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L’intervention militaire française parviendra-t-elle à étouffer la révolte du peuple malien ?

vendredi 18 janvier 2013, par Robert Paris, Tiekoura Levi Hamed

L’intervention militaire française parviendra-t-elle à étouffer la révolte du peuple malien ?

A la sale guerre des groupes islamistes au nord vient désormais se rajouter la sale guerre de la France et des troupes maliennes. Exactions contre exactions et les populations civiles, loin d’être sauvées, sont doublement menacées. Ceux qui ont échappé aux uns vont être la cible des autres, accusées de complicité, volées, violées, bombardées. Les troupes maliennes n’ont de cesse que de démontrer leur capacité de violence, elles qui avaient été accusées de molesse, quitte à prendre des victimes comme accusés et à les fusiller sans jugement pour augmenter leur tableau de chasse. Délit de faciès de touareg, délit de contestation sociale, délit de détention d’une arme, délit de désir de se déplacer, tout est devenu un délit dans ce pays en guerre pris entre deux feux, entre islamistes et anti-islamistes. L’anti-terrorisme a bon dos pour justifier de terroriser en réalité les populations civiles.

Même au sud, même à Bamako, la chasse à quiconque peut ressembler à un ami, à un allié des groupes armés, à un terroriste, à un touareg, à un contestataire, a commencé avec des arrrestations arbirtraires, des interrogatoires dans les camps militaires où personne ne peut savoir ce qui se passe et où quiconque met en doute la parole des armes est passé par les armes sans jugement…

L’armée française et l’armée malienne ne valent pas mieux en matière de défense des populations civiles que les armées islamistes et touaregues. Il suffit de rappeler que le général commandant l’opération de la France au Mali est un ancien officier supérieur commandant l’opération de la France au Rwanda, commandant le génocide donc puisque la France de Miterrand-Léotard était l’organisateur du massacre de 1994. Les bombardements par avions rafale n’ont pas cessé et les habitations civiles peuvent aussi bien en faire les frais que de vrais camps des bandes armées du nord. Et ce n’est qu’un début…

Bien sûr, une partie de la population noire du sud a pu, au début, penser être libérée par l’intervention militaire de la France puisqu’elle avait craint que les groupes armés parviennent jusqu’à Bamako et renversent le pouvoir après avoir battu l’armée malienne. Mais ce soulagement n’a eu qu’un temps. La signification réelle de l’intervention française prend tournure.

L’armée française ne fait pas qu’attaquer au nord, elle occupe au sud. Elle occupe Bamako et entend y faire régner sa loi. Il faut dire qu’aucun pouvoir malien n’était parvenu à imposer sa loi ces derniers temps à Bamako.

Cette question, le discrédit du pouvoir et le soulèvement des opprimés, était même le principal souci des grandes puissances et celles-ci n’avaient tardé à intervenir militairement qu’à cause de l’opposition du peuple malien à toute occupation par une armée étrangère.

Les Maliens ont parfaitement conscience que toutes les interventions armées étrangères en Afrique se sont soldées par une aggravation des violences, de la misère et de la dictature. Elles en ont vu le résultat tout récemment en Côte d’Ivoire où résidaient de nombreux maliens. Les troupes françaises et américaines avaient réussi à changer de dictateur pour mettre le leur mais n’ont pas supprimé la dictature et la misère est plus grande que jamais.

Au Mali, après avoir juré ses grands dieux que jamais la France n’interviendrait autrement que comme soutien des armées africaines, Hollande lance ses avions, lance ses commandos, lance ses forces spéciales et maintenant lance l’armée de terre et les blindés. Et rien ne prouve que ce conflit ne soit pas une nouvelle sale guerre comme celle d’Algérie qu’Hollande prétendait regretter comme une marque du colonialisme honnis.

Mais le fait que la France soit engagée en même temps dans des conflits dans quatre pays d’Afrique, qu’elle considère ces territoires comme sa banlieue, n’est-ce pas une marque que le colonialisme n’est pas mort ? Non, cela signifie que, colonial ou pas, c’est le capitalisme qui se considère en droit d’écraser les peuples et pas de les sauver du terrorisme comme il le prétend.

La population française, que l’on s’est bien gardée de consulter avant, est soi-disant consultée après par les média qui affirment qu’elle est favorable à la fermeté contre les terroristes. Facile ! Après quelques mois de propagande où tout était mêlé : racisme, terrorisme, islamisme, question nationale touarègue mais rien n’était montré.

La première chose qu’il aurait fallu dire, c’est que ce désert du nord Mali intéressait la France parce que sa partie ouest, c’est le gaz et le pétrole et que sa partie est, c’est l’uranium, celui qui est frontalier de l’uranium du Niger et qu’exploite le trust français Areva ! Ce n’est pas tout à fait secondaire dans l’intervention militaire de la France… Et ce n’est pas les seuls buts de guerre qui en font une intervention impérialiste !

Car cette intervention vise d’abord à « rétablir l’ordre » dans la capitale, remettre en place la dictature de l’Etat et des classes dirigeantes, mises à mal par la révolte, complètement discréditées non seulement parmi les petits soldats mais dans les masses populaires.

L’un des premiers objectifs des troupes françaises n’était pas destiné à attaquer les groupes islamistes du nord mais à occuper la capitale Bamako. Hollande a d’ailleur reconnu que le rétablissement de l’ordre dans la capitale était l’un des « trois objectifs », affirmant mensongèrement que cela avait pour but d’assurer la sécurité des ressortissants français à Bamako.

Quand le gouvernement français a choisi d’envoyer l’armée au Mali, il ne répondait pas seulement à la nécessité pour lui de sécuriser ses profits dans la région, en particulier l’uranium d’Areva. Il avait aussi un objectif et social : faire face à la situation sociale et politique explosive à Bamako et dans les villes maliennes, avec l’effondrement de l’Etat, le discrédit des chefs militaires imposant leur dictature et détournant les profits, la haine montante des classes dirigeantes dévouées à l’impérialisme. Cette situation sociale explosive a pris un tour nouveau avec l’envahissement du nord Mali par des bandes armées islamistes venues de Libye et des groupes armés touarègues. Cette attaque n’a fait que dévoiler le pourrissement et l’effondrement de l’Etat malien.

Un des signes de cette situation a donc été le refus des petits soldats d’obéir à une hiérarchie militaire capable de se remplir les poches mais incapable de les armer pour défendre le pays, révolte qui n’a pas pu être étouffée malgré les nombreuses tentatives des classes dirigeantes, maliennes, africaines et internationales. Et ce pour une raison : à la révolte des petits soldats se juxtpose la révolte de tous les milieux populaires et l’incapacité des classes dirigeantes, vendues au régime, de proposer des solutions pour gouverner le pays.

Cette révolte a pris un tour public avec l’envahissement du nord par les bandes armées islamistes mais il date de bien avant et a ses racines dans la situation sociale catastrophique du pays malgré les satisfécits et les féliciitations octroyées au régime par « la communauté internationale ». On ne se souvient plus aujourd’hui du temps où la dictature militaire d’ATT était présentée comme l’exemple démocratique de l’Afrique et où le FMI montrait le Mali comme le bon élève, qui paie ses dettes, qui a une gestion transparente. Pas étonnant : le régime cautionnait le vol de toutes les richesses par les trusts des pays occidentaux (or, pierres précieuses, uranium, gaz et pétrole, coton, etc).

Mais, malgré ces déclarations de bonne gouvernance, le régime malien était complètement pourri et bloqué. La population se radicalisait de plus en plus, dénonçant les détournements de fonds, l’exploitation des richesses, la corruption et le silence complice des politiciens de tous bords. Pendant que les trusts et les institutions internationales citaient le Mali comme un pardis, la santé, les transports, l’éducation et autres services publics étaient à l’abandon et la jeunesse misérabilisée n’avait aucun risque d’obtenir jamais un travail, l’immigration étant la seule source d’espoir.

Si la misère et l’abandon était général au nord du Mali et la population touarègue particulièrement misérable, le développement d’une situation sociale explosive avait lieu compris au sud du Mali, en particulier à Bamako. Jusqu’à l’intervention militaire de la France, cette situation a continué à se développer, l’agression du président intérimaire, mis en place de manière tout ce qu’il y d’anti-démocratique par les grandes puissances et les dictatures africaines, par des manifestants faisant partie de cette révolte sociale et politique.

Ainsi, peu avant l’action militaire des troupes françaises, la capitale Bamako a connu une grève spontanée et explosive des transports de bus, bloquant la ville. Se saisissant de l’appel des dirigeants syndicaux de la Sotrama, les travailleurs ont transformé les deux heures de débrayage prévues en grève générale illimitée, sans que les bureaucrates syndicaux puissent dire leur mot. Les chauffeurs de bus tenaient à exprimer ainsi leur ras-le-bol du rançonnage exercé par les forces de l’ordre sous prétexte de contrôle des papiers. Cette grève spectaculaire des transports dans la capitale, débordant les cadres syndicaux, est symptomatique de la crise sociale et politique à Bamako. Ceux qui dirigent d’habitude sans difficulté les luttes étaient eux-mêmes débarqués comme le sont les partis politiques classiques et les organisations réligieuses, elles-mêmes remises en question.

La situation à Bamako était devenue si tendue, pour ne pas dire si explosive, que, contrairement à l’habitude, la ville était tout entière organisée dans des groupes méfiants, discrets, discutant entre eux en prenant soin de ne pas être vus ni entendus. Dans un pays où tout, y compris la politique, s’est totujours fait de manière bon enfant et au grand jour, c’était du nouveau…
Du nouveau aussi le fait que tous les groupes politiques, religieux, organisations sociales, de tous les milieux, organisations d’Etat y compris, étaient violemment divisés sur les suites à donner à la situation, la question des bandes armées au nord n’étant qu’une partie de leurs motifs d’inquiétude.

Toute la population se retrouve dans des réunions de groupes spontanément apparus et la division atteint les groupes de religieux, de femmes, de militaires, de bureaucrates, d’ouvriers, de jeunes, les groupes de toutes sortes, les classes dirigeantes elles-mêmes mais aussi les milieux populaires. Personne ne savait comment une telle situation tendue à l’extrême pouvait se dénouer.

L’annonce de l’attaque des groupes armés islamistes, qui menaçait prétendûment d’atteindre la capitale et de renverser l’Etat malien, a permis ensuite de présenter l’intervention française comme un sauvetage, au moins aux yeux d’une partie de la population noire malienne. Est-ce que cela suffira à désarmorcer les risques d’explosion sociale ? Rien n’est moins sûr ! Cela nécessiterait d’abord que l’intervention permette le départ des bandes armées et la réunification du Mali, ce qui est loin d’être facile. Cela nécessiterait que les causes sociales et politiques de ces divisions violentes aient cessé, ce qui est impossible, vu que l’intervention a, au contraire, pour but de stabiliser les classes dirigeantes liées aux trusts des pays impérialistes dont ceux de la France qui pillent les richesses du pays !

Si la relative popularité, au début, de l’intervention militaire française a permis de faire accepter l’occupation militaire de Bamako, alors que la population s’était opposée violemment à une telle occupation même par des troupes africaines et plus encore par des troupes françaises, rien ne prouve que l’opération de remise à l’ordre dans la capitale soit facile. Sanogo, le capitaine qui s’était fait connaitre en prenant la tête de la révolte des petits soldats refusant l’autorité de la hiérarchie militaire, a lui-même tenu à cautionner publiquement l’intervention française, laissant croire que la France allait réussir à sauver le peuple malien des bandes armées. Mais, là encore, rien n’est moins sûr. Même si l’intervention française contre les bandes armées du nord peut garder une certaine popularité, un certain temps, l’intervention au sud contre la révolte, pour remettre en selle l’Etat, l’armée, la hiérarchie, les classes dirigeantes, risque d’être beaucoup plus délicate. Rien ne dit que les bérets verts (les révoltés) et les bérets rouges (favorables à la hiérarchie) se réconcilient aisément. Rien ne dit que les classes dirigeantes reviennent facilement au pouvoir.

Les divisions qui se sont développées au sein de la population ne concernent pas seulement la question des bandes armées islamistes du nord. En particulier, l’organisation massive des femmes témoigne d’une révolte montante qui peut devenir brutalement exlosive comme elle l’a montré à plusieurs reprises au Mali. On se souvient que c’est l’action violente des femmes contre la présidence de Moussa Traore, parce qu’il avait fait mitrailler les jeunes élèves par ses hélicoptères militaires, qui a provoqué la chute du dictateur en 1991. On se souvient aussi qu’au nord Mali, les femmes ont montré une capacité impressionante de se mobiliser contre les bandes armées islamistes pour refuser leur oppression.

En plus des femmes révoltées, il y a aussi la jeunesse pauvre de Bamako qui était en révolte contre les profiteurs, les corrompus, les détourneurs de fonds publics et des richesses du pays. Eux aussi s’étaient mobilisés contre Moussa Traore, encore aussi contre ATT jusqu’à sa chute et enfin contre la dictature des bandes armées occupant le nord du Mali. La jeunesse du Mali a bien montré qu’elle est une force explosive incontournable. Rien ne prouve que l’intervention militaire française résolve de quelque manière les problèmes explosifs de cette jeunesse qui n’a aucun avenir, aucun travail.

L’action policière de la France et des autorités maliennes à Bamako se couvrent actuellement de l’objectif de recherche de sympathisants des groupes armés du nord mais elle vise le rétablissement de l’ordre social et politique contre la révolte populaire.

En tout cas, le seul avenir pour les masses populaires du Mali est à la révolte unie des femmes, des jeunes, des travailleurs et des chômeurs, de tous les opprimés, touarègues comme noirs, de toutes les origines, ethnies, religions et régions, s’unissant aux petits soldats pour se débarrasser des profiteurs et de toutes les bandes armées.

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