeux de tous l’œuvre de la Commune que les traîtres du socialisme oublient l’expérience concrète de la Commune de Paris, et répètent les vieilles sornettes bourgeoises sur la « démocratie en général ». La Commune n’était pourtant pas une institution parlementaire.

6. La valeur de la Commune consiste, ensuite en ce qu’elle a tenté de bouleverser, de détruire de fond en comble l’appareil gouvernemental bourgeois dans l’administration, dans la justice, dans l’armée, dans la police, en le remplaçant par l’organisation autonome des masses ouvrières, sans reconnaître aucune distinction des pouvoirs législatif et exécutif.

Toutes les démocraties bourgeoises contemporaines, sans excepter la République allemande que les traîtres du socialisme appellent prolétarienne en dépit de la vérité, conservent au contraire le vieil appareil gouvernemental. Ainsi, il se confirme une fois de plus, de façon absolument évidente, que tous ces cris en faveur de la démocratie ne servent en réalité qu’à défendre la bourgeoisie et ses privilèges de classe exploiteuse.

7. La liberté de réunion peut être prise pour exemple des principes de la démocratie pure. Tout ouvrier conscient qui n’a pas rompu avec sa classe, comprendra du premier coup qu’il serait insensé de permettre la liberté de réunion aux exploiteurs, dans un temps et dans les circonstances où des exploiteurs s’opposent à leur déchéance et défendent leurs privilèges. La bourgeoisie, quand elle était révolutionnaire, soit en Angleterre en 1649, soit en France en 1793, n’a jamais accordé la liberté de réunion aux monarchistes ni aux nobles qui appelaient les troupes étrangères et « se réunissaient » pour organiser des tentatives de restauration. Si la bourgeoisie d’aujourd’hui, qui depuis longtemps est devenue réactionnaire, réclame du prolétariat qu’il garantisse à l’avance, malgré toute la résistance que feront les capitalistes à leur expropriation, la liberté de réunion pour les exploiteurs, les ouvriers ne pourront que rire de l’hypocrisie de cette bourgeoisie.

D’autre part, les ouvriers savent très bien que la liberté de réunion, même dans la république bourgeoise la plus démocratique, est une phrase vide de sens, puisque les riches possèdent les meilleurs édifices publics et privés, ainsi que le loisir nécessaire pour se réunir sous la protection de cet appareil gouvernemental bourgeois. Les prolétaires de la ville et de la campagne et les petits paysans, c’est-à-dire l’immense majorité de la population, ne possèdent ni l’un ni l’autre. Tant qu’il en est ainsi, l’égalité, c’est-à-dire la démocratie pure est un leurre. Pour conquérir la véritable légalité, pour réaliser vraiment la démocratie au profit des travailleurs, il faut préalablement enlever aux exploiteurs toutes les riches demeures publiques et privées, il faut préalablement donner des loisirs aux travailleurs, il faut que la liberté de leurs réunions soit protégée par des ouvriers armés et non point par les officiers hobereaux ou capitalistes avec des soldats à leur dévotion.

C’est seulement alors que l’on pourra, sans se moquer des ouvriers, des travailleurs, parler de liberté de réunion et d’égalité. Or, qui peut accomplir cette réforme, sinon l’avant-garde des travailleurs, le prolétariat, par le renversement des exploiteurs et de la bourgeoisie ?

8. La liberté de la presse est également une des grandes devises de la démocratie pure. Encore une fois, les ouvriers savent que les socialistes de tous les pays ont reconnu des millions de fois que cette liberté est un mensonge, tant que les meilleures imprimeries et les plus gros stocks de papier sont accaparés par les capitalistes, tant que subsiste le pouvoir du capital dans le monde entier avec d’autant plus de clarté, de netteté et de cynisme que le régime démocratique et républicain est plus développé, comme par exemple en Amérique. Afin de conquérir la véritable égalité et la vraie démocratie dans l’intérêt des travailleurs, des ouvriers et des paysans, il faut commencer par enlever au capital la faculté de louer les écrivains, d’acheter et de corrompre des journaux et des maisons d’édition, et pour cela il faut renverser le joug du capital, renverser les exploiteurs, briser leur résistance. Les capitalistes appellent liberté de la presse la faculté pour les riches de corrompre la presse, la faculté d’utiliser leurs richesses pour fabriquer et pour soutenir la soi-disant opinion publique. Les défenseurs de la « démocratie pure » sont en réalité une fois de plus des défenseurs du système vil et corrompu de la domination des riches sur l’instruction des masses ; ils sont ceux qui trompent le peuple et le détournent avec de belles phrases mensongères, de cette nécessité historique d’affranchir la presse de son assujettissement au capital. De véritable liberté ou égalité, il n’y en aura que dans le régime édifié par les communistes, dans lequel il serait matériellement impossible de soumettre la presse directement ou indirectement au pouvoir de l’argent, dans lequel rien n’empêchera chaque travailleur, ou chaque groupe de travailleurs, de posséder ou d’user, en toute égalité, du droit de se servir des imprimeries et du papier de l’Etat.

9. L’histoire du XIX° siècle et du XX° siècle nous a montré, même avant la guerre, ce qu’était la fameuse démocratie pure sous le régime capitaliste. Les marxistes ont toujours répété que plus la démocratie était développée, plus elle était pure, plus aussi devait être vive, acharnée et impitoyable la lutte des classes, et plus apparaissait purement le joug du capital et la dictature de la bourgeoisie. L’affaire Dreyfus de la France républicaine, les violences sanglantes des détachements soudoyés et armés par les capitalistes contre les grévistes dans la république libre et démocratique d’Amérique, ces faits et des milliers d’autres semblables découvrent cette vérité qu’essaye en vain de cacher la bourgeoisie, que c’est précisément dans les républiques les plus démocratiques que règnent en réalité la terreur et la dictature de la bourgeoisie, terreur et dictature qui apparaissent ouvertement chaque fois qu’il semble aux exploiteurs que le pouvoir du capital commence à être ébranlé.

10. La guerre impérialiste de 1914-1918 a définitivement manifesté, même aux yeux des ouvriers non éclairés, ce vrai caractère de la démocratie bourgeoise, même dans les républiques les plus libres – comme caractère de dictature bourgeoise. C’est pour enrichir un groupe allemand ou anglais de millionnaires ou de milliardaires qu’ont été massacrés des dizaines de millions d’hommes et qu’a été instituée la dictature militaire de la bourgeoisie dans les républiques les plus libres. Cette dictature militaire persiste, même après la défaite de l’Allemagne dans les pays de l’Entente. C’est la guerre qui, mieux que tout, a ouvert les yeux aux travailleurs, a arraché les faux appas à la démocratie bourgeoise, a montré au peuple tout l’abîme de la spéculation et du lucre pendant la guerre et à l’occasion de la guerre. C’est au nom de la liberté et de l’égalité que la bourgeoisie a fait cette guerre ; c’est au nom de la liberté et de l’égalité que les fournisseurs aux armées ont amassé des richesses inouïes. Tous les efforts de l’Internationale jaune de Berne n’arriveront pas à dissimuler aux masses le caractère d’exploitation actuellement manifeste de la liberté bourgeoise, de l’égalité bourgeoise, de la démocratie bourgeoise.

11. Dans le pays capitaliste le plus développé d’Europe, en Allemagne, les premiers mois de cette complète liberté républicaine, apportée par la défaite de l’Allemagne impérialiste, ont révélé aux ouvriers allemands et au monde entier le caractère de classe de la république démocratique bourgeoise. L’assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg est un événement d’une importance historique universelle, non seulement par la mort tragique des hommes et des chefs les meilleurs de la vraie Internationale prolétarienne et communiste, mais encore parce qu’il a manifesté dans l’Etat le plus avancé d’Europe et même, on peut le dire, du monde entier, la véritable essence du régime bourgeois. Si des gens en état d’arrestation, c’est-à-dire pris par le pouvoir gouvernemental des social-patriotes sous sa garde, ont pu être tués impunément par des officiers et des capitalistes, c’est que la république démocratique dans laquelle un pareil événement a été possible n’est que la dictature de la bourgeoisie. Les gens qui expriment leur indignation au sujet de l’assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg, mais qui ne comprennent pas cette vérité, ne font que montrer par là leur bêtise ou leur hypocrisie. La liberté, dans une des républiques du monde les plus libres et les plus avancées, dans la république allemande, est la liberté de tuer impunément les chefs du prolétariat en état d’arrestation, et il ne peut en être autrement, tant que subsiste le capitalisme, car le développement du principe démocratique, loin d’affaiblir, ne fait que surexciter la lutte de classes qui, par suite des répercussions et des influences de la guerre, a été portée à son point d’ébullition.

Dans tout le monde civilisé, on expulse aujourd’hui les bolcheviks, on les poursuit, on les emprisonne, comme par exemple dans une des plus libres républiques bourgeoises, en Suisse ; on massacre les bolcheviks en Amérique, etc. Du point de vue de la démocratie en général ou de la démocratie pure, il est tout à fait ridicule que les Etats civilisés et avancés, démocratiques, armés jusqu’aux dents, craignent la présence de quelques dizaines d’hommes venus de la Russie retardataire, affamée, ruinée, de cette Russie que, dans leurs dizaines de millions d’exemplaires, les journaux bourgeois appellent sauvage, criminelle, etc. Il est clair que les conditions sociales dans lesquelles une contradiction aussi criante a pu naître réalisent en réalité la dictature de la bourgeoisie.

12. Dans un tel état de choses, la dictature du prolétariat n’est pas seulement absolument légitime, en tant qu’instrument propre au renversement des exploiteurs et à l’écrasement de leur résistance, mais encore absolument indispensable pour toute la masse laborieuse, comme le seul moyen de défense contre la dictature de la bourgeoisie qui a causé la guerre et qui prépare de nouvelles guerres.

Le point le plus important, que ne comprennent pas les socialistes et qui constitue leur myopie théorique, leur emprisonnement dans les préjugés bourgeois et leur trahison politique envers le prolétariat, c’est que dans la société capitaliste, dès que s’aggrave la lutte des classes qui est à sa base, il n’y a pas de milieu entre la dictature de la bourgeoisie et la dictature du prolétariat. Tous les rêves d’une solution intermédiaire ne sont que lamentations réactionnaires de petits bourgeois.

La preuve en est apportée par l’expérience du développement de la démocratie bourgeoise et du mouvement ouvrier depuis plus d’un siècle dans tous les pays civilisés et en particulier par l’expérience des cinq dernières années. C’est aussi la vérité qu’enseigne toute la science de l’économie politique, tout le contenu du marxisme qui explique par quelle nécessité économique naît la dictature de la bourgeoisie, et comment elle ne peut être remplacée que par une classe développée multipliée, fortifiée et devenue très cohérente par le développement même du capitalisme, c’est-à-dire la classe des prolétaires.

13. Une autre erreur théorique et politique des socialistes, consiste à ne pas comprendre que les formes de la démocratie ont constamment changé pendant le cours des siècles, depuis ses premiers germes dans l’antiquité, à mesure qu’une classe dominante était remplacée par une autre. Dans les anciennes républiques de la Grèce, dans les cités du moyen-âge, dans les pays capitalistes civilisés, la démocratie revêt des formes diverses et un degré d’adaptation différent. Ce serait la plus grande sottise de croire que la révolution la plus profonde dans l’histoire de l’humanité, que le passage du pouvoir, pour la première fois au monde, d’une minorité d’exploiteurs à la majorité d’exploités, puisse se produire dans les vieux cadres de la démocratie bourgeoise et parlementaire, puisse se produire sans brisures nettes, sans que se créent de nouvelles institutions incarnant ces nouvelles conditions de vie, etc.

14. La dictature du prolétariat ressemble à la dictature des autres classes parce qu’elle est provoquée, comme toute espèce de dictature, par la nécessité de réprimer violemment la résistance de la classe qui perd la domination politique. Le point fondamental qui sépare la dictature du prolétariat de celle des autres classes, de la dictature des éléments féodaux au moyen-âge, de la dictature de la bourgeoisie dans tous les pays civilisés capitalistes, consiste en ce que la dictature des éléments féodaux et de la bourgeoisie était l’écrasement violent de la résistance de l’énorme majorité de la population, de la classe laborieuse, tandis que la dictature du prolétariat est l’écrasement, par la force, de la résistance des exploiteurs, c’est-à-dire d’une infime minorité de la population : les propriétaires fonciers et les capitalistes.

Il s’ensuit encore que la dictature du prolétariat entraîne inévitablement non seulement une modification des formes et des institutions démocratiques en général, mais encore une modification telle qu’elle aboutit à une extension jusqu’alors inconnue du principe démocratique en faveur des classes opprimées par le capitalisme, en faveur des classes laborieuses. En effet, la forme de la dictature du prolétariat, déjà élaborée en fait, c’est-à-dire le pouvoir des Soviets en Russie, le Raete Système en Allemagne, les Shop Stewards Committees et autres institutions analogues dans les autres pays, signifie précisément et réalise pour les classes laborieuses, c’est-à-dire pour l’énorme majorité de la population, une faculté rapide de profiter des droits et libertés démocratiques comme il n’y en a jamais eu, même d’approchants, dans les républiques bourgeoises les meilleures et les plus démocratiques.

L’essence du pouvoir des Soviets consiste en ce que la base constante et unique de tout le pouvoir gouvernemental, c’est l’organisation des masses jadis opprimées par les capitalistes, c’est-à-dire les ouvriers et les demi-prolétaires (paysans n’exploitant pas le travail d’autrui et ayant constamment besoin de vendre une partie au moins de leur force de travail). Ce sont ces masses qui, même dans les républiques bourgeoises les plus démocratiques, tout en jouissant de l’égalité selon la loi, étaient écartées en réalité par des milliers de coutumes et de manœuvres de toute participation à la vie politique, de tout usage de droits et de libertés démocratiques et qui maintenant sont appelées à prendre une part considérable et obligatoire, une part décisive à la gestion démocratique de l’Etat.

15. L’égalité de tous les citoyens, indépendamment du sexe, de la religion, de la race, de la nationalité, que la démocratie bourgeoise a toujours et partout promise, mais n’a réalisée nulle part et qu’étant donné la domination du capitalisme, elle ne pouvait pas réaliser, le pouvoir des Soviets ou la dictature du prolétariat la réalise tout d’un coup et complètement, car seul il est en état de réaliser le pouvoir des ouvriers qui ne sont pas intéressés à la propriété privée, aux moyens de production, à la lutte pour leur partage et leur distribution.

16. La vieille démocratie, c’est-à-dire la démocratie bourgeoise et le parlementarisme, était organisée de telle façon que les masses laborieuses étaient de plus en plus éloignées de l’appareil gouvernemental. Le pouvoir des Soviets, c’est-à-dire la dictature du prolétariat, est au contraire construit de façon à rapprocher les masses laborieuses de l’appareil gouvernemental. Au même but tend la réunion du pouvoir législatif et exécutif dans l’organisation soviétiste de l’Etat, ainsi que la substitution aux circonscriptions électorales territoriales d’unités de travail, comme les usines et les fabriques.

17. Ce n’est pas seulement sous la monarchie que l’armée était un instrument d’oppression. Elle l’est restée dans toutes les républiques bourgeoises, même les plus démocratiques. Seul le pouvoir des Soviets, en tant qu’organisation permanente des classes opprimées par le capitalisme est capable de supprimer la soumission de l’armée au commandement bourgeois et de fondre réellement le prolétariat avec l’armée, en réalisant l’armement du prolétariat et le désarmement de la bourgeoisie, sans lesquels est impossible le triomphe du socialisme.

18. L’organisation soviétiste de l’Etat est adaptée au rôle directeur du prolétariat comme classe concentrée au maximum et éduquée par le capitalisme. L’expérience de toutes les révolutions et de tous les mouvements des classes opprimées, l’expérience du mouvement socialiste dans le monde entier nous enseignent que seul le prolétariat est en état d’unifier et de conduire les masses éparses et retardataires de la population laborieuse et exploitée.

19. Seule l’organisation soviétiste de l’Etat peut réellement briser d’un coup et détruire définitivement le vieil appareil bourgeois, administratif et judiciaire qui s’est conservé et devait inévitablement se conserver sous le capitalisme, même dans les républiques les plus démocratiques, puisqu’il était de fait le plus grand empêchement à la mise en pratique des principes démocratiques en faveur des ouvriers et des travailleurs. La Commune de Paris a fait, dans cette voie, le premier pas d’une importance historique universelle ; le pouvoir des Soviets a fait le second.

20. L’anéantissement du pouvoir gouvernemental est le but que se sont proposés tous les socialistes. Marx le premier. Sans réalisation de ce but, la vraie démocratie, c’est-à-dire l’égalité et la liberté, est irréalisable. Or, le seul moyen pratique d’y arriver est la démocratie soviétiste ou prolétarienne, puisque, appelant à prendre une part réelle et obligatoire au gouvernement les organisations des masses laborieuses, elle commence dès maintenant à préparer le dépérissement complet de tout gouvernement.

21. La complète banqueroute des socialistes réunis à Berne, leur incompréhension absolue de la démocratie prolétarienne nouvelle apparaissent particulièrement dans ce qui suit : le 10 février 1919, Branting clôturait à Berne la conférence internationale de l’Internationale jaune. Le 11 février 1919, à Berlin, était imprimé dans le journal de ses coreligionnaires Die Freiheit une proclamation du parti des Indépendants au prolétariat. Dans cette proclamation est reconnu le caractère bourgeois du gouvernement de Scheidemann, auquel on reproche son désir d’abolir les Soviets appelés les messagers et les défenseurs de la Révolution, auquel on demande de légaliser les Soviets, de leur donner les droits politiques, le droit de vote contre les décisions de l’Assemblée Constituante, le référendum demeurant juge en dernier ressort.

Cette proclamation dénote la complète faillite des théoriciens qui défendaient la démocratie sans comprendre son caractère bourgeois. Cette tentative ridicule de combiner le système des Soviets, c’est-à-dire la dictature du prolétariat, avec l’Assemblée Constituante, c’est-à-dire la dictature de la bourgeoisie, dévoile jusqu’au bout, à la fois la pauvreté de pensée des socialistes jaunes et des social-démocrates, leur caractère réactionnaire de petits bourgeois et leurs lâches concessions devant la force irrésistiblement croissante de la nouvelle démocratie prolétarienne.

22. En condamnant le bolchevisme, la majorité de l’Internationale de Berne, qui n’a pas osé voter formellement un ordre du jour correspondant à sa pensée, par crainte des masses ouvrières, a agi justement de son point de vue de classe. Cette majorité est complètement solidaire des mencheviks et socialistes révolutionnaires russes, ainsi que des Scheidemann allemands.

Les mencheviks et socialistes révolutionnaires russes, en se plaignant d’être poursuivis par les bolcheviks, essayent de cacher le fait que ces poursuites sont causées par la part prise par les mencheviks et les socialistes révolutionnaires à la guerre civile du côté de la bourgeoisie contre le prolétariat. Les Scheidemann et leur parti ont déjà montré de la même façon en Allemagne qu’ils prenaient la même part à la guerre civile du côté de la bourgeoisie contre les ouvriers.

Il est, par suite, tout. à fait naturel que la majorité des participants de l’Internationale jaune de Berne se soit prononcée contre les bolcheviks ; par là s’est manifesté, non point le désir de défendre la démocratie pure, mais le besoin de se défendre eux-mêmes, chez des gens qui sentent et qui savent que dans la guerre civile ils sont du côté de la bourgeoisie contre le prolétariat.

Voilà pourquoi, du point de vue de la lutte de classes, il est impossible de ne pas reconnaître la justesse de la décision de la majorité de l’Internationale jaune. Le prolétariat ne doit pas craindre la vérité, mais la regarder en face et tirer les conclusions qui en découlent.

Sur la base de ces thèses, et en considération des rapports des délégués des différents pays, le congrès de l’Internationale Communiste déclare que la tâche principale des partis communistes, dans les diverses régions où le pouvoir des Soviets n’est pas encore constitué, consiste en ce qui suit :

1° Eclairer le plus largement les masses de la classe ouvrière sur la signification historique de la nécessité politique et pratique d’une nouvelle démocratie prolétarienne, qui doit prendre la place de la démocratie bourgeoise et du parlementarisme ;

2° Elargir et organiser des Soviets dans tous les domaines de l’industrie, dans l’armée, dans la flotte, parmi les ouvriers agricoles et les petits paysans ;

3° Conquérir, à l’intérieur des Soviets, une majorité communiste, sûre et consciente.
Discours de Lénine sur ses thèses

Camarades,

Je voudrais ajouter quelques mots aux deux derniers points. Je pense que les camarades qui doivent nous faire le rapport sur la conférence de Berne nous en parleront avec plus de détails.

Pas un mot n’a été dit sur la signification du pouvoir soviétique au cours de toute la conférence de Berne. Il y a deux ans que nous discutions cette question en Russie. Déjà en avril 1917, au congrès du parti, nous avons posé cette question du point de vue théorique et politique : « Qu’est-ce que le pouvoir soviétique, quelle en est la substance, quelle en est la signification historique ? » Voilà bientôt deux ans que nous étudions cette question et au congrès du parti nous avons adopté une résolution sur ce sujet.

La Freiheit, de Berlin, a publié le 11 février un appel au prolétariat allemand signé non seulement par les chefs des social-démocrates indépendants en Allemagne, mais par tous les membres de la fraction des indépendants. En août 1918, le plus grand théoricien des indépendants, Kautsky, écrivait dans sa brochure, La dictature du prolétariat, qu’il était partisan de la démocratie et des organes soviétiques mais que les Soviets ne devaient avoir qu’un caractère économique et ne sauraient être reconnus comme organisations d’Etat. Kautsky répète cette affirmation dans les numéros de la Freiheit, en date des 11 novembre et 12 janvier. Le 9 février paraît un article de Rudolph Hilferding, qui est également considéré comme un des principaux théoriciens autorisés de la II° Internationale. Il propose de fusionner juridiquement, c’est-à-dire par la voie législative, les deux systèmes des Soviets et de l’Assemblée Nationale. C’était le 9 février. Cette seconde proposition est adoptée par tout le parti des Indépendants et publiée sous forme d’appel.

Malgré que l’Assemblée Nationale existe déjà en fait, même après que la « démocratie pure » a pris corps et réalité, après que les plus grands théoriciens des social-démocrates indépendants aint expliqué que les organisations soviétiques ne sauraient être des organes d’Etat, après et malgré tout cela, il y a encore des hésitations. Cela prouve que ces messieurs n’ont vraiment rien compris au nouveau mouvement et à ses conditions de lutte. Mais cela prouve en outre, autre chose, à savoir qu’il doit y avoir des circonstances, des motifs déterminant ces hésitations. Lorsque après tous ces événements. après bientôt deux ans de révolution victorieuse en Russie on nous propose de semblables résolutions comme ayant été adoptées à la Conférence de Berne, résolutions dans lesquelles il n’est rien dit des Soviets et de leur signification, et Conférence à laquelle pas un délégué n’a soufflé mot dans un discours quelconque de ces questions, nous avons parfaitement le droit d’affirmer que tous ces messieurs sont morts pour nous en tant que socialistes et théoriciens.

Mais en fait, du point de vue politique, cela prouve, camarades, qu’un grand progrès s’accomplit dans les masses puisque ces indépendants, théoriquement et par principe adversaires de ces organisations d’Etat, nous proposent subitement une sottise telle que la fusion « pacifique » de l’Assemblée Nationale avec le système des Soviets, c’est-à-dire la fusion de la dictature de la bourgeoisie avec la dictature du prolétariat. On voit à quel point ces gens-là ont fait faillite sous les rapports politiques et théoriques et quelle énorme transformation se produit dans les masses. Les masses arriérées du prolétariat allemand viennent à nous, que dis-je, elle sont venues à nous. Ainsi donc la signification du parti indépendant social-démocrate allemand, la meilleure partie du point de vue théorique et socialiste est égale à zéro ; cependant elle conserve une certaine importance dans ce sens que ces éléments nous servent d’indication de l’état d’esprit de la partie la plus arriérée du prolétariat. C’est là à mon avis qu’est l’énorme importance historique de cette conférence. Nous avons vu quelque chose d’analogue au cours de notre révolution : Nos mencheviks ont subi pas à pas, pour ainsi dire, la même évolution que les théoriciens des indépendants en Allemagne. Lorsqu’ils eurent la majorité dans les Soviets ils étaient pour les Soviets. On n’entendait alors que les cris de : « Vivent les Soviets ! », « Pour les Soviets ! », « Les Soviets et la démocratie révolutionnaire ! ». Mais, lorsque c’est nous qui eûmes la majorité dans les Soviets, nous bolcheviks, ils entonnèrent d’autres chants : « Les Soviets, déclarèrent-ils, ne doivent pas exister en même temps que l’Assemblée Constituante » ; et même certains théoriciens mencheviks proposèrent quelque chose d’analogue à la fusion du système des Soviets avec l’Assemblée Constituante et leur inclusion dans les organisations d’Etat. Une fois de plus il est apparu que le cours général de la révolution prolétarienne est identique dans le monde entier. D’abord constitution spontanée, élémentaire, des Soviets, puis leur extension et développement, ensuite apparition dans la pratique de la question : Soviets ou Assemblée Nationale Constituante ou bien parlementarisme bourgeois, confusion absolue parmi les chefs et enfin révolution prolétarienne. Il me semble cependant qu’après bientôt deux ans de révolution nous ne devons pas poser la question de la sorte mais prendre des résolutions concrètes étant donné que la propagation du système des Soviets est pour nous, et particulièrement pour la majorité des pays de l’Europe Occidentale, la plus essentielle des tâches. L’étranger qui n’a jamais entendu parler du bolchevisme ne peut que bien difficilement se faire une opinion propre sur nos discussions. Tout ce que les bolcheviks affirment, les mencheviks le contredisent et réciproquement. Certes il ne saurait en être autrement au cours de la lutte. C’est pourquoi il est extrêmement important que la dernière conférence du parti menchevik tenue au mois de décembre 1918, ait adopté une longue résolution détaillée entièrement publiée dans le Journal des typographes, organe menchevik. Dans cette résolution, les menchéviks eux-mêmes exposent brièvement l’historique de la lutte des classes et de la guerre civile. Il y est dit que les menchéviks condamnent les groupes du parti alliés aux classes possédantes dans l’Oural et dans le Midi, en Crimée et en Géorgie et ils indiquent avec précision toutes ces régions. Les groupes du parti menchévik qui, alliés aux classes possédantes, ont combattu contre le pouvoir soviétique sont maintenant condamnés dans cette résolution ; Mais le dernier point condamne également ceux qui sont passés aux communistes. Il s’ensuit que les mencheviks sont obligés de reconnaître qu’il n’y a point d’unité dans leur parti et qu’ils se tiennent ou bien aux côtés de la bourgeoisie ou aux cotés du prolétariat. Une grande partie des mencheviks est passée à la bourgeoisie et a lutté contre nous pendant la guerre civile. Naturellement nous poursuivons les mencheviks, nous les faisons même fusiller lorsque, en guerre contre nous, ils combattent notre armée rouge et font fusiller nos officiers rouges. A la bourgeoisie qui nous a déclaré la guerre, nous avons répondu par la guerre prolétarienne : il ne peut y avoir d’autre issue. Ainsi donc, du point de vue politique, tout cela n’est qu’hypocrisie menchevique. Historiquement, il est incompréhensible que, à la Conférence de Berne, des gens qui ne sont pas officiellement reconnus fous, eussent pu, sur l’ordre des mencheviks et des socialistes révolutionnaires, parler de la lutte des bolcheviks contre eux tout en passant sous silence leur lutte en commun avec la bourgeoisie contre le prolétariat.

Tous ils nous attaquent avec acharnement parce que nous les poursuivons ; c’est exact, mais ils se gardent bien de dire un mot de la part qu’ils ont prise eux-mêmes dans la guerre civile. Je pense qu’il convient de remettre, pour transcription au procès-verbal, le texte complet de la résolution et je prie les camarades étrangers de lui accorder toute leur attention car elle représente un document historique dans lequel la question est parfaitement posée et qui fournit la meilleure documentation pour l’appréciation de la discussion entre les diverses tendances « socialistes » en Russie. Entre le prolétariat et la bourgeoisie, il existe une classe de gens inclinant tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; il en fût ainsi toujours et dans toutes. les révolutions, et il est absolument impossible que dans la société capitaliste, où le prolétariat et la bourgeoisie constituent deux camps ennemis opposés, il n’existe pas entre eux des couches sociales intermédiaires. Historiquement l’existence de ces éléments flottants est inévitable ; malheureusement ces éléments qui ne savent pas eux-mêmes de quel côté ils combattront demain existeront encore relativement longtemps.

Je désire faire une proposition concrète tendant à faire adopter une résolution dans laquelle trois points doivent particulièrement être soulignés.

1. Une des tâches les plus importantes pour les camarades des pays de l’Europe Occidentale consiste à expliquer aux masses la signification, l’importance et la nécessité du système des Soviets. On constate sous ce rapport une insuffisante compréhension. S’il est vrai que Kautsky et Hilferding ont fait faillite en tant que théoriciens, les derniers articles de la Freiheit prouvent cependant qu’ils ont su exprimer exactement l’état d’esprit des parties arriérées du prolétariat allemand. Il est arrivé la même chose chez nous : au cours des huit premiers mois de la révolution russe la question de l’organisation soviétique a été beaucoup discutée, et les ouvriers ne voyaient pas très clairement en quoi consiste le nouveau système, ni si l’on pouvait constituer l’appareil d’Etat avec les Soviets. Dans notre révolution nous avons progressé non par la voie théorique mais par la voie pratique. Ainsi, par exemple, jamais auparavant nous n’avons posé théoriquement la question de l’Assemblée Constituante et nous n’avons jamais dit que nous ne reconnaissons pas celle-ci. Ce n’est que plus tard, lorsque les institutions soviétiques se répandirent à travers tout le pays et conquirent le pouvoir politique que nous décidâmes de disperser l’Assemblée Constituante. Nous voyons à présent que la question se pose avec beaucoup plus d’acuité en Hongrie et en Suisse. D’un côté il est excellent qu’il en soit ainsi ; nous puisons dans ce fait la conviction absolue que la révolution avance plus rapidement dans les Etats de l’Europe Occidentale et qu’elle nous apportera de grandes victoires. Mais, d’autre part, il y a un certain danger et c’est à savoir que la lutte sera tellement acharnée et tendue que la conscience des masses ouvrières ne sera pas en mesure de suivre ce rythme. Encore maintenant la signification du système des Soviets n’est pas claire pour les grandes masses des ouvriers allemands politiquement instruits, parce qu’ils ont été élevés dans l’esprit du parlementarisme et des préjugés bourgeois.

2. Point relatif à la propagation du système des Soviets. Lorsque nous voyons combien rapidement l’idée des Soviets se répand en Allemagne et même en Angleterre, nous pouvons bien nous dire que c’est là une preuve essentielle que la Révolution prolétarienne vaincra. On ne saurait arrêter son cours que pour peu de temps. Mais c’est une tout autre affaire lorsque les camarades Albert et Platten viennent nous déclarer qu’il n’y a guère de Soviets chez eux dans les campagnes, parmi les travailleurs ruraux et la petite paysannerie. J’ai lu, dans la Rote Fahne, un article contre les Soviets paysans, mais (et c’est absolument juste) pour les Soviets de travailleurs ruraux et de paysans pauvres. La bourgeoisie et ses valets, tels que Scheidemann et compagnie, ont déjà donné le mot d’ordre de Soviets paysans. Mais nous ne voulons que les Soviets de travailleurs ruraux et de paysans pauvres. Il ressort malheureusement des rapports des camarades Albert et Platten et autres, qu’à l’exception de la Hongrie, on fait bien peu de choses pour l’expansion du système soviétique dans les campagnes. C’est peut-être là que se trouve un danger pratique assez considérable pour l’obtention de la victoire par le prolétariat allemand. En effet, la victoire ne saurait être considérée comme assurée que lorsque seront organisés non seulement les travailleurs de la ville mais aussi les prolétaires ruraux, et organisés non comme auparavant dans les syndicats et coopératives, mais dans les Soviets. Nous avons obtenu la victoire plus facilement parce qu’en octobre 1917, nous avons marché ensemble avec toute la paysannerie. Dans ce sens notre révolution était alors bourgeoise. Le premier pas de notre gouvernement prolétarien consista en ce que les vieilles revendications de toute la paysannerie, exprimées encore sous Kérenski par les Soviets et les assemblées de paysans furent réalisées par la loi édictée par notre gouvernement le 26 octobre (vieux style) 1917, le lendemain de la révolution. C’est en cela que consista notre force et c’est pour cela qu’il nous fût si facile de conquérir les sympathies de la majorité écrasante. Pour la campagne, notre révolution continua à être bourgeoise, mais, plus tard, six mois après, nous fûmes contraints de commencer, dans les cadres de l’organisation d’Etat, la lutte des classes dans les campagnes, d’instituer dans chaque village des comités de pauvreté, de demi-prolétaires et de lutter systématiquement contre la bourgeoisie rurale. C’était inévitable chez nous car la Russie est un pays arriéré. Il en sera tout autrement en Europe Occidentale et c’est pourquoi nous devons souligner la nécessité absolue de l’expansion du système des Soviets aussi dans la population rurale en des formes correspondantes et peut-être nouvelles.

3. Nous devons dire que la conquête de la majorité communiste dans les Soviets constitue la principale tâche dans tous les pays où le pouvoir soviétique n’a pas encore triomphé. Notre commission de résolutions a étudié hier cette question. Peut-être d’autres camarades voudront-ils aussi dire leur opinion mais je désirerais proposer qu’on adopte ce troisième point sous forme de résolution spéciale. Il va sans dire que nous ne saurions prescrire sa voie de développement. Il est tout à fait probable que, dans beaucoup d’Etats de l’Europe Occidentale, la révolution éclatera très prochainement ; en tous cas, nous, en qualité de fraction organisée des ouvriers et du Parti, nous tendons et devons tendre à obtenir la majorité dans les Soviets. Alors notre victoire sera assurée et il n’y aura plus de force en mesure d’entreprendre quoi que ce soit contre la révolution communiste. Autrement la victoire ne sera pas si facile à atteindre et ne sera pas de longue durée.


Le monde bourgeois tout entier accuse les communistes d’anéantir la liberté et la démocratie politique. Cela est faux. En prenant le pouvoir, le prolétariat ne fait que manifester la complète impossibilité d’appliquer les méthodes de la démocratie bourgeoise et créer les conditions et les formes d’une démocratie ouvrière nouvelle, et plus élevée. Tout le cours du développement capitaliste, en particulier dans la dernière époque impérialiste, a sapé les bases de la démocratie politique, non seulement en divisant les nations en deux classes ennemies irréconciliables, mais encore en condamnant au dépérissement économique et à l’impuissance politique de multiples couches de la petite bourgeoisie et du prolétariat au même titre que les éléments les plus déshérités de ce même prolétariat.

La classe ouvrière des pays où le développement historique l’a permis a utilisé le régime de la démocratie politique pour son organisation contre le capital. Il en sera de même à l’avenir dans les pays où ne sont pas encore réalisées les conditions préliminaires d’une révolution ouvrière Mais les masses de la population intermédiaire, non seulement dans les villages, mais encore dans les villes, sont maintenues par le capitalisme loin en arrière, en retard de plusieurs époques sur le développement historique.

Le paysan de Bavière ou de Bade, encore étroitement attaché au clocher de son village, le petit vigneron français ruiné par la falsification des vins des gros capitalistes, le petit fermier américain obéré et trompé par les banquiers et les députés, toutes ces couches sociales, rejetées par le capitalisme loin de la grande route du développement historique, sont conviées sur le papier par le régime de la démocratie politique à participer au gouvernement de l’Etat. En réalité, dans les questions fondamentales dont dépend la destinée des nations, c’est une oligarchie financière qui gouverne dans les coulisses de la démocratie parlementaire. Il en fut ainsi naguère dans la question de la guerre. Il en est ainsi maintenant dans la question de la paix.

Dans la mesure où l’oligarchie financière se donne encore la peine de faire sanctionner ses actes de tyrannie par des votes parlementaires, l’Etat bourgeois se sert, pour atteindre les résultats désirés, de toutes les armes du mensonge, de la démagogie, de la persécution, de la calomnie, de la corruption, de la terreur, que les siècles passés d’esclavage ont mises à sa disposition et qu’ont multipliées les prodiges de la technique capitaliste.

Exiger du prolétariat que dans sa dernière lutte à mort contre le capital il observe pieusement les principes de la démocratie politique, cela équivaudrait à exiger d’un homme qui défend son existence et sa vie contre des brigands qu’il observe les règles artificielles et conventionnelles de la boxe française, instituées par son ennemi et que son ennemi ne s’en serve pas.

Dans le domaine de la dévastation, où non seulement les moyens de production et de transport, mais encore les institutions de la démocratie politique ne sont plus qu’un amas de débris ensanglantés, le prolétariat est obligé de créer un appareil à lui, qui serve avant tout à conserver la cohésion interne de la classe ouvrière elle-même et qui lui donne la faculté d’intervenir révolutionnairement dans le développement ultérieur de l’humanité. Cet appareil, ce sont les Soviets.

Les anciens partis, les anciennes organisations syndicales se sont manifestés en la personne de leurs chefs, incapables non seulement de décider, mais même de comprendre les problèmes posés par l’époque nouvelle. Le prolétariat a créé un nouveau type d’organisation large, englobant les masses ouvrières indépendamment de la profession et du degré de développement politique, un appareil souple, capable d’un perpétuel renouvellement, d’un perpétuel élargissement, pouvant toujours entraîner dans son orbe des catégories nouvelles et embrasser les couches des travailleurs voisines du prolétariat de la ville et de la campagne. Cette organisation irremplaçable de la classe ouvrière se gouvernant elle-même, luttant et conquérant finalement le pouvoir politique, a été mise dans différents pays à l’épreuve de l’expérience ; elle constitue la conquête et l’arme la plus puissante du prolétariat de notre époque.

Dans tous les pays où les masses travailleuses vivent d’une vie consciente se forment aujourd’hui et se formeront des Soviets de députés ouvriers, soldats et paysans. Fortifier les Soviets, élever leur autorité, les opposer à l’appareil gouvernemental de la bourgeoisie, voilà quel est maintenant le but essentiel des ouvriers conscients et loyaux de tous les pays. Par le moyen des Soviets, la classe ouvrière peut échapper aux éléments de dissolution qui portent dans son sein les souffrances infernales de la guerre, de la famine, de la tyrannie des riches avec la trahison de ses anciens chefs. Par le moyen des Soviets, la classe ouvrière, de la manière la plus sûre et la plus facile, peut parvenir au pouvoir dans tous les pays où les Soviets réuniront autour d’eux la majorité des travailleurs. Par le moyen des Soviets, la classe ouvrière, maîtresse du pouvoir, gouvernera tous les domaines de la vie économique et morale du pays, comme cela se passe déjà en Russie.

La débâcle de l’Etat impérialiste, depuis ses formes tsaristes jusqu’aux plus démocratiques, va de pair avec la débâcle du système militaire impérialiste. Les armées de plusieurs millions d’hommes mobilisés par l’impérialisme n’ont pu tenir qu’aussi longtemps que le prolétariat acceptait le joug de la bourgeoisie. La destruction de l’unité nationale signifie la destruction inévitable des armées. C’est ce qui arriva d’abord en Russie, puis en Allemagne et en Autriche. C’est encore ce qu’il faut attendre dans les autres pays impérialistes. La révolte du paysan contre le propriétaire, de l’ouvrier contre le capitaliste, de tous les deux contre la bureaucratie monarchiste ou « démocratique » entraîne inévitablement la révolte des soldats contre les. officiers, et ensuite une scission caractérisée entre les éléments prolétaires et bourgeois de l’armée elle-même, La guerre impérialiste opposant les nations aux nations s’est changée et se change de plus en plus en guerre civile opposant les classes aux classes.

Les lamentations du monde bourgeois sur la guerre civile et la terreur rouge constituent la plus monstrueuse hypocrisie qu’ai jamais enregistrée l’histoire des luttes politiques. Il n’y aurait pas de guerre civile si les coteries d’exploiteurs qui ont conduit l’humanité au bord de l’abîme ne s’opposaient pas à toute progression des travailleurs, n’organisaient pas des complots et des meurtres et ne sollicitaient pas le secours armé de l’étranger pour conserver ou restaurer leurs privilèges usurpés.

La guerre civile est imposée à la classe ouvrière par ses ennemis mortels. Si elle ne veut pas se suicider et renoncer à son avenir qui est l’avenir de toute l’humanité, la classe ouvrière ne peut pas éviter de répondre par des coups aux coups de ses agresseurs. Les partis communistes ne suscitent jamais artificiellement la guerre civile, s’efforcent d’en diminuer autant que possible la durée toutes les fois qu’elle surgit comme une nécessité inéluctable, de réduire au minimum le nombre des victimes, mais par-dessus tout d’assurer le triomphe du prolétariat. De là découle la nécessité de désarmer à temps la bourgeoisie, d’armer les ouvriers, de créer une armée communiste pour défendre le pouvoir du prolétariat et l’inviolabilité de sa construction socialiste. Telle est l’armée rouge de la Russie soviétique qui a surgi et qui s’élève comme le rempart des conquêtes de la classe ouvrière contre toutes les attaques du dedans et du dehors, Une armée soviétique est inséparable d’un Etat soviétique.

Conscients du caractère universel de leur cause, les ouvriers les plus avancés ont tendu, dès les premiers pas du mouvement socialiste organisé, vers une union internationale de ce mouvement. Les bases en furent posées en 1864 à Londres, par la première Internationale. La guerre franco-allemande, dont est née l’Allemagne des Hohenzollern, faucha la première Internationale et en même temps donna des partis ouvriers nationaux. Dès 1889, ces partis se réunissaient en Congrès à Paris et créaient l’organisation de la II° Internationale. Mais le centre de gravité du mouvement ouvrier était placé entièrement à cette époque sur le terrain national dans le cadre des Etats nationaux, sur la base de l’industrie nationale, dans le domaine du parlementarisme national. Plusieurs dizaines d’années de travail, d’organisation et de réformes ont créé une génération de chefs dont la majorité acceptaient en paroles le programme de la révolution sociale, mais y ont renoncé en fait, se sont enfoncés dans le réformisme, dans une adaptation servile à la domination bourgeoise. Le caractère opportuniste des partis dirigeants de la II° Internationale s’est clairement révélé et a conduit au plus immense krach de l’histoire mondiale au moment précis où le cours des événements historiques réclamait des partis de la classe ouvrière des méthodes révolutionnaires de lutte. Si la guerre de 1870 porta un coup à la Première Internationale en découvrant que derrière son programme social et révolutionnaire il n’y avait encore aucune force organisée des masses, la guerre de 1914 a tué la Deuxième Internationale en montrant qu’au-dessus des organisations puissantes des masses ouvrières se tiennent des partis devenus les instruments dociles de la domination bourgeoise.

Ces remarques ne s’appliquent pas seulement aux social-patriotes qui sont passés nettement et ouvertement dans le camp de la bourgeoisie, qui sont devenus ses délégués préférés et ses agents de confiance, les bourreaux les plu sûrs de la classe ouvrière ; elles s’appliquent encore à la tendance centriste, indéterminée et inconsciente, qui tente de restaurer la II° Internationale, c’est-à-dire de perpétuer l’étroitesse de vues, l’opportunisme, l’impuissance révolutionnaire de ses cercles dirigeants. Le parti indépendant en Allemagne, la majorité actuelle du parti socialiste en France, le parti ouvrier indépendant d’Angleterre et tous les autres groupes semblables essayent en fait de prendre la place qu’occupaient avant la guerre les anciens partis officiels de la II° Internationale. Ils se présentent comme autrefois avec des idées de compromis et d’unité, paralysant par tous les moyens l’énergie du prolétariat, prolongeant la crise et multipliant par là les malheurs de l’Europe. La lutte contre le centre socialiste est la conclusion indispensable du succès de la lutte contre l’impérialisme.

Rejetant loin de nous toutes les demi-mesures, les mensonges et la paresse des partis socialistes officiels caducs, nous, communistes, unis dans la III° Internationale, nous nous reconnaissons les continuateurs directs des efforts et du martyre héroïque acceptés par une longue série de générations révolutionnaires, depuis Babeuf jusqu’à Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg.

Si la première Internationale a prévu le développement à venir et a préparé les voies, si la deuxième Internationale a rassemblé et organisé des millions de prolétaires, la troisième Internationale est l’Internationale de l’action des masses, l’internationale de la réalisation révolutionnaire.

La critique socialiste a suffisamment flagellé l’ordre bourgeois. La tâche du parti communiste international est de renverser cet ordre de choses et d’édifier à sa place le régime socialiste. Nous demandons aux ouvriers et ouvrières de tous les pays de s’unir sous l’étendard du communisme qui est déjà le drapeau des premières grandes victoires prolétariennes de tous les pays. Dans la lutte contre la barbarie impérialiste, contre la monarchie et les classes privilégiées, contre l’Etat bourgeois et la propriété bourgeoise, contre tous les aspects et toutes les formes de l’oppression des classes ou des nations, unissez-vous !

Sous le drapeau des Soviets ouvriers, de la lutte révolutionnaire pour le pouvoir et la dictature du prolétariat, sous le drapeau de la III° Internationale, prolétaires de tous les pays, unissez-vous !

Manifeste de la troisième internationale communiste rédigé par Léon Trotsky en 1919

Messages

  • La véritable démocratie, celle des travailleurs et des petites gens, n’est pas le droit de voter pour celui qui durant plusieurs années servira de chef de file des classes dirigeantes et d’un appareil d’Etat, qui eux n’ont été choisis et ne sont révocables par personne.

    La véritable démocratie ne consiste pas à cacher la réalité de la lutte des classes qui fait que, dans le vieux monde, une infime minorité accapare toutes les richesses.

  • Haiti est une très bonne démonstration :

    les puissances internationales tiennent à y faire une élection

    mais le peuple n’a ni logement, ni nourriture ni santé

    ni même des vaccins anti-choléra...

    Décidément, les élections sont le cache-misère le plus important de la bourgeoisie

  • Que faire quand les allées du pouvoir sont remplies d’affairistes et de magouilleurs de tout acabit prêts à des actions condamnables pour barrer la route à toute initiative susceptible de renverser le système inégalitaire prévalant dans la société ?

    Que faire finalement pour sauver la démocratie quand l’appareil d’état coiffant l’organisation sociale et politique devient le seul vrai dispensateur d’emplois et la source de toute richesse ?

    C’est le piège dans lequel se sont longtemps trouvés les Haïtiens et, particulièrement, la Démocratie elle-même, depuis les deux dernières décennies.

    Si la dictature prévalait encore, les Haïtiens pourraient se prendre à rêver à un régime démocratique auquel ils prêteraient toutes les vertus. À défaut de vivre dans le présent, ils se laisseraient aller à vivre, au moins, d’espoir. D’espoir de changements de tous ordres. À commencer par celui d’un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

    Mais, ils n’ont pas besoin de rêver… Le rêve n’est-il pas déjà dans la réalité ? N’est-ce pas l’ère de la démocratie qu’a instaurée la nouvelle constitution de 1987 ? Les constituants de l’époque ne pouvaient, néanmoins, pas prévoir que la notion de démocratie au cœur de leur réflexion serait vidée de sa substance pour ne retenir, à beaucoup d’égards, que ses apparences. De sorte que là où on aimerait compter des DÉCISIONS et des ACTIONS appropriées aux conditions de sous –développement du pays et dont les répercussions se feraient sentir en profondeur dans la société, on ne dispose que de GESTICULATIONS superficielles sans aucune portée sociale valable.

    L’un des domaines les plus significatifs de ces gesticulations est, à cet égard, celui des élections. Qui aurait cru qu’on en viendrait presque à se plaindre de leur multiplication ?

  • Denis Diderot : « La pire ironie, quand on a des esclaves, c’est de les appeler citoyens. »

  • "Le terme de démocratie, appliqué au Parti communiste, n’est pas seulement inexact au point de vue scientifique. Aujourd’hui, après mars 1917, c’est un bandeau mis sur les yeux du peuple révolutionnaire, qui l’empêche de faire du neuf librement, hardiment et sur sa propre initiative, c’est-à-dire d’organiser des Soviets de députés ouvriers, paysans et autres en tant que pouvoir unique dans l’ « Etat », un tant qu’annonciateurs du « dépérissement » de tout Etat."

    Lénine

  • « La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader. Un système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude. »

    Aldous Huxley dans « Le meilleur des mondes »

  • La question à laquelle il faut répondre et qui nécessite un choix dans le monde d’après l’effondrement économique mondial de 2007-2008, n’est pas Tartenpion ou Tartomuche au gouvernement : c’est capitalisme pourrissant ou socialisme naissant, et pour cela Etat des possesseurs de capitaux ou pouvoir aux travailleurs ?

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