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Histoires d’eau (la molécule)

dimanche 12 septembre 2021, par Robert Paris

Histoires d’eau (la molécule)

L’eau est la seule molécule :

 qui existe à la fois sur Terre sous forme solide, liquide et gazeuse, ainsi que des états intermédiaires

 qui a une densité à l’état solide plus faible que celle à l’état liquide

 qui est un solvant universel grâce à sa bipolarité H+ / OH-

 qui a la chaleur spécifique est la plus élevée sur terre

 qui est un formidable tampon thermique

 qui présente un maximum de densité pour une température proche de +4° C

 qui a une constante diélectrique élevée

 qui a une disponibilité électronique potentielle rendant la molécule d’eau très affine pour de multiples substances

 qui a un déséquilibre électronique ayant pour effet de rendre possible des liaisons entre l’atome d’hydrogène d’une molécule avec l’atome d’oxygène d’une autre molécule (liaison hydrogène)

 qui est est particulièrement stable pour la raison que les atomes d’hydrogène et l’atome d’oxygène qui la constituent mettent chacun en commun un électron pour établir leur liaison

 qui a à la fois une chaleur spécifique très élevée, une chaleur latente très élevée, une chaleur latente de vaporisation très élevée, une capacité de dissolution très importante

« Jusqu’à la fin du XXè siècle, l’eau était considérée comme une substance amorphe, c’est-à-dire dotée d’une structure moléculaire totalement désordonnée. Depuis lors, un accélérateur de particules a permis de l’observer de bien plus près. Et d’établir que, sous sa forme liquide, l’eau présente bien une structure régulière et répétitive, similaire à celle de sa version cristallisée, la glace. Un détail ? Loin de là. Désormais classée parmi les minéraux, l’eau a fait évoluer leur définition par ricochet : ceux-ci ne désignent plus simplement des solides dont les atomes sont agencés de façon ordonnée et régulière, mais tout corps pourvu d’une telle organisation.

Bien que d’une force ténue, la liaison hydrogène joue un rôle important en physique et en biologie moléculaire. C’est elle qui attire entre elles les molécules d’eau et explique la formation de la glace. Des chercheurs japonais viennent de l’observer en direct, sur des molécules isolées, à l’aide d’un microscope à effet tunnel.

Vingt fois plus faible que la liaison covalente, mais plus forte que les liaisons de van der Waals, ses cousines, la liaison hydrogène est responsable non seulement du haut point d’ébullition de l’eau mais aussi de la formation des structures tridimensionnelles des protéines, et surtout, des liaisons entre les bases de l’ADN. On peut donc sérieusement la considérer comme la liaison chimique de la vie.
Bien qu’elle soit en grande partie d’origine électrostatique et de type dipôle-dipôle, il semblerait malgré tout, suite à de récentes études, qu’une partie de la liaison hydrogène soit bien une forme de liaison covalente comme l’avait proposé il y a longtemps le prix Nobel Linus Pauling. La liaison hydrogène possède en effet un caractère de directivité semblable à celui de la liaison covalente. Il existe donc un échange entre les deux molécules d’eau et chacune d’elle tient à tour de rôle ceux d’accepteur et de donneur.
Un effet tunnel échange les rôles des deux molécules d’eau
Des chercheurs japonais ont observé en direct l’une des propriétés dynamiques de la liaison hydrogène, celle qui fait la spécificité de la molécule d’eau : l’échange de rôles entre deux molécules ! Ils ont réussi à mesurer la fréquence à laquelle deux molécules (dimère) échangent leur statut d’accepteur et de donneur de liaison : 60 fois par seconde pour des dimères d’eau normale (H20), contre une seule fois pour des dimères d’eau lourde (D20). Ils en ont alors conclu que le mécanisme à l’origine de cet échange est l’effet tunnel, phénomène quantique qui permet à des particules de franchir une barrière d’énergie alors qu’elles devraient en être incapable.

Les molécules d’eau sont constituées de minuscules particules séparées par une grande quantité... de vide !
En effet, le diamètre d’une molécule d’eau est de 0,3 milliardième de mètre. Or cette molécule est composée de 2 atomes d’hydrogène (soit 2 protons et 2 électrons), et d’un atome d’oxygène (8 protons, 8 neutrons et 8 électrons). La taille d’un électron est négligeable ; quant aux protons et aux neutrons, leur diamètre est d’un millionième de milliardième de mètre. Si on compare le volume qu’ils occupent par rapport à celui de la molécule, on constate qu’une molécule d’eau, et donc un verre quasi plein, est à 99,99999999999999 % vide ! Pour autant, une fois plein, un verre ne peut plus accueillir de molécule supplémentaire. Il est donc bien rempli à... 100 %. »

Source

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Dans une nanostructure, l’eau change d’état quantique...

Un nouvel état naturel de l’eau

Vlad Sokhan et son équipe du Laboratoire national de physique, à Twickenham (Royaume-Uni), ont mis au point un modèle qui prédit toutes les propriétés de l’eau…

L’article « eau » dans l’encyclopédie de Diderot

L’eau au quotidien

La molécule d’eau

« L’objet quantique » de Lochak, Diner et Farge :

« La théorie quantique confirme la conception de liaisons privilégiées entre atomes. C’est ainsi que dans la molécule d’eau, ce sont bien les deux atomes d’hydrogène qui sont liés à l’atome d’oxygène, sans être directement liés entre eux. Ceci justifie donc bien la formule chimique développée : H-O-H

Mais la théorie montre aussi que la charge électrique est beaucoup plus étalée sur la molécule que ne le suggère ce schéma simple. Dans la molécule comme dans l’atome la présence électronique est délocalisée. Conséquence de la nature particulière de l’électron et des propriétés des fonctions d’onde.

Ainsi la théorie quantique permet de représenter convenablement des molécules que la théorie chimique classique avait bien du mal à ranger dans ses formules.

(…)

Nous allons nous intéresser maintenant à un groupement localisé, très simple et sans doute le plus fameux, les paires électroniques libres et localisées de l’atome d’oxygène dans la molécule d’eau.

L’eau miraculeuse : une histoire de paires libres vagabondes

L’eau est la substance la plus abondante sur la surface du globe, et conditionne totalement le monde physique et biologique que nous connaissons. Il n’est pas exagéré de dire que tout cela est dû à la présence sur l’atome d’oxygène de deux paires de quasi-électrons non engagés dans une liaison chimique et prêts, comme par nostalgie, à s’offrir aux atomes d’hydrogène qui passent.

La molécule d’eau se présente comme un triangle isocèle dont l’oxygène et les deux hydrogènes occupent les sommets. Entre les deux liaisons O-H l’angle est de 104°.

Le schéma orbital de la molécule d’eau, dans sa version délocalisée, et plus encore dans sa version relocalisée, par mélange des orbitales délocalisées, montre que l’atome d’oxygène est engagé dans deux liaisons avec les deux atomes d’hydrogène, mais que deux orbitales porteuses de paires restent localisées sur l’atome d’oxygène. Ces orbitales pointent comme deux petites antennes, de part et d’autre du plan de la molécule, du côté opposé à celui où se trouvent les atomes d’hydrogène.

De telles paires libres, témoins d’une concentration correspondante de charge électrique, sont susceptibles de s’engager dans une liaison avec un atome d’hydrogène partiellement dépouillé d’électrons. Une telle situation se présente précisément dans la molécule d’eau, où la gourmandise de l’oxygène pour les électrons, s’exerce aux dépens des atomes d’hydrogène. Ceci signifie que, dans la liaison O-H la charge électrique de la liaison se trouve répartie plus fortement au voisinage de l’oxygène. L’hydrogène s’avère alors insatisfait, et peut se lier aux électrons d’une paire libre sur l’atome d’oxygène d’une autre molécule d’eau. Cette nouvelle liaison, plus faible que les liaisons chimiques ordinaires, est appelée « liaison hydrogène ». Elle joue un rôle considérable dans la nature.

C’est elle, tout d’abord, qui donne à l’eau liquide et à la glace leurs propriétés particulières. Dans le liquide « eau » les molécules d’eau sont en effet groupées par amas, liées par liaison hydrogène les unes aux autres. C’est ce qui explique, en particulier, la température d’ébullition élevée de ce liquide (100°C). Il faut rompre toutes ces liaisons hydrogène pour libérer les molécules et créer la vapeur.

La liaison hydrogène intervient de façon fondamentale pour expliquer le rôle universel de l’eau dans la constitution de corps solides obtenus par durcissement à la chaleur, à partir d’un mélange de matière sèche et d’eau. Mélanger la terre et l’eau est un acte très primitif de l’humanité, pour obtenir des substances solides de forme voulue. La poterie d’argile, le plâtre, le ciment, le béton, autant d’exemples du rôle de l’eau dans la constitution de milieux solides. La liaison hydrogène y joue souvent son rôle. La faiblesse de la liaison hydrogène s’exprime souvent par le fait que ces corps solides sont sensibles à la température et à l’humidité.

L’importance de la liaison hydrogène provient précisément de sa faiblesse, car selon les circonstances, elle peut se rompre et se reformer.

Contons, pour illustrer cela, la merveilleuse histoire du pain.

Pourquoi le pain, pas assez cuit, devient-il rapidement sec et rassis ? Pourquoi ce pain rassis redevient-il « frais » lorsqu’on le chauffe au four ? Pourquoi le boulanger met-il au frigidaire le pain frais pour l’empêcher de rassir ? Pourquoi le pain rassit-il moins vite lorsqu’on l’isole dans un linge ou une boîte fermée ? Qui sait répondre à ces questions où le paradoxe semble régner ? Comment se fait-il qu’en chauffant du pain sec on le rend moins dur ?

Tout s’explique si l’on comprend que le pain est obtenu à partir du mélange farine-eau, par cuisson et expulsion de l’eau trop abondante, avec formation de ponts de molécules d’eau entre les longues chaînes de cellulose, grâce aux liaisons hydrogène. Si le pain n’est pas assez cuit, il reste trop d’eau inemployée qui va s’établir des liaisons supplémentaires entre les fibres de cellulose : le pain durcit. Chauffez-le, vous romprez ces liaisons hydrogène surnuméraires et le pain redeviendra croustillant.

Dans l’air, loin de sécher, comme on le croit, le pain rassit par création de nouvelles liaisons hydrogènes. Le mettre au frigidaire, s’il est mal cuit, empêche les molécules d’eau surabondantes de vagabonder et d’aller créer de nouveaux ponts. Le couvrir l’isole de l’humidité de l’air et empêche des molécules d’eau d’y pénétrer pour créer des ponts inutiles. Dans un pain bien cuit, il y a juste ce qu’il faut de liaisons hydrogène pour assurer consistance et friabilité et pas d’eau libre inutile. Ce pain reste frais très longtemps, surtout s’il est enfermé dans une boîte. Les paysans le savent bien, mais nos boulangers des villes l’ont volontairement oublié.

Le lecteur ira chanter les louanges de la liaison hydrogène, si nous lui disons encore que c’est grâce à elle que les grandes molécules qui permettent la vie acquièrent les formes qui justifient leur activité biologique. Les protéines et l’acide désoxyribonucléique (le fameux ADN, support de l’hérédité) s’enroulent et s’ouvrent, grâce à la présence de liaisons hydrogène entre des atomes d’oxygène et des atomes d’hydrogène, qui n’appartiennent pas à l’eau mais à ces molécules elles-mêmes. »

Sciences de la Terre et de l’Univers – Brahic-Daniel :

« L’eau est un liquide commun mais dont les propriétés physico-chimiques, souvent méconnues, sont exceptionnelles : sa densité passe un maximum (d 1,000 000) à 3,982°C alors qu’elle ne vaut que d = 0,999 867 à 0°C, sa tension superficielle (7,2 fois dix puissance 9 N/m) est la plus élevée de tous les liquides, sa chaleur massique (4,18 fois dix puissance 3 J/Kg.°C) la plus élevée de tous les fluides excepté NH3… Cette dernière propriété en fait un fluide pourvu d’une grande inertie thermique, caractéristique qui associée avec la taille considérable du réservoir océanique, est l’un des plus importants mécanismes de régulation de nos climats, que ce soit à de courtes ou de longues échelles de temps.

Les changements d’état de l’eau

L’eau existe, à la surface de la Terre, sous les trois états : gazeux, liquide et solide. Seule notre planète possède les conditions de pression et de température qui permettent cette coexistence.

Le diagramme de l’eau montre que la pente négative de la courbe de fusion (solide -> liquide) implique que le passage inverse, de l’état liquide à l’état solide (congélation) s’accompagne d’une baisse de pression, et donc de densité : c’est une propriété extrêmement rare, qui ne se rencontre que dans quelques autres éléments ou composés chimiques comme le bismuth. Ainsi, lors des hivers rigoureux, la glace, moins dense, n’envahit pas le fond des rivières, et par conséquent les faunes et les flores aquatiques sont protégées.

Lorsque la pression est inférieure au point triple (P = 610,1 Pa et T = 0,01 °C), la sublimation (transformation directe solide -> gaz) est de règle. Ce phénomène caractérise le comportement de l’eau sur Mars, où la pression atmosphérique est de l’ordre de 700 Pa. Mais la sublimation existe aussi à pression ordinaire : en climat froid la glace s’évapore lentement, car des molécules d’eau quittent la phase cristalline pour rejoindre l’atmosphère. Ce sont les molécules d’air qui, en frappant la surface de la glace, arrachent ces molécules d’eau.

Il existe une température au-delà de laquelle l’eau n’est plus ni un gaz ni un liquide, mais un fluide qui englobe les deux états : le fluide supercritique. ce fluide se forme au-delà du point où sa densité à l’état de vapeur (maintenue sous pression) devient égale à sa densité à l’état de liquide (qui diminue lorsque la température augmente, par suite de l’expansion thermique). A 374 °C et 22,1 fois dix puissance 6 Pa, l’eau devient un fluide supercritique dont la densité est de 0,3. Sa capacité de solvation augmente alors considérablement et elle se comporte comme un solvant organique…

On pense que l’eau gèle à 0 °C car, par définition, la glace fond à 0 °C. Or il n’en est rien, et de l’eau soigneusement refroidie peut rester liquide au-delà de – 40 °C : on parle alors d’eau surfondue et sa congélation nécessite la présence d’un germe, c’est-à-dire d’une substance dont la surface à l’échelle atomique présente une ressemblance structurelle avec la maille cristalline élémentaire de la glace. Ce phénomène est observé l’hiver dans le cas des phases verglaçantes. La surfusion contribue également à la capacité de résistance au froid des plantes et des animaux.

Les échanges d’énergie : chaleur et travail

Un système quel qu’il soit, possède de l’énergie et cette énergie peut varier à la suite d’échanges entre deux systèmes, ou entre un système et l’extérieur. Les formes d’échanges de l’énergie sont la chaleur et le travail.

Un corps ou un fluide plus chaud qu’un autre lui cède de la chaleur, et leurs températures tendent à s’égaliser. Le corps « chaud », dont la température baisse, perd une partie de l’énergie cinétique de ses molécules, tandis que les molécules du corps « froid » en gagnent.

L’effet d’un transfert de chaleur peut parfois se réduire uniquement à un changement d’état, sans variation de température. Lors de la fusion ou de la vaporisation, l’énergie transférée est exclusivement utilisée à accomplir le travail nécessaire pour vaincre les forces de cohésion et séparer les molécules. Dans le cas de la vaporisation, la température du liquide reste alors constante pendant toute la durée de l’ébullition.

La chaleur latente de fusion de l’eau (0,334 fois dix puissance 6 J/Kg) est environ sept fois moindre que sa chaleur latente de vaporisation (2,27 fois dix puissance 6 J/Kg).

La sublimation nécessite quant à elle la somme des chaleurs latentes de fusion et de vaporisation, soit 2,84 fois dix puissance 6 J/Kg. Réciproquement, les mêmes quantités d’énergie sont mises en jeu lors des changements d’état inverses (solidification, condensation liquide et condensation solide), mais dans ce cas elles sont fournies au milieu extérieur.

Les échanges de travail résultent le plus souvent d’une variation de volume du système. La compression et la détente des gaz sont l’occasion d’échanges et de transformations d’énergie qui ont de nombreuses conséquences, au niveau de l’atmosphère en particulier. Une masse d’air, ou d’un gaz quelconque, qui s’élève dans l’atmosphère est soumise à une pression décroissante et se détend, ce qui entraîne une perte d’énergie interne et un refroidissement. Cette détente est dite adiabatique lorsqu’elle n’implique aucun échange de chaleur, mais seulement de travail, avec un environnement, et ce refroidissement peut provoquer la condensation de la vapeur d’eau et la formation d’un nuage.

La molécule d’eau, comme toutes les molécules, vibre dès que sa température est différente de 0°K. Ces transitions d’un état moléculaire de vibration à un autre commandent l’intensité des absorptions ou des émissions au cours de l’interaction avec les rayonnements électromagnétiques.

Ces absorptions d’énergie ont un rôle fondamental. En tant que composante importante de l’atmosphère terrestre, la vapeur d’eau restreint les possibilités de pénétration (ou d’évacuation) du rayonnement infrarouge à l’étroit créneau d’une « fenêtre atmosphérique », entre 8 et 11 micron, fenêtre pour laquelle l’eau n’absorbe pas…

La vapeur d’eau absorbe également de l’énergie dans l’ultraviolet lointain à une longueur d’onde de 1650 angström (0,165 micron). Pour l’eau liquide, cette absorption se situe plus haut dans l’échelle d’énergie, à 1470 angström. L’eau est transparente à la lumière visible parce qu’il n’y a pas d’excitations possibles entre l’infrarouge et l’ultraviolet lointain. Sous une certaine épaisseur, le liquide paraît bleu car il absorbe un peu les longueurs d’onde rouges et diffuse le spectre complémentaire. »

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