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Brefs commentaires sur la question des syndicats à l’époque de décadence impérialiste
samedi 31 octobre 2009
Brefs commentaires de la brochure de Trotsky :
Les syndicats à l’époque de décadence impérialiste
Le premier point est l’actualité de la brochure : nous entrons dans une époque de décadence impérialiste. Il importe de savoir ce que cela signifie et d’en déduire des conséquences pour la lutte prolétarienne et pour l’activité des révolutionnaires.
Trotsky, me semble-t-il, en déduit essentiellement la fin de toute forme de réformisme. Il est faux de dire que les syndicats sont réformistes car, avec la décadence impérialiste, l’époque du réformisme est morte. Pas l’époque des réformistes bien sûr. Ils tiennent le haut du pavé mais leurs thèses sont complètement mensongères. Ils sont des auxiliaires, conscients ou inconscients, de l’offensive patronale et étatique pour détruire l’organisation et la pensée de la classe ouvrière, c’est-à-dire son autonomie de classe.
Le point que souligne particulièrement Trotsky en 1940 est la fusion avec l’Etat. Ce point, 69 ans plus tard, est complètement achevé. Pire, il est entré dans les mœurs. Les travailleurs n’imaginent même pas de syndicats différents. Les syndicats passent l’essentiel de leur temps, occupent l’essentiel de leur organisation à des activités paritaires patronat/syndicat ou Etat/syndicat, touchent des sommes colossales de l’Etat et des patrons et jouent effectivement un rôle essentiel dans le dispositif patronal et étatique pour encadrer les travailleurs.
Trotsky a même anticipé le rôle bonapartiste des syndicats des pays sous-développés qui va pleinement se développer après la deuxième guerre mondiale avec les indépendances sous l’égide de la petite bourgeoisie nationaliste et stalinienne.
Aucune illusion chez Trotsky sur le rôle que peuvent avoir les syndicats « normaux » à ne pas confondre avec des syndicats où, en période de crise, des révolutionnaires majoritaires sur des bases clairement communistes pourraient diriger des syndicats. Rien à voir avec des militants d’extrême gauche qui obtiendraient par des méthodes plus ou moins cachées et manœuvrières vis-à-vis de l’appareil des syndicats des positions dirigeantes sans que ce soit en s’appuyant sur une base les soutenant sur le fond, c’est-à-dire sur la nécessité d’en finir avec le capitalisme.
Il n’y a donc que deux sortes de syndicats : révolutionnaires et pro-impérialistes. Bien entendu, cela ne suffit pas à décrire la multiplicité des situations particulières mais cela permet de s’orienter politiquement vis-à-vis de la question syndicale pour les révolutionnaires. Comme Lénine, Trotsky combat l’idée que les travailleurs ont dépassé le stade du syndicalisme ou encore que la trahison des syndicats suffit à démontrer que l’on ne doit rien avoir à faire avec eux. Il souhaite que les révolutionnaires ne se tiennent pas à l’écart et mènent un combat. Mais il ne suscite aucune illusion sur l’issue de ce combat. On peut lutter pour la démocratie en tant que revendication transitoire c’est-à-dire inaccessible en régime bourgeois. Il en va de même de la démocratie au sein des syndicats. Cependant, n’oublions pas que ce texte en reste à la question des syndicats qui n’est pas le fond du problème en ce qui concerne l’organisation de la classe ouvrière. Le principal restant l’organisation en comités et l’organisation en parti politique. Car l’objectif, pour les révolutionnaires, des luttes des travailleurs est de se préparer au combat principal : pour le renversement du pouvoir et surtout pour la prise de pouvoir des travailleurs. Sur ce plan, organisation révolutionnaire et organisation en comités sont indispensables tous deux et inséparables. Il n’est pas d’organisation révolutionnaire qui ne lutte pour l’organisation des travailleurs en comités.
Rappelons ce qu’écrivait Trotsky dans le « Programme de transition » :
Syndicats et comités d’usine
Les syndicats dans l’époque de transition
Dans la lutte pour les revendications partielles et transitoires, les ouvriers ont actuellement plus besoin que jamais d’organisations de masse, avant tout de syndicats. La puissante montée des syndicats en France et aux États-Unis est la meilleure réponse aux doctrinaires ultra-gauches de la passivité qui prêchaient que les syndicats "avaient fait leur temps".
Les bolcheviks-léninistes se trouvent aux premiers rangs de toutes les formes de lutte, même là où il s’agit seulement des intérêts matériels ou des droits démocratiques les plus modestes de la classe ouvrière. Ils prennent une part active à la vie des syndicats de masse, se préoccupent de les renforcer et d’accroître leur esprit de lutte. Ils luttent implacablement contre toutes les tentatives de soumettre les syndicats à l’État bourgeois et de lier le prolétariat par "l’arbitrage obligatoire" et toutes les autres formes d’intervention policière, non seulement fascistes, mais aussi "démocratiques". C’est seulement sur la base de ce travail, qu’il est possible de lutter avec succès à l’intérieur des syndicats contre la bureaucratie réformiste, et en particulier contre la bureaucratie stalinienne. Les tentatives sectaires d’édifier ou de maintenir des petits syndicats "révolutionnaires" comme une seconde édition du parti signifient, en fait, le renoncement à la lutte pour la direction de la classe ouvrière. Il faut poser ici comme un principe inébranlable : l’auto-isolement capitulard hors des syndicats de masses, équivalant à la trahison de la révolution, est incompatible, avec l’appartenance à la IV° Internationale.
En même temps, la IV° Internationale rejette et condamne résolument tout fétichisme syndical, également propre aux trade-unionistes et aux syndicalistes :
a) Les syndicats n’ont pas et, vu leurs tâches, leur composition et le caractère de leur recrutement, ne peuvent avoir de programme révolutionnaire achevé ; c’est pourquoi ils ne peuvent remplacer le parti. L’édification de partis révolutionnaires nationaux, sections de la IV° Internationale, est la tâche centrale de l’époque de transition.
b) Les syndicats, même les plus puissants, n’embrassent pas plus de 20 à 25 % de la classe ouvrière et, d’ailleurs, ses couches les plus qualifiées et les mieux payées. La majorité la plus opprimée de la classe ouvrière n’est entraînée dans la lutte qu’épisodiquement, dans les périodes d’essor exceptionnel du mouvement ouvrier. A ces moments là, il est nécessaire de créer des organisations ad hoc, qui embrassent toute la masse en lutte : les COMITÉS DE GREVE, les COMITÉS D’USINES, et, enfin, les SOVIETS.
c) En tant qu’organisation des couches supérieures du prolétariat, les syndicats, comme en témoigne toute l’expérience historique, y compris l’expérience toute fraîche des syndicats anarcho-syndicalistes d’Espagne, développent de puissantes tendances à la conciliation avec le régime démocratique bourgeois. Dans les périodes de luttes de classes aiguës, les appareils dirigeants des syndicats s’efforcent de se rendre maîtres du mouvement des masses pour le neutraliser. Cela se produit déjà lors de simples grèves, surtout lors des grèves de masse avec occupation des usines, qui ébranlent les principes de la propriété bourgeoise. En temps de guerre ou de révolution, quand la situation de la bourgeoisie devient particulièrement difficile, les dirigeants syndicaux deviennent ordinairement des ministres bourgeois.
C’est pourquoi les sections de la IV° Internationale doivent constamment s’efforcer, non seulement de renouveler l’appareil des syndicats, en proposant hardiment et résolument dans les moments critiques de nouveaux leaders prêts à la lutte à la place des fonctionnaires routiniers et des carriéristes, mais encore de créer, dans tous les cas où c’est possible, des organisations de combat autonomes qui répondent mieux aux tâches de la lutte des masses contre la société bourgeoise, sans même s’arrêter, si c’est nécessaire, devant une rupture ouverte avec l’appareil conservateur des syndicats. S’il est criminel de tourner le dos aux organisations de masse pour se contenter de fictions sectaires, il n’est pas moins criminel de tolérer passivement la subordination du mouvement révolutionnaire des masses au contrôle de cliques bureaucratiques ouvertement réactionnaires ou conservatrices masquées ("progressistes"). Le syndicat n’est pas une fin en soi, mais seulement un des moyens dans la marche à la révolution prolétarienne.
Les comités d’usine
Le mouvement ouvrier de l’époque de transition n’a pas un caractère régulier et égal, mais fiévreux et explosif. Les mots d’ordre, de même que les formes d’organisation, doivent être subordonnés à ce caractère du mouvement. Rejetant la routine comme la peste, la direction doit prêter attentivement l’oreille à l’initiative des masses elles-mêmes.
Les grèves avec occupation des usines, une des plus récentes manifestations de cette initiative, sortent des limites du régime capitaliste "normal". Indépendamment des revendications des grévistes, l’occupation temporaire des entreprises porte un coup à l’idole de la propriété capitaliste. Toute grève avec occupation pose dans la pratique la question de savoir qui est le maître dans l’usine : le capitalisme ou les ouvriers.
Si la grève avec occupation soulève cette question épisodiquement, le COMITÉ D’USINE donne à cette même question une expression organisée. Élu par tous les ouvriers et employés de l’entreprise, le Comité d’usine crée d’un coup un contrepoids à la volonté de l’administration.
A la critique que les réformistes font des patrons de l’ancien type, ceux qu’on appelle les "patrons de droit divin", du genre de Ford, en face des "bons" exploiteurs "démocratiques", nous opposons le mot d’ordre des comités d’usine comme centres de lutte contre les uns et les autres.
Les bureaucrates des syndicats s’opposeront, en règle générale, à la création de comités d’usine, de même qu’ils s’opposeront à tout pas hardi dans la voie de la mobilisation des masses. Il sera, cependant, d’autant plus facile de briser leur opposition que le mouvement aura plus d’ampleur. Là où les ouvriers de l’entreprise, dans les périodes "calmes", appartiennent déjà tous aux syndicats (closed shop), le comité coïncidera formellement avec l’organe du syndicat, mais il en renouvellera la composition et en élargira les fonctions. Cependant, la principale signification des comités est de devenir des états-majors de combat pour les couches ouvrières que le syndicat n’est, en général, pas capable d’atteindre. C’est d’ailleurs précisément de ces couches les plus exploitées que sortiront les détachements les plus dévoués à la révolution.
Dès que le comité fait son apparition, il s’établit en fait une DUALITÉ DE POUVOIR dans l’usine. Par son essence même, cette dualité de pouvoir est quelque chose de transitoire, car elle renferme en elle-même deux régimes inconciliables : le régime capitaliste et le régime prolétarien. L’importance principale des comités d’usine consiste précisément en ce qu’ils ouvrent, sinon une période directement révolutionnaire, du moins une période pré-révolutionnaire, entre le régime bourgeois et le régime prolétarien. Que la propagande pour les comités d’usine ne soit ni prématurée ni artificielle, c’est ce que démontrent amplement les vagues d’occupations d’usines qui ont déferlé sur un certain nombre de pays. De nouvelles vagues de ce genre sont inévitables dans un prochain avenir. Il est nécessaire d’ouvrir à temps une campagne en faveur des comités d’usine pour ne pas se trouver pris à l’improviste.
Les soviets
Les comités d’usine sont, comme il a été dit, un élément de dualité de pouvoir dans l’usine. C’est pourquoi leur existence n’est concevable que lors d’une pression croissante des masses. Il en est de même avec les groupements spéciaux de masse pour la lutte contre la guerre, avec les comités de surveillance des prix, et avec tous les autres nouveaux centres du mouvement dont l’apparition même témoigne que la lutte des classes a dépassé les cadres des organisations traditionnelles du prolétariat.
Cependant, ces nouveaux organes et centres sentiront bientôt leur manque de cohésion et leur insuffisance. Aucune des revendications transitoires ne peut être complètement réalisée avec le maintien du régime bourgeois. Or, l’approfondissement de la crise sociale accroîtra non seulement les souffrances des masses, mais aussi leur impatience, leur fermeté, leur esprit d’offensive. Des couches toujours nouvelles d’opprimés relèveront la tête et lanceront leurs revendications. Des millions de besogneux, à qui les chefs réformistes ne pensent jamais, commenceront à frapper aux portes des organisations ouvrières. Les chômeurs entreront dans le mouvement. Les ouvriers agricoles, les paysans ruinés ou à demi ruinés, les couches inférieures de la ville, les travailleuses, les ménagères, les couches prolétarisées de l’intelligentsia, tous chercheront un regroupement et une direction.
Comment harmoniser les diverses revendications et formes de lutte, ne fût-ce que dans les limites d’une seule ville ? L’histoire a déjà répondu à cette question : grâce aux soviets, qui réunissent les représentants de tous les groupes en lutte. Personne n’a proposé, jusqu’à maintenant, aucune autre forme d’organisation, et il est douteux qu’on puisse en inventer une. Les soviets ne sont liés par aucun programme a priori. Ils ouvrent leurs portes à tous les exploités. Par cette porte passent les représentants de toutes les couches qui sont entraînées dans le torrent général de la lutte. L’organisation s’étend avec le mouvement et y puise continuellement son renouveau. Toutes les tendances politiques du prolétariat peuvent lutter pour la direction des soviets sur la base de la plus large démocratie. C’est pourquoi le mot d’ordre des soviets est le couronnement du programme des revendications transitoires.
Les soviets ne peuvent naître que là où le mouvement des masses entre dans un stade ouvertement révolutionnaire. En tant que pivot autour duquel s’unissent des millions de travailleurs dans la lutte contre les exploiteurs, les soviets, dès le moment de leur apparition, deviennent les rivaux et les adversaires des autorités locales, et, ensuite, du gouvernement central lui-même. Si le comité d’usine crée des éléments de dualité de pouvoir dans l’usine, les soviets ouvrent une période de dualité de pouvoir dans le pays.
La dualité de pouvoir est, à son tour, le point culminant de la période de transition. Deux régimes, le régime bourgeois et le régime prolétarien, s’opposent irréconciliablement l’un l’autre. La collision entre eux est inévitable. De l’issue de celle-ci dépend le sort de la société. En cas de défaite de la révolution, la dictature fasciste de la bourgeoisie. En cas de victoire, le pouvoir des soviets, c’est-à-dire la dictature du prolétariat et la reconstruction socialiste de la société.
Léon Trotsky (extraits du programme de transition)
Messages
1. Brefs commentaires sur la question des syndicats à l’époque de décadence impérialiste, 5 novembre 2009, 19:06, par MOSHE
La dualité de pouvoir est, à son tour, le point culminant de la période de transition. Deux régimes, le régime bourgeois et le régime prolétarien, s’opposent irréconciliablement l’un l’autre. La collision entre eux est inévitable. De l’issue de celle-ci dépend le sort de la société.
2. Brefs commentaires sur la question des syndicats à l’époque de décadence impérialiste, 26 février 2018, 08:52
Il serait radicalement faux de croire, de supposer que le bureaucratisme surgisse exclusivement du fait de la conquête du pouvoir par le prolétariat. Non, il n’en est pas ainsi. On peut voir dans les Etats capitalistes les formes les plus monstrueuses du bureaucratisme, précisément dans les syndicats. Il suffit de jeter un coup d’œil sur l’Amérique, l’Angleterre et l’Allemagne. Amsterdam, c’est l’organisation internationale la plus puissante de la bureaucratie syndicale. C’est grâce à elle que se tient maintenant debout l’édifice tout entier du capitalisme, surtout en Europe et particulièrement en Angleterre. S’il n’y avait pas la bureaucratie des trade unions, la police, l’armée, les tribunaux, les lords, la monarchie n’apparaîtraient que comme des jouets pitoyables et ridicules devant les masses prolétariennes. C’est par elle que la bourgeoisie existe, non seulement dans la métropole, mais aux Indes, en Egypte et dans les autres colonies. Il faudrait être complètement aveugle pour dire aux ouvriers anglais : « Prenez garde à la conquête du pouvoir et rappelez vous toujours que vos syndicats sont l’antidote du danger bureaucratique. » Le marxiste leur dira au contraire : « La bureaucratie trade unioniste est l’instrument le plus formidable de votre oppression par l’Etat bourgeois. Il faut arracher le pouvoir des mains de la bourgeoisie et, pour cela, il faut renverser son principal agent : la bureaucratie trade-unioniste. » Entre parenthèses, c’est pour cette raison notamment que l’alliance de Staline avec les briseurs de grève fut à ce point criminelle.
Par l’exemple de l’Angleterre, on voit très clairement combien il est absurde d’opposer comme s’il s’agissait de deux principes différents l’organisation syndicale et l’organisation étatique. En Angleterre plus qu’ailleurs l’Etat repose sur le dos de la classe ouvrière, qui compose l’écrasante majorité de la population du pays. Le mécanisme est tel que la bureaucratie s’appuie directement sur les ouvriers, et l’Etat indirectement, par l’intermédiaire de la bureaucratie trade unioniste.
source : Trotsky (octobre 1929)