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Vive l’armement du prolétariat !!! A bas l’armement de la bourgeoisie !!!

mercredi 29 décembre 2021, par Robert Paris

« Qui a du fer, a du pain.

« On se prosterne devant les baïonnettes, on balaye les cohues désarmées. La France hérissée de travailleurs en armes, c’est l’avènement du socialisme. En présence des prolétaires armés, obstacles, résistances, impossibilités, tout disparaîtra.
Mais, pour les prolétaires qui se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d’arbres de la liberté, par des phrases sonores d’avocat, il y aura de l’eau bénite d’abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de la misère toujours.
Que le peuple choisisse ! »

Auguste Blanqui

Le programme de transition, 1938 :

« Engels définissait l’État comme des "détachements de gens armés". L’ARMEMENT DU PROLÉTARIAT est un élément constituant indispensable de sa lutte émancipatrice. Quand le prolétariat le voudra, il trouvera les voies et les moyens de s’armer. »

Trotsky

15 janvier 1940 :

« Travailleurs ! Formez vos COMITES D’USINE pour lutter ! VIVE le gouvernement OUVRIER et PAYSAN, gouvernement créé par les comités de masse (Comités d’ouvriers, de paysans, de soldats) par l’armement du prolétariat. »

Barta

6 février 1944

« Encore une fois, seule l’action autonome des ouvriers réalisera l’armement du prolétariat ! »

Barta

Prenez les armes, prolétaires !!!

L e Parti socialiste (PS), le Parti communiste français ainsi que Yannick Jadot, député européen Europe Ecologie-Les Verts (EELV), avaient annoncé depuis plusieurs jours leur participation en soutien aux policiers…

Le PCF :

https://www.humanite.fr/droit-la-securite-fabien-roussel-defend-une-police-nationale-de-proximite-707773

Lutte ouvrière :

http://www.matierevolution.fr/spip.php?article5933

Mélenchon :

https://www.leparisien.fr/politique/melenchon-propose-une-refonte-republicaine-de-la-police-13-12-2020-8414021.php

Alors que la gauche, la gauche de la gauche et l’extrême gauche officielle et opportuniste cultivent la police, laquelle entre en guerre contre les révoltes des gilets jaunes et de la jeunesse, il est bon de relire les textes qui suivent…

Auguste Blanqui en 1866 :

Instructions pour une prise d’armes

Ce programme est purement militaire et laisse entièrement de côté la question politique et sociale, dont ce n’est point ici la place : il va sans dire d’ailleurs, que la révolution doit se faire au profit du travail contre la tyrannie du capital, et reconstituer la société sur la base de la justice.

Une insurrection parisienne, d’après les vieux errements, n’a plus aujourd’hui aucune chance de succès.

En 1830, le seul élan populaire a pu suffire à jeter bas un pouvoir surpris et terrifié par une prise d’armes, événement inouï, qui était à mille lieux de ses prévisions.

Cela était bon une fois. La leçon a profité au gouvernement, resté monarchique et contre-révolutionnaire, bien que sorti d’une Révolution. Il s’est mis à étudier la guerre des rues, et il y a repris bientôt la supériorité naturelle de l’art et de la discipline sur l’inexpérience et la confusion.

Cependant, dira-t-on, le peuple en 1848, a vaincu par la méthode de 1830. Soit. Mais point d’illusions ! La victoire de février n’est qu’un raccroc. Si Louis-Philippe s’était sérieusement défendu, force serait restée aux uniformes.

A preuve les journées de juin. C’est là qu’on a pu voir combien est funeste la tactique, ou plutôt l’absence de tactique de l’insurrection. Jamais elle n’avait eu la partie aussi belle : dix chances contre une.
D’un côté, le Gouvernement en pleine anarchie, les troupes demoralisées : de l’autre, tous les travailleurs debout et presque certains du succès. Comment ont-ils succombé ? Par défaut d’organisation. Pour se rendre compte de leur défaite, il suffit d’analyser leur stratégie.

Le soulèvement éclate. Aussitôt, dans les quartiers du travail, les barricades s’élèvent ça et là, à l’aventure, sur une multitude de points.
Cinq, dix, vingt, trente, cinquante hommes, réunis par hasard, la plupart sans armes, commencent à renverser des voitures, lèvent et entassent des pavés pour barrer la voie publique, tantôt au milieu des rues, plus souvent à leur intersection. Quantité de ces barrages seraient à peine un obstacle au passage de la cavalerie.
Parfois, après une grossière ébauche de retranchement, les constructeurs s’éloignent pour aller à la recherche de fusils et de munitions.

En juin, on a compté plus de six cents barricades, une trentaine au plus ont fait à elles seules tous les frais de la bataille. Les autres, dix-neuf sur vingt, n’ont pas brûlé une amorce. De là, ces glorieux bulletins qui racontaient avec fracas l’enlèvement de cinquante barricades, où il ne se trouvait pas une âme.

Tandis qu’on dépave ainsi les rues, d’autres petites bandes vont désarmer les corps de garde ou saisir la poudre et les armes chez les arquebusiers. Tout cela se fait, sans concert ni direction, au gré de la fantaisie individuelle.

Peu à peu, cependant, un certain nombre de barricades, plus hautes, plus fortes, mieux construites, attirent de préférence les défenseurs qui s’y concentrent. Ce n’est point le calcul, mais le hasard qui détermine l’emplacement de ces fortifications principales. Quelques-unes seulement, par une sorte d’inspiration militaire assez concevable, occupent les grands débouchés.

Durant cette première période de l’insurrection, les troupes, de leur côté, se sont réunies. Les généraux reçoivent et étudient les rapports de police. Ils se gardent bien d’aventurer leurs détachements sans données certaines, au risque d’un échec qui démoraliserait le soldat. Dès qu’ils connaissent bien les positions des insurgés, ils massent les régiments sur divers points qui constitueront désormais la base des opérations.

Les armées sont en présence. Voyons leurs manoeuvres. Ici va se montrer à nu le vice de la tactique populaire, cause certaine des désastres.

Point de direction ni de commandement général, pas même de concert entre les combattants. Chaque barricade a son groupe particulier, plus ou moins nombreux, mais toujours isolé. Qu’il compte dix ou cent hommes, il n’entretient aucune communication avec les autres postes. Souvent il n’y a pas même un chef pour diriger la défense, et s’il y en a, son influence est à peu près nulle. Les soldats n’en font qu’à leur tête. Ils restent, ils partent, ils reviennent, suivant leur bon plaisir. Le soir, ils vont se coucher.

Par suite de ces allées et venues continuelles, on voit le nombre des citoyens présents varier rapidement, du tiers, de moitié, quelquefois des trois quarts. Personne ne peut compter sur personne. De là défiance du succès et découragement.

De ce qui se passe ailleurs on ne sait rien et on ne s’embarrasse pas davantage. Les canards circulent, tantôt noirs, tantôt roses. On écoute paisiblement le canon et la fusillade, en buvant sur le comptoir du marchand de vins. Quant à porter secours aux positions assaillies, on n’en a pas même l’idée. « Que chacun défende son poste, et tout ira bien », disent les plus solides. Ce singulier raisonnement tient à ce que la plupart des insurgés se battent dans leur propre quartier, faute capitale qui a des conséquences désastreuses, notamment les dénonciations des voisins, après la défaite.

Car, avec un pareil système, la défaite ne peut manquer. Elle arrive à la fin dans la personne de deux ou trois régiments qui tombent sur la barricade et en écrasent les quelques défenseurs. Toute la bataille n’est que la répétition monotone de cette manoeuvre invariable. Tandis que les insurgés fument leur pipe derrière les tas de pavés, l’ennemi porte successivement toutes ses forces sur un point, puis sur un second, un troisième, un quatrième, et il extermine ainsi en détail l’insurrection.

Le populaire n’a garde de contrarier cette commode besogne. Chaque groupe attend philosophiquement son tour et ne s’aviserait pas de courir à l’aide du voisin en danger. Non « il défend son poste, il ne peut pas abandonner son poste. »

Et voilà comme on périt par l’absurde !

Lorsque, grâce à une si lourde faute, la grande révolte Parisienne de 1848 a été brisée comme verre par le plus pitoyable des gouvernements, quelle catastrophe n’aurait-on pas à redouter, si on recommençait la même sottise devant un militarisme farouche, qui a maintenant à son service les récentes conquêtes de la science et de l’art, les chemins de fer, le télégraphe électrique, les canons rayés, le fusil Chassepot ?

Par exemple, ce qu’il ne faut pas compter comme un des nouveaux avantages de l’ennemi, ce sont les voies stratégiques qui sillonnent maintenant la ville dans tous les sens. On les craint, on a tort. Il n’y a pas à s’en inquiéter. Loin d’avoir créé un danger de plus à l’insurrection, comme on se l’imagine, elles offrent au contraire un mélange d’inconvénients et d’avantages pour les deux partis. Si la troupe y circule avec plus d’aisance, par contre elle y est exposée fort à découvert.

De telles rues sont impraticables sous la fusillade. En outre, les balcons, bastions en miniature, fournissent des feux de flanc que ne comportent point les fenêtres ordinaires. Enfin, ces longues avenues en ligne droite méritent parfaitement le nom de boulevards qu’on leur a donné. Ce sont en effet de véritables boulevards qui constituent des fronts naturels d’une très grande force.

L’arme par excellence dans la guerre des rues, c’est le fusil. Le canon fait plus de bruit que de besogne. L’artillerie ne pourrait agir sérieusement que par l’incendie. Mais une telle atrocité, employée en grand et comme système, tournerait bientôt contre ses auteurs et ferait leur perte.

La grenade, qu’on a pris la mauvaise habitude d’appeler bombe, est un moyen secondaire, sujet d’ailleurs à une foule d’inconvénients ; elle consomme beaucoup de poudre pour peu d’effet, est d’un maniement très dangereux, n’a aucune portée et ne peut agir que des fenêtres. Les pavés font presque autant de mal et ne coûtent pas si cher. Les ouvriers n’ont pas d’argent à perdre.

Pour l’intérieur des maisons, le revolver et l’arme blanche, baïonnette, épée, sabre et poignard. Dans un abordage la pique ou la pertuisane de huit pieds triompherait de la baïonnette.

L’armée n’a sur le peuple que deux grands avantages, le fusil Chassepot et l’organisation. Ce dernier surtout est immense, irrésistible. Heureusement on peut le lui ôter, et dans ce cas, l’ascendant passe du côté de l’insurrection.

Dans les luttes civiles, les soldats sauf de rares exceptions, ne marchent qu’avec répugnance, par contrainte et par eau-de-vie. Ils voudraient bien être ailleurs et regardent plus volontiers derrière que devant eux. Mais une main de fer les retient esclaves et victimes d’une discipline impitoyable ; sans affection pour le pouvoir, ils n’obéissent qu’à la crainte et sont incapables de la moindre initiative. Un détachement coupé est un détachement perdu. Les chefs ne l’ignorent pas, s’inquiètent avant tout de maintenir les communications entre tous leurs corps. Cette nécessité annule une partie de leur effectif.
Dans les rangs populaires, rien de semblable. Là on se bat pour une idée. Là on ne trouve que des volontaires, et leur mobile est l’enthousiasme, non la peur. Supérieurs à l’adversaire par le dévouement, ils le sont bien plus encore par l’intelligence. Ils l’emportent sur lui dans l’ordre moral et même physique, par la conviction, la vigueur, la fertilité des ressources, la vivacité de corps et d’esprit, ils ont la tête et le coeur. Nulle troupe au monde n’égale ces hommes d’élite.

Que leur manque-t-il donc pour vaincre ? Il leur manque l’unité et l’ensemble qui fécondent, en les faisant concourir au même but, toutes ces qualités que l’isolement frappe d’impuissance. Il leur manque l’organisation. Sans elle, aucune chance. L’organisation, c’est la victoire ; l’éparpillement, c’est la mort.

Juin 1848 a mis cette vérité hors de conteste. Que serait-ce donc aujourd’hui ? Avec les vieux procédés, le peuple tout entier succomberait si la troupe voulait tenir, et elle tiendra tant qu’elle ne verra devant elle que des forces irrégulières, sans direction. Au contraire, l’aspect d’une armée parisienne en bon ordre manoeuvrant selon les règles de la tactique frappera les soldats de stupeur et fera tomber leur résistance.

Une organisation militaire, surtout quand il faut l’improviser sur le champ de bataille, n’est pas une petite affaire pour notre parti. Elle suppose un commandement en chef et, jusqu’à un certain point, la série habituelle des officiers de tous grades. Où prendre ce personnel ? Les bourgeois révolutionnaires et socialistes sont rares et le peu qu’il y en a ne fait que la guerre de plume. Ces messieurs s’imaginent bouleverser le monde avec leurs livres et leurs journaux, et depuis seize ans ils barbouillent du papier à perte de vue, sans se fatiguer de leurs déboires, ils souffrent avec une patience chevaline le mors, la selle, la cravache, et ne lâcheraient pas une ruade. Fi donc ! Rendre les coups ! C’est bon pour des goujats.

Ces héros de l’écritoire professent pour l’épée le même dédain que l’épauletier pour leurs tartines. Ils ne semblent pas se douter que la force est la seule garantie de la liberté, qu’un pays est esclave où les citoyens ignorent le métier des armes et en abandonnent le privilège à une caste ou a une corporation.

Dans les républiques de l’antiquité, chez les Grecs et les Romains, tout le monde savait et pratiquait l’art de la guerre. Le militaire de profession était une espèce inconnue. Cicéron était général, César avocat. En quittant la toge pour l’uniforme, le premier venu se trouvait colonel ou capitaine et ferré à glace sur l’article. Tant qu’il n’en sera pas de même en France, nous resterons les Pékins taillés à merci par les traîneurs de sabre.

Des milliers de jeunes gens instruits, ouvriers et bourgeois, frémissent sous un joug abhorré. Pour le briser, songent-ils à prendre l’épée ? Non ! la plume, toujours la plume, rien que la plume. Pourquoi donc pas l’une et l’autre, comme l’exige le devoir d’un Républicain ? En temps de tyrannie, écrire est bien, combattre est mieux, quand la plume esclave demeure impuissante. Eh bien ! point ! On fait un journal, on va en prison, et nul ne songe à ouvrir un livre de manoeuvres, pour y apprendre en vingt-quatre heures le métier qui fait toute la force de nos oppresseurs, et qui nous mettrait dans la main notre revanche et leur châtiment.

Mais à quoi bon ces plaintes ? C’est la sotte habitude de notre temps de se lamenter au lieu de réagir. La mode est aux jérémiades. Jérémie pose dans toutes les attitudes, il pleure, flagelle, il dogmatise, il régente, il tonne, fléau lui-même entre tous les fléaux. Laissons ces bobèches de l’élégie, fossoyeurs de la liberté ! Le devoir d’un révolutionnaire, c’est la lutte toujours, la lutte quand même, la lutte jusqu’à extinction.

Les cadres manquent pour former une armée ? Eh bien ! Il faut en improviser sur le terrain même, pendant l’action. Le peuple de Paris fournira les éléments, anciens soldats, ex-gardes nationaux. Leur rareté obligera de réduire à un minimum le chiffre des officiers et sous-officiers. Il n’importe. Le zèle, l’ardeur, l’intelligence des volontaires, compenseront ce déficit.

L’essentiel, c’est de s’organiser. Plus de ces soulèvements tumultueux, à dix mille têtes isolées, agissant au hasard, en désordre, sans nulle pensée d’ensemble, chacun dans son coin et selon sa fantaisie ! Plus de ces barricades à tort et à travers, qui gaspillent le temps, encombrent les rues, et entravent la circulation, nécessaire à un parti comme à l’autre. Le Républicain doit avoir la liberté de ses mouvements aussi bien que les troupes.

Point de courses inutiles, de tohu-bohu, de clameurs ! Les minutes et les pas sont également précieux. Surtout ne pas se claquemurer dans son quartier ainsi que les insurgés n’ont jamais manqué de le faire, à leur grande dommage. Cette manie, après avoir causé la défaite, a facilité les proscriptions. Il faut s’en guérir, sous peine de catastrophe.
Ces préliminaires posés, indiquons le mode d’organisation.

L’unité principale est le bataillon. Il se compose de huit compagnies ou pelotons.

Chaque compagnie compte un lieutenant, quatre sergents, cinquantesix soldats ; en tout soixante et un hommes.
Deux compagnies forment une division commandée par un capitaine. Le bataillon présente par conséquent treize officiers, savoir : un commandant, quatre capitaines, huit lieutenants, plus 32 sergents, 448 soldats et le porte-drapeau, total : 494 hommes. Les tambours sont en sus, si on en trouve.

La rareté prévue de l’élément qui forme les cadres, oblige de supprimer dans chaque compagnie deux officiers, le capitaine et le sous-lieutenant, deux sous-officiers, le sergent-major et le fourrier, enfin les huit caporaux. L’état-major de la compagnie se trouve ainsi réduit de seize à cinq individus. Il est vrai qu’elle est moins nombreuse que dans l’armée, où elle compte 90 hommes sur pied de guerre. Proportion gardée, c’est une différence d’état-major de cinq à onze.

Le chiffre de la compagnie est faible, afin de faciliter les manoeuvres tant du peloton que du bataillon.

Le capitaine, au lieu de commander un peloton comme dans la troupe, en commande deux, c’est-à-dire une division. Cependant les manoeuvres par division n’auront presque jamais lieu. A peu près impraticables dans Paris, elles ne peuvent servir qu’à plier le bataillon en masse Par divisions, sur une place ou une grande voie. Mais il importe de donner un chef spécial à la division, soit qu’elle occupe une, deux ou quatre barricades. Dans le premier cas, la barricade est importante par le nombre de ses défenseurs. Dans les deux autres, il est essentiel de ne pas laisser dans une direction supérieure les deux ou quatre petits postes.

Organisation du peloton.

Le peloton se divise en deux sections, chacune de 28 soldats et de deux sous-officiers.

La section se subdivise en deux demi-sections, chacune de 14 soldats et un sous-officier.

Place des officiers et sous-officiers dans le peloton en bataille.

Le lieutenant à la droite de son peloton, au premier rang.

Le premier sergent derrière le lieutenant, au second rang.

Le deuxième sergent, à la gauche de la section de droite, au premier rang.

Le troisième sergent, derrière le deuxième, à la droite de la section de gauche, au second rang.

Le quatrième sergent, à la gauche de la section de gauche et du peloton, au premier rang.

Des guides.

Le premier sergent est guide de droit du peloton et de la section de droite. Il est guide de droite et de gauche de la première demi-section de droite.

Le deuxième sergent est guide de gauche de la section de droite. Il est guide de droite et de gauche de la seconde demi-section de droite. Il est porte-fanion du peloton.

Le troisième sergent est guide de droite de la section de gauche. Il est guide de droite et de gauche de la première demi-section de gauche.
Le quatrième sergent est guide de gauche du peloton et de la section de gauche. Il est guide de droite et de gauche de la seconde demi-section de gauche.

Placer les officiers et sous-officiers, quand le bataillon est en colonne, la droite ou la gauche en tête.

1° En colonne, par pelotons, le lieutenant se tient à droite du peloton. Le premier, deuxième et quatrième sergents, au premier rang, le troisième au second rang, derrière le deuxième ;

2° En colonne par sections, le lieutenant se tient à droite de la section de tête. Les quatre sergents à droite et à gauche de leurs sections respectives au premier rang ;

3° En colonne par demi-sections le lieutenant se tient à la droite de la demi-section de tête. Les quatre sergents, étant guides de droite et de gauche de leurs demi-sections, sont tantôt à droite, tantôt à gauche, selon le commandement, toujours au premier rang.

Les deux sergents qui se trouvent aux extrémités du bataillon en bataille, en sont guides de droite et de gauche et se tiennent au premier rang. Le lieutenant du peloton de droite, s’écarte à droite, pour faire place au guide.

Place des capitaines, en bataille et en colonne :

Le bataillon étant en bataille, les capitaines se tiennent à quelques pas en arrière du centre de leurs divisions respectives. Le bataillon étant en colonne, chaque capitaine se tient sur le flanc gauche de sa division.
Le chef de bataillon n’a point de place fixe.

Nota. - Les quatre sous-officiers restent constamment dans les rangs qu’ils encadrent. Ils ne sont jamais en serre-file comme dans la troupe. Les ouvriers Parisiens, volontaires au service de la liberté, n’ont pas besoin de sergents pousseculs.

Place du porte-drapeau, en bataille et en colonne

1° en bataille, le porte-drapeau est à la gauche du quatrième peloton, au premier rang ;

2° en colonne, par divisions, le porte-drapeau est au centre, à égale distance entre la seconde et la troisième divisions ;

3° en colonne, par pelotons, le porte-drapeau est à gauche, dans l’alignement des guides, à égale distance entre le quatrième et le cinquième peloton ;

4° en colonne par sections, ou par demi-sections, le porte-drapeau est au centre, à. égale distance entre le quatrième et le cinquième peloton.
Le drapeau est rouge, - chaque compagnie a son fanion ou guidon de couleur particulière :

1° peloton-fanion rouge ;

2° peloton-fanion violet ;

3° peloton-fanion verd (sic) ;

4° peloton-fanion jaune ;

5° peloton-fanion bleu ;

6° peloton-fanion rose ;

7° peloton-fanion orange ;

8° peloton-fanion noir.

Les officiers et sous-officiers porteront, comme insignes, un ruban de couleur du guidon de leur compagnie, les lieutenants au bras gauche, entre l’épaule et le coude, les sergents au poignet gauche. Le ruban de la 8e compagnie sera noir à double liseré rouge.

Les capitaines porteront entre l’épaule et le coude un ruban de la couleur de chacune des deux compagnies formant leur division, au bras droit du peloton impair, au bras gauche celui du peloton pair. Le ruban noir du 4e capitaine aura double liseré rouge.

Le chef de bataillon porte au bras gauche, entre l’épaule et le coude, un large ruban rouge, à frange pendante.

Le numéro de chaque. bataillon sera inscrit au haut de la hampe du fanion de ses huit compagnies.

Les diverses couleurs tant des fanions que des officiers et sous-officiers, ont pour but de faire reconnaître a première vue dans la mêlée les différentes compagnies et d’opérer un prompt ralliement.

Chaque homme occupant deux pieds dans le rang, la demi-section a cinq mètres de front, la section dix, le peloton, vingt, la division, quarante, le bataillon, cent soixante.

Il faut toujours manoeuvrer avec 70 ou 75 centimètres de distance entre les deux rangs, afin que le second rang ne soit pas obligé d’emboîter le pas, chose très incommode pour des novices. Si on doit faire feu, le deuxième rang serre le premier, afin de passer les fusils entre les têtes des hommes du premier rang.

Des manoeuvres.

Tous les officiers doivent connaître parfaitement l’école de peloton et l’école de bataillon. Pour savoir le moins, il est bon de savoir le plus. Néanmoins, il est évident qu’il n’y aura lieu d’employer qu’un petit nombre des mouvements décrits dans l’une et l’autre école. Il est donc essentiel d’étudier ceux-là de préférence. Ils ont surtout pour but de régulariser la formation en bataille.

Voici les principaux

1° Le bataillon étant en bataille rompre à droite ou à gauche soit par pelotons, soit par sections, soit par demi-sections ;

2° Le bataillon étant en bataille, rompre en arrière à droite ou à gauche, soit par pelotons, soit par sections, soit par demi-sections.
Nota-bene. - Dans ce dernier mouvement, faire par le flanc sans dédoubler. - Du reste, l’autre manière de rompre est préférable ;

3° Le bataillon marchant en colonne par pelotons, rompre les pelotons ;

4° Le bataillon marchant en colonne par sections, rompre les sections.
Nota-bene. - Ces deux derniers mouvements doivent s’exécuter au pas de gymnastique, afin de ne pas perdre de temps ni de terrain ;

5° Le bataillon marchant en colonne par demi-sections, former les sections ;

6° Le bataillon marchant en colonne par sections, former les pelotons.

Nota-bene. - Les pelotons ayant vingt mètres de front, le bataillon ne pourra marcher en colonne par pelotons que sur les plus larges chaussées.

La marche la plus habituelle sera en colonne par sections qui n’occupe que onze de front.

On rompra les sections, avant d’entrer dans une rue ayant moins de douze mètres de large ;

7° Le bataillon marchant en colonne par pelotons, ou par sections, ou par demi-sections, le former à droite ou à gauche en bataille.
Nota-bene. - Cette formation en bataille étant la plus prompte, est la meilleure. Mais elle présente des difficultés. On ne peut former régulièrement la colonne à droite ou à gauche en bataille, que si les pelotons, ou les sections ou les demi-sections ont exactement conservé leurs distances, c’est-à-dire si la distance qui les sépare est égale à leur front. Si elle est plus grande, il reste des vides dans le bataillon formé en bataille. Si, au contraire, la distance est moindre que le front, les fractions du bataillon, en arrivant à l’alignement, se heurtent et s’entassent les unes sur les autres, faute de place ;

8° La colonne étant en marche par pelotons, par sections ou par demi-sections, la former sur la droite ou sur la gauche en bataille.

Nota-bene. - Ce mouvement n’a pas les inconvénients du précédent, et devant l’ennemi, il a l’avantage d’ouvrir le feu dès le début de la formation. Mais, pour mettre simplement la colonne en bataille, il est d’une extrême lenteur.

Le mouvement de flanc, par dédoublement, a le très grand avantage de former instantanément le bataillon en colonne, s’il est en bataille, ou en bataille, s’il est en colonne. Mais il a cet inconvénient qu’il est impossible de serrer la colonne. En outre, les deux mouvements : faire par le flanc, et faire front, sont difficiles pour des hommes qui n’ont jamais été exercés. Néanmoins il sera utile d’enseigner cette manoeuvre au bataillon, aussitôt qu’il sera organisé. L’intelligence des ouvriers Parisiens leur en fera comprendre le mécanisme en quelques minutes.

Lorsqu’un bataillon en marche doit faire tête de colonne à droite ou à gauche, pour entrer dans une rue latérale, il faut employer le mouvement « tournez à droite », ou « tournez à gauche », préférable à la conversion régulière qui est plus lente et plus difficile.

Tous les changements de direction de la colonne doivent se faire par ce même mouvement « tournez à droite ou à gauche ».

Le bataillon devra toujours marcher et manoeuvrer au pas de route, c’est-à-dire les deux rangs à distance de 70 ou 75 centimètres, afin que le second rang ne soit pas obligé d’emboîter le pas, et marche en liberté.

Tous les mouvements devront être exécutés avec rapidité, sans se piquer de précision ni d’élégance. La promptitude avant tout.
Le port d’armes en sous-officier, le fusil dans la main droite, le bras allongé le long de la cuisse, la sous-garde tournée en avant.
Il faudra faire appel aux hommes qui savent battre la caisse. Les tambours sont de première nécessité pour les commandements.

Manoeuvres par divisions.

Les manoeuvres par divisions ne peuvent être que fort rares dans Paris. Il importe néanmoins d’étudier les suivantes :

1° Le bataillon étant en colonne par pelotons, serrés en masse, ou à demi-distance ou à distance entière, former les divisions ;

2° Le bataillon étant en bataille, le ployer en colonne serrée par division sur l’une quelconque des quatre divisions, la droite ou la gauche en tête ;

3° Le bataillon étant en colonne serrée par divisions, en marche ou de pied ferme, le déployer sur l’une quelconque des quatre divisions. La colonne par peloton.

Esquisse de la marche à suivre dans une prise d’armes à Paris.

Les hommes qui prennent l’initiative du mouvement, ont choisi d’avance un commandant en chef et un certain nombre d’officiers, dont les fonctions commencent avec l’insurrection elle-même.

Manière d’organiser.

Aussitôt que des citoyens accourent, à la vue du soulèvement, les faire mettre en bataille sur deux rangs.

Les engager au silence et au calme, leur adresser une brève allocution. Leur annoncer ensuite que tout citoyen marchant sous le drapeau de la République, recevra des vivres et cinq francs par jour, en indemnité de salaire, pendant la durée de la lutte.

Inviter tous ceux qui ont servi dans l’armée ou fait partie de la garde nationale, à sortir des rangs et à se présenter sur le front de la ligne.
Les classer en officiers, sous-officiers et simples soldats. Mettre en réserve les premiers comme officiers supérieurs, choisir les sous-officiers pour lieutenants, chefs de pelotons, les simples soldats pour sergents.

Distribuer aux lieutenants et aux sergents un imprimé qui leur explique l’organisation de l’armée populaire et les diverses mesures à prendre.
Les caser à leurs places respectives comme-officiers et sous-officiers et encadrer entre eux les soldats de chaque peloton, et former ainsi les compagnies jusqu’à épuisement du personnel présent.

S’il n’y a pas assez d’hommes pour compléter un bataillon, ranger a la suite des pelotons constitués, les cadres de ceux qui restent à former, cadres prêts à recevoir les volontaires nouveaux.
Si, au contraire, c’est le personnel des cadres qui est insuffisant, faire appel aux hommes qui se sentent assez d’intelligence pour commander, leur assigner les fonctions de lieutenant et de sergents, et leur donner l’imprimé qui les mettra au courant de l’organisation.
Le nombre des pelotons ainsi formés restant inférieur à huit, déclarer néanmoins le bataillon constitué.

S’il est supérieur à huit, constituer avec l’excédent un deuxième bataillon, qui se complétera par l’adjonction de nouveaux volontaires.
Distribuer aux lieutenants et aux sergents les rubans de diverses couleurs qu’ils doivent porter comme insignes ; déployer le drapeau du bataillon, ainsi que les fanions des compagnies qui seront confiés aux deuxièmes sergents.

Aussitôt le drapeau déployé, faire prêter aux officiers, sous-officiers et soldats le serment ci-après :

« Je jure de combattre jusqu’à la mort pour la République, d’obéir aux ordres des chefs, et de ne pas m’écarter un seul instant du drapeau, ni de jour ni de nuit, avant que la bataille soit terminée. »

Distribuer les armes disponibles aux compagnons et aux bataillons, dans l’ordre chronologique de leur formation ; premiers organisés, premiers armés.

S’il n’existe que quelques fusils, les donner aux sergents porte-fanions.
Les officiers et sous-officiers feront constamment aux soldats les recommandations suivantes :

« Ne jamais perdre une seconde - rester en ordre - observer le silence (sauf le cri de Vive la République poussé seulement à un signal donné) - marcher d’un pas rapide. Dans le cas d’un engagement, n’agir que d’après le commandement. Si on a le dessous, se rallier vite et sans tumulte au drapeau et aux fanions. - Si on a le dessus, garder les rangs, sans bruit, ni cri, prêts à marcher. - Exécuter tous les ordres avec rapidité et si on doit s’éloigner du drapeau pour les remplir, le rallier vivement, aussitôt l’ordre accompli. »

Le cri de Vive la République ne doit être poussé qu’au signal des chefs, parce qu’une marche silencieuse est souvent de la plus impérieuse nécessité.

Qu’on soit en marche ou en halte, organiser aussitôt tous les ouvriers qui se rencontreront sur le passage de la colonne.

S’il y a des cadres en excédent, ils marcheront à la queue de la colonne, dans l’ordre des numéros de leurs compagnies, incorporant en chemin, sans s’arrêter, tous les hommes de bonne volonté trouvés sur la route.

Les officiers et sous-officiers des pelotons ainsi formés pendant la marche, demandent immédiatement aux citoyens incorporés s’ils ont servi dans l’armée ou appartenu à la garde nationale ; et ils font sortir sur le flanc de la colonne ceux qui se trouvent dans ce cas.

Des officiers d’état-major accompagnent la colonne afin de constituer avec ces nouveaux éléments des cadres de compagnies et de bataillons, en assignant les grades d’après la règle indiquée plus haut. Ils distribuent les rubans servant d’insignes, font déployer les fanions et les drapeaux des nouveaux corps qui se mettent à la suite.

L’organisation des nouveaux bataillons continuera ainsi sans înterruption, pendant la durée de la lutte. Toute colonne en marche ralliera les ouvriers rencontrés sur son chemin et les formera en compagnies et en bataillons d’après les procédés ci-dessus.

Aussitôt que le nombre des bataillons dépassera neuf, ils pourront être réunis par régiments et par brigades.

Dès le début de l’insurrection, des citoyens dévoués seront chargés de couper les fils télégraphiques et de détruire les communications du gouvernement avec la province.

Mesures insurrectionnelles.

Aussitôt que la chose sera possible, le commandant en chef établira des commissions d’armement, de vivres et de sûreté publique.
Commission d’armement.

La commission d’armement fera rechercher, soit dans les magasins et fabriques d’arquebuserie, soit chez les particuliers, toutes les armes disponibles, fusils de guerre et de chasse, pistolets, revolvers, sabres et épées, ainsi que les poudres entreposées chez les débitants ou réunies en dépôt, notamment chez les artificiers.

Elle requerra le plomb en existence chez les plombiers, les moules à balles de tous calibres chez les quincailliers, fera fabriquer des mandrins par les tourneurs, des mesures à poudre, installera des ateliers où les femmes et les enfants seront employés moyennant salaire à la fonte des balles et à la confection des cartouches.
Elle fera préparer des fanions, des drapeaux et des rubans pour insignes.

Elle requerra chez les fabricants de produits chimiques, les matières qui entrent dans les diverses sortes de poudres notamment l’acide sulfurique et l’acide nitrique anhydres ou concentrés, éléments du fulmicoton. On mettra en réquisition pour ces travaux les élèves en pharmacie.

Commission des vivres.

La commission des vivres requerra chez les boulangers, bouchers et dans les entrepôts de liquides, le pain, la viande, les vins et liqueurs nécessaires à la consommation de l’armée Républicaine, Elle mettra en réquisition les traiteurs, restaurateurs et autres établissements de ce genre pour la préparation des vivres.

Il y aura, par chaque bataillon, un commissaire des vivres chargé de veiller à la distribution et de faire connaître à la commission les besoins du bataillon.

Commision de sûreté publique.

La commission de sûreté publique a pour mission de, déjouer les trames de la police et les manoeuvres des contre-révolutionnaires, de faire imprimer, distribuer et afficher les proclamations ou arrêtés du Commandant en chef, de surveiller les télégraphes, les chemins de fer, les établissements impériaux, en un mot, de dissoudre les moyens d’action de l’ennemi, d’organiser et d’assurer ceux de la République.
Les fonds nécessaires pour le service de ces trois commissions et pour le paiement de l’indemnité quotidienne de cinq francs, allouée aux citoyens présents sous les drapeaux, seront prélevées sur les caisses publiques.

Il sera délivré aux marchands et industriels, récépissé régulier des livraisons de marchandises quelconques par eux fournies, sur réquisition. Ces fournitures seront soldées par le gouvernement républicain.

Les trois commissions rendront compte de leurs travaux, d’heure en heure au commandant en chef et exécuteront ses ordres.
Il sera formé un service spécial pour les ambulances.

Aucun mouvement militaire ne devant avoir lieu que d’après l’ordre du commandant en chef, il ne sera élevé de barricades que sur les emplacements désignés par lui.

Sous peine d’une prompte débâcle, les barricades ne peuvent plus être aujourd’hui une oeuvre comme en 1830 et 1848, confuse et désordonnée. Elles doivent faire partie d’un plan d’opération, arrêté d’avance.

Dans ce système, chaque retranchement est occupe par une garnison qu’on abandonne point à elle-même, qui reste en communication suivie avec les réserves et en reçoit constamment des renforts proportionnés aux dangers de l’attaque.

Le tohu-bohu et l’éparpillement ne constituaient pas le seul vice des anciennes barricades. Leur construction n’était pas moins défectueuse.
Amas informe de pavés, entremêlés de voitures sur le flanc, de poutres et de planches, ce mauvais barrage n’était pas un obstacle pour l’infanterie qui l’enlevait au pas de course. Quelques gros retranchements peut-être, faisaient exception. Encore pas un seul n’était à l’abri de l’escalade. Ils servaient eux-mêmes d’échelle.
Arrêter les troupes, les contraindre à un siège, résister même assez longtemps au canon, telle est. la destination d’une barricade. Il faut donc la construire d’après ces données, pour qu’elle atteigne son triple but. Jusqu’ici, elle n’y a pas satisfait le moins du monde.

Croquis de barricade

« Profil de la barricade complète, rempart et contre-garde avec glacis. Le rempart et le mur interne de la contre-garde sont maçonnés en plâtre. »

Dans l’état actuel de Paris, malgré l’invasion du macadam, le pavé reste toujours le véritable élément de la fortification passagère, à condition toutefois d’en faire un usage plus sérieux que par le passé. C’est une affaire de bon sens et de calcul.

L’ancien pavé, qui tapisse encore la majeure partie de la voie publique est un cube de 25 centimètres de côté. On peut, dès lors, supputer par avance le nombre de ces blocs qui sera mis en oeuvre pour bâtir un mur, dont les trois dimensions, longueur, largeur et hauteur sont déterminées.

Barricade régulière.

La barricade complète consiste dans un rempart et sa contre-garde ou couvre-face.

Le rempart est en pavés maçonnés au plâtre, large d’un mètre, haut de trois, encastré par des extrémités dans les murs de façade des maisons.

La contre-garde, placée à six mètres en avant du rempart se compose de deux parties attenantes l’une à l’autre, savoir : un mur interne de mêmes dimensions et constructions que le rempart, et un glacis en pavés secs amoncelés s’étendant sur une longueur de quatre mètres jusqu’à l’entrée de la rue.

Un mètre cube contient 64 pavés de 25 centimètres de côté. Le rempart ainsi que le mur interne de la contre-garde ont toujours deux facteurs fixes, la hauteur 3 mètres, la largeur ou épaisseur un mètre. La longueur seule varie. Elle dépend de la largeur de la rue.
En supposant ici la rue de 12 mètres, et par conséquent, le chiffre 12, facteur commun pour le rempart, le mur interne maçonné du glacis, et le glacis lui-même, on aura :

Le rempart = 3x1x12 = 36

Le mur intérieur du glacis = 3x1x12 = 36

Le glacis = 3x4x12/2 = 72

Le cube total de la barricade et de sa contre-garde sera de 144 mètres qui, à 64 pavés par mètre cube, donnent 9186 pavés, représentant 191 rangées à 4 × 12 ou 48 par rangées. Ces 192 rangées occupent 48 mètres de long. Ainsi la rue serait dépavée dans une longueur de 48 mètres, pour fournir les matériaux du retranchement complet.
Le calcul n’ayant pas tenu compte de la place occupée par le plâtre dans le rempart et le mur interne de la contre-garde le nombre de pavés serait diminué d’autant. Il serait moindre encore dans le glacis, par suite des vides existant entre les pavés entassés en désordre.
Les petits pavés rectangulaires qui ont remplacé en partie le macadam des grandes voies, pourraient servir également à l’érection des barricades. Mais le travail des parties maçonnées serait plus long et consommerait plus de plâtre.

Dans tous les cas, il est bien évident qu’un pareil retranchement ne serait pas bâclé dans une heure. Or, il importe de se mettre en défense le plus promptement possible. On peut parer à cette difficulté.
Le détachement chargé de construire et d’occuper la barricade doit se rendre sur le terrain avec une voiture de sacs de plâtre, plus des brouettes, des voitures à bras, des leviers, des pics, des pelles, des pioches, des marteaux, des ciseaux à froid, des truelles, des seaux, des auges. Les réquisitions de tous ces objets seront faites chez les marchands respectifs dont les adresses se trouvent dans l’Almanach du Commerce. On choisira les plus voisins du point de départ.
Une fois sur le terrain, le chef du poste fait commencer le rempart à 15 mètres environ du débouché de la rue, et au lieu de trois mètres de hauteur, ne lui en donne que la moitié.

Ce mur de quatre pieds et demi a précisément la hauteur normale pour le tir d’un fantassin debout. On peut l’escalader sans doute, mais l’opération n’est pas commode. C’est déjà un obstacle respectable. Or, ce massif n’a que 18 mètres cubes ou 1152 pavés, qui représente 24 rangées ou 6 mètres de longueur à dépaver. Cela peut se faire assez rapidement.

On achève ensuite le rempart jusqu’à trois mètres à mi-hauteur (1 m 1/2), c’est-à-dire à un mètre et demi, on laisse, de distance en distance, des trous destinés à recevoir des solives, sur lesquelles on posera des planches formant banquette pour le tir.

Le dessus du mur interne de la contre-garde doit être plan, sans inclinaison ni en dedans ni en dehors afin de ne pas donner prise au boulet qui écrêterait la partie la plus haute amincie.
Le dessus du rempart peut être incliné légèrement, afin de ménager au tir une certaine plongée. Il sera crépi et lissé à la truelle, ainsi que la paroi faisant face à la contre-garde.

Les trous pratiqués à mi-hauteur pour l’échafaudage de construction, tant au mur de la contre-garde qu’au rempart seront bouchés avec soin. Les parois du rempart et de la contre-garde qui se font face, devront être lissées à la truelle, et n’offrir aucune aspérité favorisant l’escalade.

Les rangées de pavés de chaque assise de deux murs seront posées en échiquier, ainsi que les assises elles-mêmes, par rapport l’une à l’autre.

Si le rempart dépassait en hauteur le mur de la contre-garde, les boulets démoliraient la partie saillante. Dans le cas cependant où du rempart on voudrait tirer au loin sur l’ennemi, il suffirait d’y placer des sacs à plâtre remplis de terre. Les combattants se hausseraient eux-mêmes au moyen de pavés.

Du reste, le retranchement est plutôt une barrière qu’un champ d’action. C’est aux fenêtres que se trouve le véritable poste de combat. De là, des centaines de tirailleurs peuvent diriger dans tous les sens un feu meurtrier.

L’officier chargé de défendre le débouché d’une rue, fait occuper, en arrivant, les maisons des deux angles par le tiers de son monde, les hommes les mieux armés, détache en avant quelques vedettes pour éclairer les rues et prévenir une surprise, et commence les travaux du retranchement avec les précautions et dans l’ordre indiqués plus haut.
Si une attaque survient avant l’achèvement du mur simple, d’un mètre et demi de haut, l’officier se retire avec tout son monde dans les maisons des deux angles, après avoir mis en sûreté dans une cour intérieure, voiture, chevaux, matériel de toute espèce. Il se défend par les feux des fenêtres et les pavés lancés des étages supérieurs. Les petits pavés rectangulaires des grandes voies macadamisées sont excellents pour cet usage.

L’attaque repoussée, il reprend et presse sans relâche la construction de la barricade en dépit des interruptions. Au besoin des renforts arrivent.
Cette besogne terminée, on se met en communication avec les deux barricades latérales, en perçant les gros murs qui séparent les maisons situées sur le front de défense. La même opération s’exécute simultanément, dans les maisons des deux côtés de la rue barricadée jusqu’à son extrémité, puis en retour à droite et à gauche, le long de la rue parallèle au front de défense, en arrière.

Les ouvertures sont pratiquées au premier et au dernier étage, afin d’avoir deux routes ; le travail se poursuit à la fois dans quatre directions.

Tous les îlots ou pâtés de maisons appartenant aux rues barricadées, doivent être percés dans leur pourtour, de manière que les combattants puissent entrer et sortir par la rue parallèle de derrière, hors de la vue et de la portée de l’ennemi.

Dans ce travail, la garnison de chaque barricade doit se rencontrer à mi-chemin, tant sur le front de défense que dans la rue de derrière avec les deux garnisons des deux barricades voisines, de droite et de gauche.

Le boulevard Sébastopol étant supposé front de défense, on a pris sur ce front une étendue d’environ 140 mètres, qui comprend les débouchés de trois rues et un peu au-delà, savoir les rues Aubry-le-Boucher, de la Reynie, et des Lombards.

Les trois rues sont fermées à leur issue sur le boulevard, par des barricades avec contre-gardes. Les dimensions et les distances sont rigoureusement exactes sur le plan.

La garnison du retranchement La Reynie, après avoir complété les constructions de la rue et simultanément même percé des maisons le long du boulevard, vers la rue Aubry-le-Boucher, à droite, et vers la rue des Lombards, à gauche.

Elle fait la même opération des deux côtés de la rue de la Reynie, en gagnant la rue des Cinq-Diamants, et parvenue à l’extrémité, tourne à gauche, vers la rue Aubry-le-Boucher, à droite vers la rue des Lombards, en continuant son travail.

De leur côté, les garnisons des barricades Aubry-le-Boucher et Lombards vont à la rencontre des travailleurs La Reynie, d’après la même méthode, et la jonction s’opère à mi-chemin.

Les maisons ont été indiquées au hasard sur le boulevard Sébastopol, mais dans les rues de La Reynie, Aubry-le-Boucher, des Lombards et des Cinq-Diamants, le nombre des maisons ou plutôt des gros murs qui les séparent a été relevé avec exactitude sur un ancien plan très détaillé.

La Garnison La Reynie aurait donc à percer, entre la moitié des maisons du boulevard, entre les deux rues latérales, douze murs dans la rue de La Reynie, cinq d’un côté, sept de l’autre, plus sept autres dans la rue des Cinq-Diamants, cinq à droite, deux à gauche.

En admettant dix maisons sur le front Sébastopol, ce qui ne donne à chacune que neuf mètres de façade, il y aurait donc en tout 24 murs à percer, six pour chaque escouade de travailleurs, puisqu’on procéderait dans quatre directions à la fois.

Du reste, si on est en nombre, on peut percer en même temps toutes les maisons de la rue barricadée et de la rue de derrière, puisqu’on a ses communications libres, en arrière du retranchement.

L’intérieur des îlots consiste généralement en cours et jardins. On pourrait ouvrir des communications à travers ces espaces, séparés d’ordinaire par de faibles murs. La chose sera même indispensable sur les points que leur importance ou leur situation spéciale exposent aux attaques les plus sérieuses.

Il sera donc utile d’organiser des compagnies d’ouvriers non-combattants, maçons, charpentiers, etc., pour exécuter les travaux conjointement avec l’infanterie.

Lorsque sur le front de défense, une maison est plus particulièrement menacée, on démolit l’escalier du rez-de-chaussée, et l’on pratique des ouvertures dans les planchers des diverses chambres du premier étage, afin de tirer sur les soldats qui envahiraient le rez-de-chaussée pour y attacher des pétards. L’eau bouillante jouerait aussi un rôle utile dans cette circonstance.

Si l’attaque embrasse une grande étendue de front, on coupe les escaliers, et on perce les planchers dans toutes les maisons exposes. En règle générale, lorsque le temps et les autres travaux de défense plus urgents le permettent, il faut détruire l’escalier du rez-de-chaussée dans toutes les maisons de l’îlot, sauf une, à l’endroit de la rue derrière le moins exposé.

La troupe enlève toujours assez facilement les barricades, à cause du petit nombre de leurs défenseurs, de l’isolement où on les abandonne, et du défaut de confiance mutuelle dû à l’absence d’organisation et de commandement. Les choses prendraient une toute autre face, avec une direction énergique et l’envoi successif de puissants renforts.
Jusqu’ici dans les luttes parisiennes, les insurgés sont toujours demeurés inactifs derrière leur semblant de barricades, oisiveté fatale chez des combattants très mal armés, sans artillerie, presque sans munitions. La bravoure seule ne suffit pas à compenser tous les désavantages matériels.

Les ouvriers Parisiens semblent ignorer leur principale force, la supériorité de l’intelligence et de l’adresse. Inépuisables en ressources, ingénieux, tenaces, initiés à toutes les puissances de l’industrie, il leur serait facile d’improviser en peu d’heures tout un matériel de guerre. Charpentiers, menuisiers, mécaniciens, fondeurs, tourneurs, maçons, ils peuvent suffire à tout, et opposer à l’ennemi cent sapeurs du génie pour un.

Mais il faut pour cela une activité incessante. Pas un seul homme ne doit rester inoccupé. Quand une besogne est finie, on en commence une autre, il y a toujours quelque chose à faire. En voici quelques-unes qui ont leur importance : Emmancher droites sur des hampes de sept pieds des lames de faux dont on a redressé au feu le crochet de la base et coupé le bourrelet formant dos, on fait tourner les hampes chez le tourneur le plus proche. Les lames de faux se trouvent en quantité chez les quincailliers.

Enlever les portes des appartements ou prendre des planches dans les magasins, les percer d’étroites meurtrières, longues de dix centimètres, les doubler d’épaisses feuilles des tôles percées de la même façon, et garnir de ces volets mobiles l’ouverture des fenêtres, le devant et les côtés des balcons pour diriger des feux de flanc dans la longueur des rues.

Amonceler des pavés à tous les étages, les plus petits au quatrième, au cinquième, aux mansardes, les plus gros au second et au troisième. En munir surtout les chambres situées au-dessus du retranchement.

Tout chef de barricade fera prendre chez les marchands les plus proches, les matériaux ou engins utiles à la défense, il mettra en réquisition les industriels, tels que tourneurs, menuisiers, serruriers, etc..., pour le confectionnement des objets que les soldats de la garnison ne seraient pas en mesure de fabriquer eux-mêmes. Il délivrera en échange des récépissés réguliers, valant factures.

Les commandants de barricades ne retiendront pas auprès d’eux les recrues qui viendraient les rejoindre. Ils les adresseront à leur supérieur immédiat, les lieutenants au capitaine, les capitaines au chef de bataillon, afin que ces hommes soient dirigés sur la réserve où s’opèrent l’organisation des nouveaux corps.

Cette règle est dictée par des motifs impérieux : 1° l’indemnité ne peut être allouée aux volontaires que sur constatation officielle de leur présence sous le drapeau, avec date précise ; 2° le commandant en chef doit toujours connaître le chiffre exact des forces de chaque retranchement ; 3° le bon ordre exige que l’effectif des compagnies et des bataillons demeure à peu près uniforme.

Les commandants de barricade adresseront des rapports fréquents à leurs supérieurs qui les feront tenir au quartier général.

Défense des barricades.

En supposant que l’armée tienne pied et s’acharne à la lutte, il est aisé de pressentir sa méthode d’attaque contre les positions républicaines.

D’abord, des détachements plus ou moins nombreux tirant aux fenêtres pendant leur marche, s’avanceront pour enlever une barricade. S’ils sont repoussés, et peut-être même sans avoir couru cette chance, ils perceront les maisons des îlots qui font face aux insurgés, et arriveront ainsi par l’intérieur sur le front de défense.

Les deux parties n’étant plus alors séparées que par la largeur de la rue, les soldats dirigeront un feu violent sur les fenêtres en face, pour chasser les défenseurs. Il faut s’attendre aussi que la troupe, en cas de résistance un peu longue, amènera du canon à travers l’îlot quelle occupe.

Elle le mettra en batterie sous une porte cochère, vis-à-vis une des maisons du front de défense, puis ouvrant soudainement la porte, canonnera les murs à bout portant, pour jeter bas l’édifice. Il ne tombera pas aux premiers coups, il faut un certain temps.

Dès que le canon sera démasqué, les Républicains tireront sur les artilleurs par les ouvertures du rez-de-chaussée, soupiraux, portes et balcons ayant vue sur l’allée de la porte cochère. On percera rapidement des meurtrières vis-à-vis, afin de multiplier les feux.

Règle générale : il est inutile de riposter aux soldats qui fusillent des fenêtres. C’est perdre sa poudre. L’ennemi en a de reste. Elle est rare chez les insurgés. Il est donc indispensable de la ménager. On se garantira des balles au moyen des volets doublés de tôle qui garnissent les fenêtres des balcons.

La garnison, dédaignant le feu des croisées, surveillera la rue pour empêcher l’ennemi de la traverser. Dès qu’il tentera le passage, il faut le fusiller à outrance, l’accabler de pierres et de pavés, du haut des maisons. En même temps, on se tiendra prêt à la fusiller, à l’arroser d’eau bouillante par le plancher du premier étage, s’il pénétrait dans le rez-de-chaussée, malgré le barricadement des portes et des fenêtres. Durant le combat, veiller avec soin à ce qu’il ne puisse attacher des pétards. Ne pas ménager les pavés, les bouteilles pleines d’eau, même les meubles, à défaut d’autres projectiles. Oter les volets en tôle des hauts étages, pour lancer les pierres, en évitant les balles d’en face.

Quant au retranchement, il ne sera pas facile d’en avoir raison. Le boulet ne pourrait atteindre le rempart que par le tir à ricochet, et le faible intervalle de six mètres, qui le sépare de la contre-garde, rendrait ce tir inefficace.

L’obus sera également impuissant. Il viendra faire explosion en avant ou en arrière ou dans l’intervalle des deux ouvrages, et ses éclats écorcheront le plâtre des murailles, rien de plus. Car il ne trouvera là personne. La barricade sera défendue par les fenêtres.

L’assaut serait très meurtrier pour les assaillants. Il faudrait essuyer la fusillade jusqu’au pied du glacis, et à partir de ce point, braver un péril plus redoutable encore, il ne serait possible de descendre du mur interne, puis de franchir le rempart qu’avec des échelles de huit pieds, bagage incommode, et sous une grêle de pavés et de balles.

Si, en construisant la barricade, on a pu enfermer une ou deux portes cochères, dans l’intervalle de six mètres, entre le rempart et sa contregarde, des pelotons de faucheurs massés derrière les battants de la porte qui s’ouvrira tout à coup, se jetteront sur les soldats qui seraient descendus de la contre-garde et les mettront en pièces dans cette souricière car leurs baïonnettes ne seront pas de longueur contre leurs pertuisanes.

S’il n’existe point de porte cochère, les faucheurs se masseront au rez-de-chaussée afin de s’élancer par les portes d’allées ainsi que par les fenêtres basses. Au préalable, le commandant aura fait cesser la pluie de balles et de pavés, ce que la troupe pourra prendre pour un signe de défaite, méprise qui lui deviendrait fatale.

Si l’ennemi est rebuté par la longue résistance d’une ou de plusieurs barricades, il recourra peut-être à l’incendie des maisons par les obus. Eteindre le feu sera difficile. Si on n’y réussit pas, la retraite deviendra inévitable. Il faudra se replier de maison en maison sur une deuxième ligne de défense. Les troupes ne joueraient pas longtemps ce jeu-là. On ne fera pas de Paris une seconde Saragosse.

La lutte des barricades fournira au commandant en chef l’occasion de prendre à son tour l’offensive et de jeter des colonnes d’attaque sur les flancs et les derrières des assaillants.

Les blessés seront évacués sur les ambulances, désignées aux chefs de corps ; les morts seront transportés aux hôpitaux.

Des mines.

Les troupes pourraient avoir recours à la mine pour forcer un front de défense trop tenace. C’est un moyen puissant, mais assez peu probable. L’ennemi n’en usera certainement pas au début. Ce moyen est long et dénote d’ailleurs une certaine timidité, qui ébranlerait l’esprit du soldat en lui montrant l’insurrection très redoutable.

Cependant il se peut que la nécessité fasse passer par-dessus cet inconvénient. Dans ce cas, le système d’égouts prend une grande importance. Dans toutes les rues où il s’en trouve, ils deviendraient le point de départ des galeries de mines.

L’ennemi a un plan détaillé des égouts de Paris. Ils sont de plusieurs dimensions. La carte des plus grands, dit égouts collecteurs, est connue de tout le monde. On la trouve dans le second volume de Paris-Guide. Mais ceux-là ne forment que le très petit nombre. La masse des canaux moyens et des rigoles demeure inconnue. Il serait utile de s’en enquérir auprès des ouvriers égoutiers.

Pendant le combat, il sera indispensable de faire reconnaître ces voies souterraines, par de nombreux détachements, auxquels on tracera un itinéraire. Ils seront munis d’échelles pour remonter à volonté par tous les regards.

On barricadera les embranchements qui aboutissent aux collecteurs eux-mêmes, d’après un plan réglé sur celui des opérations à ciel ouvert.

Toute rue servant de défense peut être traversée par une galerie de mine, il faudra donc s’assurer si elle recouvre un égout, et dans ce cas, occuper l’égout par des barricades, lorsque le front de défense sera attaqué avec vigueur par l’ennemi.

Des sentinelles le parcourront à pas de loup, posant l’oreille contre la paroi du côté des troupes, afin d’entendre le bruit de la sape et avertir aussitôt. Du reste, l’ennemi ne tenterait de pénétrer dans l’égout par la sape que s’il ne pouvait y arriver par la voie naturelle des embranchements, sa rencontre dans ses détours souterrains serait donc l’indice de ses projets de mine. Ces rencontres viendraient accroître les difficultés de l’opération et la rendre moins probable.

Dans les rues sans égouts, s’il en existe, la galerie serait creusée directement, à partir d’une cave, pour traverser la rue jusqu’à la maison vis-à-vis. Ce travail serait plus difficile à découvrir et à surprendre que celui des égouts. Des sentinelles devront coller l’oreille au mur de la cave bordant la rue, afin d’écouter le bruit des mineurs. La garnison, prévenue, les attendrait à l’issue pour leur faire un mauvais parti.

Somme toute, la guerre de mine est peu probable ; celle d’égout l’est davantage.

Des habitants des maisons occupées.

Les habitants des maisons occupées par les républicains seront invités dans leur propre intérêt, à se retirer avec leur numéraire, leurs valeurs quelconques et leur argenterie, après avoir fermé tous les meubles. On leur rappellera, d’après l’exemple du 2 décembre, que les soldats de Bonaparte, en pénétrant dans toute maison d’où il est parti un coup de feu, égorgent sans distinction hommes et femmes, vieillards au lit et enfants à la mamelle.

Si les vieillards, les femmes et les enfants se retirent, les hommes devront les suivre. On ne les laissera pas demeurer seuls au logis.

Lorsqu’on aura percé les murs de toutes les maisons d’un îlot, on pourra faire retirer les familles qui habitent le front de défense, dans la partie de derrière de l’îlot.

Dans le cas où, par suite de communications interceptées, les vivres viendraient à leur manquer, les Républicains leur en donneront, en prévenant du fait les commissaires de bataillon pour qu’ils approvisionnent en conséquence.

Il faut encore le répéter : la condition sine qua non de la victoire, c’est l’organisation, l’ensemble, l’ordre et la discipline. Il est douteux que les troupes résistent longtemps à une insurrection organisée et agissant avec tout l’appareil d’une force gouvernementale. L’hésitation les gagnera, puis le trouble, puis le découragement, enfin la débâcle.

Lénine sur le désarmement… du prolétariat

Un observateur bourgeois de la Commune écrivait, en mai 1871, dans un journal anglais : « Si la nation française ne se composait que de femmes, quelle terrible nation ce serait ! » Des femmes et des enfants à partir de 13 ans combattirent, pendant la Commune, aux côtés des hommes. Il ne saurait en être autrement dans les combats à venir pour le renversement de la bourgeoisie. Les femmes des prolétaires ne regarderont pas passivement la bourgeoisie bien armée tirer sur des ouvriers mal pourvus ou complètement dépourvus d’armes. Elles prendront le fusil, comme en 1871, et des nations terrorisées d’aujourd’hui ou plus exactement : du mouvement ouvrier d’aujourd’hui, davantage désorganisé par les opportunistes que par les gouvernements surgira sans aucun doute, tôt ou tard, mais infailliblement, une alliance internationale de « terribles nations » du prolétariat révolutionnaire.
La militarisation envahit actuellement toute la vie sociale. L’impérialisme est une lutte acharnée des grandes puissances pour le partage et le repartage du monde ; il doit donc étendre inévitablement la militarisation à tous les pays, y compris les pays neutres et les petites nations. Comment réagiront les femmes des prolétaires ? Se borneront elles à maudire toutes les guerres et tout ce qui est militaire, à réclamer le désarmement ? Jamais les femmes d’une classe opprimée vraiment révolutionnaire ne s’accommoderont d’un rôle aussi honteux. Elles diront à leurs fils :
« Bientôt tu seras grand. On te donnera un fusil. Prends-le et apprends comme il faut le métier des armes. C’est une science indispensable aux prolétaires, non pour tirer sur tes frères, les ouvriers des autres pays, comme c’est le cas dans la guerre actuelle et comme te le conseillent les traîtres au socialisme, mais pour lutter contre la bourgeoisie de ton propre pays, pour mettre fin à l’exploitation, à la misère et aux guerres autrement que par de pieux souhaits, mais en triomphant de la bourgeoisie et en la désarmant. »
Si l’on se refuse à faire cette propagande, et précisément cette propagande là, en liaison avec la guerre actuelle, mieux vaut s’abstenir complètement de grandes phrases sur la social démocratie révolutionnaire internationale, sur la révolution socialiste, sur la guerre contre la guerre.

Les partisans du désarmement se prononcent contre le point du programme relatif à l’« armement du peuple » en affirmant, entre autres raisons, que cette revendication accroîtrait le risque de concessions à l’opportunisme. Nous venons d’examiner l’aspect le plus important de la question : le rapport entre le désarmement, d’une part, et la lutte de classe et la révolution sociale, d’autre part. Voyons maintenant le rapport entre la revendication du désarmement et l’opportunisme. L’une des principales raisons qui militent contre cette revendication, c’est qu’avec les illusions qu’elle engendre, elle affaiblit et débilite fatalement notre lutte contre l’opportunisme.
Cette lutte est, sans aucun doute, la principale question à l’ordre du jour de l’Internationale. Une lutte contre l’impérialisme qui ne serait pas indissolublement liée à la lutte contre l’opportunisme serait une phrase creuse ou un leurre. L’une des principales lacunes de Zimmerwald et de Kienthal, l’une des causes fondamentales du fiasco (de l’insuccès, de l’avortement) possible de ces embryons d’une III° Internationale tient justement au fait que la question de la lutte contre l’opportunisme n’y a même pas été posée ouvertement ; encore moins l’a t on résolue dans le sens de la nécessité d’une rupture avec les opportunistes. L’opportunisme a triomphé pour un temps au sein du mouvement ouvrier européen. Dans tous les grands pays, il se manifeste sous deux nuances principales : premièrement, le social impérialisme avoué, cynique et par conséquent moins dangereux, de Messieurs Plékhanov, Scheidemann, Legien, Albert Thomas, Sembat, Vandervelde, Hyndman, Henderson, etc. Deuxièmement, le social impérialisme camouflé, kautskiste : Kautsky Haase et le « Groupe social démocrate du. Travail » en Allemagne ; Longuet, Pressemane, Mayéras et autres en France ; Ramsay Mac Donald et autres leaders du « Parti travailliste indépendant » en Angleterre ; Martov, Tchkhéidzé et autres en Russie ; Treves et autres réformistes dits de gauche en Italie.
L’opportunisme avoué est ouvertement et nettement contre la révolution et contre les mouvements et explosions révolutionnaires qui commencent à se produire ; il est directement allié aux gouvernements, si variées que soient les formes de cette alliance, depuis l’entrée dans les cabinets ministériels jusqu’à la participation aux comités des industries de guerre. Les opportunistes camouflés, les kautskistes, sont beaucoup plus nuisibles et dangereux pour le mouvement ouvrier, parce qu’ils se retranchent, pour défendre leur alliance avec les opportunistes de la première nuance, derrière des arguments spécieux faits de phrases sonores pseudo « marxistes » et de mots d’ordre pacifistes. La lutte contre ces deux formes de l’opportunisme dominant doit être menée sur tous les terrains de la politique prolétarienne : Parlement, syndicats, grèves, domaine militaire, etc.
Quelle est la caractéristique essentielle de ces deux formes de l’opportunisme dominant ?
Elle consiste en ceci que la question concrète du lien entre la guerre actuelle et la révolution, ainsi que les autres questions concrètes de la révolution, sont passées sous silence, escamotées ou traitées avec la préoccupation de ne pas enfreindre les interdictions policières. Et cela, bien qu’avant la guerre on ait souligné maintes et maintes fois, et de façon non officielle et officiellement dans le Manifeste de Bâle, le lien existant, très précisément, entre cette guerre qui ne faisait alors que s’annoncer et la révolution prolétarienne.
Mais la lacune essentielle de la revendication du désarmement, c’est qu’elle élude toutes les questions concrètes de la révolution. A moins que les partisans du désarmement n’envisagent un genre tout nouveau de révolution : la révolution sans armes ?

Poursuivons. Nous ne sommes pas le moins du monde des adversaires de la lutte pour des réformes. Nous n’entendons pas ignorer la triste éventualité qui menace le genre humain en mettant les choses au pire de connaître une seconde guerre impérialiste si la révolution ne surgit pas de la guerre actuelle, malgré les nombreuses explosions duos à l’effervescence et au mécontentement des masses et en dépit de nos efforts. Nous sommes partisans d’un programme de réformes qui soit dirigé aussi contre les opportunistes. Ceux ci seraient trop heureux de nous voir leur abandonner à eux seuls la lutte pour les réformes, et si nous allions, fuyant la triste réalité, nous réfugier au delà des nuages, sur les cimes d’un vague « désarmement ». Le « désarmement », c’est précisément la fuite devant la déplorable réalité, et nullement un moyen de la combattre.
A propos : l’un des graves défauts dans la manière dont certains hommes de gauche posent, par exemple, la question de la défense de la patrie, réside dans le fait que la réponse donnée n’est pas assez concrète. Dire que, dans la guerre impérialiste actuelle, la défense de la patrie est une tromperie bourgeoise réactionnaire est beaucoup plus juste théoriquement, et infiniment plus important pratiquement, que de formuler une thèse « générale » contre « toute » défense de la patrie. Cette dernière réponse est erronée et ne « démolit » pas l’ennemi direct des ouvriers à l’intérieur des partis ouvriers : les opportunistes.
A propos de la milice, nous devrions dire, pour donner une réponse concrète et pratiquement indispensable : nous ne sommes pas pour la milice bourgeoise, mais seulement pour une milice prolétarienne. Par conséquent, « pas un sou et pas un homme », non seulement pour l’armée permanente, mais aussi pour la milice bourgeoise, même dans des pays tels que les Etats Unis ou la Suisse, la Norvège, etc. D’autant plus que nous voyons, dans les républiques les plus libres (par exemple, en Suisse), la milice se prussianiser de plus en plus, et se prostituer en vue de la mobilisation de la troupe contre les grévistes. Nous pouvons réclamer l’élection des officiers par le peuple, l’abolition de toute justice militaire, l’égalité en droits pour les ouvriers étrangers et ceux du pays (c’est un point particulièrement important pour des Etats impérialistes comme la Suisse, qui exploitent d’une façon de plus en plus éhontée un nombre sans cesse croissant d’ouvriers étrangers, sans leur accorder aucun droit) ; ensuite : le droit pour, disons, chaque centaine d’habitants d’un pays donné de former des associations libres en vue d’étudier dans tous ses détails l’art militaire, en élisant librement leurs instructeurs qui seraient rétribués aux frais de l’Etat, etc. C’est seulement dans ces conditions que le prolétariat pourrait étudier l’art militaire vraiment pour son propre compte, et non au profit de ceux qui le tiennent en esclavage ; et cette étude répond incontestablement aux intérêts du prolétariat. La révolution russe a prouvé que tout succès, même partiel, du mouvement révolutionnaire, par exemple la conquête d’une ville, d’un faubourg industriel, d’une partie de l’armée, obligera inévitablement le prolétariat victorieux à appliquer un programme de ce genre.
Enfin, il va de soi que ce n’est pas en se bornant à rédi¬ger des programmes qu’on peut lutter contre l’opportunisme, mais uniquement en veillant sans cesse à les faire réel¬lement appliquer. La plus grave erreur, l’erreur fatale de la II° Internationale qui a fait faillite, c’est que ses actes ne correspondaient pas à ses paroles, qu’on y inculquait l’habitude de l’hypocrisie et des grandes phrases révolutionnaires débitées sans scrupules (voyez l’attitude actuelle de Kautsky et Cie à l’égard du Manifeste de Bâle). Si nous abordons sous cet angle la revendication du « désarmement », nous devons avant tout nous demander ce qu’elle signifie objectivement. L’idée de désarmement, en tant qu’idée sociale, c’est à dire engendrée par des conditions sociales déterminées et susceptibles d’agir sur un certain milieu social, et non de demeurer une lubie personnelle ou d’un petit cercle, est évidemment née dans des conditions d’existence particulières, exceptionnellement « tranquilles », propres à divers petits Etats restés assez longtemps à l’écart de la sanglante voie des guerres mondiales et qui espèrent éterniser cette situation. Pour s’en convaincre, il n’est que d’analyser, par exemple, l’argumentation des partisans norvégiens du désarmement : « Nous sommes une petite nation ; notre armée est insignifiante : nous ne pouvons rien contre les grandes puissances » (et, de ce fait, nous sommes également incapables de résister à une intégration par la force dans une alliance impérialiste avec tel ou tel groupe de grandes puissances !), « nous voulons rester tranquilles dans notre petit coin de terre et poursuivre une politique de clocher en exigeant le désarmement, l’arbitrage obligatoire, la neutralité permanente, etc. » (aussi « permanente » sans doute que la neutralité belge ?).
La tendance mesquine des petits Etats à se tenir à l’écart, le désir petit bourgeois de rester le plus loin possible des grandes batailles de l’histoire mondiale, d’utiliser une situation de monopole qui les laisse à peu près seuls figés dans une routinière passivité, voilà la situation sociale objective qui peut assurer à l’idée de désarmement un certain succès et une certaine diffusion dans divers petits Etats. Bien entendu, c’est une tendance réactionnaire et qui repose entièrement sur des illusions, car l’impérialisme entraîne d’une façon on d’une autre les petits Etats dans le tourbillon de l’économie et de la politique mondiales.
Prenons, pour plus de clarté, l’exemple de la Suisse. Sa situation dans le monde impérialiste impose objectivement deux lignes au mouvement ouvrier de ce pays. Les opportunistes, alliés à la bourgeoisie, cherchent à faire de la Suisse une fédération républicaine démocratique monopolisant les bénéfices du tourisme bourgeois des nations impérialistes ; ils s’efforcent d’utiliser cette situation de monopole bien « tranquille » aussi avantageusement et paisiblement que possible. En réalité, cette politique exprime l’alliance d’une couche peu nombreuse d’ouvriers privilégiés d’un petit pays jouissant d’une situation privilégiée avec la bourgeoisie de ce pays contre la masse du prolétariat. Les véritables social démocrates de Suisse s’efforcent d’utiliser la liberté relative et la situation « internationale » de ce pays (le voisinage de pays hautement cultivés et le fait que la Suisse, grâce à Dieu, ne parle pas « sa propre » langue, mais trois langues étrangères universellement répandues) pour élargir, fortifier, affermir l’alliance révolutionnaire des éléments révolutionnaires du prolétariat de toute l’Europe. Aidons notre bourgeoisie à conserver le plus longtemps possible la situation de monopole qui lui permet de monnayer le plus tranquillement du monde les charmes de ses Alpes, et nous bénéficierons sans doute d’un petit pourcentage : voilà le contenu objectif de la politique des opportunistes suisses. Aidons à l’alliance du prolétariat révolutionnaire français, allemand, italien, pour le renversement de la bourgeoisie : voilà le contenu objectif de la politique des social démocrates révolutionnaires suisses. Malheureusement, cette politique est encore très insuffisamment pratiquée par les « gauches » en Suisse, et l’excellente décision adoptée par le congrès de leur parti qui s’est tenu à Aarau en 1915 (la reconnaissance de la lutte révolutionnaire de masse) reste pour le moment plutôt sur le papier. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit actuellement.
La question qui nous intéresse pour l’heure est de savoir si la revendication du désarmement répond à la tendance révolutionnaire qui existe chez les social démocrates suisses. Evidemment non. Objectivement, la « revendication » du désarmement répond à une ligne opportuniste du mouvement ouvrier, une ligne étroitement nationale et bornée aux ho¬rizons d’un petit Etat. Objectivement, le « désarmement » est un programme typiquement, spécifiquement national de petits Etats : ce n’est pas du tout le programme internatio¬nal de la social démocratie révolutionnaire internationale.

P S Dans le dernier numéro de la Revue Socialiste anglaise The Socialist Review [4] (septembre 1916), organe du « Parti travailliste indépendant » de tendance opportuniste, nous trouvons, à la page 287, une résolution de la conférence de Newcastle de ce parti : refus de soutenir toute guerre quelle qu’elle soit, de la part de tout gouvernement quel qu’il soit, quand bien même il s’agirait « nominalement » d’une guerre « défensive ». Et à la page 205 nous trouvons la déclaration suivante dans un article émanant de la rédaction : « Nous n’approuvons pas l’insurrection des Sinn feiners » (le soulèvement irlandais de 1916). « Nous n’approuvons aucune insurrection armée, de même que nous n’approuvons aucune. autre forme de militarisme et de guerre. »
Est il besoin de démontrer que ces « antimilitaristes », que de tels partisans du désarmement, non pas dans un petit pays, mais dans une grande puissance, sont des opportunistes de la pire espèce ? Et pourtant, ils ont tout à fait raison du point de vue théorique quand ils considèrent l’insurrection armée comme « une des formes » du militarisme et de la guerre.

Notes

[1] Neues Leben : revue du P.S. suisse, alors de de tendance « zimmerwaldienne de droite ».
[2] Vorbote : revue de la gauche de la conférence de Zimmerwald. Il n’en parut que deux numéros, en janvier et avril 1916.
[3] Il s’agit, respectivement, des mots Abrüstung et Entwaffnung.
[4] Revue mensuelle de l’I.L.P. qui parut de 1908 à 1934.

Les enseignements de l’insurrection de Moscou V. Lénine

Le livre Moscou en décembre 1905 (M. 1906) vient on ne peut plus à son heure. La tâche immédiate du parti ouvrier est de s’assimiler l’expérience de l’insurrection de décembre. Mais un peu de fiel gâte beaucoup de miel : cet ouvrage contient une documentation fort intéressante, bien qu’incomplète, et malheureusement des conclusions incroyablement négligées, incroyablement banales. Nous reviendrons sur ces conclusions [1] ; pour l’instant, interrogeons la grande actualité politique, les leçons de l’insurrection de Moscou.
Les formes essentielles du mouvement de décembre, à Moscou ont été la grève pacifique et les manifestations. L’immense majorité des ouvriers n’a participé activement qu’à ces formes de lutte. Mais précisément le mouvement de décembre, à Moscou, a montré de façon éclatante que la grève générale, comme forme indépendante et principale de lutte, a fait son temps ; que le mouvement déborde avec une force spontanée, irrésistible, ces cadres trop étroits, donnant naissance à la forme suprême de la lutte : l’insurrection.
Tous les partis révolutionnaires, tous les syndicats de Moscou, en déclarant la grève, avaient conscience et sentaient même qu’elle se transformerait inéluctablement en insurrection. Le 6 décembre, le Soviet des députés ouvriers décidait qu’on « s’efforcerait de transformer la grève en insurrection armée ». Mais aucune des organisations ne s’y était préparée. Même le Conseil de coalition des groupes de combat [2] parlait (le 9 décembre !) de l’insurrection comme d’une affaire encore lointaine, et il est certain que les batailles de rue se livraient sans qu’il y fût pour quelque chose, sans même qu’il y prît part. Les organisations s’étaient laissé devancer par la croissance et l’extension du mouvement.
C’est avant tout sous la pression des circonstances objectives apparues après octobre que la grève allait se transformer en insurrection. On ne pouvait plus prendre le gouvernement au dépourvu par une grève générale ; il avait déjà monté une contre révolution prête à agir militairement..Le cours général de la révolution russe après octobre et la succession des événements à Moscou lors des journées de décembre ont confirmé, de façon saisissante, une des grandes thèses de Marx : la révolution progresse en suscitant une contre-révolution forte et unie, c’est à dire qu’elle oblige à recourir à des moyens de défense de plus en plus extrêmes et élabore ainsi des moyens d’attaque de plus en puissants [3].
Les 7 et 8 décembre : grève pacifique, grandes manifestations pacifiques. Le 8 au soir : siège de l’Aquarium [4]. Le 9, dans la journée : place Strastnaïa les dragons chargent la foulle. Le soir, mise à sac de la maison Fidler [5]. L’exaltation monte. La foule inorganisée de la rue dresse, tout à fait spontanément sans trop d’assurance, les premières barricades.
Le 10 : l’artillerie ouvre le feu sur les barricades et sur la foule dans les rues. Maintenant on dresse, sans hésitation, des barricades non pas isolément, mais absolument en masse. Toute la population est dans la rue ; les principales artères de la ville se couvrent de barricades. Pendant plusieurs jours, c’est une guerre de partisans obstinée entre les groupes de combat et la troupe épuisée ; Doubassov [6] se voit obligé d’implorer du renfort. Le 15 décembre seulement, les forces gouvernementales l’emportent définitivement et, le 17, le régiment Séménovski [7] écrase la Presnia, dernier rempart de l’insurrection.
De la grève et des manifestations l’on passe à la construction de barricades isolées. Des barricades isolées, à la construction de barricades en masse et aux batailles de rue contre la troupe. Par dessus la tête des organisations, la lutte prolétarienne de masse est passée de la grève à l’insurrection. Là est la grande acquisition historique de la révolution russe, acquisition due aux événements de décembre 1905 et faite, comme les précédentes, au prix de sacrifices immenses. De la grève politique générale le mouvement s’est élevé à un degré supérieur. Il a forcé la réaction à aller jusqu’au bout dans sa résistance : c’est ainsi qu’il a formidablement rapproché le moment où la révolution elle aussi ira jusqu’au bout dans l’emploi de ses moyens d’offensive. La réaction ne peut aller au delà du bombardement des barricades, des maisons et de la foule. La révolution, elle, peut aller au delà des groupes de combat de Moscou, elle a du champ, et quel champ en étendue et en profondeur. Et la révolution a fait du chemin depuis décembre. La crise révolutionnaire a maintenant une base infiniment, plus large ; il n’y a plus qu’à affiler encore le tranchant du glaive.
Le changement des conditions objectives de la lutte, qui imposait la nécessité de passer de la grève à l’insurrection, fut ressenti par le prolétariat bien avant que par ses dirigeants. La pratique, comme toujours, a pris le pas sur la théorie. La grève pacifique et les manifestations avaient cessé aussitôt de satisfaire les ouvriers, qui demandaient : Et après ? exigeant une action plus décidée. L’ordre de dresser des barricades parvint dans les quartiers avec un retard sensible, au moment où au centre de la ville on les élevait déjà. En masse les ouvriers se mirent à l’ouvrage, mais ils ne s’en contentèrent pas, ils demandaient : Et après ?. Ils réclamaient une action décidée. Nous, dirigeants du prolétariat social démocrate, nous nous identifiâmes, en décembre, à ce capitaine qui avait si absurdement disposé ses bataillons que la majeure partie de ses troupes ne put participer activement au combat. Les masses ouvrières cherchaient des directives pour une action de masse décidée, et ils n’en trouvaient point.
Ainsi, rien de plus myope que le point de vue de Plékhanov, repris par tous les opportunistes et selon lequel il ne fallait pas entreprendre cette grève inopportune, « il ne fallait pas prendre les armes ». Au contraire, il fallait prendre les armes d’une façon plus résolue, plus énergique et un esprit plus agressif ; il fallait expliquer aux masses l’impossibilité de se borner à une grève pacifique, et la nécessité d’une lutte armée, intrépide et implacable. Aujourd’hui nous devons enfin reconnaître ouvertement et proclamer bien haut l’insuffisance des grèves politiques ; nous devons faire de l’agitation dans les masses les plus profondes faveur de l’insurrection armée, sans escamoter la question en prétextant la nécessité de « degrés préliminaires », sans jeter un voile là-dessus. Cacher aux masses la nécessité d’une guerre exterminatrice, sanglante et acharnée, comme objectif immédiat de l’action future, c’est se duper soi-même et duper le peuple.
Telle est la première leçon des événements de décembre. La seconde concerne le caractère de l’insurrection, la façon de la conduire, les conditions dans lesquelles la troupe passe au peuple. Sur ce dernier point, une opinion très étroite s’est accréditée dans l’aile droite de notre Parti. Il est impossible, paraît il, de lutter contre une armée moderne ; il faut que l’armée devienne révolutionnaire. Bien entendu, si la révolution ne gagne pas les masses et l’armée elle-même, il ne saurait même être question de lutte sérieuse. Bien entendu, l’action dans l’armée est nécessaire. Mais il ne faut pas se figurer cette volte face de la troupe comme un acte simple et isolé, résultant de la persuasion, d’une part, et du réveil de la conscience, de l’autre. L’insurrection de Moscou montre à l’évidence ce que cette conception a de routinier et de stérile. En réalité, l’indécision de la troupe, inévitable dans tout mouvement vraiment populaire, conduit, lorsque la lutte révolutionnaire s’accentue, à une véritable lutte pour la conquête de l’armée. L’insurrection de Moscou nous montre précisément la lutte la plus implacable, la plus forcenée de la réaction et de la révolution pour conquérir l’armée. Doubassov a déclaré lui même que 5 000 hommes seulement sur les 15 000 de la garnison de Moscou étaient sûrs. Le gouvernement cherchait à retenir les hésitants par les mesures les plus diverses, les plus désespérées : on les persuadait, on les flattait, on les achetait en leur distribuant des montres, de l’argent, etc. ; on les enivrait d’eau de vie, on les trompait, on les terrorisait ; on les consignait dans les casernes, on les désarmait, on isolait par la trahison ou la violence les soldats dont doutait le plus. Et il faut avoir le courage d’avouer en toute franchise que sous ce rapport, nous nous sommes laissé devancer par la gouvernement. Pour conquérir les troupes qui hésitaient, nous n’avons pas su utiliser les forces nous disposions, dans une lutte aussi active, hardie, entreprenante et irrésistible que celle engagée et menée à bonne fin par le gouvernement. Nous nous sommes attachés et nous nous attacherons encore avec plus de ténacité à « travailler » idéologiquement l’armée. Mais nous ne serions que de pitoyables pédants, si nous oublions qu’au moment de l’insurrection il faut aussi employer la force pour gagner l’armée.
Le prolétariat de Moscou nous a fourni, dans les journées de décembre, d’admirables leçons de « persuasion » idéologique de la troupe : par exemple, le 8 décembre, place Strastnaïa, lorsque la foule cerna les cosaques, se mêla à eux, fraternisa avec eux et les décida à se retirer. Ou encore le 10, à Presnia, lorsque deux jeunes ouvrières, portant le drapeau rouge au milieu d’une foule de 10 000 personnes, se jetèrent au devant des cosaques en criant : « Tuez nous ! Nous vivantes, vous n’aurez pas notre drapeau ! » Et les cosaques, décontenancés, tournèrent bride, tandis que la foule criait : « Vivent les cosaques ! » Ces exemples de vaillance et d’héroïsme doivent rester gravés à jamais dans la conscience des prolétaires.
Mais voici des exemples illustrant notre infériorité par rapport à Doubassov. Le 9 décembre, rue Bolchaïa Serpoukhovskaïa, des soldats défilent au chant de la Marseillaise : ils vont se joindre aux insurgés. Les ouvriers leur envoient,, des délégués. Malakhov en personne s’élance vers eux à bride abattue. Les ouvriers arrivent trop tard, Malakhov les avait prévenus. Il y va d’un discours ardent, fait hésiter, les soldats, les fait cerner par des dragons, conduire à la caserne où ils seront enfermés. Malakhov est arrivé à temps, nous en retard. Et pourtant en deux jours, 150 000 hommes s’étaient levés à notre appel, qui auraient pu et dû organiser un service de patrouilles dans les rues. Malakhov a fait cerner les soldats par des dragons ; nous, nous n’avons pas fait cerner les Malakhov par des lanceurs de bombes. Nous aurions pu et dû le faire : depuis longtemps déjà la presse social démocrate (l’ancienne Iskra [8]) avait dit qu’en temps d’insurrection, notre devoir est d’exterminer impitoyablement les chefs civils et militaires. Ce qui s’est produit rue Bolchaïa Serpoukhovskaïa s’est renouvelé apparemment, dans les grandes lignes, devant les casernes Nesvijskié et Kroutitskié, et lorsque le prolétariat tenta d’« enlever » les hommes du régiment d’Iékatérinoslav, et lors de l’envoi de délégués auprès des sapeurs d’Alexandrov, et lors de la réexpédition de l’artillerie de Rostov, qui avait été dirigée sur Moscou, et pendant le désarmement des sapeurs à Kolomna, et ainsi de suite. Au moment de l’insurrection nous n’avons pas été à la hauteur de notre tâche dans la lutte pour gagner à nous les troupes indécises.
Décembre a confirmé une autre thèse profonde de Marx, oubliée des opportunistes : l’insurrection est un art, et la principale règle de cet art est l’offensive [9] une offensive d’un courage à tout épreuve et d’une inébranlable fermeté. Cette vérité, nous ne l’avons pas suffisamment comprise. Nous n’avons pas assez appris nous-mêmes ni enseigné aux masses cet art, cette règle de l’offensive à tout prix. Maintenant nous devons, de toute notre énergie, rattraper le temps perdu. Il ne suffit pas de se grouper sur les mots d’ordre politiques, il faut aussi se grouper sur le problème de l’insurrection armée. Quiconque s’y oppose, ou refuse de s’y préparer, doit être impitoyablement chassé des rangs des partisans de la révolution, renvoyé dans le camp de ses adversaires, des traîtres ou des lâches, car le jour approche où la force des événements et les circonstances de la lutte nous obligeront à distinguer, à ce signe, nos amis et nos ennemis. Ce n’est pas la passivité que nous devons prêcher, ni simplement l’« attente » du moment où la troupe « passera » à nous ; non, nous devons, comme on sonne le tocsin, proclamer la nécessité d’une offensive intrépide et d’une attaque à main armée, la nécessité d’exterminer les chefs et de lutter de la façon la plus énergique pour gagner à nous les troupes indécises.
La troisième grande leçon que nous a donnée Moscou a trait à la tactique et à l’organisation de nos forces en vue de l’insurrection. La tactique militaire dépend du niveau de la technique militaire c’est Engels [10] qui a répété cette vérité et l’a mise toute mâchée dans la bouche des marxistes. La technique militaire n’est plus ce qu’elle était au milieu du XIX° siècle. Opposer la foule à l’artillerie et défendre les barricades avec des revolvers serait une sottise. Et Kautsky avait raison lorsqu’il écrivait qu’il est temps, après Moscou, de réviser les conclusions d’Engels, et que Moscou a promu « une nouvelle tactique des barricades [11] ». Cette tactique était celle de la guerre de partisans. L’organisation qu’elle supposait, c’étaient de tout petits détachements mobiles : groupes de dix, de trois et même de deux hommes. On rencontre souvent aujourd’hui, chez nous, des social démocrates qui ricanent quand on parle de ces groupes de cinq ou de trois. Mais ricaner n’est qu’un moyen facile de fermer les yeux sur ce nouveau problème de la tactique et de l’organisation requises pour les batailles de rues, face à la technique militaire moderne. Lisez attentivement le récit de l’insurrection de Moscou, messieurs, et vous comprendrez quel rapport ont les « groupes de cinq » avec le problème de la « nouvelle tactique des barricades ».
Cette tactique Moscou l’a promue, mais il s’en faut de beaucoup qu’elle lui ait donné un développement, une extension assez large, qu’elle en ait fait une véritable tactique de masse. Les combattants n’étaient pas assez nombreux ; la masse ouvrière n’avait pas reçu le mot d’ordre d’attaques audacieuses et n’a pas agi dans ce sens ; le caractère des détachements de partisans était trop uniforme, leur armement et leurs procédés insuffisants ; ils ne savaient guère diriger les foules. Nous devons remédier à tout cela et nous y remédierons en étudiant l’expérience de Moscou, en la diffusant dans les masses, en éveillant l’initiative créatrice des masses elles mêmes dans le sens du développement de cette expérience. Et la guerre de partisans, la terreur générale qui en Russie se répandent partout presque sans discontinuer depuis décembre, contribueront incontestablement à enseigner aux masses la juste tactique, au moment de l’insurrection. Cette terreur exercée par les masses, la social démocratie doit l’admettre et l’incorporer à sa tactique ; elle doit, bien entendu, l’organiser et la contrôler, la subordonner aux intérêts et aux nécessités du mouvement ouvrier et de la lutte révolutionnaire générale ; elle doit écarter, éliminer sans merci la tendance à faire tourner la guerre de partisans en « gueuserie », déformation dont les Moscovites ont si bien, si implacablement fait justice lors de l’insurrection, et les Lettons pendant les fameuses Républiques lettones [12].
La technique militaire, en ces tout derniers temps, enregistre de nouveaux progrès. La guerre japonaise a fait paraître la grenade à main. Les manufactures d’armes ont jeté sur le marché le fusil automatique. L’une et l’autre sont employés avec succès dans la révolution russe, mais dans des proportions qui sont loin d’être suffisantes. Nous pouvons et devons profiter des perfectionnements techniques, apprendre aux détachements ouvriers la fabrication en grand des bombes, les aider, ainsi que nos groupes de combat, à se pourvoir d’explosifs, d’amorces et de fusils automatiques. Si la masse ouvrière prend part à l’insurrection dans les viIles ; si nous attaquons l’ennemi en masse ; si nous menons une lutte adroite et décidée pour conquérir la troupe, qui hésite encore davantage après l’expérience de la Douma, depuis Sveaborg et Cronstadt ; si la participation des campagnes à la lutte commune est assurée, la victoire sera à nous lors de la prochaine insurrection armée de toute la Russie !
Développons donc plus largement notre activité et définissons nos tâches avec plus de hardiesse, en nous assimilant les enseignements des grandes journées de la révolution russe. Notre activité se base sur une juste appréciation des intérêts des classes et des nécessités du développement du peuple à l’heure présente. Autour du mot d’ordre : renversement du pouvoir tsariste et convocation de l’Assemblée constituante par un gouvernement révolutionnaire, nous groupons et grouperons une partie toujours plus grande du prolétariat, de la paysannerie et de l’armée. Développer la conscience des masses reste, comme toujours, la base et contenu principal de tout notre travail. Mais n’oublions pas qu’aux moments comme celui que traverse la Russie, à ce devoir général, constant et essentiel, s’ajoutent des devoirs particuliers, spéciaux. Ne soyons pas des pédants et philistins, ne tournons pas le dos à ces tâches particulières du moment, à ces tâches spéciales qu’impliquent les formes actuelles de lutte, en invoquant vainement des devoirs constants et immuables, quels que soient les temps et les circonstances.
Rappelons nous que la jour approche de la grande lutte de masse. Ce sera l’insurrection armée. Elle doit être, dans la mesure du possible, simultanée. Les masses doivent savoir qu’elles vont à une lutte armée implacable et sanglante. Le mépris de la mort doit se répandre parmi les masses et assurer la victoire. L’offensive contre l’ennemi doit être des plus énergiques : l’attaque et non la défense doit devenir le mot d’ordre des masses ; l’extermination implacable de l’ennemi deviendra leur objectif ; l’organisation de combat sera mobile et souple ; les éléments hésitants de l’armée seront entraînés dans la lutte active. Le Parti du prolétariat conscient est tenu de remplir son devoir dans cette grande lutte.


Notes
[1] Voir l’article de Lénine : « Bas les pattes ! » - 8 sept. 1906.
[2] Le Conseil de coalition des groupes de combat apparut à Moscou fin octobre 1905. Fondé, à l’origine pour lutter en pratique contre les Cent Noirs, cet organe fut maintenu pendant l’insurrection de décembre. Le Conseil comprenait des représentants des groupes de combat du parti du Comité de Moscou du P.O.S.D.R., du groupe social démocrate de Moscou, du Comité de Moscou du parti socialiste-révolutionnaire, ainsi que des représentants des groupes de combat suivants : « Volnaïa Raïounaïa », « Ouniversitetskaia », « Tipografskaïa » et « Kavkazskaïa ».
La majorité socialiste révolutionnaire et menchevique de ce Conseil semait la désorganisation dans ses activités ; au moment de l’insurrection armée de décembre, le Conseil se laissa dépasser par les événements révolutionnaires et ne sut pas remplir le rôle d’état major général opérationnel de l’insurrection.
[3] Lénine cite une thèse de l’ouvrage de Marx, La lutte des classes en France de 1848 à 1850.
[4] Le soir du 8 (21) décembre 1905, la troupe et la police cernaient le jardin de l’ « Aquarium » où un grand meeting avait lieu dans les locaux du théâtre. On réussit à éviter une effusion de sang, grâce au dévouement du groupe de combat ouvrier qui assurait la protection du meeting ; ceux qui avaient des armes sur eux purent s’enfuir par une palissade démontée, tandis que les autres assistants qui sortaient par les portes, étaient fouillés, battus et arrêtés en grand nombre.
[5] Le bâtiment de l’Ecole Fidler servait régulièrement de lieu de réunions et de meetings au Parti. Le soir du 9 (22) décembre 1905, la maison Fidler, où un meeting avait lieu, fut encerclée par la troupe. Lorsque les assistants, en majorité des membres de groupes de combat, eurent refusé de se rendre et se furent barricadés dans le local, la troupe soumit l’établissement à un tir d’artillerie et de mitrailleuses. Pendant la destruction du bâtiment, plus de trente personnes furent tuées ou blessées ; on procéda à cent vingt arrestations.
[6] F. Doubassov (1845 1912), gouverneur général de Moscou en 1905 1906. Dirigea l’écrasement de l’insurrection armée de Moscou en décembre 1905.
[7] Le régiment Séménovski, formé de soldats de la Garde qui furent envoyés de Saint Pétersbourg à Moscou pour y réprimer l’insurrection des ouvriers moscovites en décembre 1905.
[8] « Iskra » [L ’Etincelle], premier journal illégal marxiste pour toute la Russie, fondé par Lénine en 1900 ; joua un rôle décisif dans la formation d’un parti révolutionnaire marxiste de la .classe ouvrière de Russie.
Le premier numéro parut en décembre 1900, à Leipzig les numéros suivants parurent à Munich, puis à Londres et Genève.
Après la scission qui se produisit dans le parti au II° Congrès du P.O.S.D.R. en 1903 entre bolcheviks révolutionnaires et mencheviks opportunistes, le journal Iskra passa aux mains des mencheviks et prit le nom de nouvelle « Iskra » pour le distinguer de l’ancienne « Iskra » de Lénine.
[9] Allusion à l’ouvrage d’Engels Révolution et contre révolution en Allemagne. Cet ouvrage fut publié en 1851 1852 dans le NewYork Daily Tribune sous forme d’articles signés du nom de Marx ; celui ci avait eu à l’origine l’intention d’écrire l’ouvrage lui même, mais pris par des recherches sur l’économie, il confia à Engels le soin de rédiger les articles. Durant son travail Engels eut constamment recours aux conseils de Marx et lui donnait ses articles à corriger avant de les remettre à la presse., Ce n’est qu’en 1913, quand la correspondance de Marx et d’Engels fut publiée, qu’on apprit que Révolution et contre révolution en Allemagne était l’œuvre d’Engels.
[10] Cette thèse a été maintes fois développée par Engels dans plusieurs de ses oeuvres, notamment l’Anti Dühring.
[11] Lénine a donné plus de détails à ce sujet dans « La révolution russe et les objectifs du prolétariat » - 20 mars 1906.
[12] En décembre 1905, certaines villes de Lettonie furent investies par des détachements armés d’ouvriers, de journaliers et de paysans insurgés. Ce fut le début d’une guerre de partisans contre les armées tsaristes. En janvier 1906, ces insurrections furent écrasées par des expéditions punitives dirigées par des généraux du tsar.

Le toast de Londres (Blanqui, 1851)

Quel écueil menace la révolution de demain ?

L’écueil où s’est brisée celle d’hier : la déplorable popularité de bourgeois déguisés en tribuns. Ledru-Rollin, Louis Blanc, Crémieux, Lamartine, Garnier-Pagès, Dupont de l’Eure, Flocon, Albert, Arago, Marrast ! Liste funèbre ! Noms sinistres, écrits en caractères sanglants sur tous les pavés de l’Europe démocratique. C’est le gouvernement provisoire qui a tué la Révolution. C’est sur sa tête que doit retomber la responsabilité de tous les désastres, le sang de tant de milliers de victimes.

La réaction n’a fait que son métier en égorgeant la démocratie. Le crime est aux traîtres que le peuple confiant avait acceptés pour guides et qui l’ont livré à la réaction. Misérable gouvernement ! Malgré les cris et les prières, il lance l’impôt des 45 centimes qui soulève les campagnes désespérées, il maintient les états-majors royalistes, la magistrature royaliste, les lois royalistes. Trahison !

Il court sus aux ouvriers de Paris ; le 15 avril, il emprisonne ceux de Limoges, il mitraille ceux de Rouen le 27 ; il déchaîne tous leurs bourreaux, il berne et traque tous les sincères républicains. Trahison ! Trahison !

A lui seul, le fardeau terrible de toutes les calamités qui ont presque anéanti la Révolution. Oh ! Ce sont là de grands coupables et entre tous les plus coupables, ceux en qui le peuple trompé par des phrases de tribun voyait son épée et son bouclier ; ceux qu’il proclamait avec enthousiasme, arbitres de son avenir. Malheur à nous, si, au jour du prochain triomphe populaire, l’indulgence oublieuse des masses laissait monter au pouvoir un de ces hommes qui ont forfait à leur mandat ! Une seconde fois, c’en serait fait de la Révolution. Que les travailleurs aient sans cesse devant les yeux cette liste de noms maudits ! Et si un seul apparaissait jamais dans un gouvernement sorti de l’insurrection, qu’ils crient tous, d’une voix : trahison !

Discours, sermons, programmes ne seraient encore que piperies et mensonges ; les mêmes jongleurs ne reviendraient que pour exécuter le même tour, avec la même gibecière ; ils formeraient le premier anneau d’une chaîne nouvelle de réaction plus furieuse ! Sur eux, anathème, s’ils osaient jamais reparaître !

Honte et pitié sur la foule imbécile qui retomberait encore dans leurs filets !

Ce n’est pas assez que les escamoteurs de Février soient à jamais repoussés de l’Hôtel de Ville, il faut se prémunir contre de nouveaux traîtres. Traîtres seraient les gouvernements qui, élevés sur les pavois prolétaires, ne feraient pas opérer à l’instant même :

1° - Le désarmement des gardes bourgeoises.

2° - L’armement et l’organisation en milice nationale de tous les ouvriers.

Sans doute, il est bien d’autres mesures indispensables, mais elles sortiraient naturellement de ce premier acte qui est la garantie préalable, l’unique gage de sécurité pour le peuple. Il ne doit pas rester un fusil aux mains de la bourgeoisie. Hors de là, point de salut.
Les doctrines diverses qui se disputent aujourd’hui les sympathies des masses, pourront un jour réaliser leurs promesses d’amélioration et de bien-être, mais à la condition de ne pas abandonner la proie pour l’ombre. Les armes et l’organisation, voilà l’élément décisif de progrès, le moyen sérieux d’en finir avec la misère.

Qui a du fer, a du pain.

On se prosterne devant les baïonnettes, on balaye les cohues désarmées. La France hérissée de travailleurs en armes, c’est l’avènement du socialisme. En présence des prolétaires armés, obstacles, résistances, impossibilités, tout disparaîtra.

Mais, pour les prolétaires qui se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d’arbres de la liberté, par des phrases sonores d’avocat, il y aura de l’eau bénite d’abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de la misère toujours.

Que le peuple choisisse !

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