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Luttes de classes aux USA et syndicats qui s’y opposent

samedi 17 avril 2021, par Robert Paris

La montée des luttes de classe aux États-Unis oppose les travailleurs aux syndicats

Tom Hall - WSWS

Il y a un certain nombre de manifestations de la croissance significative de la lutte de classe aux Etats-Unis, qui posent des questions fondamentales de perspective pour la classe ouvrière.

À l’université de Columbia, 3.000 étudiants diplômés luttent contre l’« austérité COVID-19 » et réclament un salaire décent, des prestations de santé et de garde d’enfants. À Worcester, dans le Massachusetts, plus de 700 soignants sont en grève depuis plus de quatre semaines pour dénoncer le manque dangereux de personnel durant la pandémie de coronavirus. La semaine dernière, d’importantes sections de travailleurs industriels ont rejoint les grèves en cours, dont 1.300 travailleurs du sidérurgiste ATI dans le nord-est des États-Unis et 1.100 mineurs de la société charbonnière Warrior Met en Alabama.
À gauche, des travailleurs montent un piquet de grève au Hunts Point Market le 19 janvier 2021 (WSWS Media). À droite, la grève des étudiants diplômés de Columbia (WSWS Media).

Ces luttes font partie d’un mouvement croissant de travailleurs à l’échelle internationale, entre autre une grève générale d’une journée contre le plafonnement des augmentations salariales en Belgique, une grève de quatre jours de 2.000 travailleurs d’Amazon en Allemagne, une grève de 2.000 mineurs de charbon en Bosnie-Herzégovine pour cause de salaires impayés, et un débrayage prévu des enseignants du primaire contre la réouverture des écoles face à la montée de la pandémie en France.

Ce n’est là qu’une première manifestation de l’énorme croissance des antagonismes sociaux dans le monde entier suite à la réponse de la classe dirigeante à la pandémie. La subordination de la santé publique aux profits des riches a conduit à plus de 2,8 millions de morts dans le monde, dont plus de 560.000 rien qu’aux États-Unis. En même temps, on a utilisé la pandémie pour orchestrer un renflouement sans précédent des riches, suivi d’une restructuration massive des relations de classe pour forcer les travailleurs à en porter le coût.

Chaque lutte de la classe ouvrière soulève directement la question du rôle réactionnaire des syndicats corporatistes comme l’AFL-CIO aux États-Unis, qui servent à supprimer la lutte de classe et qui, lorsqu’ils ne peuvent éviter une grève, l’isolent pour la battre. Les « syndicats » interviennent non pas en faveur des travailleurs qu’ils prétendent faussement représenter mais en faveur du patronat contre les travailleurs.

À l’université de Columbia, le syndicat United Auto Workers, qui couvre les étudiants diplômés, s’efforce d’isoler la grève des étudiants diplômés de l’université de New York (NYU), située à quelques kilomètres au sud, qui font partie de la même union locale. Le mois dernier, le président de l’union locale UAW a révélé qu’elle avait prévu d’arrêter la grève avant un vote de grève à NYU. L’UAW ne fait rien pour mobiliser les travailleurs de l’automobile derrière les étudiants diplômés et tout pour les empêcher d’être au courant de la grève.

Pendant ce temps, l’UAW affame les étudiants diplômés sur le piquet de grève avec une maigre indemnité de grève hebdomadaire de 275 dollars, alors qu’il contrôle un fonds de grève de 790 millions de dollars.

L’association des soignants du Massachusetts (MNA) – la plus grande organisation au niveau d’un État du syndicat des infirmiers « National Nurses United » – qui compte 123.000 membres, isole les 700 soignants de Worcester tout en ne leur versant aucune indemnité de grève. Au lieu de cela, la MNA les oblige à mendier du soutien : elle gère un compte Venmo pour recevoir les dons du public afin de payer les frais de subsistance des soignants.

Quant aux travailleurs d’ATI et de Warrior Met, les syndicats USW (Métallurgistes) et UMW (mineurs) utilisent la tactique de grève dite « pratique de travail déloyale » afin d’éviter de soulever des revendications concrètes. Cela permet aussi au syndicat de mettre fin à la grève dès que possible sous prétexte que la direction « négocie de bonne foi ».

Durant l’année écoulée, les managers qui dirigent et contrôlent l’AFL-CIO ont joué un rôle absolument essentiel dans l’application de la politique homicide des élites dirigeantes. Les syndicats d’enseignants – la Fédération américaine des enseignants et l’Association nationale des éducateurs – ont contribué à forcer la réouverture des écoles contre l’opposition écrasante des enseignants et des parents. Les syndicats locaux d’enseignants ont imposé des accords de réouverture forçant les enseignants à voter sur le fait accompli comme à Chicago et Los Angeles ou ne leur permettant pas de voter du tout, comme à Philadelphie et Detroit.

Le syndicat de l’alimentation et du commerce UFCW (United Food and Commercial Workers) et sa filiale, le RWDSU (Retail, Wholesale and Department Store Union), ont maintenu les travailleurs de l’industrie de la viande au travail alors que plus de 50.000 d’entre eux s’infectaient et qu’au moins 286 sont morts. Dans l’industrie automobile, l’UAW maintient non seulement les travailleurs au travail mais les oblige encore à travailler 50, 60 et même 80 heures par semaine, tout en dissimulant toute information sur l’étendue des infections et des décès.

Le mot « syndicat » évoque l’image d’une organisation qui défend les travailleurs contre les attaques des entreprises ou du moins d’une organisation dont le sort est en quelque sorte lié à sa capacité et à sa volonté de défendre le niveau de vie des travailleurs. Or, cela n’a rien à voir avec les syndicats actuels. Ils fonctionnent comme des syndicats jaunes, contrôlés par des fonctionnaires nantis dont les revenus sont inversement proportionnels au sort des travailleurs.

Dans chaque grande organisation nationale de l’AFL-CIO, il y a littéralement des dizaines voire des centaines de bureaucrates au niveau national et local qui gagnent plus de 100.000 dollars par an, soit de nombreuses fois ce que gagnent les travailleurs qui en sont membres. Les hauts échelons ont des revenus qui les placent dans les 5 pour cent voire même le un pour cent les plus élevés des revenus aux États-Unis.

Stuart Appelbaum, le président de la relativement petite RWDSU, qui fait campagne pour la reconnaissance syndicale chez Amazon, a gagné 344.464 dollars l’année dernière ; le secrétaire-trésorier Jack Wurm a lui, gagné 324.022 dollars. Au bureau national du RWDSU, 29 personnes ont « gagné » plus de 100.000 dollars l’année dernière et le syndicat a dépensé plus de 6 millions de dollars en salaires pour le seul bureau national.

Randi Weingarten, de l’American Federation of Teachers (Fédération américaine des enseignants — AFT), a touché 564.236 dollars en rémunération totale pour l’exercice financier achevé en juin 2019, selon les déclarations d’impôt de l’AFT. Le bureau national a reçu plus de 253 millions de dollars de recettes et a dépensé plus de 238 millions de dollars, dont 43,75 millions de dollars en salaires et zéro dollar en indemnités de grève l’année dernière. Au total, 234 personnes du bureau national de l’AFT ont gagné plus de 100.000 dollars au cours de la dernière période de déclaration du syndicat et 28 ont gagné plus de 200.000 dollars.

« Les Teamsters » (Syndicat des routiers) comptent sur leur liste de paie plus de 200 responsables gagnant plus de 100.000 dollars par an et dix gagnant plus de 200.000 dollars dont le président James Hoffa (387.000 dollars).

Comme les cotisations syndicales n’ont cessé de diminuer en raison de leurs trahisons, les dirigeants syndicaux se sont mis à contrôler les fonds de grève, les fonds de pension et ils sont même devenus propriétaires d’actions d’entreprises afin d’étendre et de compléter leurs revenus. Cela lie directement le statut financier de ces organisations et des cadres qui les contrôlent à la rentabilité des entreprises américaines et à la performance du marché boursier. Celles-ci craignent un mouvement de la classe ouvrière, notamment parce qu’il menacerait leurs propres intérêts financiers.

La bureaucratie syndicale a participé à l’opération de pillage menée par Wall Street pendant la pandémie. Selon les derniers documents financiers de l’UAW, par exemple, ses actifs ont augmenté de 31 millions de dollars l’année dernière ; le syndicat a dépensé des dizaines de milliers de dollars en voyages dans des stations balnéaires et des casinos pour ses hauts fonctionnaires, dont des centaines gagnent plus de 150.000 dollars par an. Ces dernières années, l’UAW a été démasquée, devant les tribunaux, comme une organisation dirigée par des gangsters corrompus qui volent les cotisations des travailleurs et acceptent des pots-de-vin des entreprises en échange de contrats qui minent les salaires et les conditions d’emploi des ouvriers.

Les syndicats apparaissent de plus en plus comme un instrument crucial de la politique de la bourgeoisie. L’intervention sans précédent de Biden et des démocrates, et même du républicain droitier Marco Rubio, dans la campagne de syndicalisation chez Amazon en faveur du syndicat RWDSU reflète la peur intense des milieux dirigeants face à la montée des luttes de classe. Leur calcul est que celle-ci peut être étouffée en mettant les travailleurs sous la tutelle de l’AFL-CIO et de la législation du travail alambiquée des États-Unis.

Dans un contexte de conflit commercial et militaire croissant entre les États-Unis et leurs rivaux Chine et Russie, les syndicats sont considérés comme un moyen de lier la classe ouvrière à l’État capitaliste et à ses préparatifs de guerre.

Cette année marque le quarantième anniversaire de la trahison par l’AFL-CIO des contrôleurs aériens PATCO que le président Reagan a licenciés au moyen d’une provocation délibérée. À la veille de l’attaque contre eux, un accord a été conclu avec l’AFL-CIO que celle-ci s’opposerait à toute mobilisation plus large de la classe ouvrière pour les défendre. Cela fut suivi de toute une série de luttes des travailleurs, qui furent systématiquement isolées et vaincues avec la collaboration des syndicats. Ce fut un tournant clé aux États-Unis et dans le monde dans l’intégration complète des syndicats à la structure du management des entreprises.

L’extension et l’unification des luttes de la classe ouvrière nécessitent la formation de comités de la base dans les usines et autres lieux de travail, totalement indépendants des syndicats pro-capitalistes. Ces comités sont la forme à travers laquelle les travailleurs peuvent faire avancer leurs revendications comme les mesures d’urgence pour arrêter la pandémie de coronavirus, la fin de la réouverture dangereuse des écoles et lieux de travail, et une compensation complète pour les travailleurs et les petites entreprises.

Le World Socialist Web Site et les Partis de l’égalité socialiste feront tout ce qui est en leur pouvoir pour promouvoir et assister la création d’organisations indépendantes de travailleurs, liant la montée de la lutte des classes à une perspective et un programme basé sur une politique socialiste. Nous invitons les travailleurs intéressés par la création de tels comités à nous contacter dès aujourd’hui.

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