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Réflexions sur la nature de l’État et de la dictature du prolétariat dans la transition au communisme - La discussion sur la question de l’Etat a démarré

samedi 24 août 2019, par Robert Paris

Réflexions sur la nature de l’État et de la dictature du prolétariat dans la transition au communisme

La discussion a démarré sur la question de l’État, après la révolution prolétarienne, en partant de l’article suivant de Robert pour le site Matière et Révolution : https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5467, article qui répondait à Will, un de nos lecteurs réguliers.

OLIVIER :

Salut Robert,

En fait il y a deux choses essentielles qui me distinguent de ce texte :

1- L’extrême gauche qualifiée d’ « opportuniste ». Il y a longtemps qu’elle est contre-révolutionnaire et il faut le dire clairement. Elle sabote systématiquement les grèves ouvrières en les ramenant dans le giron des syndicats. Depuis plus de 30 ans, elle a soutenu des régimes staliniens (URSS, Chine, Vietnam, Cuba,... etc). Elle a soutenu un camp impérialiste durant la Guerre froide.

1- 2- Tu le dis d’ailleurs (vers la fin de ton texte), mais sans oser l’affirmer clairement. On sent que tu as peur de te brûler les doigts. Il ne peut exister d’État prolétarien. Les termes sont antinomiques. Là aussi tu le dis sans aller jusqu’au bout. Pour moi la dictature du prolétariat est exercée par les Conseils ouvriers et surtout par les comités de lutte des ouvriers dans les usines. S’il y a besoin d’un État tant qu’il existe d’autres classes sociales après la révolution (il y a besoin de transaction entre les classes et les ouvriers doivent combattre pied à pied pour conserver leurs prérogatives dans les compromis de classe dans la phase transitoire), il faut immédiatement établir clairement que même cet État est encore notre ennemi. Les conseils ouvriers doivent le surveiller jusqu’à son dépérissement total. C’est l’erreur des bolcheviks d’avoir confondu les deux et ils (sauf Lénine) étaient assis sur leur ennemi. Dramatique erreur.

Je n’ai guère le temps d’aller plus loin mais je pense que tu devrais pouvoir être d’accord pour modifier le terme les « opportunistes » en « soi-disant révolutionnaires » dans tout le reste du texte.

Je comprends le sens « d’opportuniste » utilisé par toi (pour faire une soi-disant distinction avec les autres bourgeois), mais ce terme avait un sens en 1930, aujourd’hui ils ont trop trahi pendant la deuxième guerre impérialiste et l’histoire a fait son chemin depuis. Utilisons les bons mots !

Soyons clair et appelons un chat un chat ! Foin des arguties de cardinaux !

Donc je te propose, EN MAJUSCULES, des points à modifier dans le texte de l’article :

Notre principale divergence avec l’extrême gauche "BOURGEOISE" française : ils ne sont pas clairs vis-à-vis de la nature de l’Etat capitaliste !

(…)

Voilà ce que nous écrit un lecteur du site qui nous affirme que tout cela ne l’empêche pas d’être assidu sur Matière et Révolution et de prendre en considération nos critiques des réformistes faux amis ("SOIT DISANT REVOLUTIONNAIRES") politiques et syndicaux. Il estime que c’est justement cette critique qui devrait nous rapprocher des autres groupes d’extrême gauche qui, selon lui, sont tout aussi critiques.

(…)

Tous ceux qui affirment qu’ils veulent pousser l’Etat plus à gauche sont réformistes. Tous ceux qui affirment vouloir pousser plus à gauche les SOIT-DISANT réformistes, politiques, associatifs ou syndicaux, sont pires que des opportunistes. Pas plus qu’un cochon « poussé à gauche » ne devient une vache, des organisations réformistes poussées à gauche ne deviennent ni meilleures, ni révolutionnaires, ni simplement moins bureaucratiques, moins bourgeoises.

ROBERT :

J’ai bien lu tes points de désaccord, mais je trouve que certains d’entre eux affaiblissent la critique de ces fausses extrêmes gauches, même si elles la radicalisent apparemment.

Si on dit direct que l’extrême gauche est « bourgeoise », comme tu me le proposes, ceux qui connaissent LO, NPA, POI, Alternative Libertaire, Révolution Permanente et compagnie dans leur entreprise croient qu’on parle d’autre chose ou pensent d’emblée que nous sommes hostiles parce que concurrents, que ce sont des querelles de chapelles, cela existe aussi. Sinon, ils croiront qu’on ne parle que de gens genre Mélenchon ou de la gauche de la gauche social-démocrate.

Ce qu’il faudrait sans doute c’est éclaircir dans le texte le point : les réformistes sont devenus contre-révolutionnaires comme tous ceux qui les cautionnent. Je suis d’accord avec toi sur les expressions « soi-disant réformistes » et « soi-disant révolutionnaires », mais il faut préciser que c’est la crise du capitalisme qui lamine l’espace de la social-démocratie et du syndicalisme et les rend contre-réformistes et pas que cela a toujours té le cas.

J’ai l’impression que l’appréciation de l’extrême gauche ne poserait pas problème à reformuler de manière convenable pour nous deux, mais ce n’est pas le cas, semble-t-il, pour l’État ouvrier qui me semble malgré le stalinisme, à ne surtout pas abandonner.

Ta déclaration « Il ne peut pas y avoir d’Etat prolétarien » me semble une divergence majeure, puisque j’estime que la tâche numéro un de la prochaine révolution prolétarienne, tâche qui n’a pas été réalisée ailleurs qu’en Russie, est justement celle de construire l’Etat ouvrier ou prolétarien, comme tu veux. Ce n’est pas la volonté des bolcheviks de bâtir cet Etat qui les a plombés mais le fait que la révolution en Europe n’ait nulle part construit un tel Etat des soviets, et je te rappelle que les bolcheviks n’ont jamais dit que cet Etat était entièrement communiste, bien entendu, mais seulement qu’il était l’expression du fait que le prolétariat avait pris le pouvoir dans un entourage complètement hostile. Cela voulait dire que le pronostic n’était pas encore clair sur ce que réussirait la révolution en Russie puisque cela dépendrait de la victoire de la révolution en Europe, c’est-à-dire de la formation d’autres Etats ouvriers. Lénine et Trotsky avaient d’ailleurs précisé que, dès que des pays développés d’Europe auraient fait la révolution et mis en place un Etat des soviets, la Russie serait en retard sur eux, vu le retard économique et social de ce pays.

OLIVIER :

1/ Soyons clair sur la nature des soi-disant « Opportunistes ». Ils font une politique bourgeoise, un point c’est tout. On peut prendre aussi la question électorale. Depuis 40 ans LO ramène les ouvrier qui n’ont plus rien à faire avec la démocratie bourgeoise dans son giron et quand il faut appeler à voter Mitterrand (souvenez-vous des titres de LO à l’époque). Voter Mitterrand, c’est à dire pour la social-démocratie les assassins de Rosa Luxembourg, de Liebknecht et de tous les ouvriers envoyés au massacre dans les différentes guerres impérialistes (Première guerre, Deuxième guerre, Guerre froide ; etc...).

2/ Sur l’État et la période de transition, la question est difficile de toute façon.

Ce qui fait problème c’est de mettre côte à côte : Etat et ouvrier.

Nous ne devons faire aucune concession. Les ouvriers ne peuvent pas accepter de se laisser dominer par un État quel qu’il soit.

Le problème de la nature du pouvoir en Russie après la révolution n’est pas simple à analyser.

Dès 1918, en Russie dans le numéro deux de Kommunist, le « communiste de gauche » Ossinsky écrivait : « Le socialisme et l’organisation socialiste seront construits par le prolétariat lui-même, ou ils ne seront pas construit du tout ; quelque chose d’autre sera installé : le capitalisme d’État. » (La revue Kommunist, Ed. Smolny page 142).

La suite lui a donné malheureusement raison.

Lénine répond aux communistes de gauche de 1918 :

« Tant que la révolution tarde encore à "éclore" en Allemagne, notre devoir est de nous mettre à l’école du capitalisme d’État des Allemands, de nous appliquer de tous nos forces à l’assimiler, de ne pas ménager les procédés dictatoriaux pour l’implanter en Russie encore plus vite que ne l’a fait Pierre I° pour les mœurs occidentales dans la vieille Russie barbare, sans reculer devant l’emploi de méthodes barbares contre la barbarie. S’il se trouve, parmi les anarchistes et les socialistes révolutionnaires de gauche (je me suis, sans le vouloir, souvenu des discours prononcés par Karéline et Gué au Comité exécutif), des gens capables de tenir des raisonnements à la Narcisse comme quoi il ne serait pas digne de nous autres, révolutionnaires, de "nous mettre à l’école" de l’impérialisme allemand, il faut leur dire ceci : une révolution qui prend ces gens au sérieux serait perdue sans rémission (et l’aurait bien mérité). » (en mai 1918 « Sur l’infantilisme de "gauche" et les idées petites bourgeoises »)

Donc Lénine était conscient et volontairement conscient qu’il faisait du Capitalisme d’État en URSS et que ce nouvel État était donc capitaliste. Comment pouvait-il alors être ouvrier ? En réalisant une politique économique capitaliste ? Lénine pensait qu’il était ouvrier parce que les ouvriers détenaient le pouvoir politique... !! Nous, nous nous devons d’être clairs plus de 100 ans après l’expérience bolchevik si nous voulons impulser une autre politique après la révolution et réussir pour aller vers une nouvelle société.

Grossière erreur cette confusion entre État et dictature du prolétariat. En fait, le capitalisme et l’État ont vaincu les bolcheviks. Ne recommençons pas la même erreur. L’État est toujours l’État ; il est notre ennemi, il ne peut être ouvrier....

Alors, que devaient faire les bolcheviks ?

• Soit :

1- Laisser ce nouvel État (demi État, comme on veut le nommer) gérer les relations entre les ouvriers et les autres classes ou couches sociales existantes. Laisser ce nouvel État exercer la contraintes (Kronstadt, les grèves de Petrograd en 1921, réprimer Makhno, etc.. - pour ne citer que les premières années du pouvoir bolchevik) ?

2- Ou ne pas mélanger la dictature du prolétariat avec ce nouvel État (demi-État, État capitaliste d’État ou tout ce que l’on veut) ? Dans ce cas, les ouvriers devaient rester mobiliser, en lutte dans leurs organisations vivantes et ne pas se ranger derrière cet État qu’ils, à tort, croyaient le leur mais qui les contraignait à travailler et à négocier avec l’immense masse des paysans et des autres couches existantes alors.

Ce qui veut dire, dans ce cas, que la dictature des conseils et des comités de lutte dans les usines devaient continuer à rester vivants, vigilants et imposer ce qu’ils jugeaient nécessaire pour leur classe, leurs intérêt et ne pas se laisser imposer des mesures politiques et économiques qu’ils ne voulaient pas. C’était le seul moyen pour conserver la vie ouvrière et rester mobiliser en ne déléguant son pouvoir à personne.

• La dictature des conseils ouvriers demeure le seul moyen pour instaurer le socialisme (pour la suite du mouvement ouvrier, il aurait mieux valu des erreurs des conseils ouvriers qu’une erreur de l’État que l’on croit contrôler. Il fallait laisser les conseils ouvriers tâtonner. Nous serions repartis aujourd’hui sur des bases révolutionnaires et pas dans la confusion actuelle) et sans une quelconque compromission de pouvoir avec l’État transitoire qui ne pouvait que s’imposer, au final, contre les ouvriers. Je sais que cette notion de double pouvoir est difficile à intégrer et à comprendre (Le groupe Internationalisme en 1946 a été le premier à développer cette notion voir : Thèse sur la transition au communisme sur le site Fragments d’histoire de la gauche radicale – Revue Internationalisme, N°9, avril 1946 - http://archivesautonomies.org/spip.php?article1719). Voir aussi l’étude de Vercesi dans la revue Bilan les articles de la série « Parti - Internationale - État » parus dans les numéros suivants de cette revue qui commence à soulever le problème :

• Numéro Titre Date

• n°5 Prémisses Mars 1934 / pp. 160–165

• n°6 I - La classe et sa signification Avril 1934 / pp. 205

• n°7 II - Classe et État Mai 1934 / pp. 231–238

• n°8 III - Classe et Parti Juin 1934 / pp. 286–292

• n°9 IV - Parti et Internationale Juillet 1934 / pp. 322–327

• n°12 V - L’État démocratique Octobre 1934 / pp. 426

• n°15 VI - L’État fasciste Janvier - Février 1935 / pp. 517

• n°18 VII - L État prolétarien Avril - Mai 1935 / pp. 606–613

• n°19 VII - L’État soviétique (2) Mai - Juin 1935 / pp. 638

• n°21 VII - L’État soviétique (3) Juillet - Août 1935 / pp. 715

• n°25 VII - L’État soviétique (4) Nov - Déc 1935 / pp. 838

• n°26 VII - L’État soviétique (5) Janvier 1936 / pp. 870–879.

(tous les numéros de Bilan : http://archivesautonomies.org/spip.php?article29)

Il s’agit donc de rappeler ce seul moyen pour sauver la dictature du prolétariat contre l’État : la dictature du prolétariat est nécessaire. Il faut l’affirmer par rapport à tous ceux qui ne comprennent pas la nécessité d’une forte dictature des conseils ouvriers : des ouvriers eux-mêmes, contre tout compromis.

On en revient à la formule prémonitoire d’Ossinski (bolchevik de gauche) :

« Le socialisme et l’organisation socialiste seront construits par le prolétariat lui-même, ou ils ne seront pas construit du tout ; quelque chose d’autre sera installé : le capitalisme d’Etat. » (souligné par moi)

Bien évidemment cette formulation met en avant : l’idée que c’est le prolétariat lui même, et lui seul, qui construit le socialisme par ses conseils ouvriers. Il ne doit déléguer à personne d’autre ou un autre organisme son pouvoir, sa dictature, même pas à ses partis politiques (c’est la même chose dans ses luttes économiques de tous les jours pour imposer son rapport de force). Cela ne veut pas dire le rejet des partis politiques prolétariens. Non, mais ils ne dirigent pas, ils sont là pour orienter et aider les prolétaires à y voir clair contre leurs faux amis. Et pour nous, les partis politiques ne sont pas extérieurs à la classe ouvrière, ils sont une partie d’elle même.

Sur la question des partis d’extrême gauche comme étant, aujourd’hui, des partis bourgeois et contre révolutionnaires

Je veux bien que tu veuilles mettre cette notion en fin de texte. Est-ce une question de pédagogie pour faire comprendre les choses ? Ou une question politique ?

Je crois un peu à la pédagogie quand on parle à un enfant mais un militant politique a droit à la vérité et s’il ne comprend pas. Que peut-on faire ? Je crois surtout qu’ils ne veulent pas comprendre car alors toutes leurs constructions intellectuelles s’effondrent.

Retour sur la question de l’État dans le débat
Lénine et Trotski après la période révolutionnaire ont lutté contre la bureaucratisation de l’État. Mais il ne pouvait pas en être autrement, (situation aggravé de surcroit par le fait que la révolution internationale n’a pas eu lieu) ce qui est survenu était contenu dans la situation ! Un État est toujours bureaucratique.

ROBERT :

On ne peut pas apprendre à Lénine et Trotsky que seul le prolétariat est révolutionnaire, que lui seul peut construire le socialisme. Ils n’ont pas besoin de donneurs de leçons en la matière, du moins à mon avis. Ils ont assez prouvé que c’est sur le prolétariat qu’ils se sont fondés pour diriger l’ensemble du pays, même si le prolétariat y était une petite minorité. Ils ont su pour cela faire en sorte que le prolétariat prenne la tête des couches sociales opprimées : des paysans pauvres et moyens, des artisans pauvres, des femmes, des jeunes, des nationalités et religions opprimées (par exemple des Juifs). C’est ainsi qu’ils ont pu détruire la contre-révolution tsariste, impérialiste, social-démocrate et syndicale. Il est dommage que certains critiques de gauche reprennent des arguments de ces derniers, par exemple sur des grèves contre-révolutionnaires. Eh oui ! Il peut y avoir des grèves ouvrières contre-révolutionnaires. Il peut même y avoir des insurrections populaires contre-révolutionnaires (voir l’exemple de la Vendée dans la Révolution française ou de Cronstadt dans la Révolution russe).

Placer ici la notion d’État ouvrier est fondamental quand on discute de l’attitude de l’extrême gauche face à l’État bourgeois. On ne peut pas passer directement de l’État bourgeois à la société sans aucun État. Que le terme « Etat » te déplaise pour cette étape vers le socialisme montre qu’il y a un problème avec l’Etat mais c’est un problème réel et incontournable.

OLIVIER :

Entièrement d’accord avec ce que tu écrits. Et notamment avec la phrase de Marx sur l’État de la période de transition.

Mais mon souci est tout autre. C’est bien parce que ce que dit Marx (et que tu cites) est tout à fait exact et la situation que les révolutionnaires risquent de rencontrer, est bien celle là, (nous peut-être !) qu’il faut garantir le pouvoir des prolétaires ; qu’ils maintiennent leur dictature du prolétariat contre cet État qui reste, bien sûr, bourgeois (donc un ennemi potentiel) et qui risque donc de les contraindre (ce qui s’est finalement passé en URSS et, de mon point de vue, rapidement mais c’est une autre question -–plus tard on reprendra la discussion de quand la bourgeoisie a gagné en URSS— là, par rapport à notre discussion actuelle, et par rapport à ce que j’essaie de dire). Il faut qu’ils imposent leur force, qu’ils discutent avec lui pour décider de ce qu’ils acceptent comme contrainte ou serrage de la ceinture, pendant la transition et, cela, à tout moment. Ils ne doivent pas abandonner leurs organisations (conseils, comités de lutte, comité de vigilance dans les usines) et leur pouvoir. Est-ce que tu comprends le sens de ma réflexion ?

Regardons maintenant ce qui s’est passé en URSS. Au cours des années cet État s’est bureaucratisé et a perdu son caractère révolutionnaire, il a couru après la nécessité de développer l’économie et le capitalisme d’État mais en écrasant les ouvriers (et cela dès 1919 en imposant les mesures tayloristes et discipline dans le travail :

• « L’avant-garde la plus consciente du prolétariat de Russie s’est déjà assigné la tâche de développer la discipline du travail. Ainsi, le Comité central du syndicat des métaux et le Conseil central des Syndicats travaillent à l’élaboration de mesures et projets de décrets orientés dans ce sens. Nous devons appuyer ce travail et le faire avancer par tous les moyens. Il faut inscrire à l’ordre du jour, introduire pratiquement et mettre à l’épreuve le salaire aux pièces ; appliquer les nombreux éléments scientifiques et progressifs que comporte le système Taylor, proportionner les salaires au bilan général de telle ou telle production ou aux résultats de l’exploitation des chemins de fer, des transports par eau, etc., etc. » (voir l’article de Lénine dès 1918, ici : https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1918/04/vil19180428.htm in Œuvres choisies, Moscou 1948, tome 2 - publié le 28 avril 1918 dans le n° 83 de la « Pravda » et dans le Supplément au journal « Izvestia du Comité exécutif central de Russie » n° 85) de l’économie et la tentative de Trotsky de militariser les syndicats — tu vois comme rapidement on dérape et on impose des mesures véritablement capitalistes aux ouvriers— Il aurait mieux valu que les ouvriers puissent dire jusqu’où ils acceptent de se serrer la ceinture. Te rends-tu compte de la force que cela aurait été pour notre propagande ? Et sur nos méthodes de lutte ?).

• Il aurait mieux valu pour aujourd’hui et pour pouvoir expliquer le contenu du communisme que l’on puisse dire " voilà dans quel sens il aurait fallu aller". (Le communisme n’aurait pas été relié au goulag ou au stakhanovisme pour le commun des mortels !) Il est clair que la révolution internationale ne se produisant pas, tout était perdu mais la même situation risque de se reproduire et il faut à tout prix que les ouvriers conservent leur autonomie pendant la transition, leur force et le moyen de se défendre et d’imposer leurs intérêts. D’autant plus que l’on risque de ne plus avoir des camarades de la trempe de Lénine ou de Trotsky.

Donc mon propos est de ne pas répéter les formules justes de nos camarades, Marx y compris, (qui sont tout à fait justes et judicieuses). Ne faisons pas, non plus, les "cardinaux" qui répètent des formules sacrées ou font la glose de textes (phrase de Malaquais) essayons de tirer les leçons d’Octobre et d’aller plus loin pour développer notre théorie révolutionnaire.

Tu vois, je ne polémique pas là. J’essaie de comprendre et de dépasser nos maîtres. Les critiques que je porte à Lénine ou Trotsky sont tout à fait révolutionnaires. Je ne sais pas si nous aurions fait mieux avec le background de la social-démocratie de l’époque.

C’est la même chose sur Brest-Litovsk. Qu’aurions-nous fait à la place des bolcheviks ? Je n’ai même pas encore véritablement tranché aujourd’hui.

ROBERT :

Tout d’abord, il convient de ne pas faire de contresens sur ce que les bolcheviks appelaient le « capitalisme d’Etat » et qui n’a rien à voir avec un retour au capitalisme ni à ses buts, ni à ses normes puisqu’il n’était nullement question de refabriquer des capitalistes russes. Ce qu’expliquait Lénine, c’est que la Russie était féodale en grande partie et que lutter contre l’Etat arriéré du pays consistait d’abord à développer l’économie, même si, dans un premier temps, il fallait réformer l’économie et non sauter d’un seul coup au socialisme, ce qui était hors de portée, dans une Russie isolée, n’ayant pas de liaison avec une révolution socialiste voisine dans un pays développé.

Tu dis qu’il faudrait expliquer : « Voilà dans quel sens il aurait fallu aller » et c’est ce que fait Trotsky dans « La Révolution trahie » sur la question de l’État de la période de transition : voir l’annexe à la fin de la discussion.

OLIVIER :

Oui, on voit bien que Trotsky sent qu’il y a un problème. C’est un grand révolutionnaire. Mais il ne trouve pas la solution.

ROBERT :

Marx ne parle pas seulement de supprimer l’État, il parle d’une phase transitoire durant laquelle « c’est au contraire l’État qui a besoin d’être éduqué d’une manière rude par le peuple » (Critique du programme de Gotha).

Dans ce même texte, à propos de l’État, il dit que c’est un « organisme qui est mis au-dessus de la société, en un organisme entièrement subordonné à elle ».

C’est un État « qui est autre chose qu’un État ».

Les commentaires de Marx et Engels sur la Commune de Paris sont une claire vision d’un État qui n’est plus tout à fait un État qui est un « gouvernement de la classe ouvrière », qui est la « forme politique enfin trouvée qui permettrait de réaliser la libération économique du travail ».

OLIVIER :

Salut Robert,

Je suis content de reprendre cette discussion avec toi.

Tu as tout à fait raison. Il subsiste un État. Personne de sérieux ne peut le nier. (d’ailleurs, existait-il une sorte de pouvoir dans des sociétés sans État de chasseurs-cueilleurs ? Je crois que oui) Mais cette sorte de pouvoir ou semi-État avant l’heure n’est pas le nôtre ; ce ne sera jamais notre ami. Il a déjà détruit le communisme primitif. Il faut justement faire la distinction entre État et dictature du prolétariat. Jamais un État ne sera ouvrier et ne peut être ouvrier et n’a pu et ne pourra cohabiter avec une société sans classe. Là : -
ou Marx s’est trompé, c’est que ce n’est pas nous qui avons éduqué l’État mais c’est l’État bolchevik qui nous a façonné et entrainé là où la Russie est allé.
Ou bien Marx dit la même chose que moi. Ce demi-Etat doit être « éduqué par le peuple de façon rude. »
Cette distinction est fondamentale si nous ne voulons pas nous laisser entraîner dans la même erreur que nos camarades et l’amalgame de dire que tout était ouvrier après la révolution. Tirons toutes les leçons de ce qu’ont fait nos camarades au cours de la révolution russe.

C’est pourquoi je fais la distinction entre le nouveau demi-État et la dictature des conseils ouvriers qui doit subsister dans sa pureté et son intransigeance (« rude ») pour négocier avec ce monstre qui subsiste et que nous devons ensuite fondamentalement détruire avec la société sans classe.

Nous sommes assez sérieux (après plus de 100 ans) pour ne plus amalgamer : l’État ; la dictature du prolétariat à travers les conseils, les communes et ses assemblées ; les organismes de luttes des travailleurs : les comités de lutte, de grèves et comités de contrôle ouvrier ; et enfin le ou les partis de classe (comme Grandizio Munis le faisait remarquer dans sa critique de la Russie Cf. : son livre : Parti-État, stalinisme, révolution. — Paris, Spartacus, 1975).

PS : Je répondrai également à la phrase assassine, sur le site de Matière et révolution, de quelqu’un qui disait qu’un communiste de gauche ne répondrait pas au fait de donner des armes à un mouvement de lutte.

ROBERT :

Quand la révolution est isolée dans un bastion arriéré il n’y a pas d’autre solution qu’une victoire dans un autre pays, que la révolution internationale prolétarienne. En cas d’isolement prolongé, il n’y a aucune solution et surtout pas dans un pays arriéré et semi-féodal.

OLIVIER :

Oui, mais cela on le savait depuis le début : sans révolution internationale pas de révolution prolétarienne ni de communisme possible d’où le problème de Brest-Litovsk.

La question que je pose est autre :

Comment préserver la dictature du prolétariat durant la transition contre les compromis inévitables pour que le prolétariat ne perde pas son pouvoir réel ?

On ne peut pas évacuer cette question par des formules. Et ce n’est pas en mettant le mot « ouvrier » qu’on modifie la réalité. (Comme l’on dit nos grands ancêtres).

ROBERT :

Ce n’est pas par un mot qu’on change la réalité, certes, mais par une perspective sociale et politique !

La question de l’État ouvrier ne signifie pas la suppression de la perspective de la fin de l’État et des classes... Elle indique que les travailleurs exercent le pouvoir politique, que ce sont des soviets vivants, dynamiques et révolutionnaires qui exercent la dictature du prolétariat.

ROBERT :

Que penses-tu des positions de Trotsky dans « La révolution trahie » ?

OLIVIER :

cf. ce que je disais ci-dessus. Trotsky voit le problème que pose la question de l’État mais il l’évacue rapidement et ne parle que de ce qui est en train de se faire en Russie. Et malheureusement ce qu’il croyait n’être que temporaire s’est installé et s’est retourné terriblement contre la classe ouvrière.

• PS 1 : il faut rajouter le texte de Vercesi en référence dans le site : Fragments d’histoire de la gauche radicale pour Bilan que j’ai listé ci-dessus. Vercesi commence à entrevoir le problème de la distinction à faire entre Demi-État et dictature du prolétariat.

• PS 2 : La perspective sociale et politique dis-tu changerait tout ? La perspective ou l’orientation politique ne règle pas le problème. Ce n’est pas au Parti de se mettre à la place de la classe ouvrière qui, pour ce dernier, apporterait la bonne direction. C’est la classe ouvrière qui fait la révolution. C’est un acte éminemment conscient que de transformer la société. Peut être l’acte le plus lourd de l’histoire.... Et de plus le Parti n’a pas la science infuse. Il tâtonne comme la classe. C’est la raison pour laquelle, il faut, sans faille, être toujours du côté de la classe ouvrière et pas avec de beaux parleurs un peu plus instruits. C’est bien tous ensemble que nous apporterons la solution. On n’a pas assez de tous les cerveaux pour le faire.

ANNEXE RELEVEE PAR ROBERT – EXTRAITS DE LA REVOLUTION TRAHIE DE TROTSKY :

« PROGRAMME ET REALITE

« Après Marx et Engels, Lénine voit le premier trait distinctif de la révolution en ce qu’expropriant les exploiteurs elle supprime la nécessité d’un appareil bureaucratique dominant la société, et avant tout de la police et de l’armée permanente. "Le prolétariat a besoin de l’Etat, tous les opportunistes le répètent", écrivait Lénine en 1917, deux ou trois mois avant la conquête du pouvoir, "mais ils oublient d’ajouter que le prolétariat n’a besoin que d’un Etat dépérissant, c’est-à-dire tel qu’il commence aussitôt à dépérir et ne puisse pas ne pas dépérir" (L’Etat et la révolution). Cette critique était en son temps dirigée contre les socialistes réformistes du type des mencheviks russes, des fabiens anglais, etc. ; aujourd’hui, elle se retourne avec une force doublée contre les idolâtres soviétiques et leur culte de l’Etat bureaucratique qui n’a pas la moindre intention de "dépérir".

La bureaucratie est socialement requise toutes les fois que d’âpres antagonismes sont en présence et qu’il faut les "atténuer", les "accommoder", les "régler" (toujours dans l’intérêt des privilégiés et des possédants et toujours à l’avantage de la bureaucratie elle-même). L’appareil bureaucratique s’affermit et se perfectionne à travers toutes les révolutions bourgeoises, si démocratiques soient-elles. "Le fonctionnariat et l’armée permanente, écrit Lénine, sont des "parasites" sur le corps de la société bourgeoise, des parasites engendrés par les contradictions internes qui déchirent cette société, mais précisément des parasites qui en bouchent les pores..."
A partir de 1918, c’est-à-dire du moment où le parti dut considérer la prise du pouvoir comme un problème pratique, Lénine s’occupa sans cesse de l’élimination de ces "parasites". Après la subversion des classes d’exploiteurs, explique-t-il et démontre-t-il dans l’Etat et la révolution, le prolétariat brisera la vieille machine bureaucratique et formera son propre appareil d’ouvriers et d’employés, en prenant, pour les empêcher de devenir des bureaucrates, des "mesures étudiées en détail par Marx et Engels : 1° éligibilité et aussi révocabilité à tout moment ; 2° rétribution non supérieure au salaire de l’ouvrier ; 3° passage immédiat à un état de choses dans lequel tous s’acquitteront des fonctions de contrôle et de surveillance, dans lequel tous seront momentanément des "bureaucrates", personne ne pouvant pour cela même se bureaucratiser." On aurait tort de penser qu’il s’agit pour Lénine d’une oeuvre exigeant des dizaines d’années ; non, c’est un premier pas : "On peut et on doit commencer par là en faisant la révolution prolétarienne."

Les mêmes vues hardies sur l’Etat de la dictature du prolétariat trouvèrent, un an et demi après la prise du pouvoir, leur expression achevée dans le programme du parti bolchevique et notamment dans les paragraphes concernant l’armée. Un Etat fort, mais sans mandarins ; une force armée, mais sans samouraïs ! La bureaucratie militaire et civile ne résulte pas des besoins de la défense, mais d’un transfert de la division de la société en classes dans l’organisation de la défense. L’armée n’est qu’un produit des rapports sociaux. La lutte contre les périls extérieurs suppose, cela va de soi dans l’Etat ouvrier, une organisation militaire et technique spécialisée qui ne sera en aucun cas une caste privilégiée d’officiers. Le programme bolchevique exige le remplacement de l’armée permanente par la nation armée.

Dès sa formation, le régime de la dictature du prolétariat cesse de la sorte d’être celui d’un "Etat" au vieux sens du mot, c’est-à-dire d’une machine faite pour maintenir dans l’obéissance la majorité du peuple. Avec les armes, la force matérielle passe directement, immédiatement, aux organisations des travailleurs telles que les soviets. L’Etat, appareil bureaucratique, commence à dépérir dès le premier jour de la dictature du prolétariat. Telle est la voix du programme qui n’a pas été abrogé à ce jour. Chose étrange, on croirait une voix d’outre-tombe sortant du mausolée...
Quelque interprétation que l’on donne de la nature de l’Etat soviétique, une chose est incontestable : à la fin de ses vingt premières années, il est loin d’avoir "dépéri", il n’a même pas commencé à "dépérir" ; pis, il est devenu un appareil de coercition sans précédent dans l’histoire ; la bureaucratie, loin de disparaître, est devenue une force incontrôlée dominant les masses ; l’armée, loin d’être remplacée par le peuple en armes, a formé une caste d’officiers privilégiés au sommet de laquelle sont apparus des maréchaux, tandis que le peuple, "exerçant en armes la dictature", s’est vu refuser en U.R.S.S. jusqu’à la possession d’une arme blanche. La fantaisie la plus exaltée concevrait difficilement contraste plus saisissant que celui qui existe entre le schéma de l’Etat ouvrier de Marx-Engels-Lénine et l’Etat à la tête duquel se trouve aujourd’hui Staline. Tout en continuant à réimprimer les œuvres de Lénine (en les censurant et en les mutilant, il est vrai), les chefs actuels de l’U.R.S.S. et leurs représentants idéologiques ne se demandent même pas quelles sont les causes d’un écart aussi flagrant entre le programme et la réalité. Efforçons-nous de le faire à leur place.

LE DOUBLE CARACTÈRE DE L’ETAT SOVIÉTIQUE

La dictature du prolétariat est un pont entre les sociétés bourgeoise et socialiste. Son essence même lui confère donc un caractère temporaire. L’Etat qui réalise la dictature a pour tâche dérivée, mais tout à fait primordiale, de préparer sa propre abolition. Le degré d’exécution de cette tâche "dérivée" vérifie en un certain sens avec quel succès s’accomplit l’idée maîtresse : la construction d’une société sans classes et sans contradictions matérielles. Le bureaucratisme et l’harmonie sociale sont en proportion inverse l’un de l’autre.

Engels écrivait dans sa célèbre polémique contre Dühring : "...Quand disparaîtront en même temps que la domination de classe et que la lutte pour l’existence individuelle, engendrée par l’anarchie actuelle de la production, les heurts et les excès qui découlent de cette lutte, il n’y aura plus rien à réprimer, le besoin d’une force spéciale de répression ne se fera plus sentir dans l’Etat." Le philistin croit à l’éternité du gendarme. En réalité le gendarme maîtrisera l’homme tant que l’homme n’aura pas suffisamment maîtrisé la nature. Il faut, pour que l’Etat disparaisse, que disparaissent "la domination de classe et la lutte pour l’existence individuelle". Engels réunit ces deux conditions en une seule : dans la perspective de la succession des régimes sociaux, quelques dizaines d’années ne comptent guère. Les générations qui portent la révolution sur leurs propres épaules se représentent autrement les choses. Il est exact que la lutte de tous contre tous naît de l’anarchie capitaliste. Mais la socialisation des moyens de production ne supprime pas automatiquement "la lutte pour l’existence individuelle". Et c’est le pivot de la question !

L’Etat socialiste, même en Amérique, sur les bases du capitalisme le plus avancé, ne pourrait pas donner à chacun tout ce qu’il lui faut et serait par conséquent obligé d’inciter tout le monde à produire le plus possible. La fonction d’excitateur lui revient naturellement dans ces conditions et il ne peut pas ne pas recourir, en les modifiant et en les adoucissant, aux méthodes de rétribution du travail élaborées par le capitalisme. En ce sens précis, Marx écrivait en 1875 que "le droit bourgeois... est inévitable dans la première phase de la société communiste sous la forme qu’il revêt en naissant de la société capitaliste après de longues douleurs d’enfantement. Le droit ne peut jamais s’élever au-dessus du régime économique et du développement culturel conditionné par ce régime ".

Lénine, commentant ces lignes remarquables, ajoute : "Le droit bourgeois en matiere de répartition des articles de consommation suppose naturellement l’Etat bourgeois, car le droit n’est rien sans un appareil de contrainte imposant ses normes. Il apparaît que le droit bourgeois subsiste pendant un certain temps au sein du communisme, et même que subsiste l’Etat bourgeois sans bourgeoisie !"
Cette conclusion significative, tout à fait ignorée des théoriciens officiels d’aujourd’hui, a une importance décisive pour l’intelligence de la nature de l’Etat soviétique d’aujourd’hui, ou plus exactement pour une première approximation dans ce sens. L’Etat qui se donne pour tâche la transformation socialiste de la société, étant obligé de défendre par la contrainte l’inégalité, c’est-à-dire les privilèges de la minorité, demeure dans une certaine mesure un Etat "bourgeois", bien que sans bourgeoisie. Ces mots n’impliquent ni louange ni blâme ; ils appellent seulement les choses par leur nom.
Les normes bourgeoises de répartition, en hâtant la croissance de la puissance matérielle, doivent servir à des fins socialistes. Mais l’Etat acquiert immédiatement un double caractère : socialiste dans la mesure où il défend la propriété collective des moyens de production ; bourgeois dans la mesure où la répartition des biens a lieu d’après des étalons capitalistes de valeur, avec toutes les conséquences découlant de ce fait. Une définition aussi contradictoire épouvantera peut-être les dogmatiques et les scolastiques ; il ne nous restera qu’à leur en exprimer nos regrets.

La physionomie définitive de l’Etat ouvrier doit se définir par la modification du rapport entre ses tendances bourgeoises et socialistes. La victoire des dernières doit signifier la suppression irrévocable du gendarme, en d’autres termes la résorption de l’Etat dans une société s’administrant elle-même. Ce qui suffit à faire ressortir l’immense importance du problème de la bureaucratie soviétique, fait et symptôme.

C’est précisément parce qu’il donne, de par toute sa formation intellectuelle, à la conception de Marx sa forme la plus accentuée, que Lénine révèle la source des difficultés à venir, y compris les siennes propres, bien qu’il n’ait pas eu le temps de pousser son analyse à fond. "L’Etat bourgeois sans bourgeoisie" s’est révélé incompatible avec une democratie soviétique authentique. La dualité des fonctions de l’Etat ne pouvait manquer de se manifester dans sa structure. L’expérience a montré ce que la théorie n’avait pas su prévoir avec une netteté suffisante : si "l’Etat des ouvriers armés" répond pleinement à ses fins quand il s’agit de défendre la propriété socialisée contre la contre-révolution, il en va tout autrement quand il s’agit de régler l’inégalité dans la sphère de la consommation. Ceux qui sont privés de propriété ne sont pas enclins à créer des privilèges et à les défendre. La majorité ne peut pas se montrer soucieuse des privilèges de la minorité. Pour défendre le "droit bourgeois", l’Etat ouvrier se voit contraint de former un organe du type "bourgeois", bref de revenir au gendarme, tout en lui donnant un nouvel uniforme.

Nous avons fait de la sorte le premier pas vers l’intelligence de la contradiction fondamentale entre le programme bolchevique et la réalité soviétique. Si l’Etat, au lieu de dépérir, devient de plus en plus despotique ; si les mandataires de la classe ouvrière se bureaucratisent, tandis que la bureaucratie s’érige au-dessus de la société rénovée, ce n’est pas pour des raisons secondaires, telles que les survivances psychologiques du passé, etc., c’est en vertu de l’inflexible nécessité de former et d’entretenir une minorité privilégiée, tant qu’il n’est pas possible d’assurer l’égalité réelle.
Les tendances bureaucratiques qui étouffent le mouvement ouvrier devront aussi se manifester partout après la révolution prolétarienne. Mais il est tout à fait évident que plus est pauvre la société née de la révolution et plus cette "loi" doit se manifester sévèrement, sans détour ; et plus le bureaucratisme doit revêtir des formes brutales ; et plus il peut devenir dangereux pour le développement du socialisme. Ce ne sont pas les "restes", impuissants en eux-mêmes, des classes autrefois dirigeantes qui empêchent, comme le déclare la doctrine purement policière de Staline, l’Etat soviétique de dépérir et même de se libérer de la bureaucratie parasitaire, ce sont des facteurs infiniment plus puissants, tels que l’indigence matérielle, le manque de culture générale et la domination du "droit bourgeois" qui en découle dans le domaine qui intéresse le plus directement et le plus vivement tout homme : celui de sa conservation personnelle.

GENDARME ET "BESOIN SOCIALISE"

Le jeune Marx écrivait, deux ans avant le Manifeste communiste : "Le développement des forces productives est pratiquement la condition première absolument nécessaire [du communisme] pour cette raison encore que l’on socialiserait sans lui l’indigence et que l’indigence ferait recommencer la lutte pour le nécessaire et par conséquent ressusciter tout le vieux fatras..." Cette idée, Marx ne l’a développée nulle part, et ce n’est pas par hasard : il ne prévoyait pas la victoire de la révolution dans un pays arriéré. Lénine ne s’y est pas arrêté non plus, et ce n’est pas davantage par hasard : il ne prévoyait pas un si long isolement de l’Etat soviétique. Or, le texte que nous venons de citer n’étant chez Marx qu’une supposition abstraite, un argument par opposition, nous offre une clef théorique unique pour aborder les difficultés tout à fait concrètes et les maux du régime soviétique.
Sur le terrain historique de la misère, aggravée par les dévastations des guerres impérialiste et civile, "la lutte pour l’existence individuelle", loin de disparaître au lendemain de la subversion de la bourgeoisie, loin de s’atténuer dans les années suivantes, a connu par moments un acharnement sans précédent : faut-il rappeler que des actes de cannibalisme se sont produits par deux fois dans certaines régions du pays ?

La distance qui sépare la Russie de l’Occident ne se mesure véritablement qu’à présent. Il faudrait à l’U.R.S.S., dans les conditions les plus favorables, c’est-à-dire en l’absence de convulsions intérieures et de catastrophes extérieures, plusieurs lustres pour assimiler complètement l’acquis économique et éducatif qui a été, pour les premiers nés de la civilisation capitaliste, le fruit des siècles. L’application des méthodes socialistes à des tâches pré-socialistes, tel est maintenant le fond du travail économique et culturel de l’U.R.S.S.

Il est vrai que l’U.R.S.S. dépasse aujourd’hui par ses forces productives les pays les plus avancés du temps de Marx. Mais, tout d’abord, dans la compétition historique de deux régimes, il s’agit bien moins de niveaux absolus que de niveaux relatifs : l’économie soviétique s’oppose au capitalisme de Hitler, de Baldwin et de Roosevelt et non à celui de Bismarck, de Palmerston et d’Abraham Lincoln ; en second lieu, l’ampleur même des besoins de l’homme se modifié radicalement avec la croissance de la technique mondiale : les contemporains de Marx ne connaissaient ni l’automobile, ni la T. S. F., ni l’avion. Or la société socialiste serait inconcevable de notre temps sans le libre usage de tous ces biens.

"Le stade inférieur du communisme", pour employer le terme de Marx, commence à un niveau dont le capitalisme le plus avancé s’est rapproché. Or le programme réel des prochaines périodes quinquennales des républiques soviétiques consiste à "rattraper l’Europe et l’Amérique". Pour créer un réseau de routes goudronnées et d’autoroutes dans les vastes espaces de l’U.R.S.S., il faut beaucoup plus de temps et de moyens que pour importer d’Amérique des fabriques d’automobiles toutes prêtes et même pour s’approprier leur technique. Combien d’années faudra-t-il pour donner à tout citoyen la possibilité d’user d’une automobile dans toutes les directions sans rencontrer de difficultés de ravitaillement en essence ? Dans la société barbare, le piéton et le cavalier formaient deux classes. L’auto ne différencie pas moins la société que le cheval de selle. Tant que la modeste Ford demeure le privilège d’une minorité, tous les rapports et toutes les habitudes propres à la société bourgeoise survivent. Avec eux subsiste l’Etat, gardien de l’inégalité.

Procédant uniquement de la théorie marxiste de la dictature du prolétariat, Lénine n’a pu, ni dans son ouvrage capital sur la question (L’Etat et la révolution), ni dans le programme du parti, faire, concernant le caractère de l’Etat, toutes les déductions imposées par la condition arriérée et l’isolement du pays. Expliquant les résurgences de la bureaucratie par l’inexpérience administrative des masses et les difficultés nées de la guerre, le programme du parti prescrit des mesures purement politiques pour surmonter les "déformations bureaucratiques" : éligibilité et révocabilité à tout moment de tous les mandataires, suppression des privilèges matériels, contrôle actif des masses. On pensait que, sur cette voie, le fonctionnaire cesserait d’être un chef pour devenir un simple agent technique, d’ailleurs provisoire, tandis que l’Etat quitterait peu à peu, sans bruit, la scène.

Cette sous-estimation manifeste des difficultés futures s’explique par le fait que le programme se fondait entièrement, sans réserves, sur une perspective internationale. "La révolution d’Octobre a réalisé en Russie la dictature du prolétariat... L’ère de la révolution prolétarienne communiste universelle s’est ouverte." Telles sont les premières lignes du programme. Les auteurs de ce document ne se donnaient pas uniquement pour but l’édification du "socialisme dans un seul pays" — cette idée ne venait alors à personne et à Staline moins qu’à tout autre — et ils ne se demandaient pas quel caractère prendrait l’Etat soviétique s’il lui fallait accomplir seul pendant vingt ans les tâches économiques et culturelles depuis longtemps accomplies par le capitalisme avancé.
La crise révolutionnaire d’après-guerre n’a cependant pas amené la victoire du socialisme en Europe : la social-démocratie a sauvé la bourgeoisie. La période qui paraissait à Lénine et à ses compagnons d’armes devoir être une courte "trêve" est devenue toute une époque de l’histoire. La structure sociale contradictoire de l’U.R.S.S. et le caractère ultra-bureaucratique de l’Etat soviétique sont les conséquences directes de cette singulière "difficulté" historique imprévue, qui a en même temps amené les pays capitalistes au fascisme ou à la réaction préfasciste.
Si la tentative du début — créer un Etat débarrassé du bureaucratisme — s’est avant tout heurtée à l’inexpérience des masses en matière d’auto-administration, au manque de travailleurs qualifiés dévoués au socialisme, etc., d’autres difficultés n’allaient pas tarder à se faire sentir. La réduction de l’Etat à des fonctions "de recensement et de contrôle", les fonctions de coercition s’amoindrissant sans cesse, comme l’exige le programme, supposait un certain bien-être. Cette condition nécessaire faisait défaut. Le secours de l’Occident n’arrivait pas. Le pouvoir des soviets démocratiques se révélait gênant et même intolérable quand il s’agissait de favoriser les groupes privilégiés les plus indispensables à la défense, à l’industrie, à la technique, à la science. Une puissante caste de spécialistes de la répartition se forma et se fortifia grâce à l’opération nullement socialiste qui consistait à prendre à dix personnes pour donner à une seule.

Comment et pourquoi les immenses succès économiques des derniers temps, au lieu d’amener un adoucissement de l’inégalité, l’ont-ils aggravée en accroissant encore la bureaucratie qui, de "déformation", est devenue système de gouvernement ? Avant de tenter de répondre à cette question, écoutons ce que les chefs les plus autorisés de la bureaucratie soviétique disent de leur propre régime.

(…)

Un Etat issu de la révolution ouvrière existe pour la première fois dans l’histoire. Les étapes qu’il doit franchir ne sont inscrites nulle part. Les théoriciens et les bâtisseurs de l’U.R.S.S. espéraient, il est vrai, que le système souple et clair des soviets permettraient à l’Etat de se transformer pacifiquement, de se dissoudre et de dépérir au fur et à mesure que la société accomplirait son évolution économique et culturelle. La réalité s’est montrée plus complexe que la théorie. Le prolétariat d’un pays arriéré a du faire la première révolution socialiste. Il aura très vraisemblablement à payer ce privilège historique d’une seconde révolution, celle-ci contre l’absolutisme bureaucratique. Le programme de cette révolution dépendra du moment où elle éclatera, du niveau que le pays aura atteint et, dans une mesure très appréciable, de la situation internationale. Ses éléments essentiels, suffisamment définis dès à présent, sont indiqués tout au long des pages de ce livre : et ce sont les conclusions objectives de l’analyse des contradictions du régime soviétique.

Il ne s’agit pas de remplacer une coterie dirigeante par une autre, mais de changer les méthodes mêmes de la direction économique et culturelle. L’arbitraire bureaucratique devra céder la place à la démocratie soviétique. Le rétablissement du droit de critique et d’une liberté électorale véritable sont des conditions nécessaires du développement du pays. Le rétablissement de la liberté des partis soviétiques, à commencer par le parti bolchevique, et la renaissance des syndicats y sont impliqués. La démocratie entraînera, dans l’économie, la révision radicale des plans dans l’intérêt des travailleurs. La libre discussion des questions économiques diminuera les frais généraux imposés par les erreurs et les zigzags de la bureaucratie. Les entreprises somptuaires, Palais des Soviets, théâtres nouveaux, métros construits pour l’épate, feront place à des habitations ouvrières. Les "normes bourgeoises de répartition" seront d’abord ramenées aux proportions que commande la stricte nécessité, pour reculer, au fur et à mesure de l’accroissement de la richesse sociale, devant l’égalité socialiste. Les grades seront immédiatement abolis, les décorations remisées aux accessoires. La jeunesse pourra respirer librement, critiquer, se tromper et mûrir. La science et l’art secoueront leurs chaînes. La politique étrangère renouera avec la tradition de l’internationalisme révolutionnaire.

Plus que jamais, les destinées de la révolution d’Octobre sont aujourd’hui liées à celles de l’Europe et du monde. Les problèmes de l’U.R.S.S. se résolvent dans la péninsule ibérique, en France, en Belgique. Au moment où ce livre paraîtra, la situation sera probablement beaucoup plus claire qu’en ces jours de guerre civile sous Madrid. Si la bureaucratie soviétique réussit, avec sa perfide politique des "fronts populaires", à assurer la victoire de la réaction en France et en Espagne — et l’Internationale communiste fait tout ce qu’elle peut dans ce sens — l’U.R.S.S. se trouvera au bord de l’abîme et la contre-révolution bourgeoise y sera à l’ordre du jour plutôt que le soulèvement des ouvriers contre la bureaucratie. Si, au contraire, malgré le sabotage des réformistes et des chefs "communistes", le prolétariat d’Occident se fraie la route vers le pouvoir, un nouveau chapitre s’ouvrira dans l’histoire de l’U.R.S.S. La première victoire révolutionnaire en Europe fera aux masses soviétiques l’effet d’un choc électrique, les réveillera, relèvera leur esprit d’indépendance, ranimera les traditions de 1905 et 1917, affaiblira les positions de la bureaucratie et n’aura pas moins d’importance pour la IVe Internationale que n’en eut pour la IIIe la victoire de la révolution d’Octobre. Pour le premier Etat ouvrier, pour l’avenir du socialisme, pas de salut si ce n’est dans cette voie. »

Messages

  • La question de l’Etat, comme on le voit dans ce débat, n’oppose pas seulement révolutionnaires et réformistes, mais aussi elle mène à des désaccords entre révolutionnaires. La raison en est profonde : c’est la question politique la moins simple. La nature de l’Etat n’a rien de simple.

    Bien sûr, dans un premier temps, elle distingue le réformiste qui veut l’amender et le révolutionnaire qui veut le renverser. Ensuite, elle divise entre eux les révolutionnaires : ceux qui veulent construire un nouvel Etat fondé sur le pouvoir de la classe révolutionnaire et ceux qui ne le veulent pas, comme les anarchistes. Ceux qui considèrent que le prolétariat doit fonder un Etat ouvrier et ceux qui pensent que ces deux termes sont antinomiques comme certains gauches communistes. Ce dernier point de vue est celui d’Olivier.

    Pour nous, l’Etat n’est pas ou démocratique ou dictatorial, mais marqué par la classe dominante qui le dirige comme elle dirige l’ensemble de la société : classe esclavagiste, classe féodale, noble et guerrière, classe du grand commerce et des négociants, classe capitaliste, classe ouvrière.

    Une fois que l’on a dit cela, on n’a pas tout dit car est alors déterminante la situation de la classe dominante, situation qui peut changer du tout au tout, être complètement dirigeante ou, au contraire, être très faible ou très menacée dans une crise ou une situation critique, de lutte des classes.

    On remarque alors que l’Etat n’avait pas une nature aussi simple, qu’il exprimait aussi cette lutte des classes, qu’il pouvait se casser, se diviser, se rendre plus ou moins violent, s’appuyer sur des couches extrêmement pauvres de la population pour assurer sa dictature et plus seulement sur les forces étatiques classiques, à savoir armée, police, justice, prisons, forces spéciales, administration, gouvernement, etc. C’est la dérive fasciste, le bonapartisme, le coup d’état au sein même du système social dominant. Cela peut se produire dans toutes les sortes d’Etat, quelle que soit la nature de classe de celui-ci, y compris dans un Etat ouvrier, si la classe ouvrière est tellement affaiblie que le pouvoir d’Etat s’autonomise et s’appuie sur des couches sociales non dominantes.

    Pourquoi le prolétariat devrait-il bâtir un nouvel Etat puisque nous savons qu’il y a de tels risques de bureaucratisation, de fascisation, de bonapartisme au sein y compris d’un Etat ouvrier ? Parce que l’Etat est une arme sans laquelle la classe ouvrière internationale ne peut pas renverser les Etats capitalistes !

    Ce qui a manqué au prolétariat russe ce n’est pas la capacité de faire le socialisme dans un seul pays. Personne n’a cette capacité. Personne, parmi les révolutionnaires, ne lui attribuait cette capacité. Seule la révolution internationale peut abattre l’exploitation capitaliste mondiale.

    Ce qui lui a manqué, c’est le triomphe de nouveaux Etat ouvriers dans les pays voisins, plus développés, moins retardataires, à commencer par l’Allemagne, la Hongrie, l’Autriche, l’Italie, etc.

    Isolée, la classe ouvrière révolutionnaire de Russie s’est battue mais elle s’est aussi affaiblie, obligée de quitter les usines pour les fronts, mourant de faim, de maladies et de tuée par les armées blanches, les armées bourgeoises social-démocrates et les armées impérialistes. Ceux qui sont restés dans les usines, qui fonctionnaient de moins en moins, ce n’est pas la classe révolutionnaire. Ce sont des travailleurs moins conscients, qui abandonnaient les soviets ou y voyaient un moyen de survivre, pas de révolutionner le monde.

    La classe prolétarienne d’un seul pays ne peut pas prendre durablement sur ses seules épaules la révolution mondiale !

    Il n’y avait pas de recette pour empêcher que l’Etat ouvrier russe isolé périclite. Il est inutile de la chercher dans le fait de ne pas parler d’Etat ouvrier ! Cela ne sert à rien. Cela ne donne pas des clefs.

    Bien sûr, on peut dénoncer le fait que cet Etat ouvrier ait cassé des grèves. Mais c’est omettre l’existence au sein même de la classe ouvrière des appareils réformistes, sociaux-démocrates et syndicaux qui ont trahi dès le premier jour la révolution sociale ! C’est eux qui fomentaient ces grèves. Dire que c’est des grèves ouvrières ne nous dit pas dans quel camp se situaient ces grèves !

    Certains diront que c’est cette politique de l’Etat ouvrier qui a mené au stalinisme et ils se trompent : c’est l’arriération et l’isolement qui ne pouvaient qu’y mener. La politique des révolutionnaires devait être de retarder l’échéance en attendant la révolution prolétarienne victorieuse à l’extérieur. Une avant-garde de la révolution tient un pays et a besoin des renforts de ses frères prolétaires pour étendre la lutte et relâcher la pression interne. Il n’y avait pas d’autre issue.

    Bien sûr, l’Etat ouvrier n’est pas le socialisme, il a en son sein des contradictions en lutte. C’est un demi Etat au sens où ce sont les soviets qui gouvernent mais c’est encore un Etat et, en un sens, encore un Etat bourgeois ! Les gauches communistes n’aiment ces considérations dialectiques là. Nous renvoyons ici à une discussion déjà commencée auparavant :

    Ceux qui veulent nous enfermer dans des contradictions diamétrales en politique

  • Vous aurez vous-mêmes corrigé l’expression « le réformiste qui veut l’amender » (amender l’Etat capitaliste !), par : le réformiste qui veut le conquérir sous prétexte de l’amender !!!

  • Sur quelques questions soulevées par Olivier :

    Marx défendait-il l’Etat ouvrier ? lire ici

    La politique des bolcheviks est-elle responsable du stalinisme ? lire ici

    Nul ne peut se substituer au prolétariat révolutionnaire, ni le parti communiste révolutionnaire, ni l’Etat ouvrier : lire ici

    Lénine, Trotsky et d’autres dirigeants bolcheviks ont-ils vu les dangers de la bureaucratie et tenté de lutter contre elle ? lire ici

    La trahison de la révolution russe a-t-elle commencé avec la signature des accords de Brest-Litovsk comme le prétendent les communistes de gauche tels Boukharine ?
    lire ici

  • Chers camarades,

    merci de nous faire partager l’état de vos discussions, et donc des accords et désaccords. Le sujet principal qui est la nature de l’Etat est effectivement primordial pour comprendre le passé de la lutte de classes, son actualité et ses perspectives. La rupture avec l’extrême gauche électoraliste et syndicaliste, était visible publiquement depuis la révolte des banlieues mais aussi depuis l’appel à voter pour le PS en 1981... Plus profonde est la rupture depuis la fin de la 2e guerre mondiale et le soutien au parti nationaliste stalinien. Pour ce qui concerne la Lutte Ouvrière, leur opportunisme vis à vis des appareils réformistes fait du tort aux luttes ouvrières, mais se distingue à mon avis de la politique actuelle des syndicats qui est à fond dans la collaboration avec le patronat. Alors certains diront que cela fait le jeu de la bourgeoisie... sauf qu’actuellement le courant LO dans les usines se fait de plus en plus rare, faute de militants.

    Par contre l’idée que les conseils d’usines sont la pierre philosophale par rapport au soviet et par la suite à un gouvernement ouvrier et paysan , est fausse. Dernièrerement, le mouvement des GJ montrent comment un mouvement prolétarien peut évoluer contre l’état bourgeois, contre les gouvernements et indépendamment des centrales syndicales, sans avoir son centre de gravité dans les usines !

    Pour revenir à l’histoire de la Révolution russe, juste après octobre 1917, des grèves violentes et dures ont menacées la révolution russe et son pouvoir soviétique. Ces grèves organisées depuis les administrations de l ancien état russe, faisaient parti de la réaction contre-révolutionnaire des Blancs.

    Salutations à tous

    Alfred

  • Salut Alfred,

    Je ne reviens pas sur le début de ton propos sur l’importance des conseils d’usine. je te renvoie au livre d’O. Anweiller : Les soviets en Russie - (1905-1921).

    Par contre, sur le fait que les luttes passeront par autre chose que les conseils et des comités dans les usines, je suis parfaitement d’accord avec toi. Je le répète souvent, il faut étudier les nouvelles conditions de lutte dans les pays capitalistes développés, comme la France. Et j’ai souvent parlé de la lutte des "places" en faisant référence à l’article d’Henri Simon d’Échanges et mouvement (article que j’avais initié en lui parlant du sujet avant qu’il ne l’écrive il y a maintenant 10 ans peut-être). Et, depuis lors, nous avons vu ce mode de lutte se développer dans tous les pays. Cela ne veut pas dire qu’il faut ranger les anciens modes de lutte notamment dans les pays moins développés et notamment dans l’"usine du monde " en Chine.

    Sur les grèves en Russie.

    Certainement, il devait y avoir des faux amis dedans. Mais la plupart des grèves ouvrières étaient de véritables luttes. Il n’y a qu’à lire les lettres de Miasnikov (vieux bolchevik et ouvrier dans ces luttes). Il n’y a aucune raison de ne pas le croire dans l’état de notre documentation actuelle.
    Mais enfin, on ne fait pas la révolution prolétarienne contre les ouvriers. Et çà, c’est un principe intangible sur lequel je ne transigerai jamais. Il ne doit pas y avoir de violence au sein de la classe ouvrière. La violence peut s’exercer mais contre les autres classes et couches sociales.
    je suis toujours scotché quand je lis cette phrase :

    "Qui dit que Cronstadt était blanche ? Non. Pour nos idées, pour la tâche qui est la nôtre, nous avons été contraints de réprimer la révolte de nos frères égarés. Nous ne pouvons considérer les matelots de Cronstadt comme nos ennemis. Nous les aimons comme des frères véritables, notre chair et notre sang".

    Boukharine devant le III° Congrès de l’IC (juin 1921).

    Voilà ce qui est arrivé ! Ce n’est pas moi qui le dit. C’est le Congrès de l’IC.

    Je suis sans voix.

    Amicalement

    Olivier

  • Re-salut Alfred,

    Pour bien te montrer que je n’idéalise pas les méthodes de lutte des ouvriers et qu’il faut rester ouvert comme l’ont été Rosa Luxembourg et Trotski, les premiers, lors du surgissement des conseils pour en saisir importance.

    Je t’envoie le texte en PJ dont je parle (2012 - ce n’est donc pas une lubie ou une mode qui nous a fait écrire ce texte) pour poursuivre la réflexion entre nous et d’autres....

    J’ai même (sacrifié quelques fois à la mode actuelle) en parlant des "communs" (je préfèrerais le mot Commune à commun).

    Le souci premier quoique que soit le nom que l’on utilise c’est que les ouvriers conservent leur pouvoir révolutionnaire et cela ne peut être qu’au travers des assemblées (AG, véritables coordinations, etc...) et de l’élection de délégués élus et révocables à tout moment. Ils ne peuvent faire confiance qu’en eux-mêmes.

    Amicalement

    Olivier

  • Marx, lettre de septembre 1843 à Arnold Ruge :

    « (…) je ne tiens nullement à ce que nous arborions un drapeau dogmatique, bien au contraire. Notre tâche, c’est d’aider les dogmatiques à bien comprendre leurs propres thèses. Ainsi, par exemple, le communisme est une abstraction dogmatique, et ici je n’ai nullement en vue un quelconque communisme imaginaire ou possible, mais le communisme réellement existant, tel que l’enseignent Cabet, Dézamy, Weitling et d’autres. Ce communisme n’est lui-même qu’une manifestation particulière du principe humaniste, infectée de son contraire, l’intérêt privé. Par conséquent, abolition de la propriété privée et communisme ne sont nullement identiques, et le communisme a vu naître en face de lui, non pas par hasard, mais par nécessité, d’autres doctrines socialistes, comme celles de Fourier, de Proudhon, etc., parce qu’il n’est lui-même qu’une réalisation particulière, partielle, du principe socialiste. Et tout le principe socialiste n’est, quant à lui, que l’une des faces du problème, celle qui concerne la réalité de l’être humain vrai. Nous devons nous soucier tout autant de l’autre face, de l’existence théorique de l’homme, donc prendre la religion, la science, etc., pour objet de notre critique. Nous voulons en outre agir sur nos contemporains, c’est-à-dire sur nos contemporains allemands. Comment procéder ? Telle est la question. Il y a deux faits incontestables. La religion, d’une part, la politique, d’autre part, sont des objets qui constituent le principal intérêt de l’Allemagne actuelle. C’est par elles, telles qu’elles sont, qu’il nous faut commencer, sans leur opposer tel système tout fait, dans le genre du Voyage en Icarie.
    La raison a toujours existé, mais pas toujours sous la forme raisonnable. Le critique peut donc se rattacher à n’importe quelle forme de la conscience théorique et pratique, et déployer, en partant des propres formes de la réalité existante, la vraie réalité comme leur exigence et leur fin ultime. Or, touchant la vie réelle, c’est précisément l’État politique – dans toutes ses formes modernes – qui, même quand il n’est pas encore empli, de manière consciente, des exigences socialistes, contient les exigences de la raison. Et il ne s’en tient pas là. Partout il suppose la raison devenue réalité. Mais partout aussi, il tombe dans la contradiction entre sa vocation théorique et ses présuppositions réelles.
    C’est pourquoi, en partant de ce conflit de l’État politique avec lui-même, on peut dégager partout la vérité sociale. De même que la religion est le sommaire des luttes théoriques de l’humanité, de même l’État politique est le sommaire de ses luttes pratiques. L’État politique exprime donc dans sa propre forme, sub specie rei publicae, comme République, toutes les luttes, tous les besoins, toutes les vérités de la société. Prendre pour objet de la critique la question politique la plus spéciale – par exemple la différence entre le système des ordres et le système représentatif – n’est donc nullement au-dessous de la hauteur des principes. Cette question n’exprime, en effet, que d’une manière politique la différence entre la souveraineté de l’homme et la souveraineté de la propriété privée. Non seulement le critique peut, mais il doit s’intéresser à ces questions politiques (qui, de l’avis des socialistes extrêmes, ne méritent que mépris). En démontrant la supériorité du système représentatif sur le système corporatif, il intéresse en pratique un grand parti. En élevant le système représentatif de sa forme politique à la forme générale, et en faisant valoir la vraie signification dont il est le porteur, il oblige en même temps ce parti à se dépasser lui-même, car sa victoire est en même temps sa perte.
    Par conséquent, rien ne nous empêche de relier notre critique à la critique de la politique, à la prise de parti en la politique, donc à des luttes réelles, et de nous identifier à ces luttes. Nous ne nous présentons pas alors au monde en doctrinaires armés d’un nouveau principe : voici la vérité, agenouille-toi ! Nous développons pour le monde des principes nouveaux que nous tirons des principes mêmes du monde. Nous ne lui disons pas : « renonce à tes luttes, ce sont des enfantillages ; c’est à nous de te faire entendre la vraie devise du combat ». Tout ce que nous faisons, c’est montrer au monde pourquoi il lutte en réalité, et la conscience est une chose qu’il doit faire sienne, même contre son gré.
    La réforme de la conscience consiste uniquement à rendre le monde conscient de lui-même, à le réveiller du sommeil où il rêve de lui-même, à lui expliquer ses propres actions. Tout notre but ne peut consister qu’à faire en sorte que les questions religieuses et politiques soient formulées de manière humaine et consciente, comme c’est d’ailleurs le cas dans la critique de la religion chez Feuerbach.
    Notre devise sera donc : réforme de la conscience, non par des dogmes, mais par l’analyse de la conscience mystique, obscure à elle-même, qu’elle se manifeste dans la religion ou dans la politique. »

  • Cher Olivier, chers tous,

    Certes, dans les luttes sociales comme dans toutes les positions politiques, le dogmatisme n’est pas une aide et est une entrave comme un moralisme détaché des réalités. Les réalités ne peuvent être perçues dans leur dynamique que de manière dialectique, pas dans une philosophie dichotomique du bien et du mal. Il n’y a pas de dogmatisme de la forme d’organisation à soutenir mais il faut absolument rester fermes sur la défense de l’auto-organisation du prolétariat. Personne ne peut sauver les exploités et les opprimés en se substituant à eux. Ce n’est pas de la morale, c’est une leçon de l’Histoire des luttes de classes !

    Soviets, conseils d’usine, conseils de quartiers, coordinations, ou d’autres formes d’organisation qui seront issues des luttes réelles, on n’a pas à le décider dans l’abstrait, en dehors d’une lutte réelle. Car il se peut que, du fait du cours des événements, nos adversaires aient réussi à mettre la main sur les conseils d’usine alors qu’ils n’y sont pas parvenus sur les conseils de quartier, ou l’inverse. Une décision ferme posée en principe moral, hors de la réalité, ne peut que nous piéger dans ce cas.

    De même que le dogmatisme va nous enseigner que tout ce qui vient de la classe ouvrière serait bon et tout ce qui vient de la bourgeoisie ou de la petite bourgeoisie serait mauvais. Bien sûr, là aussi, pas question de renoncer au rôle dirigeant du prolétariat dans les luttes de classes. Mais diriger ne signifier pas s’isoler. Il faut diriger les couches opprimées même si elles sont petites-bourgeoises. Il faut lutter pour toutes les libertés, même les libertés bourgeoises et petites bourgeoises, même si le capitalisme ne permet plus de les défendre. La révolution prolétarienne, elle, peut s’en emparer dans le cours de sa lutte, non pour s’y arrêter mais pour les dépasser en suivant son cours vers le socialisme et le communisme. Le dogmatiste dira que ce qui est liberté bourgeoise doit être rejeté, pas le révolutionnaire prolétarien. Ce dernier dira que les aspirations à la liberté sont toutes incluses dans le programme de la révolution prolétarienne mais sans semer la moindre illusion sur la capacité des forces bourgeoises de la réaliser.

    La grève, parce qu’ouvrière, serait bonne par nature ? Faux. La grève contre un pouvoir révolutionnaire est le plus souvent contre-révolutionnaire. Elle ne l’est pas forcément par intention de ses participants qui font grève parce qu’ils subissent une misère insupportable. Elle l’est parce que cette misère n’agit pas contre ses responsables mais contre le pouvoir que les travailleurs viennent difficilement de mettre en place.

    Les syndicats russes et la social-démocratie avaient une forte influence et s’en sont servis contre le pouvoir prolétarien, avant même la révolution d’Octobre. Ils l’ont fait encore plus massivement et violemment après la révolution d’Octobre. Syndicat des cheminots, syndicat des fonctionnaires, syndicat des employés et même certains syndicats ouvriers ont alors joué un rôle contre-révolutionnaire, notamment en menant des grèves insurrectionnelles contre le pouvoir ouvrier déstabilisé par la misère, par les destructions, par la catastrophe généralisée produite par la guerre civile. Ces grèves ne s’attaquaient pas à une oppression causée par le pouvoir bolchevik mais à une misère causée par les armées blanches, les armées social-démocrates, les armées de la réaction sous toutes ses formes, les armées impérialistes du monde entier. Mais elles ne s’attaquaient pas à ses responsables et les soutenaient même !

    Dès le début de la révolution, certains révolutionnaires étaient réticents de mener la révolution jusqu’au bout. Ils restaient prisonniers de faux moralismes du genre « on ne combat pas une grève ouvrière ». Cela ne signifiait pas qu’il n’a pas existé des mesures bureaucratiques qui allaient contre les intérêts ouvriers. Cela signifie que le pouvoir prolétarien né en Russie ne pouvait réussir que s’il réussissait ailleurs qu’en Russie. Pas moyen dans une guerre de classes aussi violente, et rendue plus violente encore par la volonté des puissances impérialistes, de maintenir la démocratie, pas moyen de maintenir la paix, pas moyen de supprimer la violence, pas moyen de se passer de la répression.

    Bien sûr, nous voyons ici revenir les fables sur Cronstadt. Cette citadelle de la Révolution en Octobre n’était plus la même, après des années de souffrances et de guerre civile. Le seul fait que le slogan adopté soit « les soviets sans Lénine et Trotsky » en dit long, car cela ne signifie nullement les soviets sans la bureaucratie ! Croire qu’il était possible de placer dans cette force armée au sein d’une capitale de la révolution une force armée contre celle-ci sans que les Blancs s’en servent alors que l’affrontement principal du moment opposaient pouvoir bolchevik et armées blanches alliées aux impérialismes, c’est se placer sur le terrain du sentimentalisme et du moralisme, non sur celui de la réalité sociale et politique.

    Oui, une insurrection populaire n’est pas nécessairement révolutionnaire et, dans certaines circonstances, peut même être contre-révolutionnaire. L’exemple tout ce qu’il y a de populaire de la Vendée le démontre pleinement.

    Justement choisir, pour s’orienter dans les événements, les points de vue de Boukharine en la matière, c’est choisir un révolutionnaire sentimental, qui est sans cesse ballotté d’un côté à l’autre, du meilleur et du pire, qui ne cesse de changer de bord, du fait des impressions du moment. Et toute sa vie politique de révolutionnaire a été dans ce mouvement de va-et-vient et cela bien avant le stalinisme. Nous ne mettons nullement en cause la bonne foi de Boukharine, ni, bien entendu, d’Olivier et des militants révolutionnaires des gauche communistes, à commencer par le révolutionnaire Bordiga. La question dépasse de loin les bonnes intentions et porte sur les choix politiques et sociaux, et même sur la philosophie, sur la dialectique révolutionnaire.

    Pour nous orienter dans les événements, nous ne pouvons pas suivre des philosophies qui opposent diamétralement ce qui doit être opposé dialectiquement, au risque de nous désarmer complètement face aux événements.

    Par exemple, ces philosophies puristes affirment qu’un mouvement social de masse est soit prolétarien soit ne l’est pas, qu’un pouvoir prolétarien n’est absolument pas bourgeois et petit-bourgeois, qu’une liberté défendue par le prolétariat est purement prolétarienne. Eh bien, ce simplisme ne correspond nullement à la réalité.

    La révolution bourgeoise a été aussi prolétarienne. La révolution prolétarienne est, dans certaines de ses dimensions, aussi bourgeoise. Ces distinctions échappent à nos camarades des gauches communistes.

    Ils affirment que ces points de vue seraient responsables des trahisons des directions trotskistes, en particulier lors de la deuxième guerre mondiale. Nous pensons, au contraire, que c’est la totale méconnaissance de ces points de vue dialectiques qui est cause de l’incompréhension du rôle révolutionnaire des trotskistes. D’un point de vue dialectique, il n’est pas nécessaire de soutenir les syndicats pour y participer, il n’est pas nécessaire de développer des illusions sur la démocratie bourgeoise pour participer aux « révolutions des printemps » qui ont des illusions sur la démocratie bourgeoise, etc.

    Le rôle des révolutionnaires ne consiste pas à suivre les mouvements prolétariens par ouvriérisme, mais à tirer des leçons de toute l’étude scientifique du monde pour les utiliser dans l’intervention sur l’histoire de la société humaine. Un moralisme figé n’est nullement une aide, mais une entrave, dans une telle tâche.

    Amicalement
    Robert

  • Lénine dans "Discours au onzième congrès du parti bolchevik de mars-avril 1922, combatttant la bureaucratisation de l’Etat ouvrier :

    « Vous, communistes, vous, ouvriers, vous, partie consciente du prolétariat, qui vous êtes chargés de gouverner l’Etat, saurez- vous faire en sorte que l’Etat, dont vous avez assumé la charge, fonctionne comme vous l’entendez ? Nous avons vécu une année, l’Etat est entre nos mains ; eh bien, sur le plan de la nouvelle politique économique, a-t-il fonctionné comme nous l’entendions ? Non. Nous ne voulons pas l’avouer : l’Etat n’a pas fonctionné comme nous l’entendions. Et comment a-t-il fonctionné ? La voiture n’obéit pas : un homme est bien assis au volant, qui semble la diriger, mais la voiture ne roule pas dans la direction voulue ; elle va où la pousse une autre force - force illégale, force illicite, force venant d’on ne sait où -, où la poussent les spéculateurs, ou peut-être les capitalistes privés, ou peut-être les uns et les autres, - mais la voiture ne roule pas tout à fait, et, bien souvent, pas du tout comme se l’imagine celui qui est au volant. (...) Et il faut poser nettement cette question : qu’est-ce qui fait notre force et qu’est-ce qui nous manque ? Le pouvoir politique, nous en avons autant qu’il faut. Il ne se trouvera probablement personne ici pour dire qu’à l’endroit de telle ou telle question pratique, dans telle ou telle institution, les communistes, le Parti communiste n’ont pas suffisamment de pouvoir. Il y a des gens qui ont constamment cette pensée en tête, mais ce sont des gens tournés désespérément vers le passé, qui ne comprennent pas qu’il faut se tourner vers l’avenir. La force économique essentielle est entre nos mains. Toutes les grandes entreprises clés, les chemins de fer, etc., sont entre nos mains. Le bail, si largement qu’il soit pratiqué en certains lieux, ne joue, dans l’ensemble, qu’un rôle minime. C’est, dans l’ensemble, une part tout à fait insignifiante. La force économique dont dispose l’Etat prolétarien de Russie est tout à fait suffisante pour assurer le passage au communisme. Qu’est-ce donc qui manque ? C’est clair : ce qui manque, c’est la culture chez les communistes dirigeants. De fait, si nous considérons Moscou - 4700 communistes responsables - et si nous considérons la machine bureaucratique, cette masse énorme, qui donc mène et qui est mené ? Je doute fort qu’on puisse dire que les communistes mènent. A dire vrai ce ne sont pas eux qui mènent. C’est eux qui sont menés. Il s’est passé là quelque chose de pareil à ce qu’on nous racontait dans notre enfance, aux leçons d’histoire. Il arrive, nous enseignait-on, qu’un peuple en subjugue un autre, et alors le peuple qui a subjugué est un peuple conquérant, et celui qui a été subjugué est un peuple vaincu. Voilà qui est simple et compréhensible pour chacun. Mais qu’advient-il de la culture de ces peuples ? Cela n’est pas si simple. Si le peuple conquérant est plus cultivé que le peuple vaincu, il lui impose sa culture. Dans le cas contraire, il arrive que c’est le vaincu qui impose sa culture au conquérant. Ne s’est-il pas produit quelque chose de pareil dans la capitale de la R.S.F.S.R. et n’est-il pas arrivé ici que 4700 communistes (presque toute une division, et des meilleurs) ont été soumis à une culture étrangère ? Il est vrai qu’on pourrait, ici, avoir l’impression d’un niveau culturel élevé chez les vaincus. Erreur. Leur culture est misérable, insignifiante. Mais, tout de même, elle est supérieure à la nôtre. Si piètre, si misérable qu’elle soit, elle surpasse celle de nos communistes responsables, parce que ceux-ci ne savent pas suffisamment diriger. Les communistes qui se mettent à la tête des institutions - parfois des saboteurs les y poussent habilement, à dessein, pour se faire une enseigne -, se trouvent souvent dupés. Aveu très désagréable. Ou, tout au moins, pas très agréable. Mais il faut le faire, me semble-t-il, car c’est là, à présent, le nœud de la question. C’est à cela que se ramène, selon moi, la leçon politique de l’année, et c’est sous ce signe que la lutte se déroulera en 1922.
    Les communistes responsables de la R.S.F.S.R. et du Parti communiste de Russie sauront-ils comprendre qu’ils ne savent pas diriger ? Qu’ils s’imaginent mener les autres, alors qu’en réalité c’est eux qu’on mène ? S’ils arrivent à le comprendre, ils apprendront certainement à diriger, car c’est possible. Mais, pour cela, il faut étudier, or, chez nous, on n’étudie pas. On lance à tour de bras ordres et décrets, et le résultat n’est pas du tout celui que l’on souhaite. (...)
    Bâtir la société communiste par les mains des communistes est une idée puérile s’il en fut. Les communistes sont une goutte dans l’océan, une goutte dans l’océan populaire. Ils ne sauront conduire le peuple dans leur voie qu’à la condition de la tracer d’une façon juste non pas seulement du point de vue de l’orientation historique mondiale. »

  • Il faut d’ailleurs remarquer, contrairement à ce que sous-tend la citation d’Olivier, que Boukharine a soutenu l’offensive militaire de l’Etat ouvrier contre Cronstadt et l’a votée, de même que l’Opposition ouvrière. Boukharine a même alors mis en avant son plaidoyer pour un « bonapartisme prolétarien », triste anticipation de ce qui allait se produire ensuite.

  • Un exemple de grèves ouvrières (syndicales et social-démocrates) contre la révolution prolétarienne : celles au lendemain d’Octobre 1917 : lire ici

  • Léon Trotsky en avril 1922 : « La grève dans l’Etat ouvrier » :

    « De toute évidence, les syndicats doivent prendre à cœur la défense des salariés travaillant pour l’industrie privée. Les intéressés ne souhaitant pas toujours en ce moment l’intervention du syndicat dans leurs affaires. Dans les conditions extrêmement dures de la période transitoire actuelle, le travail chez le capitaliste peut paraître parfois le meilleur. Mais ils se rendront compte avant peu que la protection de l’Etat ouvrier et du syndicat contre l’exploiteur leur est indispensable.

    Pour défendre ces catégories de salariés, nos syndicats doivent reconstituer des caisses de grève et se préparer à des luttes nouvelles. Cela ne veut pas dire que nous aurons toujours recours, dans les concessions et les entreprises privées, à la grève. Au contraire, les syndicats agissant en régime des soviets avec le concours illimité de l’Etat, trouveront souvent bien d’autres moyens d’amener le concessionnaire et l’entrepreneur à satisfaire les revendications ouvrières.

    Voilà qui est évident. Beaucoup plus difficile à résoudre est le problème de la grève dans les entreprises de l’Etat, dans les entreprises soviétistes. Nul n’ignore que, pendant nos quatre années de lutte, nous avons vu de ces grèves. Et tant que nous serons aussi pauvres, tant que nous souffrirons de la profonde misère causée par le blocus, par l’intervention étrangère, par le sabotage de certains techniciens, nous devrons nous attendre à des conflits dans l’industrie de l’Etat, au cours desquels la grève ne sera pas toujours évitable.

    Lorsque se produisirent les premières grèves de ce genre contre l’Etat ouvrier, les mencheviks et les socialistes révolutionnaires y virent le symptôme de la chute prochaine du régime des Soviets. Ils ne comprenaient pas les grèves auxquelles nous avions affaire avaient objectivement et subjectivement un caractère radicalement diffèrent de celui des grèves sous l’ancien régime et sous le gouvernement de Kérensky. Nous ne voulons pas dire qu’elles aient toutes été innocentes et idylliques. Loin de là. Il leur est plus d’une fois arrivé d’avoir une teinte contre-révolutionnaire. Elles ont fait un mal inappréciable à notre vie économique et à l’Etat ouvrier. Mais il n’en est pas moins vrai qu’elles ne furent pas des faits de lutte de classe, mais plutôt des querelles intestines dans une classe. Quand la situation économique devenait à peu près intenable, quand le manque d’argent et la crise du combustible atteignaient plus particulièrement une catégorie d’ouvriers, celle-ci exprimait parfois sa protestation par la grève. La grève était extrêmement nuisible. Elles n’arrangeait rien, elle n’améliorait certes pas la situation économique et financière, elle ne remédiait en rien à la crise du combustible. Elle montrait seulement le manque de conscience, d’organisation et de fermeté intérieure de quelques éléments ouvriers. Elle procurait le plus grand plaisir aux contre-révolutionnaires de toute espèces, prolongeait la guerre civile, accroissait le désarroi économique. Mais elle ne ressemblait en rien aux mouvements de classe qui ont jeté bas l’ancien régime. C’était comme on l’a dit, dans la résolution de notre Comité Central, « des conflits entre des groupes isolés de la classe ouvrière et certaines institutions de l’Etat ouvrier ».

    Tels quels, ces conflits ont fait le plus grand mal à l’Etat ouvrier et, partant, à la classe ouvrière. Mais il était impossible de les prévenir.

    Deux causes profondes les provoquaient :

    1. Notre pauvreté, les ruines accumulées chez nous par l’impérialisme ;

    2. Les fautes graves de certaines institutions de l’Etat ouvrier atteintes de « déformation bureaucratique ».

    Laquelle de ces deux causes fut la plus importante dans chaque cas défini, nous ne le saurions exactement connaître. En tout cas, la tâche de nos syndicats c’est de prévenir, par des interventions intelligentes, les grèves provoquées par la « déformation bureaucratique » et, par des arrangements amiables, ainsi que par une aide cordiale apportée à nos organes économiques, celles que pourrait encore entraîner la pauvreté du pays.

    Tâche difficile. Pour l’accomplir, il faut des militants vivant au sein des masses, avec les masses, de la vie des masses, sachant les comprendre, sachant apprécier, sans idéalisation superflue, leur degré de conscience et la puissance sur elle des anciens préjugés, sachant conquérir leur confiance et leur affection.

    A l’époque du communisme de guerre, les dirigeants de nos syndicats n’avaient qu’une réponse à faire aux grévistes : « Vous n’avez pas le droit de cesser le travail, ni d’exiger du syndicat qu’il défende vos intérêts de vendeurs de main-d’œuvre. L’Etat des Soviets est un Etat ouvrier. Dans un Etat ouvrier, point n’est besoin d’organes spéciaux pour défendre l’intérêt de l’ouvrier ». Au fond, cette réponse était juste et le reste. Mais elle devient bientôt une déplorable formule officielle, si les syndicats ne sont pas étroitement mêlés à la vie ouvrière et s’ils ne savent pas combattre efficacement la « déformation bureaucratique » de certains organes de l’Etat, s’ils ne savent pas prouver à l’ouvrier le plus arriéré que tout ce qui était possible dans son intérêt a été fait. Il y a en cette matière une limite difficile à saisir, mais qu’il faut savoir ne pas franchir. Si les syndicats ne vivent pas de la vie même des masses laborieuses, s’ils ne font pas leur possible pour améliorer sans cesse leur condition, la solution théorique de la question du droit de grève dans l’Etat ouvrier n’est plus qu’une néfaste formule produisant sur le travailleur un effet diamétralement opposé à l’effet voulu.

    Nous savons tous combien nos ressources matérielles sont restreintes et combien il nous est difficile d’augmenter en ce moment les salaires réels des travailleurs employés par l’industrie d’Etat. Mais a-t-on fait tout ce qui était possible ? En ce qui concerne par exemple les conditions hygiéniques du travail dans notre industrie ? A-t-on fait tout ce que notre pauvreté actuelle nous permettrait de faire, ne fût-ce que pour les ouvriers des entreprises les plus importantes de l’Etat ? Non. Et mille fois non.

    « Un des meilleurs moyens et des plus infaillibles d’apprécier la justesse et l’efficacité du travail des syndicats nous est fourni par les résultats de sa politique en vue d’éviter dans les entreprises de l’Etat les conflits collectifs, en se préoccupant en toute matière de l’intérêt des ouvriers et en éliminant à temps utile les causes de conflits. »

    Ainsi s’exprime avec beaucoup de justesse la résolution du Comité Central. Si l’on peut dire que dans l’Etat bourgeois, le meilleur syndicat, le plus combatif, c’est précisément celui qui a soutenu le plus de luttes, il faut dire que, dans les usines de l’Etat ouvrier, la vérité est exactement contraire. Mais pour liquider les grèves, la politique de prévoyance, « le souci de sauvegarder en toute matière l’intérêt des ouvriers », doivent être substitués à tous les autres moyens parfois employés aux jours difficiles de la guerre civile.

    L’Etat ouvrier traversant une période de transition telle que la nôtre, ne peut interdire, par une loi, la grève dans ses établissements industriels, bien qu’il soit évident aux yeux de tous les travailleurs conscients que cette grève soit nuisible, absurde et parfois contre-révolutionnaire. Mais l’Etat ouvrier ne peut pas non plus proclamer dans ses usines le droit de grève comme le voudraient, pour le plus grand avantage de la bourgeoisie, les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks. Et ce n’est pas là une contradiction tactique. C’est une contradiction dans la vie même, dans la dure réalité d’une période de transition.

    Plus l’Etat des Soviets se fortifiera, mieux nous relèverons notre vie économique, plus rapidement nous cicatriserons les blessures que nous ont faites la guerre et la contre-révolution, mieux nous éliminerons de notre vie sociale le menchevisme et le « socialisme révolutionnaire » de ceux qui, pendant des années, ont soutenu la réaction, mieux les syndicats réussiront à résoudre pacifiquement les conflits — et plus la classe ouvrière deviendra consciente et moindre sera la déformation bureaucratique de nos organes de l’Etat et plus vite disparaîtra cette contradiction.

    Les nouvelles tâches assignées aux syndicats attribuent bien des droits à leurs militants. Mais aussi nous attendons beaucoup de leur travail. La campagne dont le plan est esquissé dans la résolution du Comité Central de notre Parti prendra des mois. Cette résolution, en effet, ne concerne pas seulement le mouvement syndical. Elle embrasse la situation de la classe ouvrière tout entière dans la période actuelle, en Russie des Soviets.

    Nos syndicats doivent se transformer. Ils doivent renaître. Que le Parti soit prêt de son côté ! Une œuvre immense est à accomplir. Et les syndicats doivent à tout prix se mettre à la hauteur des grandes nécessités nouvelles. »

    Source

  • Rappelons ce que nous avons déjà dit à Olivier à chaque fois qu’il répète que les trotskistes ont tous trahi pendant la deuxième guerre mondiale : ceux qu’il appelle « trotskistes » sont des courants dirigés par Frank ou Molinier, deux opportunistes que Trotsky avait clairement et publiquement fait exclure des organisations trotskystes d’avant-guerre !

    Les seuls véritables trotskistes de la période de la guerre et de l’immédiat après-guerre sont Natalia Sedova, Grandizo Munis, les bolcheviks-léninistes d’Espagne et le groupe mexicain de Munis, ainsi que Jaime Fernandez Cid, Hans Freund (Moulin), Benjamin Péret, les Italiens Adolfo Carlini et Lionello Guido, ainsi que le poète surréaliste cubain Juan Brea. Romeo Mangano en Italie, Pennetier et Gallienne, Paco Gomez, Sania Gontarbert, Sophie Moen, Edgar Petsch, Agustin Rodriguez et Maximilien Rubel, Benjamin Péret, André Breton, Barta et quelques trotskistes français, Ta Thu Thau et les trotskistes vietnamiens, des trotskistes grecs et tous les militants révolutionnaires liés à ces camarades dans différents pays.

    Les ancêtres du POI-LCR-NPA et du PCI-MPPT-PT-POI, par exemple, ne sont pas à proprement parler des « trotskistes », même si chacun a le droit de se revendiquer de ce qui il veut.

  • Sur la question du trotskisme.
    Soyons clairs.
    Pour moi le trotskisme n’existe pas. Un groupe politique vivant pense par lui même et n’a pas besoin d’une pensée labellisée.
    A la rigueur on peut penser à la création d’un trotskisme avec la création du "Programme de transition" de Trotsky en 1938.
    En fait, quand, je critique le trotskisme, je critique le Programme de transition.

    Le courant auquel appartient les RKD comme une partie de la section US étaient contre la fondation de la IV°. Barta aussi me semble t-il ? (à vérifier) Donc on pourrait penser que les plus révolutionnaires n’adhèrent pas à la IV° et à son Programme.
    Et, l’on constate également qu’ultérieurement les éléments les plus révolutionnaires rompront avec la IV° "officielle", celle qui avait accepté le Programme de transition au cours de la guerre impérialiste ou à sa fin en apprenant l’ampleur du désastre.
    Au delà de Frank et Molinier, ceux qui représentent le trotskisme sont surtout la section US. On ne peut pas le réduire à Frank et à Molinier. Molinier n’était plus là d’ailleurs, il était parti en Amérique latine. Et c’est cette dernière section (US) que critique surtout Munis. C’est avec cette dernière qu’il rompra, comme Natalia (cf : lettre ouverte).

    Des trotskistes cités par toi. Faisons la liste :
    Benjamin Peret et Jaime Fernandez Cid rompent également avec Munis comme une grande partie de la section espagnole.
    Les Grecs comme Stinas et Castoriadis rompent horrifiés d’apprendre les positions prises par la IV° officielle pendant la guerre.
    Romeo Mangano rompt lui aussi rapidement quand il se rend compte que la section italienne reprend et se trouve sur des positions trotskistes. Mangano est un ancien du PCI d’avant 1926, un ancien camarade de Bordiga et il intègre le P. C.Internazionalista de Bordiga et Damen dès 1945.

    Maximilien Rubel participe au GRP (Groupe Révolutionnaire Prolétarien) en 1942 qui se transformera en UCI (Union des Communistes Internationalistes) en 1944 puis devient rapidement conseilliste (+ voir nota). Il participa, de loin, avec Munis, puis avec Ngo Van (vietnamien), à la formation de l’Union ouvrière internationaliste, de 1948 à 1954. À cette date, autour de lui, il y a Ngo Van, Sophie Moen (Sophie Gallienne, sa compagne), Lambert Dornier, Sania Gontarbert, Agustin Rodriguez, Edgar Petsch - tous anciens membres de l’union ouvrière internationaliste. ils constituent le Groupe communiste des conseils. Puis, Rubel fonde en 1959 la revue Études de marxologie. Il participe au « Groupe communiste de conseils », qui édite à partir de 1962 les Cahiers de discussion pour le socialisme des conseils avec Serge Bricianer, Daniel Saint-James et Malaquais.

    Breton n’a jamais été trotskiste même s’il en a été proche (?)

    De ta liste, il ne reste plus grand monde qui demeure trotskiste (selon tes critères). Et la section US après le départ de son aile gauche : celle de Raya Dunoduskaya notamment (sa fraction Johnson Forest)..??? Qu’en fais-tu ? Où les ranges-tu ? Et je ne parle pas du Groupe des RKD (Kommunisten Deutschlands) qui, lui, a été exemplaire pendant la guerre.

    A part Barta que reste-t-il d’après toi ? Et qui reconnais-tu comme véritable trotskiste ?

    • Le trotskysme du passé est, pour l’essentiel, dans le combat mené par des militants communistes révolutionnaires de Russie, d’Ukraine, de Finlande, d’Allemagne, des pays de l’Est. Certes, ils ont fini écrasés mais ils n’ont rien trahi et leurs idées, à mes yeux, restent vivantes. Pas question d’abandonner ce capital ! Je me moque de ce que la théorie politique d’avenir soit nommée ou pas trotskisme mais je ne me moque pas de ce qu’elle contiendra pour triompher du capitalisme et de la barbarie.

    • Je soutiens et partage complètement ce point de vue. Il faut même être intransigeant à ce sujet.

      « Qui n’a pas de passé, n’a pas d’avenir ! »

      C’est encore mieux de penser autre chose déjà comme théorie du proletariat comme tu l’esquisses.

      Quand nous avions fondé RI en 1968, nous avions en perspective de dépasser la Gauche communiste et déjà de faire une synthèse entre la Gci et la GcGh car le passé devait être enrichi par les luttes nouvelles et les questions politiques nouvelles. Par contre, il n’était pas question comme les Situtionnistes de « faire du neuf » car le passé « aurait échoué ». (Sic) C’est la raison pour laquelle je participe au site :Fragments d’histoire de la gauche radicale en publiant intégralement toutes les revues et documents des années 1914 à aujourd’hui. Nous sommes 2 à faire ce travail (Vincent ex du Parti Communiste International - Programme Communiste et moi avec mes petits moyens).

      Donc avec ton état d’esprit ce serait super d’aller encore plus loin : vers un synthèse globale de la Gauche de l’IC. C’est à dire de tous les Oppositionnels qui ont survécu.
      De toute façon, de mon point de vue, le renouveau du mouvement ouvrier révolutionnaire est obligé d’en passer par là et je soutiens ton état d’esprit avec lequel je me bas depuis un certain temps parmi la Gauche communiste.

      On ne fera pas l’économie de ce travail : où on arrive à faire cela où nous disparaîtrons. Et autre chose renaîtra, quand ?

      Bonne journée.

      Olivier

    • Encore salut Robert,

      Très bonne idée Robert avec la rédaction de ce document. Je n’avais pas lu ce texte car le CCI d’aujourd’hui m’insupporte. Ce sont des staliniens au niveau organisationnel et au niveau politique, ils régressent très fortement politiquement et théoriquement. (lire l’analyse de Juan de leur dernier congrès) Je ne peux plus lire leurs analyses politiques qui sont nulles ou fausses. Il ne reste que la section anglaise qui semble tenir la route quelque peu.

      Si c’est toi qui as rédigé le document, tu es fort en retraçant valablement la position de l’ancien CCI.

      Le terrible de l’affaire c’est que les 2 positions sont justes apparemment. Tout dépend sous quel angle on étudie le problème.

      En effet, tu te places dans la défense de Lénine et Trotsky et ce qu’il font peut se justifier complétement dans l’attente de la révolution mondiale. C’est toujours ce qu’ils disent d’ailleurs.

      Nous, nous nous plaçons dans la volonté de tirer des leçons comme le font tous les révolutionnaires après un échec. Donc nous sommes critiques-critiques.

      Il est évident que le manque de révolution internationale brouille nos conclusions, à nous, comme à vous.

      Si nous étions dans la même organisation et en 1917, dans le parti bolchevik (en 1918, puis 1921, puis en 1923 dates importantes) et que nous ayons à prendre des décisions, seraient-elles les mêmes au cours de ces 3 dates ou périodes ?

      1918 : Brest Litovsk ? Joker, même si je penche pour la guerre révolutionnaire.

      1918 : les mesures de Lénine en soutien des décisions en soutien de la droite du parti sur les "spécialistes" (contre le contrôle ouvrier) et l’introduction du fordisme dans le travail (paiement aux pièces..).

      1921-22 : Sur la NEP, ce n’était pas plus révolutionnaire que le communisme de guerre. C’était d’ailleurs les mesures réclamées par les cronstadiens. Donc, rien à défendre ni à dire de mon point de vue ni pour ni contre.

      Sur la question syndicale, la militarisation des syndicats ?

      Par contre pas OK sur la répression de Cronstadt. Il devait y avoir certainement d’autres mesures ; mais n’avions nous pas déjà perdu la révolution après l’échec de la Révolution allemande ?

      Interdiction du droit de fraction dans le parti. C’était temporaire... Ce fut définitif !!!

      1923 : Derniers feux de la vague révolutionnaire. Mais c’est aujourd’hui que nous sommes capables de dire cela.

      C’est si vrai que le KAPD a été le défenseur le plus déterminé de l’assaut révolutionnaire en Allemagne même et bien plus impliqué que le KPD officiel (par souci d’unité avec l’IC).

      Discussion sur l’intégration des terzini, des indépendants dans le parti, sur les Fronts. Ces positions s’expliquent dans le sens de l’attente de mouvements révolutionnaires futurs et l’échec des derniers mouvements (on voit bien qu’on bat en retraire !). Ces mesures s’avèreront terribles et fracasseront le mouvement ouvrier.

      La Gauche italienne était d’accord pour des fronts dans les luttes et à la base uniquement. Ce fut des fronts avec des appareils. Ce fut catastrophique pour le mouvement ouvrier et un retour vers les réformistes. Les partis communistes seront infectés de non révolutionnaires sans aucun véritable gain.

      Je ne continue pas. Tout cela pour dire que si l’on suit ton raisonnement et les faits, on peut être d’accord et trouver des excuses.

      Maintenant, si l’on veut tirer des leçons véritables et profondes de tout cela, il faut se mettre dans une position critique de ce qui a été décidé par le parti et l’IC. Et il faut dire qu’ils se sont trompés souvent.

      Maintenant, si l’on se place du point de vue des gauches communistes on va trouver tout un tas de positions par rapport aux dates évoquées. La GCGH critique plus tôt l’IC, la Gauche italienne va jusqu’en 1926-28 et ne reconnait que les 2 premiers congrès de l’IC.

      Et pour compliquer les choses, il y a eu ensuite une évolution des positions des groupes et des individus eux-mêmes. Pannekoek, par exemple, soutient la révolution en 1917 et à la fin de sa vie défend l’idée que c’était une révolution bourgeoise.

      C’est complétement fou car dès lors, il n’y a plus de leçons possibles à tirer de cette révolution du point de vue des ouvriers. On voit bien que cela ne tient pas puisque tant de révolutionnaires se posent des questions encore et encore et "insolubles", semble -t-il (?), sur cette révolution.

      Il va falloir faire le tri. Toutes les positions ne tiennent pas la route.

      Sur la question russe, Bordiga a toujours soutenu Trotski jusqu’en 1926.

      Moi, pas, sur la question russe. Mais je l’aurais combattu en créant une fraction politique (ce que Lénine nous a toujours enseigné de faire).

      Par contre, je considère Trotski comme un immense révolutionnaire, toute sa vie, ce qui est différent. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec lui sur la manière dont il a managé l’Opposition internationale après 1930. Voulant aller trop vite, il l’a détruite. Et après 1933, je le critique très fortement sur ses analyses historiques.

      Je suis d’accord avec Bilan qui voyait après l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933 que le cours historique n’était plus révolutionnaire mais à la guerre impérialiste.

      Trotski n’avait pas la même vision notamment en 1936. Il voyait la révolution se profiler à l’horizon.

      On peut continuer...

      Et alors, ne suis-je d’accord avec personne ? Peut être.. C’est la vie et c’est cela qui fait les révolutionnaires. Ils se remettent toujours en question et remettent toujours tout en cause..

      S’il y a bien une leçon que j’ai tiré de la crise du CCI et de mon exclusion, c’est bien celle là.

      Il ne faut jamais fermer sa gueule.

      Quand on a quelque chose à dire, il faut le dire. Au début, cela n’est pas trop élaboré ou un sentiment mais une petite divergence peut s’avérer très importante et c’est peut être cette dernière position qui s’avèrera juste dans le futur. De toute façon toute idée est respectable et peut aider à approfondir soi-même une question en regardant plusieurs angles. Tout le monde y gagne. Nos maitres nous ont enseigné que tout est contradictoire dans le monde. Il faut peut être arriver à dépasser les questions par leur synthèse.

      Je te demande de m’excuser avec mes élucubrations qui ne sont pas trop structurées et écrites au fil de la plume. Tout cela mériterait de longs développements et j’exècre Internet pour cela.

      A+ et internationalistement,

      Olivier

    • Tu dis :

      « Si nous étions dans la même organisation et en 1917, dans le parti bolchevik (en 1918, puis 1921, puis en 1923 dates importantes) et que nous ayons à prendre des décisions, seraient-elles les mêmes au cours de ces 3 dates ou périodes ? (…) Tout cela pour dire que si l’on suit ton raisonnement et les faits, on peut être d’accord et trouver des excuses. Maintenant, si l’on veut tirer des leçons véritables et profondes de tout cela, il faut se mettre dans une position critique de ce qui a été décidé par le parti et l’IC. Et il faut dire qu’ils se sont trompés souvent. »

      Bien sûr, après un échec, on tire des leçons. Mais qui a échoué , La révolution en Russie ? Ou la révolution mondiale ? Y a-t-il jamais eu une révolution russe ? Pas du tout ! Ce serait une interprétation stalinienne et anti-internationaliste.

      Donc… Il faut étudier l’échec de la révolution européenne et pas l’échec de la révolution russe seulement comme si seule elle pouvait s’en sortir seule alors qu’il s’agissait d’abattre le capitalisme mondial et pas de réformer la seule Russie…

      Parler de la révolution européenne comme cause de l’échec en Russie, ce n’est pas chercher des excuses, c’est revenir au fond de ce qui a fait la révolution russe pour ceux qui l’ont dirigée et aussi pour moi.

    • Oui, si tu veux..
      .
      Encore une fois tu te coupes les mains. Il faut évidemment regarder tous les aspects et étudier toutes les questions sans renvoyer uniquement la question au niveau International.

      Sauf que la question russe est longtemps restée uniquement du domaine des révolutionnaires russes. Bordiga réclamait depuis le début que les problèmes rencontrés par la Russie soient traités au niveau de l’Internationale (et cela encore en 1926, où il était complètement d’accord avec Trotsky sur ce point). Très tôt Zinoviev a coupé ces discussions bien avant que Staline ne le fasse de façon encore plus dure.
      Fallait-il que l’internationale reste à Moscou ? Au départ Lénine voulait qu’elle soit transportée en Hollande pour ne pas être soumise à la Russie. les hollandais s’avérèrent critiques de l’IC et de la Russie. le projet a capoté.
      Mais, pour le futur, il est clair que l’Internationale ne doit être inféodée à aucun parti. (voilà une première leçon qu’il nous faut à tout prix tirer... pour demain).

      Ensuite on sait bien que la révolution internationale a échoué et cela pour plusieurs raisons. Là aussi s’il n’est question que de la maturité politique des ouvriers et des révolutionnaires, l’on ne va pas très loin. C’est une donnée du problème, mais il y en a d’autres. Il y a quelques tentatives théoriques pour étudier la nouvelle situation : Lénine sur la question de l’impérialisme (évolution du monde), Le livre de Pannekoek sur la questionne L’Etat (repris par Lénine dans l’Etat et la révolution). le travail de rosa contre la social démocratie. et.... Mais c’est court.

      Le manque de rupture claire avec la social-démocratie avant la guerre de 14. Le débat théorique engagé par les gauches de la II° Internationale n’est pas allé aussi loin qu’il aurait dû. Ce n’est donc pas qu’une question de Parti mais surtout de théorie révolutionnaire.

      Et je ne crois pas à l’image d’Epinal que les bolcheviks aient rompu assez tôt en créant le parti et que Rosa par exemple a trop attendu pour fonder le PCA.

      Quelques pistes de réflexion sur le sujet :

      1) pour avoir étudier le parti bolchevik. Il faut savoir qu’il était toujours une fraction du POSDR jusqu’au début de 1918. Il ne représente que quelques membres avant la révolution. le groupe "inter-rayon" à Moscou était plus important que lui. Trotsky avait adhéré à ce groupe avant de devenir bolchevik.

      2) il existait un parti socialiste révolutionnaire avant 1914 qui avait rompu avec la social démocratie : celui des hollandais de Pannekoek, Troelstra, etc... et cela n’a pas permis d’aller plus loin dans la formation d’un véritable parti lié avec les masses. L’on n’en parle pas beaucoup. La discussion classique critique les spartakistes pour la fondation tardive du parti mais l’on ne dit jamais que les hollandais ou les bulgares ("Les étroits") avaient aussi été critiqués pour une rupture trop hâtive.

      C’est pourquoi, je suis plus enclin à regarder du côté de la théorie et de la réflexion sur le comment agir, sur les enjeux politiques et internationaux de l’époque et le travail révolutionnaires au sein des masses.

      à suivre, peut être maintenant, certainement prochainement.

      Amicalement,
      Olivier

    • Cher Olivier,
      Je ne parlais pas de savoir si la « question russe » devait être discutée à un niveau ou à un autre, mais du fait qu’il n’y a jamais eu, pour les dirigeants bolcheviks, de révolution proprement russe.
      Amicalement
      Robert

      Lire ici :

      https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4567

      https://www.matierevolution.fr/spip.php?article267

      http://www.matierevolution.fr/spip.php?article3446

    • Et, si on raisonne sur la révolution européenne, alors on cherche le bilan des révolutionnaires et on constate que, dans la plupart des pays, ceux-ci ont été bien au-dessous des bolcheviks dans leurs capacités politiques face aux tâches révolutionnaires, et non pas bien au-dessus !

      Petit bilan

      Lire ici

      Lire encore

      Je remarque aussi que tu en restes aux dichotomies : ou signer la paix de Brest-Litovsk ou la guerre révolutionnaire (mais les bolcheviks ont fait les deux !), ou les spécialistes ou le contrôle ouvrier (là aussi les deux en même temps), ou la révolution était déjà perdue avec l’échec de la révolution allemande et alors inutile de réprimer Cronstadt ou non, ou l’interdiction définitive des fractions ou pas d’interdiction du tout, etc.

    • Cher Olivier,
      Je remarque que tu estimes toujours que l’échec de la révolution européenne te semble une excuse pour cacher les erreurs des bolcheviks. Tu as tort : les dirigeants bolcheviks n’ont pas caché dès le départ qu’il n’envisageaient la révolution russe que comme premier pas de la révolution mondiale et que, sinon, elle ne ferait pas de vieux os et qu’ils étaient les premiers étonnés que l’Etat d’octobre reste en place alors que les échecs se succédaient pour les révolutions dans les différents pays d’Europe puis en Chine.

      Qu’on le veuille ou pas, la Russie des soviets n’avait aucune chance de survivre à l’isolement, quelle que soit la politique des bolcheviks. Lénine et Trotsky, qui en avaient conscience, n’ont mené leur politique que pour tenir le plus longtemps possible, pour attendre seulement la révolution mondiale, pas pour construire le socialisme. Si on ne comprend pas cela, on ne risque pas de comprendre la politique des bolcheviks ni d’être en état de la discuter, pas de son propre point de vue en tout cas !!

      La Russie était le plus arriéré des pays capitalistes, celui où le prolétariat était le plus faible en proportion de la population, le plus arriéré, le moins organisé, avec un pays aussi très très arriéré culturellement et socialement, féodal plus que bourgeois, etc.

      Le parti bolchevik n’était pas aussi en avance que le prétendent les adeptes ou faux adeptes. Lénine et Trotsky ne pensaient pas que sa direction soit tellement avancée. Ils pensaient que Zinoviev, Kamenev et Boukharine, imbus des capacités de leur parti, étaient des révolutionnaires très limités et très faibles en face de la crise révolutionnaire ou contre-révolutionnaire. Ils l’avaient démontré déjà plusieurs fois, même si on ne trouvait pas quelqu’un pour les remplacer dans la direction du parti et de l’internationale. C’est ce qui est écrit dans le Testament de Lénine et dans Ma Vie de Trotsky. Je te rappelle que c’est Lénine qui a gueulé contre la résolution de la IIIe Internationale sur le rôle et les méthodes des partis communistes, résolution calquée sur les pratiques des bolcheviks et dictée par les précédents mauvais dirigeants bolcheviks, et il s’en est longuement expliqué : nous ne sommes nullement un modèle, la première révolution qui aura lieu dans un pays développé nous montrera notre propre arriération, a-t-il alors déclaré !!! Nous n’avons pas besoin de prétendre l’expliquer ni à Lénine ni à Trotsky !!!

  • Le plus intéressant est lorsque tu dis : "quand je critique le trotskisme, je critique le Programme de transition."

    Mais le mieux serait que tu prenne les passages de ce texte que tu combats en précisant pourquoi.

    amicalement

    Robert

  • Comme pour toi, « le trotskisme n’existe pas », on comprend mal comment tu pourrais avoir un avis sur qui était trotskiste pendant la guerre et si ces trotskistes là ont trahi l’internationalisme. Mais enfin… Cela ne t’empêche pas de décréter qu’un tel ou qu’un tel n’est pas trotskiste. C’est ton avis. Ce n’est pas le mien et je t’ai dit pourquoi j’estimais que les groupes qui ont trahi ne l’étaient pas. Quant au reste, libre à moi d’estimer que tel ou tel l’était, même si tu penses le contraire, du point de vue d’un gauche communiste et pas d’un trotskiste. Je te rappelle aussi que tu m’as affirmé que moi-même je n’étais pas trotskiste !!! Décidément, pour quelqu’un qui pense que le trotskisme n’existe pas, tu es un spécialiste sur l’attribution du label !!!
    Amicalement
    Robert

  • Ceci dit, je n’attribue pas une importance exceptionnelle au label qui avait été inventé par les ennemis de Trotsky. Je ne suis pas un adepte des idoles, que ce soit Trotsky, Marx, Lénine ou Bordiga. Pas plus que toi, je pense. Je ne crois même pas à la continuité des organisations révolutionnaires mais plutôt à leur discontinuité historique. Pour ma part, j’ai connu une rupture puisque je n’ai pas eu de liens avec d’anciens véritables trotskistes mais avec Lutte ouvrière, organisation non de Barta mais de Barcia-Hardy, ce qui n’a rien à voir. Je te propose de lire sur la discontinuité des conceptions et des organisations révolutionnaires le texte suivant :

    https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1328

    Par contre, Bordiga, dont tu te revendiques, affirmais que la théorie marxiste était inusable !

    https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3912

  • Bordiga parlant de l’ « invariance » de la théorie marxiste, affirmait ainsi que le marxisme « ne se forme ni encore moins se répare, jour après jour, par ajouts successifs d’habiles « changements de caps » et rectifications de tirs, mais surgit, en un bloc monolithique ».

    source

    Bordiga affirmait qu’on ne pouvait pas enrichir le marxisme qui était ossifié et parvenu à son maximum comme un monolithe arrivé d’un seul coup.

    Je te rends grâce d’avoir écrit un jour que « Onorato Damen… a grandement contribué à enrichir le marxisme, la réflexion politique et la théorie révolutionnaire. » Cela montre que tu ne soutiens pas ce genre de point de vue… ossifié !!!

    Tu n’as donc pas ossifié la pensée de Bordiga, pas plus que je n’ai ossifié celle de Trotsky puisque j’estime, comme Sedova, la femme de Trotsky, que l’URSS de la fin de la deuxième guerre mondiale est un Etat bourgeois.

  • Cher Robert,

    Je crois qu’il vaut mieux arrêter maintenant cette discussion qui n’approfondit plus mais donne lieu à des invectives. C’est contre productif. Pourquoi te crispes-tu ?

    Je pourrai répondre et tu me répondras. ce sera sans fin. Nous n’aurons pas avancer d’un iota. On reprendra la discussion autrement et sur d’autres bases.

    1/ Quand tu sembles rectifier ma citation de Boukharine en disant qu’il a voté contre Cronstadt. Et, oui, c’est bien pour cette raison que j’ai fait cette citation de Boukharine. Il ne pouvait en conséquence pas être taxé de mollesse contre l’opération à Cronstadt !!!! Un seul bolchevik avait voté contre : Miasnikov. (à ma connaissance)

    2/ Tu cites des grèves contre révolutionnaires. Bien sûr qu’il en existe. Il ne faut rien idéaliser, ni mythifier (je ne tombe pas non plus dans l’angélisme !). Seulement la grève des cheminots n’a pas empêché la révolution et il n’y a pas eu de répression violente au sein de la classe à ce moment là. C’est cela mon propos et pas autre chose. Bannir la violence au sein de la classe, il faut discuter au sein de la classe (les ouvriers sont sociaux-démocrates, chrétiens, musulmans, etc... et c’est pourtant avec eux que la révolution commencera !), c’est mieux.... la violence c’est contre la bourgeoisie. On ne peut pas faire la révolution contre les ouvriers mais avec eux.

    3/ Ta réponse à propos des trotskistes me gène beaucoup de ta part car enfin c’est toi même qui avait cité ces camarades. Je préfère ne rien dire de plus sur ta réponse qui n’apporte pas grand chose.. Essaie de faire une distinction entre positions trotskistes depuis 1938 et 1940 qui aboutissent à celles d’aujourd’hui et rupture avec ces mêmes positions trotskistes de cette époque : militer dans la social-démocratie, capitalisme d’État, question électorale, syndicale, nationale, .... Et tu verras qu’à la lumière de ces positions on peut savoir qui est d’un côté et qui est de l’autre.

    Sur le Programme de transition. Je peux te renvoyer à la brochure que j’ai écrite pour le CCI il y a plus de 20 ans dont beaucoup de critiques proviennent de la brochure de Bérard de 1975, éditée 3 fois par le CCI : énorme succès de librairie (j’ai modifié la structure et j’avais actualisé) Le trotskysme contre la classe ouvrière | Courant Communiste International (cette dernière 3 fois aussi , maintenant je ne sais plus.)

    "Le programme politique qui est adopté au congrès de fondation de la IVème Internationale, rédigé par Trotsky lui-même, et qui sert de base de référence aux groupes trotskistes actuels, reprend et aggrave les orientations de Trotsky qui ont précédé ce congrès (défense de l’URSS, front unique ouvrier, analyse erronée de la période...) mais en plus est axé sur une répétition vide de sens du programme minimum de type social-démocrate (revendications “transitoires”), programme rendu caduc par l’impossibilité des réformes depuis l’entrée du capitalisme dans sa phase de décadence, de déclin historique.

    Ce Programme de Transition ouvrait la voie à l’intégration définitive du mouvement trotskiste dans la cohorte des partisans du capitalisme D’État qui, au nom de la mise en place de mesures “socialistes”, vont embrigader la classe ouvrière après la seconde guerre mondiale dans les reconstructions nationales, c’est à dire la reconstruction du capital !"

    De mon point de vue, c’est la non compréhension de la question du capitalisme d’État qui est le fond de la question. (et cela provient de loin : de la social-démocratie allemande [la tendance réformiste de Bernstein surtout] qui voyait dans L’État le moyen d’arriver à la révolution petit à petit). Puis le fait que cette tendance est une tendance générale du capitalisme : avec l’Étatisation de l’économie, renforce le divorce entre la vision véritablement révolutionnaire et le réformisme des mesures transitoires. (aujourd’hui on a l’impression que le capitalisme va vers le libéralisme et le moins d’État. C’est une erreur pour sa globalité, au niveau des Banques centrales (FED, Banque européenne, etc.. ) : cœur du capital d’aujourd’hui, il demeure le pilier central du capital.

    Donc toutes les mesures d’étatisation de l’économie devrait aller dans le sens du capital lui-même (aujourd’hui, il ne peut plus même faire cela !) et que dire des demandes réitérées à l’État d’intervenir pour sauver les entreprises en faillite ou en danger. Je ne dis pas que vous soyez d’accord avec tout cela (je sais que non en vous lisant- c’est bien, c’est pourquoi vous êtes sortis de cette logique) mais c’est une logique infernale (des groupes provenant du trotskisme) quand on est pour le capitalisme d’État comme en URSS.

    Bon j’arrête, j’ai dit qu’il fallait s’arrêter et je me laisse emporter par le démon de la réponse du tact au tac.

  • Soyons clair. Je n’ai jamais été bordiguiste. C’est bien pourquoi, j’ai édité le lire de Damen qui critique fortement Bordiga "Bordiga, au delà du "mythe", validité et limite d’une expérience dans l’histoire de la Gauche italienne".
    Le Bordiga de la fin de sa vie a des tendances idéalistes tellement il veut défendre le marxisme contre les révisionnistes. De ce fait il dit toujours qu’il n’y a rien à toucher au marxisme que le marxisme est une théorie scientifique né avec Marx et un point c’est tout.
    C’est aussi pourquoi il ne parle jamais de d’enrichir le marxisme mais de le "restaurer".

    J’ai toujours trouvé cette idée d’Invariance du marxisme de Bordiga tellement ridicule
    de ne pas tenir compte du temps écoulé depuis Marx que je m’oppose aussi aux développements de Robingoodfellow qui est scotché sur le capitalisme du XIX° siècle et "La lutte des classes en France" de Marx. C’est un livre excellent mais dépassé, il n’existe plus, notamment, cette distinction entre la bourgeoisie financière, industrielle et commerciale. Maintenant la bourgeoisie financière a gagné et est même en train de détruire le capitalisme (Marx l’avait d’ailleurs prévu).

  • Cher Olivier,

    clarifions : il n’y a aucune animosité au débat politique, en tout cas de ma part.

    je ne savais pas que tu ne t’estimais pas bordiguiste.

    je ne fais aucune religion de m’estimer trotskiste.

    et tout cela ne nous fâchera certainement pas.

    même du tac au tac, on ne s’est pas envoyés des noms d’oiseaux que je sache !!!

    on peut s’envoyer des arguments même légèrement polémiques sans insultes ni invectives.

    j’avais bien compris que Bordiga pensait endiguer ainsi les prétendues réformes du marxisme qui étaient des contre-réformes.

    pour ma part, je n’ai jamais entendu ni réformer ni contre-réformer ni marxisme ni trotskisme.

    je me contente de prendre où qu’elles soient les idées que j’estime juste.

    c’est déjà bien assez !

  • Le mathématicien René Thom en 1965 :

    « Là, où il n’y a pas de réflexion théorique, la science n’est plus qu’une collection d’archives. »

  • Le prolétariat russe a certainement pris le pouvoir dans les pires conditions mais avait-il le choix ? Lénine et Trotsky avaient parfaitement conscience que ce n’était pas les meilleures conditions mais ils pensaient que se refuser à prendre le pouvoir c’était trahir le prolétariat révolutionnaire mondial...
    Voir ce qu’en dit ici Trotsky, polémiquant avec le social-démocrate allemand Kautsky :
    « Kautsky cite nos propres paroles pour montrer que même avant la révolution d’Octobre, nous nous rendions parfaitement compte des défauts d’éducation du prolétariat russe, mais que, considérant comme inévitable le passage du pouvoir entre les mains de la classe ouvrière, nous pensions avoir le droit d’espérer qu’au cours même de la lutte, grâce à l’expérience et avec le soutien toujours croissant du prolétariat des autres pays, nous parviendrons à maîtriser les difficultés et à assurer le passage de la Russie au régime socialiste. A ce sujet, Kautsky pose la question suivante : "Trotsky se hasarderait-il à monter sur une locomotive et à la mettre en marche en comptant simplement tout étudier et tout régler en cours de route ? Il convient d’abord d’acquérir les qualités nécessaires pour conduire une locomotive, avant de la mettre en marche. De même, le prolétariat aurait du tout d’abord acquérir les qualités nécessaires pour être capable de diriger l’industrie, puisqu’il devait la prendre en mains" (p. 117)
    Cette comparaison édifiante pourrait faire honneur à n’importe quel pasteur de village. Elle n’en est pas moins sotte. On serait beaucoup mieux fondé à dire : Kautsky se hasarderait-il à monter à cheval avant d’avoir appris à se tenir en selle et à guider le quadrupède à toutes les allures ? Nous avons des raisons de penser que Kautsky ne se hasarderait pas à risquer une expérience si dangereuse et si typiquement bolchevique. Mais nous craignons d’autre part que Kautsky, n’osant se mettre à cheval, n’éprouve quelque difficulté à pénétrer tous les mystères de l’équitation. Car le préjugé bolchevik fondamental consiste à penser qu’on ne peut apprendre à faire du cheval qu’en montant dessus.
    Pour ce qui est de la conduite d’une locomotive, ce n’est pas, de prime abord, aussi évident, mais ce n’en est pas moins vrai. Personne n’a jamais appris à conduire une locomotive en restant assis dans son cabinet. Il faut grimper sur la machine, se mettre dans la cabine, poser la main sur le régulateur, le faire tourner. Il est vrai que la machine permet d’effectuer des manœuvres d’entraînement sous la direction d’un mécanicien expérimenté. On peut apprendre à monter à cheval dans un manège, sous la direction de cavaliers expérimentés. Mais dans le domaine de l’administration de l’Etat, on ne peut créer de pareilles conditions artificielles. La bourgeoisie ne crée pas pour le prolétariat des écoles d’administration publique, et elle ne lui confie pas pour des essais les leviers de l’Etat. D’ailleurs, même pour apprendre à monter à cheval, les ouvriers et les paysans n’ont pas besoin de manèges, ni de l’assistance des écuyers.
    A ces considérations il convient d’en ajouter une autre, qui est probablement la plus importante : personne ne laisse au choix du prolétariat de se mettre à cheval ou de ne pas s’y mettre, de s’emparer du pouvoir immédiatement ou de remettre la chose à plus tard. Dans certaines conditions, la classe ouvrière est obligée de prendre le pouvoir, sous peine de se supprimer politiquement elle-même pour toute une période historique. Lorsqu’on s’est emparé du pouvoir, il est impossible d’accepter, à son gré, certaines conséquences de cet acte et de rejeter les autres. Si la bourgeoisie capitaliste transforme consciemment et malignement la désorganisation de la production en un moyen de lutte politique pour récupérer le pouvoir d’Etat, le prolétariat doit s’engager dans la voie de la socialisation, sans se demander si cela lui est avantageux ou non à ce moment donné. Et lorsqu’il s’est chargé de la production, le prolétariat est contraint, sous la pression d’une nécessité de fer, d’apprendre par lui-même, par l’expérience, à accomplir cette tâche si difficile qui consiste à organiser l’économie socialiste. Lorsqu’il est à cheval, le cavalier est obligé de guider son cheval, sous peine de se casser le cou. »
    Trotsky

    Source

  • Et les mœurs révolutionnaires anti-staliniennes, c’est de poursuivre le débat sans anathèmes. Il n’y a pas, entre nous, de chasse aux sorcières. Il n’y a pas de méchants, il n’y a pas de traîtres parmi nous, il n’y a pas d’enfers, il n’y a pas de paradis, il n’y a pas quelqu’un qui a toutes les réponses et les autres qui ne font que l’écouter, on peut tout critiquer. Il n’y a pas de chasses aux sorcières. Il n’y a pas d’insultes.

    Pour reprendre le débat là où on l’a laissé, la seule critique du programme de transition de Trotsky que je vois dans ta réponse est celle-ci :

    « Le programme politique qui est adopté au congrès de fondation de la IVème Internationale, rédigé par Trotsky lui-même, et qui sert de base de référence aux groupes trotskistes actuels, reprend et aggrave les orientations de Trotsky qui ont précédé ce congrès (défense de l’URSS, front unique ouvrier, analyse erronée de la période...) mais en plus est axé sur une répétition vide de sens du programme minimum de type social-démocrate (revendications “transitoires”), programme rendu caduc par l’impossibilité des réformes depuis l’entrée du capitalisme dans sa phase de décadence, de déclin historique. Ce Programme de Transition ouvrait la voie à l’intégration définitive du mouvement trotskiste dans la cohorte des partisans du capitalisme d’État qui, au nom de la mise en place de mesures “socialistes”, vont embrigader la classe ouvrière après la seconde guerre mondiale dans les reconstructions nationales, c’est à dire la reconstruction du capital ! »

    Voici le texte fondamental de Trotsky en question

    Voici un exemple des orientations contenues dans ce texte : on y cherchera en vain le soutien au régime russe, au réformisme, au capitalisme, etc…

    « Contre l’opportunisme et le révisionnisme sans principes

    « La politique du parti de Léon Blum en France démontre de nouveau que les réformistes sont incapables de rien apprendre des leçons les plus tragiques de l’histoire. La social-démocratie française copie servilement la politique de la social-démocratie allemande et marche à la même catastrophe. Durant des dizaines d’années, la II° Internationale a grandi dans les cadres de la démocratie bourgeoise, en est devenue une partie inséparable, et pourrit avec elle.
    La III° Internationale est entrée dans la voie du réformisme à l’époque où la crise du capitalisme avait définitivement mis à l’ordre du jour la révolution prolétarienne. La politique actuelle de l’I.C. en Espagne et en Chine - politique qui consiste à ramper devant la bourgeoisie "démocratique" et "nationale" - démontre que l’I.C., elle non plus, n’est plus capable d’apprendre quelque chose ou de changer. La bureaucratie, qui est devenue une force réactionnaire en URSS, ne peut jouer un rôle révolutionnaire sur l’arène mondiale.
    L’anarcho-syndicalisme a connu, dans l’ensemble, une évolution du même genre. En France, la bureaucratie syndicale de Léon Jouhaux est devenue depuis longtemps une agence de la bourgeoisie dans la classe ouvrière. En Espagne, l’anarcho-syndicalisme s’est débarrassé de son révolutionnarisme de façade dès qu’a commencé la révolution, et est devenue la cinquième roue du char de la démocratie bourgeoise.

    Les organisations intermédiaires centristes, qui se groupent autour du Bureau de Londres, ne sont que des accessoires "gauche" de la social-démocratie et de l’I.C. Elles ont montré leur incapacité complète à s’orienter dans une situation historique et à en tirer les conclusions révolutionnaires. Leur point culminant fut atteint par le POUM espagnol qui, dans les conditions de la révolution, s’est trouvé absolument incapable d’avoir une politique révolutionnaire.

    Les défaites tragiques subies par le prolétariat mondial durant une longue série d’années ont poussé les organisations officielles à un conservatisme encore plus grand et ont conduit en même temps les "révolutionnaires" petits-bourgeois déçus à rechercher des "voies nouvelles". Comme toujours, dans les époques de réaction et de déclin, apparaissent de toutes parts les magiciens et les charlatans. Ils veulent réviser toute la marche de la pensée révolutionnaire. Au lieu d’apprendre du passé, ils le "corrigent".

    Les uns découvrent l’inconsistance du marxisme, les autres proclament la faillite du bolchevisme. Les uns font retomber sur la doctrine révolutionnaire la responsabilité des erreurs et des crimes de ceux qui l’ont trahie ; les autres maudissent la médecine, parce qu’elle n’assure pas une guérison immédiate et miraculeuse. Les plus audacieux promettent de découvrir une panacée et, en attendant, recommandent d’arrêter la lutte des classes. De nombreux prophètes de la nouvelle morale se disposent à régénérer le mouvement ouvrier à l’aide d’une homéopathie éthique. La majorité de ces apôtres ont réussi à devenir eux-mêmes des invalides moraux avant même de descendre sur le champ de bataille. Ainsi, sous l’apparence de "nouvelles voies", on ne propose au prolétariat que de vieilles recettes, enterrées depuis longtemps dans les archives du socialisme d’avant Marx.

    La IV° Internationale déclare une guerre implacable aux bureaucrates de la II° et de la III° Internationales, de l’Internationale d’Amsterdam et de l’Internationale anarcho-syndicaliste, de même qu’à leurs satellites centristes ; au réformisme sans réformes, au démocratisme allié de la Guépéou, au pacifisme sans paix, à l’anarchisme au service de la bourgeoisie, aux "révolutionnaires" qui craignent mortellement la révolution. Toutes ces organisations ne sont pas le gage de l’avenir, mais des survivances pourrissantes du passé. L’époque des guerres et des révolutions ne laissera pas d’elles pierre sur pierre.

    La IV° Internationale ne recherche ni n’invente aucune panacée. Elle se tient entièrement sur le terrain du marxisme, seule doctrine révolutionnaire qui permette de comprendre ce qui est, de découvrir les causes des défaites et de préparer la victoire. La IV° Internationale continue la tradition du bolchevisme, qui a montré pour la première fois au prolétariat comment conquérir le pouvoir. La IV° Internationale écarte les magiciens, les charlatans et les professeurs importuns de morale. Dans une société fondée sur l’exploitation, la morale suprême est la morale de la révolution socialiste. Bons sont les méthodes et moyens qui élèvent la conscience de classe des ouvriers, leur confiance dans leurs propres forces, leurs dispositions à l’abnégation dans la lutte. Inadmissibles sont les méthodes qui inspirent aux opprimés la crainte et la docilité devant les oppresseurs, étouffent l’esprit de protestation et de révolte, ou substituent à la volonté des masses la volonté des chefs, à la persuasion la contrainte, à l’analyse de la réalité, la démagogie et la falsification. Voilà pourquoi la social-démocratie, qui a prostitué le marxisme, tout comme le stalinisme, antithèse du bolchevisme, sont les ennemis mortels de la révolution prolétarienne et de sa morale.

    Regarder la réalité en face ; ne pas chercher la ligne de moindre résistance ; appeler les choses par leur nom ; dire la vérité aux masses, quelque amère qu’elle soit ; ne pas craindre les obstacles ; être rigoureux dans les petites choses comme dans les grandes ; oser, quand vient l’heure de l’action : telles sont les règles de la IV° Internationale. Elle a montré qu’elle sait aller contre le courant. La prochaine vague historique la portera à son faîte. »

    source

    Il est vrai que ce texte est suivi d’une critique des sectaires…

    Contre le sectarisme

    Sous l’influence de la trahison et de la dégénérescence des organisations historiques du prolétariat, naissent ou se régénèrent, à la périphérie de la IV° Internationale, des groupements et des positions sectaires de différents genres. Ils ont à leur base le refus de lutter pour les revendications partielles ou transitoires, c’est-à-dire pour les intérêts et les besoins élémentaires des masses telles qu’elles sont. Se préparer à la révolution signifie, pour les sectaires, se convaincre soi-même des avantages du socialisme. Ils proposent de tourner le dos aux "vieux" syndicats, c’est-à-dire à des dizaines de millions d’ouvriers organisés - comme si les masses pouvaient vivre en dehors des conditions de la lutte de classes réelle ! Ils restent indifférents à la lutte qui se déroule au sein des organisations réformistes - comme si l’on pouvait conquérir les masses sans intervenir dans cette lutte ! Ils se refusent à faire en pratique une différence entre la démocratie bourgeoise et le fascisme - comme si les masses pouvaient ne pas sentir cette différence à chaque pas !

    Les sectaires ne sont capables de distinguer que deux couleurs : le blanc et le noir. Pour ne pas s’exposer à la tentation, ils simplifient la réalité. Ils se refusent à faire une différence entre les camps en lutte en Espagne, pour la raison que les deux camps ont un caractère bourgeois. Ils pensent, pour la même raison, qu’il est nécessaire de rester neutre dans la guerre entre le Japon et la Chine. Ils nient la différence principielle entre l’URSS et les pays bourgeois et se refusent, vu la politique réactionnaire de la bureaucratie soviétique, à défendre contre l’impérialisme les formes de propriété créées par la révolution d’Octobre.

    Incapables de trouver accès aux masses, ils les accusent volontiers d’être incapable de s’élever jusqu’aux idées révolutionnaires.

    Un pont, sous la forme de revendications transitoires, n’est aucunement nécessaire à ces prophètes stériles, car ils ne se disposent nullement à passer sur l’autre rive. Ils piétinent sur place, se contentant de répéter les mêmes abstractions vides. Les événements politiques sont pour eux une occasion de faire des commentaires, mais non d’agir. Comme les sectaires, de même que les confusionnistes et les faiseurs de miracles de toutes sortes, reçoivent à chaque instant des chiquenaudes de la part de la réalité, ils vivent dans un état d’irritation continuelle, se plaignent sans cesse du "régime" et des "méthodes", et s’adonnent aux petites intrigues. Dans leurs propres milieux, ils exercent d’ordinaire un régime de despotisme. La prostration politique du sectarisme ne fait que compléter, comme son ombre, la prostration de l’opportunisme, sans ouvrir de perspectives révolutionnaires. Dans la politique pratique, les sectaires s’unissent à chaque pas aux opportunistes, surtout aux centristes, pour lutter contre le marxisme.

    La majorité des groupes et cliques sectaires de ce genre, qui se nourrissent de miettes tombées de la table de la IV° Internationale, mènent une existence organisationnelle "indépendante", avec de grandes prétentions, mais sans la moindre chance de succès. Les bolcheviks-léninistes peuvent, sans perdre leur temps, abandonner tranquillement ces groupes à leur propre sort.

    Cependant, des tendances sectaires se rencontrent aussi dans nos propres rangs et exercent une influence funeste sur le travail de certaines sections. C’est une chose qu’il est impossible de supporter un seul jour de plus. Une politique juste sur les syndicats est une condition fondamentale de l’appartenance à la IV° Internationale. Celui qui ne cherche ni ne trouve la voie du mouvement des masses, celui-là n’est pas un combattant, mais un poids mort pour le Parti. Un programme n’est pas créé pour une rédaction, une salle de lecture ou un club de discussion, mais pour l’action révolutionnaire de millions d’hommes. L’épuration des rangs de la IV° Internationale du sectarisme et des sectaires incorrigibles est la plus importante condition des succès révolutionnaires. »

  • Peut-on penser avec Olivier que le programme suivant pour l’URSS, développé par Trotsky dans le Programme de Transition, est un soutien de ce qui a mené à la bureaucratisation et à la casse des acquis d’Octobre ?

    « La nouvelle montée de la révolution en URSS commencera, sans aucun doute, sous le drapeau de la LUTTE CONTRE L’INÉGALITÉ SOCIALE ET L’OPPRESSION POLITIQUE.
    A bas les privilèges de la bureaucratie !

    A bas le stakhanovisme !

    A bas l’aristocratie soviétique avec ses grades et ses décorations !

    Plus d’égalité dans le salaire de toutes les formes de travail !

    La lutte pour la liberté des syndicats et des comités d’usine, pour la liberté de réunion et de la presse, se développera en lutte pour la renaissance et l’épanouissement de la DEMOCRATIE SOVIÉTIQUE.

    La bureaucratie a remplacé les soviets, en tant qu’organes de classe, par la fiction du suffrage universel, dans le style de Hitler-Goebbels. Il faut rendre aux soviets, non seulement leur libre forme démocratique, mais aussi leur contenu de classe. De même qu’auparavant la bourgeoisie et les Koulaks n’étaient pas admis dans les soviets, de même maintenant LA BUREAUCRATIE ET LA NOUVELLE ARISTOCRATIE DOIVENT ÊTRE CHASSÉES DES SOVIETS. Dans les soviets, il n’y a place que pour les représentants des ouvriers, des travailleurs des kolkhozes, des paysans et des soldats rouges.

    La démocratisation des soviets est inconcevable sans la LÉGALISATION DES PARTIS SOVIETIQUES. Les ouvriers et les paysans eux-mêmes, par leurs libres suffrages, montreront quels partis sont soviétiques.

     RÉVISION DE L’ÉCONOMIE PLANIFIÉE du haut en bas, dans l’intérêt des producteurs et des consommateurs ! Les comités d’usine doivent reprendre le droit de contrôle sur la production. Les coopératives de consommation, démocratiquement organisées, doivent contrôler la qualité des produits et leurs prix.

     RÉORGANISATION DES KOLKHOZES en accord avec la volonté des kolkhoziens et selon leurs intérêts !

    La politique internationale conservatrice de la bureaucratie doit faire place à la politique de l’internationalisme prolétarien. Toute la correspondance diplomatique du Kremlin doit être publiée. A BAS LA DIPLOMATIE SECRÈTE !

    Tous les procès politiques montés par la bureaucratie thermidorienne doivent être révisés, dans les conditions d’une publicité complète et d’un libre examen. Les organisateurs des falsifications doivent en supporter le châtiment mérité.

    Il est impossible de réaliser ce programme sans le renversement de la bureaucratie, qui se maintient par la violence et la falsification. Seul, le soulèvement révolutionnaire victorieux des masses opprimées peut régénérer le régime soviétique et assurer sa marche en avant vers le socialisme. Seul, le parti de la IV° Internationale est capable de mener les masses soviétiques à l’insurrection.

    A bas la clique bonapartiste de Caïn-Staline !

    Vive la démocratie soviétique !

    Vive la révolution socialiste internationale ! »

  • A propos, chacun peut lire la brochure de Bérard dont nous a parlé Olivier, « Rupture avec Lutte ouvrière et le trotskysme » éditée par l’organisation Révolution Internationale : cliquer ici

    Nous partageons bien des critiques (syndicalisme, électoralisme, localisme, apolitisme, caution des institutions bourgeoises et des ennemis politiques et sociaux du prolétariat) de sa rupture avec Lutte ouvrière mais pas son accusation du trotskysme comme cause de la politique de LO. Il faut distinguer entre les couvertures politiques (bolchevisme et trotskysme, notamment) et la réalité de ces courants et de leurs idées. Pas plus qu’on ne va rejeter le marxisme sous prétexte que des courants l’ont trahi.

    • Salut Robert,

      J’avais déjà oublié que j’avais mis la brochure de Bérard sur le site.

      Tu as eu un bon réflexe. Tu as ainsi lu mon histoire de RI et des débuts du CCI.

      Très intéressante ta réflexion sur le trotskisme. Mais alors que retiens-tu du trotskisme ? Ce serait intéressant de l’écrire.
      Je travaille à la publication d’un livre critique de Gramsci (traduction de l’italien de Christian Riechers - excellent travail). Ensuite il va falloir trouver un éditeur. A la fin ce sera moi peut être l’éditeur (??!!) C’est de la philosophie (celle de Gramsci - soit-disant "le plus grand marxiste" du XX° siècle. Bof !) de bas étage....

      Olivier

      Nota :

      T’ai-je dis que Paolo Casciola a publié en italien "Il testamento di Lenin falsificato e proibito" avec des documents très importants et inconnus , trouvés récemment dans les archives de Moscou montrant clairement le rôle de Staline dans les derniers temps de Lénine ?

      Il faudrait traduire cet important travail avec les documents de l’italien. Connais-tu des traducteurs de l’italien ?

  • A écouter impérativement :

    Enquêtes archéologiques - El Argar, une civilisation oubliée

    Mais, quel espoir de voir qu’une révolution a pu être capable de tout détruire radicalement de cette barbarie policière et d’un État totalitaire.Une telle victoire (passagère...!!!) qu’il ne reste plus rien.

    C’est le deuxième État de l’age du bronze qui disparait ainsi après Mohenjo Daro dans la vallée de l’Indus.

    Être chasseur-cueilleur avec un certain communisme primitif, c’était tout de même mieux !!! Il a fallu du temps pour faire marcher droit, l’homme. Combien de temps, faudra-t-il pour retrouver la véritable Humanité et éradiquer 7000 à 9000 ans de société de classe ?

    Amitiés.

    Olivier

  • Tu écris à propos de El Argar : « C’est le deuxième État de l’age du bronze qui disparait ainsi après Mohenjo Daro dans la vallée de l’Indus. »

    En fait, c’est le premier Etat car il n’y avait pas d’Etat à Mohenjo Daro…

    Lire ici

    Sur la révolution sociale d’El Argar, on peut lire en espagnol :

    Lire ici

    • Salut Robert,

      Je reprends la discussion sur ce point et la vallée de l’Indus. (je répondrai aux autres mails ensuite). Je crois que tu vas vite en besogne. Les archéologues sont prudents sur cette question. L’on ne sait pas grand chose sur la civilisation de l’Indus. Dans une des villes, il est question (dans l’état des connaissances) d’une zone de bureaux pour un monument (A voir ?) Peut être que les structures étatiques étaient très faibles et lâches mais au vue de l’organisation des villes qui régnait dans cette zone géographique immense, il est certain qu’il y avait au moins une "gestion des choses" et un début de division sociale du travail entre les ingénieurs (notamment) et le reste de la population - tout au moins pour l’organisation de la gestion des eaux, des eaux usées et des canaux.
      Il est clair que l’Etat n’avait pas la même structure et fonctionnement développés qu’en Egypte et en Mésopotamie (çà c’est très clair) car il semble ne pas y avoir encore de gouvernants ni d’armée. Cependant, il est évident qu’il y avait un corps d’ingénieurs donc une structure. Je crois que ce proto-Etat ou demi-Etat naissant peut être très intéressant pour suivre l’évolution de la division du travail dans la société, qui a elle-même entrainé ensuite la création des classes sociales.
      Si l’on se réfère à la division sociale du travail entre les hommes et les femmes, on voit que déjà cette division commence à exister très tôt dans les sociétés de chasseur-cueilleur. L’homme chasse, la femme cueille et prend les poissons avec un filet. Il semble que les femmes ne doivent pas faire couler le sang (cf. : études récentes des antrropologuies).

      Ce n’est pas une question annexe, cela veut dire que la transformation de l’humanité devra régler cette question du patriarcat et de l’égalité entre les hommes et les femmes pour aboutir du communisme.

      Je dis, d’autant plus cela, que pendant très longtemps, j’ai répété l’antienne de tous les communistes et révolutionnaires : faisons la révolution et la questions des femmes sera résolue dans la foulée. Aujourd’hui, l’on mesure l’ampleur de la révolution que sera la révolution communiste. Il faudra que l’humanité se hisse à un niveau de conscience extraordinaire pour réussir ce tremblement de terre que sera la révolution communiste.

      Bien à toi
      Olivier

  • Ni armée, ni police, ni temples, ni palais, ni gouvernants ne signifie pas aucune organisation sociale mais l’Etat est autre chose qu’une organisation sociale en général. Il y avait des activités économiques, une gestion de celles-ci mais pas d’appareil de répression donc pas d’Etat, au sens marxiste. Je t’ai envoyé mon article qui est assez précis là-dessus, il me semble.
    Amicalement
    Robert
    PS - La société humaine a connu de multiples étapes avant l’Etat : la famille, le clan, la tribu, le groupe de tribus, l’ethnie, le groupe de langage et autres… Toute organisation sociale ne doit surtout pas être appelée Etat. Ce dernier est un pouvoir coercitif qui se place au-dessus de la société civile. Même les rois élus qui n’ont pas d’appareil permanent répressif ne sont pas encore l’Etat.

    • Oui, sauf que tu te polarises sur l’État et sur sa définition classique.

      Avec cela tu ne vois pas qu’il peut exister des structures de proto-État comme il a pu exister des proto-monnaies avant la monnaie - un exemple). Et quand j’ai écrit mon texte, j’aurais dû donner une définition des différentes structures et toi de même.

      Il est clair qu’entre l’État "classique" (et au sens marxiste) et "la famille, le clan, la tribu, le groupe de tribus, l’ethnie, le groupe de langage et autres.." il a existe un proto-État sans milice, peut être, mais avec des normes qui jouent le même rôle que la répression violente. C’est même plus fort car l’on sait que l’idéologie est aussi une force matérielle extrêment puissante.

      Mon propos est justement de souligner tout cela pour montrer que la révolution communiste est une révolution qui est globale et qui va bien au-delà même de la destruction de l’État classique. Il faudra être attentif à toute organisation sociale ("non répressive") qui peut entrainer la mort de la révolution avec la création d’une nouvelle idéologie...

      Je dis cela car, moi aussi, entre 68 et 2000 j’ai fait abstraction de ces aspects mais en approfondissant le "contenu du communisme" je me rends compte de tout le travail de réappropriation de la véritable humanité que nous devrons faire. C’est tout à fait ce que tu développes en disant que ce qui nous distingue de "l’extrême gauche c’est la question de l’État". Oui, c’est bien cela. Les "gauchistes" sont toujours en train de réclamer à l’État comme si c’était un appareil neutre par rapport à la bourgeoisie. Et c’est État n’a même pas besoin de la répression pour que son idéologie soit aussi puissante par rapport aux gauchistes.

      De toute façon, cette question est très importante si nous voulons avoir un programme radical de transformation sociale et de lutte pour la révolution contre toutes les "contrefaçons" réformistes et minimalistes (style la révolution verte, ou je ne sais quoi pour enfumer le prolétariat...). Nous devons tout renverser et "un monde à gagner" !

      Saluts internationalistes,

      Olivier

    • Oui, mais comment définir un proto Etat ?

      Wikipedia reconnaît le concept :

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Proto-%C3%89tat

      Mais dans l’Antiquité et la Préhistoire, quels sont les proto Etats qui ne sont pas des Etats et en quoi cela nous éclaire de créer une continuité entre pas d’Etat et l’apparition de l’Etat au lieu de le voir comme une discontinuité ?

      Les historiens en voient parfois :

      http://blogs.histoireglobale.com/la-naissance-de-l%E2%80%99etat-et-les-premieres-globalisations-la-singularite-mesopotamienne_1496

      Mais il s’agit d’une conception historique très opposée au marxisme : celle de la continuité de l’histoire et non des révolutions de celle-ci : le progressisme historique et le gradualisme historique.

      En fait, ces « proto-Etats » ne sont rien d’autres que des cité-Etats : de vrais Etats à l’échelle d’une ville et éventuellement de sa région. Mais la taille ne change pas le contenu. Ce « proto » n’était pas employé au départ pour l’Etat mais pour la nation et on parlait de proto-nations ce qui n’a rien à voir.

      Tu as raison, il faut être clair sur la définition de l’Etat mais Marx et Engels l’ont été avant nous.

      L’Etat, c’est le pouvoir qui fait face à la société civile, s’impose à elle et se place au-dessus d’elle. De la société civile, sortent progressivement des inégalités des divisions de classes sociales qui deviennent l’opposition entre classe exploiteuse et classe exploitée, mais les uns et les autres détiennent leur rôle de l’activité économique et pas seulement d’un quelconque pouvoir politique. L’Etat n’arrive alors que comme une force violemment répressive issue généralement de l’extérieur de la société civile et qui s’impose à elle par la force. Elle s’impose même à la classe exploiteuse. L’Etat se caractérise par ses institutions : armée, police, justice, administration, appareil religieux. Le terme qui le rôle de l’Etat est la répression par un organisme extérieur à la société civile, alors que les anciennes institutions gentilices de la société anciennement communautaire ou communiste étaient fondées sur l’entente collective et le consensus. Voir une gradation ou des étapes entre ces deux organisations sociales opposées ne permet même pas de comprendre pourquoi les classes possédantes et exploiteuses se le sont laissées imposer par les guerriers et la noblesse en armes.

      Le gradualisme historique est très éloigné de la vision de Marx. Son analyse, par exemple, du mécanisme du capital ne permet pas de considérer l’histoire du capitalisme comme un mouvement lent et progressif de la société marchande à la société capitaliste.

      La conception qui transforme lees changements sociaux radicaux en étapes progressives s’appelle justement… le réformisme !!!

      Quand une bande armée s’impose à une société comme celle des Pharaons à la société égyptienne, elle tente de faire croire que c’est elle qui est la base de la richesse, de la paix, de la civilisation et c’est faux. Voir ici

      En Chine, non plus la civilisation n’a pas été créée par l’Etat

      Et en Mésopotamie non plus !

      L’Etat provient du dehors de la société civile et cette affirmation était l’un des axes d’analyse propres à Marx et Engels et qu’ils ont défendu de manière constante. Engels rappelle dans sa préface à « La commune de Paris » de Marx :

      « Ces organismes, dont le sommet est constitué par le pouvoir d’Etat, se sont avec le temps mis au service de leurs propres intérêts, et de serviteurs de la société il en devinrent les maîtres. »

      Le « mystère » de l’Etat, c’est pourquoi les classes possédantes ont-elles aussi accepté de subir l’Etat et la réponse, c’est le pendant dialectique de l’Etat : c’est la révolution sociale ! Car c’est pour se défendre des classes exploitées et pas des dangers extérieurs que les possédants acceptent de payer son prix à l’Etat. Emousser le radicalisme de changement que représente l’apparition de l’Etat, c’est émiétter la révolution sociale, l’effacer du cours de l’histoire. On ne peut pas plus parler de proto-Etat que de proto-révolution ! Bien sûr, on trouve des éléments qui ont donné naissance aux bandes armées ou des éléments qui ont donné naissance aux parlements, aux rois, aux assemblées, aux votes, aux prisons et autres institutions, mais, justement, il y a une différence radicale entre la société sans Etat et avec, comme entre la société sans propriété privée des moyens production et celle avec.

      Est-ce, comme le suggère Olivier, que je ne ferais pas du marxisme un léninisme étatiste ?

      Mais Marx n’écrivait-il pas comme leçon de la rvolution de 1848 en Allemagne : « …les ouvriers doivent non seulement poursuivre l’établissement de la république allemande une et indivisible, mais encore essayer de réaliser, dans cette république, la centralisation la plus absolue de la puissance entre les mains de l’Etat. Ils ne doivent pas se laisser induire en erreur par tout ce que les démocrates leur racontent de la liberté des communes, de l’autonomie administrative, etc. »

      Source

  • Connaissais-tu la revue Ballast ? Moi, pas.

    L’article de Raoul Vaneigem est intéressant par la façon de poser certaines questions. Mais quel fourre-tout ! Il y a à boire et à manger.

    Il veut toujours innover. Mais, manque de veine, quand il dit de bonnes choses, il a besoin des "vieilleries" du mouvement ouvrier et de Marx. Ce n’est pas la "Misère en milieu étudiant", c’est la misère en milieu "moderniste" ! Mais faire la révolution dans les ZaD ou partout (nouvelle religion de beaucoup d’autonomes et d’"Appelistes") sans détruire l’État bourgeois c’est de l’angélisme !

    La bourgeoisie est à la recherche de toutes les interprétations de la situation. Surtout les plus loufoques... Il faut faire du buzz pour enfumer tout le monde.
    Il faut surtout trouver des leaders d’opinion pour essayer de montrer qu’il y a des solutions politiques à la crise générale de son système qui n’en peut plus. Il y n’a plus de solution que la répression ou la guerre !

    Un seul mot d’ordre : Révolution ! Dans le sens où il ne faut pas bercer d’illusions la classe ouvrière. Il n’y a qu’une seule solution pour dépasser la barbarie actuelle : le socialisme.
    Pas de "réformisme" dans les zones à défendre ou au Rojava. (!!??)

    A+

    Olivier

  • Non, je ne le trouve pas bien intéressant, ce Raoul Vaneigem, cet antibolchevik primaire ?!!!
    Citations :
    « Le bolchevisme, lui, s’est voulu un humanisme : il a récupéré cyniquement la tentative d’affranchissement que fut, pour le prolétariat exploité, la démocratie directe des soviets ou conseils, il en a popularisé l’image à des fins de propagande dans le même temps qu’un Soviet suprême devenu l’organe étatique de la classe dominante interdisait toute velléité d’émancipation individuelle et collective. » (Lettre de Staline à ses enfants réconciliés, Verdier, 1998)
    « Chaque fois qu’un pouvoir s’est présenté comme dirigeant d’une volonté révolutionnaire, il a sapé a priori le pouvoir de la révolution. Le Comité central bolchevik se définissait simultanément comme concentration et représentation. Concentration d’un pouvoir antagoniste au pouvoir bourgeois et représentation de la volonté des masses. Cette double caractéristique le déterminait à n’être bientôt plus qu’un pouvoir évidé, un pouvoir à représentation vide et, par suite, à rejoindre dans une forme commune (la bureaucratie) le pouvoir bourgeois soumis sur sa pression à une évolution similaire. Virtuellement, les conditions d’un pouvoir concentré et d’une représentation de masse existent dans l’Internationale situationniste lorsqu’elle rappelle qu’elle détient le qualitatif et que ses idées sont dans la tête de tous. Cependant, nous refusons à la fois la concentration d’un pouvoir et le droit de représenter, conscients que nous prenons dès cet instant la seule attitude publique (car nous ne pouvons éviter de nous faire connaître, jusqu’à un certain point, sur le mode spectaculaire) qui puisse donner à ceux qui se découvrent sur nos positions théoriques et pratiques le pouvoir révolutionnaire, le pouvoir sans médiation, le pouvoir contenant l’action directe de tous. L’image-pilote serait la colonne Durruti passant de ville en village, liquidant les éléments bourgeois et laissant aux travailleurs le soin de s’organiser. »
    Source
    « LE CAPITALISME BUREAUCRATIQUE a trouvé en Marx sa justification légitime. Il ne s’agit pas ici d’accorder au marxisme orthodoxe le mérite douteux d’avoir renforcé les structures néo-capitalistes dont la réorganisation actuelle porte en soi l’éloge du totalitarisme soviétique, mais bien de souligner combien les analyses les plus profondes de Marx sur l’aliénation se sont vulgarisées dans les faits d’une extrême banalité qui, dépouillés de leur carapace magique et matérialisés en chaque geste, forment à eux seuls et jour après jour la vie d’un nombre croissant de gens. En somme, le capitalisme bureaucratique contient la vérité évidente de l’aliénation, il l’a mise à la portée de tous mieux que Marx ne pouvait l’espérer, il l’a banalisée à mesure que, la misère s’atténuant, la médiocrité de l’existence faisait tache d’huile. Le paupérisme regagne en profondeur sur le mode de vie ce qu’il perd en étendue sur la stricte survie, voilà du moins un sentiment unanimement partagé qui lave Marx de toutes les interprétations qu’un bolchevisme dégénéré en tirait, même si la « théorie » de la coexistence pacifique intervient à point pour accélérer une telle prise de conscience et pousse le scrupule jusqu’à révéler, à qui aurait pu ne pas comprendre, qu’entre exploiteurs l’entente est possible en dépit des divergences spectaculaires. »
    Source
    Et ce n’est même pas les textes fondamentaux de cet auteur contre le bolchevisme (je ne les ai pas sous le coude mais je les avais lus), celui de Lénine et Trotsky, pas celui de Staline !!!

    Amicalement
    Robert

    • Salut Robert,

      Comment peut-on trouver sympa un gars qui crache sur le mouvement ouvrier mais qui vit dessus comme une sangsue ?

      En mai 1968, mes camarades ("Raoul Victor" et Marc Chirik étaient venus voir, depuis Toulouse, les Situs à la Sorbonne qui venaient d’appeler sur Radio Sorbonne à la création des Conseils ouvriers au niveau international). Guy Debord, Mustapha Khayati, etc... les ont faits attendre 7 heures que ces messieurs aient discuté de leurs affaires..... Quand "la fumée blanche" est sortie, ils ont dit "on ne parle pas avec les résidus du mouvement ouvrier qui sont dans les poubelles de l’histoire".

      As-tu lu la polémique dans le dernier numéro de l’Internationale Sitationniste (N°12) l’article contre Révolution Internationale et la réponse de RI dans le n°2 ou 3 de RI ? (Cf Fragments d’histoire de la Gauche radicale).

      Par contre, il est toujours intéressant de lire ce que ce genre d’olibrius que je croyais bien rangé (certainement bien en cours dans certains cercles de la bourgeoisie) peuvent raconter. C’est la raison pour laquelle je t’ai indiqué ce texte qui est venu sur mon micro. On ne sait comment ?

      A+

      Olivier

  • Léon Trotsky :

    « L’achèvement de la révolution socialiste dans les limites nationales (de la Russie) est impensable. »

  • Tu écris :
    « 1923 : Derniers feux de la vague révolutionnaire. Mais c’est aujourd’hui que nous sommes capables de dire cela. »

    Je pense que tu te souviens mal : Trotsky en avait conscience.

    Lire ici

    Et il avait conscience que l’échec de l’Allemagne était une trahison :

    Lire ici

    Et aussi ici

  • « L’idéologie joue dans le mouvement socialiste, de par sa nature même, un rôle immense. L’Angleterre même, si encline à l’empirisme, entre dans une période où la classe ouvrière exigera toujours plus l’étude théorique de ses expériences et de ses tâches. Sa psychologie - et même celle du prolétariat - comporte cependant une terrible force d’inertie conservatrice ; d’autant plus qu’il n’est question de rien autre que de l’idéologie traditionnelle des partis de la IIe Internationale qui éveillèrent le prolétariat et, récemment encore, avaient une puissance réelle. Après l’écroulement du social-patriotisme officiel (Scheidemann, Victor Adler, Renaudel, Vandervelde, Henderson, Plékhanov), le kautskysme international (l’état-major des indépendants allemands, Fritz Adler, Longuet, une fraction importante des socialistes italiens, les « indépendants » anglais, le groupe Martov, etc.) est le principal facteur politique grâce auquel se maintient l’équilibre instable de la société capitaliste. On peut dire que la volonté des masses laborieuses du monde civilisé, sans cesse tendue par le cours des événements, est infiniment plus révolutionnaire que leur conscience encore influencée par les préjugés parlementaires et par les théories conciliatrices. La lutte pour la dictature de la classe ouvrière signifie en ce moment l’action la plus impitoyable contre le kautskysme au sein de la classe ouvrière. Les mensonges et les préjugés conciliateurs qui empoisonnent encore l’atmosphère, même dans les partis gravitant autour de la IIIe Internationale, doivent être rejetés. »

    Trotsky :source

  • « Une autre caractéristique de la Commune, c’est qu’en la fondant, le peuple a pris dans ses propres mains la direction effective de sa révolution et qu’il a trouvé en même temps le moyen de la maintenir, en cas de succès, entre les mains du peuple lui-même, en substituant son propre appareil gouvernemental à l’appareil d’Etat, à la machine gouvernementale des classes dirigeantes… Le caractère vraiment « social » de leur république, c’est le simple fait que les travailleurs gouvernent la Commune de Paris. » (texte de Marx sur la Commune en 1871, rapporté par Maximilien Rubel dans « Révolution et Socialisme »)

    C’est dans l’ « Idéologie allemande » que Marx commence à développer sa conception selon laquelle l’Etat n’est pas la représentation au pouvoir de la société civile mais s’y oppose et s’en autonomise sans cesse :

    « Il est donc évident que la société civile est le véritable foyer, la véritable scène de toute l’histoire et l’on voit à quel point la conception passée de l’histoire était un non-sens en négligeant les rapports réels et en se limitant aux grands événements historiques et politiques retentissants. La société civile embrasse l’ensemble des rapports matériels des individus à l’intérieur d’un stade de développement déterminé des forces productives. Elle embrasse l’ensemble de la vie commerciale et industrielle d’un stade et dépasse par là même l’Etat et la nation bien qu’elle doive, par ailleurs, s’affirmer à l’extérieur comme nationalité et s’organiser à l’intérieur comme Etat. Le terme de société civile apparut au XVIIIe siècle, dès que les rapports de propriété se furent dégagés de la communauté antique médiévale… En émancipant de la communauté la propriété privée, l’Etat a acquis une existence particulière à côté de la société bourgeoise et en dehors d’elle ; mais cet Etat n’est pas autre chose que la forme d’organisation que les bourgeois se donnent par nécessité, pour garantir réciproquement leur propriété et leurs intérêts, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. »

    Engels précise dans « L’origine de la famille, de la propriété privé et de l’Etat » :

    « Il (l’Etat) est le produit de la société parvenue à un degré de développement déterminé ; il est l’aveu que cette société s’embarrasse dans une insoluble contradiction avec soi-même, s’étant scindée en antagonismes irréconciliables qu’elle est impuissante à conjurer. Mais afin que les classes antagonistes, aux intérêts économiques opposés, ne se consument pas, elles et la société, en luttes stériles, il est devenu nécessaire qu’un pouvoir, placé en apparence au-dessus de la société, soit chargé d’amortir le conflit en le maintenant dans les limites de l’ « ordre » : ce pouvoir, issu de la société, mais qui veut se placer au-dessus d’elle et s’en dégage de plus en plus, c’est l’Etat… L’Etat étant né du besoin de tenir en bride les antagonismes de classes, mais étant né en même temps au milieu des conflits de ces classes, il est en règle générale l’Etat de la classe la plus puissante, de celle qui a la domination économique, laquelle, par son moyen, devient aussi classe politiquement dominante et ainsi acquiert de nouveaux moyens d’assujettir et d’exploiter la classe opprimée. C’est ainsi que l’Etat antique est avant tout l’Etat des propriétaires d’esclaves pour tenir ceux-ci sous le joug, de même que l’Etat féodal fut l’organe de la noblesse pour assujettir les paysans serfs et vassaux, et que l’Etat représentatif moderne sert d’instrument à l’exploitation du travail salarié par le capital. Par exception cependant, il se produit des périodes où les classes en lutte sont si près de s’équilibrer que le pouvoir d’Etat acquiert, comme médiateur en apparence, une certaine indépendance momentanée vis-à-vis de l’une et de l’autre. »

    On remarquera que cette dernière analyse de ce type de situation extrême, dans l’impasse aux deux pôles de la société, amène une compréhension de la bureaucratie russe qui s’est autonomisée et imposée en un moment où les deux classes fondamentales, prolétariat et grande bourgeoisie étaient, en Russie, incapables de l’emporter. C’est la double impuissance de ces deux classes fondamentales qui a amené au pouvoir le bonapartisme stalinien.

  • La nature de la révolution en Russie ?

    Voyons la, pour Trotsky, avant la révolution d’Octobre…

    « Les gens qui pensent sommairement, ou qui ne pensent pas du tout, supposent qu’ils ont résolu la question en disant : en Russie se déroule actuellement « une révolution bourgeoise ». En réalité, la question se pose ainsi : quelle est cette révolution bourgeoise ? Quelles sont ses forces intérieures et ses perspectives futures ? Pendant la grande Révolution française, la principale force motrice était la petite bourgeoisie urbaine entraînant la masse paysanne. (...) Entre la Révolution du « Tiers Etat » en France et notre révolution (de 1905), il y a eu la Révolution allemande de 1848. Il y a eu la révolution allemande de 1848. Cette dernière était également bourgeoise. Mais la bourgeoisie allemande était incapable de remplir son rôle révolutionnaire. Pour caractériser les événements de 1848, Marx écrivait : « La bourgeoisie allemande se comporta de façon si débile, poltronne et lente, que quand elle se dressa contre l’absolutisme et le féodalisme, elle trouva devant elle la menace agitée par le prolétariat (. .) ». En lisant ce tableau caractéristique (...), ne reconnaissons-nous pas notre propre bourgeoisie et ses guides ? La bourgeoisie russe est entrée dans l’arène politique après la bourgeoisie allemande. Le prolétariat russe est incomparablement plus fort, plus indépendant et plus conscient que les travailleurs allemands de 1848. Le développement général européen a mis à l’ordre du jour la Révolution sociale. Toutes ces circonstances ont enlevé à la bourgeoisie libérale les derniers restants de confiance en soi et dans le peuple. (...) A la veille de la guerre, le prolétariat se trouvait au point culminant d’agitation révolutionnaire. Le nombre de travailleurs en grève en 1914 égalait celui des grévistes de 1905. (...) Le mouvement entre 1912 et 1914 se développa sur une plus grande échelle qu’au début du siècle. Comme il y a dix ans, la guerre stoppa le développement du mouvement ouvrier. La chute de l’Internationale frappa l’avant-garde du mouvement ouvrier. Trente et un mois s’écoulèrent, mois de défaites, de vie chère, de scandales, de faim (...) avant que les prolétaires ne descendent dans la rue. Et ils le firent contre le gré des libéraux bourgeois. Le 6 mars, à la veille de la grève générale, la presse invitait les travailleurs à ne pas troubler le cours normal de la production pour ne pas gêner les opérations militaires. Mais ceci ne retint pas les femmes affamées. Elles descendirent dans la rue en criant le slogan : « du pain et la paix ». Les ouvriers les soutinrent. (...) Les prolétaires de Pétersbourg n’étaient pas encore assez forts, assez organisés, n’avaient pas de contacts suffisants avec les prolétaires de toute la Russie, pour pouvoir conquérir le pouvoir. Mais ils étaient assez forts pour envoyer, du premier coup, le Tsarisme au musée historique. (...) Tous les efforts des libéraux pour écarter la lutte des classes (...) resteront lettre morte. »

    Léon Trotsky dans le journal « Die Zukunft » (avril 1917)

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