Accueil > 10 - Livre Dix : SYNDICALISME ET AUTO-ORGANISATION DES TRAVAILLEURS > Les syndicats désavoués en Algérie

Les syndicats désavoués en Algérie

mardi 8 janvier 2013, par Robert Paris

Les postiers

Malgré l’annonce d’une réunion de sortie de crise prévue pour lundi, les salariés d’Algérie Poste qui ont manifesté dimanche, devant la Grande Poste à Alger, ainsi que dans les principales villes du pays, restent sceptiques. La situation s’est aggravée avec la rupture consommée entre les grévistes et le syndicat (UGTA) d’Algérie Poste, dont les grévistes dénoncent les agissements « anti-travailleurs ». Une plateforme de revendications comportant 14 points a été soumise à la direction de l’entreprise en fin de semaine dernière, a indiqué un des salariés grévistes participant au rassemblement à Alger.

« Ce que l’on demande en priorité, c’est le départ du DG, qui a tout bloqué depuis son arrivée, ainsi que l’amélioration de nos conditions de travail, qui n’ont fait que se dégrader depuis 2003 », martèle un salarié gréviste, rencontré dimanche devant la Grande Poste à Alger, lors d’un rassemblement des grévistes d’Algérie Poste. « Au centre de la Direction centrale des colis (DRCC), à Belcourt, on travaille avec quarante centimètres d’eaux usées sous les pieds, et on parle avec les mouches, tellement elles sont nombreuses », témoigne un jeune postier, qui affirme avoir vu mourir un de ses collègues de la tuberculose. « La distribution du courrier dans les bureaux de poste est passée de deux fois par jour à une fois tous les deux jours à cause du manque de véhicules disponibles », renchérit un autre salarié gréviste.

Ces propos ont été recueillis dimanche matin, lors du rassemblement organisé devant la Grande Poste, au centre d’Alger, par des travailleurs d’Algérie Poste, en grève depuis six jours, pour appuyer une série de revendications, parmi lesquelles le départ du Directeur général, Mohamed Laïd Mehloul, et l’amélioration des conditions de travail. Des regroupements similaires ont été organisés dans les principales villes du pays, selon les grévistes, qui organisent leur mouvement de contestation en dehors de l’UGTA.

« On manque de tout. Même les stylos, gommes, crayons, nous devons les acheter avec notre propre argent. On ne travaille pas dans des conditions humaines », déplore un facteur âgé 49 ans, qui se dit si usé par toutes ces régressions qu’il envisage de prendre sa retraite anticipée d’ici cinq ans. Comme ses collègues, il réclame « l’application de la Convention collective signée en 2003, dont les points d’accord négociés n’ont jamais été respectés, en premier lieu l’avancement de grade. Imaginez-vous qu’un salarié recruté en 1981 sort aujourd’hui avec le même grade s’il ne fait pas partie de la direction », poursuit cet employé dont le salaire s’élève à 38.000 dinars après 25 ans de travail. A ses côtés, un collègue, plus âgé, arborant une barbe blanche, égrène ses griefs : « En 33 ans et huit mois de carrière aux chèques postaux, ma femme n’a même pas évolué d’un grade ».


Les syndicats désavoués

Contrairement aux déclarations faites par le Secrétaire général du syndicat d’Algérie Poste (UGTA), M. Mourad Bendjedi, annonçant une issue au conflit suite à la réunion de lundi, qui prévoit d’accorder aux salariés une prime de 30.000 dinars, les grévistes ne semblent pas décidés à reprendre le travail de sitôt. « Cette prime de 30.000 dinars, c’est trois fois rien par rapport à toutes nos revendications », assure un protestataire. De plus en plus de voix s’élèvent d’ailleurs parmi les grévistes pour exiger le départ de M. Mourad Bendjedi, accusé de « protéger ses intérêts et ceux de la direction plutôt que ceux des travailleurs ».

« Seule une volonté perceptible de l’administration d’accéder à nos revendications, nous fera reprendre le travail », dit-on dans les rangs des grévistes. Mais le climat reste tendu. Le mouvement de protestation, qui a commencé de façon spontanée il y a une semaine, risque donc de durer, malgré les désagréments subis par les usagers de la Poste, notamment les petits salariés et retraités.

Les adjoints de l’éducation

Le Syndicat national autonome des adjoints de l’éducation est né. Oran vient d’abriter le congrès constitutif du Syndicat national autonome des adjoints de l’éducation (SNAE), en présence des délégués de 25 wilayas, le 30 décembre dernier au siège du Snapest, situé au lycée Pasteur.

Deux revendications majeures sont exprimées par le nouveau conseil : “Nous avons deux revendications principales. La première, notre classification à la catégorie 10 au lieu de 7 et la seconde, la possibilité d’occuper le poste de surveillant général dans la cadre de la promotion professionnelle car le nouveau statut de l’éducation ne le permet pas”, déclare d’emblée le président élu Bourokba Redouane. Avec ses 28 ans de service et trois enfants à sa charge, Bourokba ne touche que 37 000 DA par mois.

Du coup, les “pions” exigent une reclassification qui s’impose pour un pouvoir d’achat acceptable.

Mais le point crucial qui a poussé les adjoints d’éducation à créer leur syndicat autonome, c’est l’impression d’avoir été bernés. “Les syndicats qui nous chapeautaient nous ont bernés. La preuve, le nouveau statut est pénalisant pour les adjoints de l’éducation. Nous sommes entre 45 000 et 50 000 adjoints à travers le territoire national”, affirme catégorique le président du SNAE lors d’un point de presse organisé samedi dernier.

Aux questions de “Liberté”, le conférencier est revenu sur la situation qui prévaut dans les établissements scolaires, l’emploi du personnel du filet social et le pré-emploi mal préparé et sans aucune formation : “Nous avons trois tâches. La première est d’ordre pédagogique, la deuxième sécuritaire et la troisième administrative. Nous n’avons aucune protection contre la violence exercée sur nous de la part des lycéens et autres”, explique Bourokba avant de poursuivre : “Nous subissons une vraie injustice professionnelle. Des adjoints détenteurs d’une licence n’ont pas le droit de postuler au poste de surveillant général (conseiller pédagogique). C’est injuste !”. En effet, le désordre que vit un grand nombre d’établissements scolaires mérite plus d’attention de la part de la tutelle vers cette catégorie pour améliorer la situation.

Pères et mères de familles, les adjoints d’éducation ont été lésés dans le nouveau statut qui les classe à la catégorie 7. En attendant, le plan d’action, le nouveau syndicat appelle au dialogue : “Nous sommes pour le dialogue et le respect des lois de la République. Cependant, nous lutterons pour arracher nos droits légitimes”, conclut le président du SNAE fraîchement élu.


Les syndicats sont dépassés alors que la crise sociale a atteint son paroxysme. La multiplication des contrats de court terme a fait reculer la syndicalisation, dont on ne connaît pas le taux exact.

Dans une société précaire, en Algérie comme ailleurs, le rôle des syndicats est appelé à changer. Par ailleurs, 70 % des Algériens sont jeunes. Ils ont de l’énergie, mais ne se retrouvent pas dans les syndicats, qui doivent notamment se mettre à internet. En fait, il faudra réinventer les outils de mobilisation et savoir se placer loin des partis politiques, qui sont des structures elles aussi en crise.

La mobilisation des travailleurs est importante et les autorités prennent de plus en plus en compte les syndicats autonomes comme des acteurs incontournables. D’autant que la pression s’accentue pour que l’Algérie applique les conventions internationales qu’elle a signées. Les syndicats remportent des victoires, mais ils doivent consacrer du temps à défendre leur existence et le droit syndical lui-même.

En voici un exemple :

Pour revendiquer le payement des primes de rendement des troisième et quatrième trimestres de l’exercice précédent, les travailleurs de l’EPSP de Boghni sont en grève illimitée, depuis mercredi dernier.

En effet, les grévistes, regroupés autour d’un collectif de travailleurs dans lequel sont associés les personnels administratif, médical et paramédical et les corps communs, à travers leur mouvement de débrayage décidé lors d’une assemblée générale des travailleurs tenue la veille, réclament le versement de leur salaire du mois de décembre écoulé. Ils revendiquent, également, le payement des frais de missions du personnel inhérentes aux années 2011 et 2012, en plus des situations d’avancement des travailleurs sur les mêmes années non encore rémunérées. À signaler que ce mouvement de grève touchera, en plus de l’établissement de santé de proximité de Boghni, toutes les polycliniques et les unités de soins rattachées à l’EPSP de Boghni, notamment celles des daïras de Draâ El Mizan et de Tizi Gheniff. Un représentant du collectif des travailleurs nous a précisé que leur premier responsable hiérarchique « n’a pas pu élucider le dysfonctionnement enregistré dans le traitement des salaires et des primes de son personnel ». À signaler, enfin, que parallèlement à ce mouvement de grève, les travailleurs du même établissement se sont réunis, avant-hier, pour créer une section syndicale affiliée à l’UGTA.

Fin décembre, on trouvait également en grève les paramédicaux, le métro, etc...

Le gouvernement est débordé mais aussi les syndicats dans leur rôle classique d’encadrement...

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.