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La surexploitation bat son plein au Qatar…

samedi 20 décembre 2014

La surexploitation bat son plein au Qatar…

On apprend l’arrestation d’une centaine d’ouvriers en grève à Doha.

Les ouvriers étaient en repos dans leur camp de travailleurs, vendredi dernier, lorsque leur patron leur aurait demandé d’aller sur un chantier. Une centaine d’entre eux refuse. Et pour cause, ils touchent des salaires plus bas que promis dans leur pays d’origine. Au bout du troisième jour de grève, la police arrive et arrête les protestataires.
En 2010 déjà, quatre-vingt-dix Népalais avaient été renvoyés chez eux pour avoir fait grève.

Au Qatar, les conditions de la loi sont telles que les travailleurs étrangers ne peuvent pas faire grève. Pourtant, une centaine d’ouvriers a débrayé durant trois jours. Ces travailleurs népalais, indiens, sri-lankais et bangladais ont refusé d’aller travailler vendredi 21 novembre, seul jour de repos au Qatar. Pour avoir osé protester, ils vont être expulsés.

Au Qatar, les grèves sont rares. Il faut dire que le droit de grève est inexistant, que les patrons ont un droit de propriété effectif, une dépendance légale sur les salariés via le système du kafala (patronnage), que 95 % des salariés sont des étrangers au droit de séjour précaire. Pourtant, dans le 3ème pays le plus riche par tête au monde, les ouvriers d’Asie du sud survivent péniblement avec 100 ou 150 $ par mois, s’entassent des taudis, des chambres de 20 m2 bondées, endurent des journées de 10-12 h, en été dans des chantiers à 50 degrés au soleil.

A la fin novembre, plus de 800 ouvriers des chantiers de Doha ont dit Stop. Népalais pour la plupart, mais aussi Indiens, Bangladeshis, Sri Lankais, ils ne peuvent plus accepter l’inacceptable. Ils se sont mis en grève, pendant trois jours d’affilée, paralysant les chantiers de la ville. Parmi les sites concernés, celui de la rénovation de l’hôtel Sheraton de Doha. Leur employeur, ce sont deux sous-traitants : Qatar Freelance Trading and Contracting et Qatar Middle East Co. Des marchands d’esclaves modernes qui font signer des contrats fallacieux, bafoués une fois les immigrés arrivés au Qatar, alors que leurs passeports sont confisqués.

Ainsi, ces ouvriers se retrouvent à devoir vivre au Qatar avec 165 $ par mois. Loin des contrats qui leur promettaient le triple (350 $). Loin même du salaire minimum au Népal, sous gouvernement communiste, qui garantit un minimum de 250 $. Et le coût de la vie n’est pas le même à Katmandou et à Doha !

Agressions physiques

Le gouvernement qatarien a promis ces derniers mois de respecter formellement le droit des salariés. Cette mobilisation a montré que ce vœu pieux était une farce tragique. La police a été envoyée sur les lieux de la grève, elle a chargé, couvert les agissements d’un des patrons qui a agressé physiquement les ouvriers à coups de tuyaux présents sur le chantier. Elle a même trouvé un soutien parmi certains des salariés de l’entreprise, sans que cela n’entame la solidarité entre les ouvriers immigrés en lutte.

Les autorités ont arrêté une centaine d’ouvriers. Elles entament désormais une procédure de « déportation » ou « rapatriment » vers leur pays d’origine. Coupables d’avoir fait grève, de demander un salaire décent, de résister à l’arbitraire. Ce n’est pas la première fois. En 2010, 90 ouvriers immigrés travaillant pour al-Badar Construction co ont été arrêtés, incarcérés plusieurs jours et déportés. Ceux employés depuis moins de deux ans ont même du payer leur billet-retour. L’employeur qatari a livré une réponse cynique face à ce gouvernement : « Je ne peux pas augmenter les salaires pour le moment, désolé. Par contre, je peux les aider à les rapatrier chez eux ». Un bon samaritain.

Pour la seule année 2014, 1400 ouvriers ont péri sur ces chantiers.
Que la FIFA ait pu confier – sur fond de corruption généralisée – l’organisation de la Coupe du monde 2022 au Qatar reflète cette hypocrisie occidentale, prête à fermer les yeux, à l’odeur du gaz. Selon un rapport de la Confédération syndicale internationale (CSI), il y avait déjà au début de l’année 2014 1 400 ouvriers immigrés – essentiellement népalais, plus largement d’Asie du sud – qui étaient morts sur les chantiers de la honte.

A ce rythme, 4 000 ouvriers pourraient périr dans l’émirat qatarien d’ici 2022. On peut rappeler que Bouygues, Vinci ainsi que Keolis (filiale de la SNCF) font les yeux doux au Qatar pour obtenir les contrats juteux liés à l’organisation du mondial 2022. Le Qatar, comme on le sait tous, a racheté le Paris-Saint-Germain en 2011 pour en faire sa vitrine en France. Le PSG a marqué 370 buts en quatre ans, pendant que 1 400 ouvriers immigrés mouraient sur les chantiers des stades. Cela fait 1 but au Parc pour 4 ouvriers morts à Doha.

Des chiffres qui font frémir. Face à l’indignation sélective, aux diversions médiatiques bien orchestrée – la lutte contre le terrorisme, aux cotés du Qatar qui le finance ? – il est temps de désigner la vraie barbarie du XXI ème siècle, dont le Qatar, l’Arabie saoudite sont des visages.

Voici ce que subissent les travailleurs immigrés au Qatar :

• La confiscation des passeports : Près de 90% ont déclaré que leurs employeurs ont retiré leurs passeports.

• Les arriérés de salaires et les bas salaires : Un certain nombre de travailleurs se sont plaints qu’ils n’étaient pas payés et que leurs salaires n’étaient pas suffisants. En fait, la délégation a rencontré une douzaine de travailleurs qui allaient être expulsés sans avoir été payés pendant sept mois.

• Le système de paiement : De nombreux travailleurs migrants ont déclaré qu’ils reçoivent toujours des paiements en espèces.

• Les contrats de travail : les travailleurs se plaignent toujours de la dualité des contrats de travail où le contrat de travail qu’ils ont signé dans leur pays d’origine différait grandement en termes de salaires, d’heures de travail, de conditions de travail, et d’emplois, de la réalité au Qatar.

• Les frais de recrutement : Les frais élevés de recrutement continuent à être un fardeau pour la plupart des travailleurs migrants qui sont lourdement endettés avant qu’ils n’arrivent au Qatar.

• L’enregistrement des différends et des plaintes : La plupart des travailleurs a déclaré qu’ils n’étaient pas au courant de la ligne téléphonique d’aide du Ministère du Travail et des Affaires Sociales. Ils ont en outre réaffirmé qu’ils n’ont pas confiance dans le mécanisme de résolution des litiges de l’état, car il se met très souvent du côté de l’employeur.

• Les soins de santé : En dépit du fait que les employeurs soient tenus d’apporter des soins de santé et l’assurance pour les travailleurs, certains ont déclaré qu’ils n’avaient pas d’assurance maladie ce qui fait que beaucoup cherche des soins médicaux, même si ils avaient été blessés au travail.

• L’hébergement : Les travailleurs migrants continuent à vivre dans des conditions qui diffèrent des normes de protection du Comité suprême de livraison et du Patrimoine et la Fondation du Qatar.

• La Kafala et le système de visa de sortie : Les travailleurs migrants ont déclaré que rien n’a changé en dépit de l’annonce faite par le gouvernement en mai.

Ghimire Gundev et Krishna Upadhyaya, deux défenseurs des droits humains ont disparus au Qatar. Ces deux ressortissants britanniques étaient traqués et harcelés par des agents de la sécurité qatarie alors qu’ils enquêtaient sur des violations extrêmes des droits des travailleurs dans l’État du Golfe. Ils ont disparu tandis qu’ils se préparaient à quitter leur hôtel pour rejoindre l’aéroport de Doha d’où ils devaient s’envoler le 31 août.

Le Qatar semble persuadé que le fait de fomenter un climat de peur et d’intimidation permettra, d’une manière ou d’une autre, de détourner le regard du monde de son économie esclavagiste moderne. Des centaines de travailleurs migrants, dont un nombre important de femmes, croupissent dans les centres de détention de Doha pour le simple fait de s’être enfuis de chez leurs employeurs violents. Des journalistes étrangers ont été détenus pour avoir tenté de révéler la vérité, alors que la répression exercée par l’État ne fait en réalité que croître dans un pays qui avait déjà peu d’égards pour le respect des droits humains fondamentaux et des normes juridiques.

Messages

  • Le Qatar, qui doit accueillir en 2022 la Coupe du monde de football, a lancé à cette occasion plusieurs grands projets d’infrastructures, caractérisés autant par leur démesure que par leur coût humain. Plusieurs centaines d’ouvriers, majoritairement des travailleurs migrants venus d’Asie du Sud, sont déjà décédés sur les chantiers, où règnent des conditions de quasi esclavage. Les groupes français présents sur place - Vinci et Bouygues notamment - assuraient que leurs propres projets étaient exempts de ces pratiques. Mais, aujourd’hui, l’association Sherpa et la CGT du bâtiment déclarent avoir recueilli suffisamment d’éléments en charge pour porter plainte en France contre Vinci et contre les dirigeants de sa filiale qatarie.

    La plainte déposée par Sherpa et la Fédération Nationale des Salariés de la Construction, Bois et Ameublement (FNSCBA) CGT vise la filiale Vinci Construction Grands Projets (VCGP) et les dirigeants français de QDVC, la filiale mise en place par Vinci pour mener à bien ses projets au Qatar [1]. La plainte vise les infractions de travail forcé, réduction en servitude et recel. L’ONG et le syndicat dénoncent « l’utilisation par ces entreprises de menaces diverses pour contraindre une population vulnérable à des conditions de travail et d’hébergement indignes et à une rémunération dérisoire ».

    Les conditions de travail sur les chantiers qataris du Mondial 2022 défraient la chronique depuis que plusieurs médias et associations humanitaires ont commencé à tirer la sonnette d’alarme sur le nombre d’accidents mortels sur les chantiers. On estime qu’au rythme actuel, près de 4000 ouvriers pourraient trouver la mort d’ici 2022. Plus globalement, les ouvriers sont souvent maintenus dans une situation de servitude, contraints de vivre et travailler dans des conditions terribles sans possibilité de protester ni de partir puisque leurs passeports sont confisqués d’entrée par les employeurs.

    Comme le rappelle une enquête à ce sujet publiée il y a quelques mois par l’Observatoire des multinationales (lire Conditions de travail sur les chantiers du Qatar : quel est le rôle de Bouygues et Vinci ?), Vinci a profité de ses relations étroites avec les dirigeants qatari pour décocher contrats sur contrats dans le pays. Le groupe de BTP emploie plusieurs milliers d’ouvriers pakistanais ou népalais sur ses chantiers, directement ou par le biais de ses sous-traitants.

    Confronté au scandale international suscité par les conditions de travail sur les chantiers de la Coupe du mondée qatarie, Vinci avait toujours assuré - comme Bouygues - que ces problèmes ne la concernaient pas et qu’elle assurait à ses ouvriers des conditions décentes de vie et de travail. Le groupe avait même organisé une visite de journalistes français pour le démontrer... sans toutefois laisser entrer les syndicats ! Et une ambiguïté demeurait sur la question des conditions faites aux ouvriers par les sous-traitants, qui peuvent représenter la majorité de la force de travail sur certains chantiers.

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