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Les grèves s’étendent dans toute l’Afrique du Sud malgré les licenciements de masse

dimanche 14 octobre 2012, par Robert Paris

Les grèves s’étendent dans toute l’Afrique du Sud malgré les licenciements de masse

Par Robert Stevens

13 octobre 2012

Face à une vague croissante de débrayages des ouvriers à travers l’Afrique du Sud, les sociétés minières annoncent des licenciements massifs d’employés en grève.

La semaine dernière, Anglo American Platinum (Amplats), le plus important producteur mondial de platine, a licencié 12 000 mineurs en grève. Cette décision faisait suite à une grève de trois semaines de 28 000 mineurs dans les quatre mines de la compagnie à Rustenberg.

La veille de l’annonce, un mineur a été tué lorsque la police a mené un assaut contre les ouvriers. Le mineur est le dernier de presque 50 ouvriers tués par les forces gouvernementales au cours des dernières semaines, dont 34 abattus par la police le 16 août à la mine de Lonmin à Marikana.

L’initiative d’Amplats a été suivie mardi par deux autres sociétés minières qui ont licencié plus de 3500 travailleurs participants à des grèves ayant commencé le 1er octobre contre les bas salaires et des conditions de travail intolérables. La société minière d’extraction de platine Atlatsa a licencié 2161 ouvriers pour avoir participé à une grève la semaine dernière à sa mine de Bokoni et que la société a déclaré illégale. La direction a donné aux ouvriers seulement jusqu’à la fermeture des bureaux le jour suivant pour être présents à l’appel.

La compagnie minière aurifère Gold One a licencié 1435 ouvriers, soit 75% de ses employés, à sa mine d’or et d’uranium située à l’extérieur de Johannesburg. Elle a donné jusqu’à jeudi aux ouvriers pour faire appel de la décision. La compagnie a ensuite publié une mise en garde menaçante avertissant que la répression policière attendait toute opposition à cette décision, et déclarant : « Le Service de police sud-africain maintient une forte présence sur les lieux de production pour s’assurer qu’il n’y ait aucun acte d’intimidation ou de violence. Actuellement, seuls les services essentiels sont maintenu. »

La vague de licenciements de rétorsion n’a pas permis, toutefois, d’arrêter la propagation des grèves, le plus souvent non autorisées. La rébellion croissante des ouvriers en Afrique du Sud prend la forme d’un mouvement national non officiel qui défie les grandes sociétés, le gouvernement du Congrès National africain (ANC) au pouvoir et les syndicats officiels.

Depuis août, quand les travailleurs employés à la firme de platine Lonmin ont débuté un arrêt de travail sur les salaires, plus de 100 000 travailleurs dans toute l’Afrique du Sud, dont 75 000 mineurs de plus de 20 mines, ont été impliqués dans des grèves et des conflits. Les luttes ont inclus les travailleurs des transports, de l’automobile et d’autres secteurs.

Selon différentes sources, les grèves dans toute l’industrie de l’extraction de l’or auraient réduit la production nationale de plus de 40%. Les plus gros producteurs d’or d’Afrique, AngloGold Ashanti Ltd., Gold Fields Ltd. et Harmony Gold Mining ont tous été touchés.

À la suite de l’augmentation de 22 % des salaires obtenue par les ouvriers de la mine Lonmin à Marikana, les mineurs d’AngloGold Ashanti ont mis à l’arrêt la production pour exiger un accord salarial équivalent. Ils ont rejoint les 13 000 mineurs de Gold Fields, qui ont participé à des grèves sauvages pendant plusieurs semaines. Les mineurs employés à la mine Harmony à Kusasalethu sont en grève depuis le début d’octobre.

Les ouvriers employés à la mine de minerai de fer de Kumba, une filiale de Anglo American qui figure parmi les 10 premiers producteurs de minerai de fer dans le monde, sont également en grève. Les employés de la société Sishen Mien de la province de Cap-du-Nord ont quitté leur poste de travail, dans un mouvement de grève non autorisée le 3 octobre, avec comme objectif une augmentation du salaire mensuel de 15000 rand ($1725) pour tous les employés. Les ouvriers ont tout de suite bloqué l’accès à la mine, forçant à l’arrêt de la production le jour suivant. Une déclaration de la compagnie publiée lundi déclare, « Les grévistes sont tous des employés permanents appartenant aux syndicats reconnus de la compagnie, mais ils agissent de leur propre initiative sans représentation syndicale. »

Mardi, 400 ouvriers employés à la mine de platine Xstrata à Brits, dans le nord-ouest du pays, ont commencé une action de grève pour demander une augmentation de salaire.

Les ouvriers de la Western Chrome Mine, de la firme Samancor, continuent leur grève sauvage et les mineurs de charbon ont démarré un mouvement non autorisé portant sur les salaires à la Houillère Mooiplaats dans la province de Mpumulanga. Une grève nationale des mineurs de charbon amènerait rapidement à l’arrêt de l’économie, étant donné qu’environ 85 % de l’électricité d’Afrique du Sud est produite à partir du charbon.

Toujours ce mardi il a été annoncé que deux syndicats de transport avaient retiré leurs membres de la grève des camionneurs en cours. Selon l’association des employeurs de transport de marchandises, les syndicats ont mis fin à leur arrêt de travail après que leurs membres aient gagné une augmentation de salaire « à deux chiffres ».

Malgré cela, environ 28000 ouvriers, membres du South African Transport et de Allied Workers Union, ont juré de continuer la lutte. La grève des camionneurs a un impact important sur l’économie ; une organisation des employeurs a déclaré que l’industrie des marchandises perdait environ 1,2 milliards de rands ($135 millions) de chiffre d’affaire chaque semaine.

Il a été annoncé que la semaine prochaine, les ouvriers des ports vont faire grève pendant trois jours et les ouvriers du rail pendant un jour dans une action relai en soutien des camionneurs.

A côté des menaces et de la répression, un certain nombre de compagnies d’exploitation minière ont essayé de mettre fin aux grèves en entrant dans les négociations et en offrant des hausses des salaires supérieures à la normale.

Commentant la situation ce mardi, John Meyer, un analyste d’une banque d’investissement, a déclaré, « ce n’est pas une surprise que les grèves s’étendent et nous nous attendons à voir la plupart des secteurs affectés par une forme d’action ou une autre cette année. »

Suite à la collusion du National Union of Mineworkers (NUM) avec les grandes entreprises, les ouvriers ont quitté l’organisation en masse, beaucoup refusant de rejoindre aucun autre des syndicats officiels.

La bureaucratie du NUM, qui a joué un rôle clé comme force de police industrielle appliquée à l’une des sections les plus militantes des ouvriers, en partenariat avec l’ANC et le Parti communiste sud-africain, est maintenant menacée par un mouvement oppositionnel de masse qui grandit, venant de la base.

L’étendue de la désertion des ouvriers hors du NUM peut être appréhendée par le fait que le 1er octobre, Impala Platinum a écrit au syndicat en déclarant qu’il n’avait plus un nombre suffisant de membres pour être reconnu à sa mine de Rustenburg. Impala a déclaré que depuis mars, la majorité de ses 28000 employés avaient abandonné le NUM et que le syndicat ne représente désormais plus que 13 % de la main-d’œuvre, s’effondrant par rapport au 70 % précédemment revendiqués.

Un rapport sur allafrica.com a noté que le NUM devait intégrer 50 % ou plus des ouvriers pour être reconnu par la compagnie et qu’Impala lui avait donné trois mois pour atteindre cet objectif.

Une autre indication de l’hostilité grandissante des ouvriers à l’égard de l’appareil syndical officiel est un article de ce mardi de Independent Online qui rapporte que plus tôt dans la journée, le NUM et les dirigeants locaux de COSATU ont essayé de s’adresser aux ouvriers à la mine de platine de Amandelbult appartenant à Anglo American Platinum, mais qu’ils ont dû repartir quand leur voiture a été accueillie par des jets de pierre.

Mercredi, des centaines d’ouvriers licenciés d’Amplats, qui ont refusé d’accepter leur renvoi, ont tenté d’entrer dans les bureaux régionaux du NUM à Rustenburg pour démissionner de l’organisation en masse. Ils ont été empêchés par la police d’entrer dans le bâtiment. Plus tôt dans la journée, le représentant du NUM, Lesiba Seshoka, a déclaré, « Les mineurs ne peuvent pas annuler leur adhésion quand ils ont été licenciés, parce qu’ils sont sans emploi. »

Commentant l’incident, le Mail and Guardian a déclaré, « L’action des ouvriers d’Amplats montre le déclin continu du syndicat, que la grève tragique des ouvriers de Lonmin à Marikana a semblé exacerber. La vague actuelle de grèves, qui a d’abord balayé le secteur du platine avant de se propager à d’autres industries, a été dirigée par des comités de grève indépendants qui ont mis en avant des revendications salariales en dehors du cadre des accords négociés établis. » L’article a cité un membre du comité de grève d’Amplats qui a dit que « les ouvriers allaient finir ce qu’ils ont commencé sans interférence syndicale. »

L’agence de notation financière Standard and Poor’s a dégradé vendredi d’un cran la note de l’Afrique du Sud en raison des grèves du secteur minier et, plus généralement, des tensions sociales peu compatibles avec la discipline budgétaire.

Emboîtant le pas à l’agence Moody’s qui avait abaissé la note de l’Afrique du Sud le 27 septembre, Standard and Poor’s a passé la sienne de BBB+ à BBB.

"De notre point de vue, les grèves dans le secteur minier en Afrique du Sud vont probablement alimenter le débat politique à l’approche des élections de 2014", a expliqué l’agence de notation qui redoute que cela n’augmente les incertitudes pour l’avenir de ce secteur.

L’agence fait indirectement allusion au débat sur une possible nationalisation des mines, réclamée par certains au sein de l’ANC au pouvoir mais strictement rejetée par le gouvernement et la direction actuelle du parti.

Standard and Poor’s prévoit aussi que "les tensions sociales existantes en Afrique du Sud augmentent la pression du gouvernement sur les dépenses" budgétaires, dans un contexte peu porteur d’une croissance ralentie, qui ne devrait pas dépasser les 2,5% en 2012.

Le gouvernement sud-africain a contesté cette analyse. Il n’y a "aucune preuve historique pour soutenir l’affirmation de S&P : notre jeune démocratie a en effet connu de nombreuses campagnes au sein du parti au pouvoir ou pour le gouvernement. Aucune n’a eu d’impact sur la politique publique ou budgétaire tel que suggéré par S&P", a déclaré le Trésor sud-africain dans un communiqué.

"Concernant les grèves, le gouvernement travaille avec toutes les parties pour mettre un terme immédiat à ces actions sauvages", a-t-il ajouté.

De son côté, l’agence de notation estime que l’approche du congrès de l’ANC en décembre, puis des élections en 2014, n’augure rien de bon en matière de dépenses publiques.

Selon elle, depuis la crise minière, il y a une probabilité plus élevée que l’ANC "intronise davantage d’éléments populistes au sein de ses instances dirigeantes" lors du congrès, à la fois "pour conserver le soutien des syndicats" et "battre en brèche l’impression d’une perte de légitimité des institutions politiques et sociales sud-africaines".

A court terme, les recettes fiscales ne devraient pas être "substantiellement affectées" par le manque à gagner subi par l’industrie minière, estime Standard and Poor’s, et la récente présentation budgétaire de mi-année "n’indique pas de dérive budgétaire majeure".

Il n’empêche, "nous pensons que les promesses de rigueur budgétaire pourraient être mis en cause à Mangaung (le congrès de l’ANC de décembre, ndlr)" tandis que "les efforts de rigueur budgétaire pourraient aussi être minés par une pression croissante sur les dépenses durant l’année précédent les élections".

L’Afrique du Sud est touchée depuis août par une vague de grèves sauvages qui a démarré de façon sanglante dans une mine de platine à Marikana où les mineurs se sont rebellés contre leur syndicat national et ont obtenu de fortes augmentations.

La grève se poursuit dans plusieurs mines d’or et chez le numéro un mondial du platine, Amplats (filiale du géant anglo-sud-africain Anglo American), où elle a fait au moins 4 morts, 9 selon le NUM, portant le bilan des troubles dans les mines sud-africaines à plus de 50 morts depuis août.

Vendredi, le président Jacob Zuma a reçu les partenaires sociaux pour, a-t-il dit, essayer de "trouver une réponse commune".

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Les grèves s’étendent dans toute l’Afrique du Sud malgré les licenciements de masse
15 octobre 2012 06:43

Les salariés d’Amplats, numéro un mondial du platine, réclament une hausse de leurs salaires. Mais leur grève est jugée illégale par leur employeur qui a annoncé le licenciement de 12 000 d’entre eux (sur un effectif de 28 000) vendredi dernier. Depuis, la protestation a repris de plus belle, tandis que les syndicats, qui appellent les mineurs à cesser leur mouvement, tentent de faire avancer les négociations avec le patronat.

La crise du secteur minier commence à avoir des répercussions sur l’économie sud-africaine. La production de platine a baissé de 2,6% en août alors qu’elle constitue l’un de ses plus grands atouts. Le pays représente en effet 75% de la production mondiale. Et à leur tour, les mines d’or sont touchées par des mouvements sociaux importants.

La banque centrale d’Afrique du Sud s’est également inquiétée de voir fuir les capitaux étrangers. Selon la gouverneure Gill Marcus, plus de 10 milliards de rands (900 millions d’euros) ont quitté le pays récemment, dont 5,6 milliards dans la seule journée du lundi 8 octobre, jour de la rencontre des grévistes d’Amplats avec leurs employeurs. « Les perspectives (de l’économie) se détériorent rapidement en ce moment », a-t-elle fait remarquer.

Un pessimisme que le ministre du Commerce britannique a essayé de contrebalancer jeudi, lors d’une conférence de presse donnée quelques heures après le drame de Rustenberg. « Les principales entreprises britanniques en Afrique du Sud (...) ne sont pas ébranlées par les récents événements survenus dans le pays, a-t-il assuré. Ils ont une vision de long terme et estiment que l’Afrique du Sud possède beaucoup de fondamentaux très attrayants pour les investisseurs. »

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