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Qui était Darwin et quelles étaient ses idées ?

vendredi 6 novembre 2009, par Robert Paris

"Je ne crois à aucune loi fixe du développement, obligeant tous les habitants d’une région à se modifier brusquement, ou simultanément, ou à un égal degré. (....) La variabilité de chaque espèce est tout à fait indépendante de celle des autres. L’accumulation par la sélection naturelle, à un degré plus ou moins prononcé, des variations qui peuvent surgir, produisant ainsi plus ou moins de modifications chez différentes espèces, dépend d’éventualités nombreuses et complexes, telles que la nature avantageuse des variations, la liberté des croisements, le taux de reproduction, les changements lents dans les conditions physiques de la contrée, et plus particulièrement de la nature des autres habitants avec lesquels l’espèce qui varie se trouve en concurrence. (...) Comme tous les êtres organisés, éteints et récents, qui ont vécu sur la Terre peuvent être tous classés ensemble, et ont tous été reliés les uns aux autres par une série de fines gradations, la meilleure classification, la seule possible d’ailleurs, si nos collections étaient complètes, serait la classification généalogique ; le lien caché que les naturalistes ont cherché sous le nom de système naturel n’est autre chose que la descendance."

Darwin dans "L’origine des espèces"

Que penser de l’évolution des espèces, des thèses de Darwin et du darwinisme ?

Reconstitutions du bureau et du voyage de Darwin

Darwin est certainement un des scientifiques les plus connus au monde. Cependant, les images sur Darwin et sur sa théorie sont entachées d’erreurs et de mensonges qui ne sont pas de simples produits de l’ignorance. Darwin, lui-même, n’a pas souhaité que l’on connaisse dans le grand public ses véritables motivations ni parfois les profondeur de ses idées. Beaucoup voient en Darwin un simple observateur attentif de la réalité qui n’aurait eu aucune théorie préétablie. C’est tout le contraire. Ce sont des motivations idéologiques qui l’ont poussé à se pencher sur l’étude des êtres vivants. Charles Darwin fut certainement très influencé par son grand-père, Erasmus Darwin, qui publia au début du 19ème siècle un ouvrage sur le monde du vivant et son évolution. Erasmus, dans sa Zoönomia, se demandait si l’on n’avait pas le droit d’imaginer que tous les animaux à sang-chaud n’étaient pas sortis d’un simple filament, que la grande Cause première avait rangé dans le règne animal… mais avec la faculté de s’améliorer sans cesse par une activité propre inhérente en lui-même et de transmettre ces améliorations à sa postérité par le phénomène de génération. Darwin avait donc des idées sur l’évolution avant même de commencer ses observations. Par la suite, il a été influencé par les idées de Mallthus sur la démographie et "la lutte pour la vie". Darwin n’a pas eu une formation de scientifique mais de pasteur et il n’a pas supporté celle-ci. Il est devenu matérialiste et même violemment anti-religieux. Bien qu’il utilisait le terme « agnostique » à la fin de sa vie, ce choix de vocabulaire visait à ne pas heurter les scrupules de la société victorienne et les convictions religieuses de son épouse. « L’incrédulité gagna sur moi très lentement, mais elle fut à la fin, complète, écrit-il dans son Autobiographie. [...] Je n’ai jamais douté depuis, même une seule seconde, que ma conclusion ne fut correcte. » Vivant à son aise de la fortune de son père, appartenant à la bonne société des gentleman, il ne voulait être mis au ban de cette société et craignait que la publicité donnée à ses idées irréligieuses ne mènent à son excommunication. Il a décidé de cacher ses idées tout en commençant progressivement à les étayer et à entrer en contact avec des scientifiques. C’est l’évolution de la société bourgeoise anglaise, devenue apte à considérer l’évolution comme une justification du progrès technique et social du capitalisme, qui lui a permis de faire connaître son point de vue sur l’évolution. Mais il n’est par contre pas devenu ouvertement le militant athée qu’il était réellement. Et c’est cet athéisme qui explique dans quel sens il avait mené sa recherche. La continuité des espèces au cours de l’évolution a surtout pour but de montrer qu’il n’y a pas eu de création divine puisqu’il n’y a pas eu de création du tout. Tous les ouvrages de Darwin sont tournés contre les thèses religieuses de son époque sur la nature et sa prétendue manifestation de dessein de Dieu qui aurait produit la nature dans un but préétabli. Son ouvrage principal "De l’origine des espèces" répond directement à l’ouvrage pro-religieux de Paley, argument par argument, mot à mot. "Le vieil argument du dessein dans la nature, tel que le donnait Paley, me paraissait autrefois des plus concluants, il tombe aujourd’hui après qu’a été découverte la loi de sélection naturelle. Nous ne pouvons plus soutenir que, par exemple, l’admirable charnière d’une coquille bivalve a dû être faite par un être intelligent, comme la charnière d’une porte par l’homme. Il semble qu’il n’y a pas plus de dessein dans la variabilité des êtres organiques et dans l’action de la sélection naturelle, que dans la façon dont le vent souffle. Tout dans la nature est le résultat de lois fixées à l’avance." Son étude sur les orchidées vise à montrer que leur structures destinées à la fécondation, par l’intermédiaire des insectes, ont été bricolées à partir d’éléments dont les ancêtres se servaient dans un tout autre dessein, comme l’explique Stephen Jay Gould dans "Darwin et les grandes énigmes de la vie". L’énigme de la vie de Darwin semble bien se résumer à un énorme effort pour libérer les hommes de son époque de l’emprise de la religion.

"La science et le Christ n’ont rien à voir l’un avec l’autre, sinon dans la mesure où l’habitude de la recherche scientifique enseigne la prudence au moment d’accepter une preuve quelle qu’elle soit. En ce qui me concerne, je ne crois pas qu’une révélation ait été faite. "

(Charles Darwin / 1809-1882 / juin 1879)

"Le vrai matérialisme fait de Dieu une impossibilité, de la révélation une vue de l’esprit, et de la vie future une absurdité."

(Charles Darwin / 1809-1882 / juin 1879)

"J’en étais progressivement venu, à cette époque, à voir que l’Ancien Testament, de par son histoire du monde manifestement fausse, avec la tour de Babel, l’arc-en-ciel comme signe, etc., et son attribution à Dieu des sentiments d’un tyran assoiffé de vengeance, n’était pas plus digne de foi que les livres sacrés des hindous, ou les croyances de n’importe quel barbare. Une question s’imposait alors continuellement à mon esprit, et refusait d’en être bannie : est-il croyable que si Dieu avait dans l’instant, à révéler aux hindous, il permettrait que cela soit lié à la croyance de Vishnou, Shiva, etc., comme le christianisme est lié à l’Ancien Testament ? Cela me paraissait tout à fait incroyable."

(Charles Darwin / 1809-1882)

Darwin n’est absolument pas un simple observateur attentif de la nature qui aurait consigné sur des cahiers le détails d’études précises sur des quantités d’êtres vivants et qui aurait inventé une notion nouvelle : l’évolution. Cette notion existait bien avant lui. C’est un philosophe qui avait un projet bien précis : détruire idéologiquement l’édifice intellectuel dans lequel lui-même avait été enfermé, l’idéologie religieuse. Chacune de ses études est, petit à petit, non pas une description de ce qu’il voit mais un raisonnement, une argumentation qui répond point par point à celle du christianisme prétendant faire de la nature une preuve du dessein divin et de la construction d’un monde pour y mettre la créature supérieure : l’homme. Darwin répond point par point : pas de créature supérieure, pas de dessein, pas de loi supérieure, pas de construction pilotée, pas de but à chaque naissance d’un organe et d’une fonction, d’une espèce et d’un attribut. Pas de conscience supérieure pour bâtir la conscience humaine. l’homme n’est qu’un animal parmi d’autres, un être vivant entre bien d’autres. L’univers n’est pas fait pour l’homme. La nature n’est pas la preuve d’un bâtisseur qui a tout conçu par avance. Au contraire, tout se construit au fur et à mesure, en fonction des contingences. La destruction idéologique de la religion chez Darwin explique qu’aujourd’hui encore les religieux soient aussi violents contre lui. Il n’y a que des pays comme la France où l’hypocrisie sociale démocratique est profondément ancrée pour y penser que l’évolution vue par Darwin n’est pas opposée à la croyance religieuse. La religion dominante en France étant l’éclectisme et le scepticisme général vis-à-vis de toute pensée engagée, cela n’a rien d’étonnant qu’une telle pensée ne puisse comprendre le "dessein" engagé d’un Darwin, un combattant violent contre la prison idéologique de la religion chrétienne !

D. Tort sur "L’origine des espèces" : "Avec ce livre, la science s’affranchit de la théologie."

« J’ai peine à croire comment quelqu’un pourrait souhaiter que le Christianisme fût vrai ; car en pareil cas la langue simple de ce texte semble montrer que les hommes qui ne croient pas – et parmi eux mon père, mon frère et presque tous mes meilleurs amis – seront punis éternellement. Et c’est une doctrine abominable. »

DARWIN dans son Autobiographie posthume

Mais Darwin s’est gardé de manifester ouvertement son hostilité à la religion. Comme Richard Millner l’a écrit : « Dans ses cauchemars Darwin se voyait décapité ou pendu ; il se disait qu’une conviction qui allait ainsi contre l’autorité biblique équivalait à l’aveu d’un meurtre. » (Encyclopédie de l’Évolution)

"Lorsque, en 1837, Darwin rompt avec le fixisme dogmatique et ouvre son premier carnet de notes sur le « transmutation des espèces », ni l’Église anglicane ni l’Angleterre – qui voit au même moment Victoria accéder au trône – ne sont prêtes à de telles concessions. Le prix de cette raideur est que tout divorce de la raison avec le dogme est vécu comme sortie simultanée de l’Église et de la foi. Pour Darwin qui, désormais transformiste et assuré de son étude de la géologie, de la paléontologie et de la distribution géographique des organismes, ne peut plus croire que le monde et les êtres qui le peuplent ont été créés en six jours par un Dieu personnel – dont les traits de comportement lui rappellent sensiblement par ailleurs ceux des divinités barbares du paganisme –, la religion, figée dans ses textes fondateurs, apparaît comme un mensonge indigne de justifier le maintien d’une croyance. On sait pourtant que quelques années auparavant, à Cambridge, il avait étudié avec un réel plaisir les ouvrages, inscrits au programme des humanités, de William Paley – le même dont l’actuel « Intelligent Design » fait aujourd’hui encore une référence permanente –, en dépit du fait que le prélat avait ordonné la mise à l’index des ouvrages non orthodoxes de son grand-père Erasmus. Au terme d’un processus d’éloignement progressif qu’il évoque dans son Autobiographie de 1876 en des termes non équivoques, Darwin abandonnera ainsi ses convictions juvéniles jusqu’à devenir « totalement incrédule »."

Institut Charles Darwin International

Extrait de « Darwin et les grandes énigmes de la vie » de Stephen Jay Gould :

« En l’espace de dix ans, Darwin convainquit le monde intellectuel de l’existence de l’évolution, mais sa théorie de la sélection naturelle ne fut jamais très populaire de son vivant. Elle ne s’est imposée que dans les années quarante et, aujourd’hui encore, bien qu’elle soit au cœur de notre théorie de l’évolution, elle est généralement mal comprise, mal citée et mal appliquée. La difficulté ne réside pourtant pas dans la complexité de sa structure logique, car les fondements de la sélection naturelle sont la simplicité même. Ils se résument à deux constatations indubitables entraînant une conclusion inévitable :

1- Les organismes varient et leurs variations se transmettent (en partie du moins) à leurs descendants
2- Les organismes produisent plus de descendants qu’il ne peut en survivre.
3- En règle générale, le descendant qui varie dans la direction favorisée par l’environnement survivra et se reproduisera. La variation favorable se répandra donc dans les populations par sélection naturelle.

(…) L’idée suivant laquelle la sélection naturelle est la force créatrice de l’évolution et pas seulement le bourreau qui exécute les inadaptés est l’essence de l’adapté, c’est-à-dire élaborer progressivement l’adaptation en conservant, génération après génération, les éléments favorables dans un ensemble de variations dues au hasard. Si la sélection naturelle est créatrice, il faut compléter la première proposition, relative à la variation, par deux observations supplémentaires.

Premièrement, la variation doit être le fruit du hasard ou, tout au moins, ne pas tendre de préférence vers l’adaptation. Car si la variation est préprogrammée dans la bonne direction, la sélection naturelle ne joue aucun rôle créateur et se contente d’éliminer les individus non conformes. (…) Ce que nous savons des variations génétiques laisse penser que Darwin avait raison de soutenir que la variation n’est pas préprogrammée. L’évolution est un mélange de hasard et de nécessité. Hasard dans la variation, nécessité dans le fonctionnement de la sélection.

Deuxièmement, la variation doit être petite relativement à l’ampleur de l’évolution manifestée dans la formation d’espèces nouvelles. En effet, si les espèces nouvelles apparaissent d’un seul coup, le seul rôle de la sélection consiste simplement à faire disparaître les populations en place afin de laisser le champ libre aux formes améliorées qu’elle n’a pas élaborées. De nouveau, nos connaissances en génétique vont dans le sens de Darwin, qui croyait que les petites mutations constituent l’essentiel de l’évolution.

Ainsi, la théorie de Darwin, simple en apparence, ne va pas, dans les faits, sans complexité. Il semble néanmoins que les réticences qu’elle suscite tiennent moins aux éventuelles difficultés scientifiques qu’au contenu philosophiques des conceptions de Darwin qui constituent en effet un défi à un ensemble d’idées particulières à l’Occident et que nous ne sommes pas encore près de l’abandonner.

Pour commencer, Darwin prétend que l’évolution n’a pas de but. (…) Darwin soutient que l’évolution n’est pas dirigée, qu’elle ne conduit pas inévitablement à l’apparition de caractéristiques supérieures. Les organismes ne font que s’adapter à leur environnement. La « dégénérescence » du parasite est aussi parfaite que l’élégance de la gazelle.

Enfin, Darwin fait reposer son interprétation de la nature sur une philosophie matérialiste. La matière est le fondement de toute existence (…)

Charles Darwin met au point la théorie fondamentale de l’évolution en 1838 et ne la publie, vingt et ans plus tard, que parce que A. R. Wallace s’apprête à le coiffer sur le poteau.

Après cinq années passées à bord du Beagle, Darwin ne croyait plus à la fixité des espèces. En juillet 1837, peu après son voyage, il entreprit la rédaction du premier carnet sur la « transmutation ». Déjà convaincu de l’existence de l’évolution, Darwin cherchait une théorie susceptible d’expliquer son mécanisme. Après de nombreux tâtonnements, c’est une lecture en apparence sans rapport avec son sujet qui lui permit d’avancer.

Darwin écrivit plus tard, dans son autobiographie :

« J’eus l’occasion, en octobre 1838, de lire pour le plaisir, « Sur la population », de Malthus. Etant déjà préparé à tenir compte de la lutte pour la vie, qui existe partout, par une observation longue pour la vie, qui existe partout, par une observation longue et assidue des habitudes des animaux et des plantes, je fus aussitôt convaincu que dans de telles circonstances, les variations défavorables à disparaître. Il en résulterait la formation d’espèces nouvelles. »

Darwin avait compris depuis longtemps l’importance de la sélection artificielle pratiquée par les éleveurs. Mais avant que les théories de Malthus sur la surpopulation et la lutte pour la vie ne fussent venues catalyser ses pensées, il n’avait pu découvrir l’agent de la sélection naturelle. Si toutes la créatures produisaient beaucoup plus de descendants qu’il ne pourrait raisonnablement en survivre, alors la sélection naturelle présiderait à l’évolution à l’aide d’un seul principe : les survivants seraient les représentants de l’espèce les mieux adaptés aux conditions de vie dominantes.

Darwin savait parfaitement l’importance de ce qu’il venait de mettre au jour. Il est donc impossible d’attribuer son silence à une sous-estimation de sa propre découverte. En 1842, puis de nouveau en 1844, il rédigea les premières esquisses de sa théorie et de ses implications. Il donna également à sa femme des instructions strictes pour qu’elle ne publiât que ces seuls manuscrits, s’il venait à mourir avant de pouvoir écrire son ouvrage principal.

Pourquoi, dans ces conditions, attendit-il vingt ans avant de publier sa théorie ? (…) Selon l’argumentation habituelle, Darwin a donc attendu vingt ans uniquement parce qu’il n’avait pas terminé son travail. Sa théorie le satisfaisait, mais la théorie seule est sans valeur. Il était décidé à ne rien publier avant d’avoir amassé une documentation suffisante, et cela prit du temps.

Mais les activités de Darwin pendant les vingt années en question montrent les insuffisances d’un tel point de vue. En particulier, il a passé huit années à rédiger quatre gros volumes consacrés à la taxonomie et à la description des bernacles. (…) Au reste, le jugement que Darwin lui-même porte sur les quatre volumes en question se trouve dans son autobiographie :

« En plus de la découverte de plusieurs formes nouvelles remarquables, j’ai mis en ordre les homologies des différentes parties (…) et mis en évidence l’existence, dans certaines espèces, de mâles de taille réduite qui sont à la fois des compléments et des parasites des hermaphrodites. Néanmoins, je ne suis pas certain que ce travail méritait que je m’y consacre aussi longtemps. » (…)

Deux des anciens carnets de Darwin permettent d’y voir plus clair : les carnets M et N furent écrits en 1838 et 1839, pendant que Darwin travaillait à la compilation des carnets sur la transmutation, qui servent de base à ses esquisses de 1842 et 1844. On y trouve des réflexions sur la philosophie, l’esthétique, la psychologie et l’anthropologie. (…) De nombreux passages montrent qu’il était convaincu de quelque chose qu’il ressentait comme beaucoup plus « hérétique » que l’évolution elle-même, notion beaucoup plus passée dans l’opinion de l’époque qu’on ne le croit, et qu’il avait peur d’exposer : le matérialisme philosophique, postulat selon lequel la matière est la substance de toute existence, les phénomènes psychologiques et spirituels n’étant que ses sous-produits. (…) Ces carnets prouvent en outre que Darwin s’intéressait à la philosophie et qu’il était conscient de ses implications. Il savait que ce qui distinguait radicalement sa théorie des autres doctrines évolutionnistes était un matérialisme philosophique sans compromis. Les évolutionnistes parlaient de forces vitales, de sens de l’Histoire, de lutte organique et d’irréductibilité fondamentale de l’esprit …, autant de notions que la chrétienté traditionnelle pouvait parfaitement accepter (…) Darwin, lui, ne parlait que de variations dues au hasard et de sélection naturelle.

Dans ses carnets, Darwin applique résolument sa théorie matérialiste à toutes les manifestations de la vie, y compris ce qu’il nommait « la citadelle elle-même », l’esprit humain. (…) Dans l’un des carnets concernant la transmutation, il écrit :

« Que je voie l’amour de la divinité comme fruit de l’organisation, quel matérialiste (je suis) ! Pourquoi le fait que la pensée soit une sécrétion du cerveau est-il plus extraordinaire que le fait que la pesanteur soit une propriété de la matière ? La source de cela, c’est notre orgueil, l’admiration que nous éprouvons pour nous-mêmes. »

Cette conception était à ce point hérétique que Darwin, dans « L’Origine des espèces » (1859) ne s’est permis que ce commentaire obscur : « La lumière sera faite sur l’origine de l’homme et son histoire ». Il n’exposa ses convictions (sur l’évolution de l’homme et même pas sur le matérialisme) que lorsqu’il ne lui fut plus possible de les cacher dans la « Descendance de l’homme » (1871) et « L’expression des émotions chez l’homme et les animaux » (1872). A. R. Wallace, codécouvreur de la théorie de la sélection naturelle, ne put jamais se résoudre à l’appliquer à l’esprit humain, qu’il considérait comme la seule contribution divine à l’histoire de la vie.

Darxin, lui, fit voler en éclats deux mille ans de philosophie et de religion dans l’épigramme le plus remarquable du carnet M :

« Platon dit dans le « Phédon » que les « idées imaginaires » viennent de la prééxistence de l’âme, qu’elles ne sont pas tirées de l’expérience… Il faut lire « singes » au lieu de « prééxistence ». (…)

Darwin écrit dans le carnet M :

« Pour éviter de dire jusqu’à quel point je crois au matérialisme, je dois me contenter de dire que les émotions, les instincts, les degrés de talent, qui sont héréditaires, le sont parce que le cerveau de l’enfant ressemble à celui des parents. » (…)

Darwin était en fait un révolutionnaire bien tranquille. Il ne se contenta pas de retarder très longtemps la publication de son œuvre, il évita aussi d’exposer publiquement les implications philosophiques de sa théorie.

En 1880, il écrivit à Karl Marx :

« Il me semble (à tort ou à raison) que les attaques directes contre le christianisme et le théisme n’ont pratiquement aucun effet sur le public et que l’enrichissement de l’esprit humain qui suit le progrès de la science fera davantage pour la liberté de penser. C’est pourquoi j’ai toujours évité de parler de religion et me suis cantonné à la science. »

(…)

D’où viennent les idées de Darwin ?

De nombreux biologistes répondent Charles Darwin si on leur demande qui exerçait les fonctions de naturaliste à bord du Beagle. Et ils se trompent. (…) Darwin se trouvait bien à bord du Beagle et il s’y est bien consacré aux sciences naturelles. Mais ce n’est pas la vraie raison de sa présence à bord, et c’est le médecin du bord, Robert Mac Cormick, qui occupait officiellement les fonctions de naturaliste. (…) A vrai dire, le rôle de Darwin à bord du Beagle consistait essentiellement à tenir compagnie au capitaine Fitzroy. Mais pourquoi un capitaine britannique s’embarque-t-il pour cinq ans en compagnie d’un homme qu’il ne connaît que depuis deux mois ? (…) La tradition navale britannique de l’époque obligeait le capitaine à n’avoir pratiquement aucun contact avec le reste de la hiérarchie. (…) Le prédécesseur de Fitzroy comme capitaine du Beagle s’était suicidé dans l’hémisphère sud en 1828, après trois années passées loin de chez lui. De plus, comme Darwin l’a signalé lui-même dans une lettre à sa sœur, Fitzroy croyait avoir des « prédispositions héréditaires » aux troubles mentaux. (...) En fait, Fitzroy s’est effectivement effondré pendant le voyage et a dû céder temporairement son commandement... pendant que Darwin était alité à Valparaiso. S’il voulait échapper à la solitude, la seule ressource de Titzroy était donc d’emmener un passager "en surnombre". (...) Fitzroy était un aristocrate et descendait directement du roi Charles II. Seul un gentelman pouvait paratger ses repas, et, à n’en pas douter, Darwin en était un. (...) Le parrain de Darwin, J. S. Henslow, comprit parfaitement. Il écrivit à Darwin : "Le capitaine F a besoin de quelqu’un, d’après moi, il cherhce un compagnon plus qu’un véritable homme de science." Darwin et Fitzroy se rencontrèrent et se mirent d’accord. Darwin choisit de tenir compagnie à Fitzroy, son rôle consistant surtout à s’asseoir à la table du capitaine à chaque repas, pendant cinq longues années. (...) Darwin était très avantagé. Le capitaine l’écoutait. Il avait un valet. Aux escales, il pouvait se permettre d’aller à terre, et de payer des indigènes pour avoir des specimens (...) Fitzroy soutenait ardemment les conservateurs. Les positions libérales de Darwin étaient tout aussi définies. Darwin évita soigneusement de discuter avec Fitzroy du projet de réforme qu’examinait alors le Parlement, mais ils s’opposèrent au sujet de l’esclavage. Un soir, Fitzroy dit à Darwin qu’il avait été témoin de la nécessité de l’esclavage. L’un des plus gros trafiquants d’esclaves brésiliens avait rassemblé ses captifs et leur avait demandé s’ils désiraient être affranchis. Ils avaient répondu : "Non ". Darwin s’étant risqué à demander ce que valait une réponse faite en présence du propriétaire, Fitzroy s’emporta et lui déclara qu’il ne prendrait plus ses repas en sa compagnie s’il mettait sa parole en doute. Darwin sortit et se joignit aux officiers. Fitzroy céda et lui fit des excuses en bonne et due forme, quelques jours plus tard. (...) "Il est extrêmement difficile de rester en bons termes avec le capitaine d’un vaisseau de guerre, car c’est presque faire acte de mutinerie que de lui répondre comme on répondrait à quelqu’un d’autre (...)" nota plus tard Darwin dans son autobiographie. La politique conservatrice n’était cependant pas la seule passion de Fitzroy. Il s’intéressait également à la religion. Il ne prenait pas toujours la Bible au pied de la lettre, mais il considérait Moïse come un historien et un géologue compétents. (...) L’idée fixe de Fitzroy était "l’argument du dessein", selon lequel la perfection des structures organiques prouve la bonté de Dieu et son existence. Darwin, pour sa part, acceptait l’idée de perfection, mais proposait une explication naturelle tout à fait antagoniste des convictions de Fitzroy. Il lui opposait, en effet, une théroie évolutionniste fondée sur des variations dues au hasard et sur la sélection naturelle imposée par l’environnement, conception strictement matérialiste et fondamentalement athée. (....)

Darwin, Lamarck et Haeckel, les plus grands évolutionnistes du 19ème siècle en Angleterre, en France et en Allemagne respectivement, n’ont pas utilisé ce mot dans l’édition originale de leurs œuvres. Darwin parlait de "descendance par modification", Lamarck de "transformisme", Haeckel leur préférait "théorie des transmutations". (...) Deux raisons principales ont poussé Darwin à éviter d’employer le mot "évolution" dans l’exposé de sa théorie. En premier lieu, le terme avait déjà un sens technique en biologie à son époque. Il s’appliquait alors à une théorie embryologique, parfaitement inconciliable avec le point de vue de Darwin (...) celle du biologiste allemand Albrecht von Haller (...) Le mot évolution appliqué à la théorie de Darwin allait avoir un sens très différent (....) il désignait "l’apparition, dans un ordre donné, de longues chaînes d’événements" et, surtout, il contenait une idée de perfectionnement progressif, de passage régulier du simple au complexe. (...) Mais en réalité, c’est un terme qu’il employait très rarement, car il voulait bannir toute notion de progrès de ce que nous appelons aujourd’hui évolution. Dans une épigramme célèbre, Darwin écrit qu’il doit s’interdire d’employer les qualificatifs "supérieurs" et "inférieurs" lorsqu’il décrit la structure des organismes. Pouvons-nous prétendre, en effet, que nous sommes des créatures supérieures à l’amibe, qui est aussi bien adaptée à son environnement que nous le sommes au nôtre. (...) la notion de progrès, inséparable de son sens courant, lui déplaisait. (...) On peut toutefois se demander pourquoi les savants ont provoqué ce terrible malentendu en choisissant un mot courant, qui signifie progrès, pour désigner ce que Darwin nommait, moins spectaculairement mais plus correctement, "descendance avec modification". "

suite des extraits à venir ...

Sur les idées de Darwin

"Examinons maintenant si les lois et les faits relatifs à la succession géologique des êtres organisés s’accordent mieux avec la théorie ordinaire de l’immutabilité des espèces qu’avec celle de leur modification lente et graduelle, par voie de descendance et de sélection naturelle."

Charles Darwin dans "De l’origine des espèces"

« S’il pouvait être démontré qu’il existe un organe complexe qui n’aurait pas du être formé par une succession de nombreuses petites modifications, alors ma théorie s’effondrerait totalement. » affirmait Charles Darwin dans « De l’origine des espèces »

« Vous vous êtes encombré d’une difficulté inutile en adoptant le précepte selon lequel ’’la nature ne fait pas de sauts’’ sans la moindre réserve. » écrivait Thomas Henry Huxley à son ami Charles Darwin


DARWIN ECRIT :

Le fait que les restes fossiles de chaque formation présentent, dans une certaine mesure, des caractères intermédiaires, comparativement aux fossiles enfouis dans les formations inférieures et supérieures, s’explique tout simplement par la situation intermédiaire qu’ils occupent dans la chaîne généalogique. Ce grand fait, que tous les êtres éteints peuvent être groupés dans les mêmes classes que les êtres vivants, est la conséquence naturelle de ce que les uns et les autres descendent de parents communs. Comme les espèces ont généralement divergé en caractères dans le long cours de leur descendance et de leurs modifications, nous pouvons comprendre pourquoi les formes les plus anciennes, c’est-à-dire les ancêtres de chaque groupe, occupent si souvent une position intermédiaire, dans une certaine mesure, entre les groupes actuels. On considère les formes nouvelles comme étant, dans leur ensemble, généralement plus élevées dans l’échelle de l’organisation que les formes anciennes ; elles doivent l’être d’ailleurs, car ce sont les formes les plus récentes et les plus perfectionnées qui, dans la lutte pour l’existence, ont dû l’emporter sur les formes plus anciennes et moins parfaites ; leurs organes ont dû aussi se spécialiser davantage pour remplir leurs diverses fonctions. Ce fait est tout à fait compatible avec celui de la persistance d’êtres nombreux, conservant encore une conformation élémentaire et peu parfaite, adaptée à des conditions d’existence également simples ; il est aussi compatible avec le fait que l’organisation de quelques formes a rétrogradé parce que ces formes se sont successivement adaptées, à chaque phase de leur descendance, à des conditions modifiées d’ordre inférieur. Enfin, la loi remarquable de la longue persistance de formes alliées sur un même continent — des marsupiaux en Australie, des édentés dans l’Amérique méridionale, et autres cas analogues — se comprend facilement, parce que, dans une même région, les formes existantes doivent être étroitement alliées aux formes éteintes par un lien généalogique. En ce qui concerne la distribution géographique, si l’on admet que, dans le cours immense des temps écoulés, il y a eu de grandes migrations dans les diverses parties du globe, dues à de nombreux changements climatériques et géographiques, ainsi qu’à des moyens nombreux, occasionnels et pour la plupart inconnus de dispersion, la plupart des faits importants de la distri bution géographique deviennent intelligibles d’après la théorie de la descendance avec modifications. Nous pouvons comprendre le parallélisme si frappant qui existe entre la distribution des êtres organisés dans l’espace, et leur succession géologique dans le temps. ; car, dans les deux cas, les êtres se rattachent les uns aux autres par le lien de la génération ordinaire, et les moyens de modification ont été les mêmes. Nous comprenons toute la signification de ce fait remarquable, qui a frappé tous les voyageurs, c’est-à-dire que, sur un même continent, dans les conditions les plus diverses, malgré la chaleur ou le froid, sur les montagnes ou dans les plaines, dans les déserts ou dans les marais, la plus grande partie des habitants de chaque grande classe ont entre eux des rapports évidents de parenté ; ils descendent, en effet, des mêmes premiers colons, leurs communs ancêtres. En vertu de ce même principe de migration antérieure, combiné dans la plupart des cas avec celui de la modification, et grâce à l’influence de la période glaciaire, on peut expliquer pourquoi l’on rencontre, sur les montagnes les plus éloignées les unes des autres et dans les zones tempérées de l’hémisphère boréal et de l’hémisphère austral, quelques plantes identiques et beaucoup d’autres étroitement alliées ; nous comprenons de même l’alliance étroite de quelques habitants des mers tempérées des deux hémisphères ; qui sont cependant séparées par l’océan tropical tout entier. Bien que deux régions présentent des conditions physiques aussi semblables qu’une même espèce puisse les désirer, nous ne devons pas nous étonner de ce que leurs habitants soient totalement différents, s’ils ont été séparés complètement les uns des autres depuis une très longue période ; le rapport d’organisme à organisme est, en effet, le plus important de tous les rapports, et comme les deux régions ont dû recevoir des colons venant du dehors, ou provenant de l’une ou de l’autre, à différentes époques et en proportions différentes, la marche des modifications dans les deux régions a dû inévitablement être différente. Dans l’hypothèse de migrations suivies de modifications subséquentes, il devient facile de comprendre pourquoi les îles océaniques ne sont peuplées que par un nombre restreint d’espèces, et pourquoi la plupart de ces espèces sont spéciales ou endémiques ; pourquoi on ne trouve pas dans ces îles des espèces appartenant aux groupes d’animaux qui ne peuvent pas traverser de larges bras de mer, tels que les grenouilles et les mammifères terrestres ; pourquoi, d’autre part, on rencontre dans des îles très éloignées de tout continent des espèces particulières et nouvelles de chauves-souris, animaux qui peuvent traverser l’océan. Des faits tels que ceux de l’existence de chauves-souris toutes spéciales dans les îles océaniques, à l’exclusion de tous autres animaux terrestres, sont absolument inexplicables d’après la théorie des créations indépendantes. L’existence d’espèces alliées ou représentatives dans deux régions quelconques implique, d’après la théorie de la descendance avec modifications, que les mêmes formes parentes ont autrefois habité les deux régions ; nous trouvons presque invariablement en effet que, lorsque deux régions séparées sont habitées par beaucoup d’espèces étroitement alliées, quelques espèces identiques sont encore communes aux deux. Partout où l’on rencontre beaucoup d’espèces étroitement alliées, mais distinctes, on trouve aussi des formes douteuses et des variétés appartenant aux mêmes groupes. En règle générale, les habitants de chaque région ont des liens étroits de parenté avec ceux occupant la région qui paraît avoir été la source la plus rapprochée d’où les colons ont pu partir. Nous en trouvons la preuve dans les rapports frappants qu’on remarque entre presque tous les animaux et presque toutes les plantes de l’archipel des Galapagos, de Juan-Fernandez et des autres îles américaines et les formes peuplant le continent américain voisin. Les mêmes relations existent entre les habitants de l’archipel du Cap-Vert et des îles voisines et ceux du continent africain ; or, il faut reconnaître que, d’après la théorie de la création, ces rapports demeurent inexplicables. Nous avons vu que la théorie de la sélection naturelle avec modification, entraînant les extinctions et la divergence des caractères, explique pourquoi tous les êtres organisés passés et présents peuvent se ranger, dans un petit nombre de grandes classes, en groupes subordonnés à d’autres groupes, dans lesquels les groupes éteints s’intercalent souvent entre les groupes récents. Ces mêmes principes nous montrent aussi pourquoi les affinités mutuelles des formes sont, dans chaque classe, si complexes et si indirectes ; pourquoi certains caractères sont plus utiles que d’autres pour la classification ; pourquoi les caractères d’adaptation n’ont presque aucune importance dans ce but, bien qu’indispensable à l’individu ; pourquoi les caractères dérivés de parties rudimentaires, sans utilité pour l’organisme, peuvent souvent avoir une très grande valeur au point de vue de la classification ; pourquoi, enfin, les caractères embryologiques sont ceux qui, sous ce rapport, ont fréquemment, le plus de valeur. Les véritables affinités des êtres organisés, au contraire de leurs ressemblances d’adaptation, sont le résultat héréditaire de la communauté de descendance. Le système naturel est un arrangement généalogique, où les degrés de différence sont désignés par les termes variétés, espèces, genres, familles, etc., dont il nous faut découvrir les lignées à l’aide des caractères permanents, quels qu’ils puissent être, et si insignifiante que soit leur importance vitale. La disposition semblable des os dans la main humaine, dans l’aile de la chauve-souris, dans la nageoire du marsouin et dans la jambe du cheval ; le même nombre de vertèbres dans le cou de la girafe et dans celui de l’éléphant ; tous ces faits et un nombre infini d’autres semblables s’expliquent facilement par la théorie de la descendance avec modifications successives, lentes et légères. La similitude de type entre l’aile et la jambe de la chauve-souris, quoique destinées à des usages si différents ; entre les mâchoires et les pattes du crabe ; entre les pétales, les étamines et les pistils d’une fleur, s’explique également dans une grande mesure par la théorie de la modification graduelle de parties ou d’organes qui, chez l’ancêtre reculé de chacune de ces classes, étaient primitivement semblables. Nous voyons clairement, d’après le principe que les variations successives ne surviennent pas toujours à un âge précoce et ne sont héréditaires qu’à l’âge correspondant, pourquoi les embryons de mammifères, d’oiseaux, de reptiles et de poissons, sont si semblables entre eux et si différents des formes adultes. Nous pouvons cesser de nous émerveiller de ce que les embryons d’un mammifère à respiration aérienne, ou d’un oiseau, aient des fentes branchiales et des artères en lacet, comme chez le poisson, qui doit, à l’aide de branchies bien développées, respirer l’air dissous dans l’eau. Le défaut d’usage, aidé quelquefois par la sélection naturelle, a dû souvent contribuer à réduire des organes devenus inutiles à la suite de changements dans les conditions d’existence ou dans les habitudes ; d’après cela, il est aisé de comprendre la signification des organes rudimentaires. Mais le défaut d’usage et la sélection n’agissent ordinairement sur l’individu que lorsqu’il est adulte et appelé à prendre une part directe et complète à la lutte pour l’existence, et n’ont, au contraire, que peu d’action sur un organe dans les premiers temps de la vie ; en conséquence, un organe inutile ne paraîtra que peu réduit et à peine rudimentaire pendant le premier âge. Le veau a, par exemple, hérité d’un ancêtre primitif ayant des dents bien développées, des dents qui ne percent jamais la gencive de la mâchoire supérieure. Or, nous pouvons admettre que les dents ont disparu chez l’animal adulte par suite du défaut d’usage, la sélection naturelle ayant admirablement adapté la langue, le palais et les lèvres à brouter sans leur aide, tandis que, chez le jeune veau, les dents n’ont pas été affectées, et, en vertu du principe de l’hérédité à l’âge correspondant, se sont transmises depuis une époque éloignée jusqu’à nos jours. Au point de vue de la création indépendante de chaque être organisé et de chaque organe spécial, comment expliquer l’existence de tous ces organes portant l’empreinte la plus évidente de la plus complète inutilité, tels, par exemple, les dents chez le veau à l’état embryonnaire, ou les ailes plissées que recouvrent, chez un grand nombre de coléoptères, des élytres soudées ? On peut dire que la nature s’est efforcée de nous révéler, par les organes rudimentaires, ainsi que par les conformations embryologiques et homologues, son plan de modifications, que nous nous refusons obstinément à comprendre. Je viens de récapituler les faits et les considérations qui m’ont profondément convaincu que, pendant une longue suite de générations, les espèces se sont modifiées. Ces modifications ont été effectuées principalement par la sélection naturelle de nombreuses variations légères et avantageuses ; puis les effets héréditaires de l’usage et du défaut d’usage des parties ont apporté un puissant concours à cette sélection ; enfin, l’action directe des conditions de milieux et les variations qui dans notre ignorance, nous semblent surgir spontanément, ont aussi joué un rôle, moins important, il est vrai, par leur influence sur les conformations d’adaptation dans le passé et dans le présent. Il paraît que je n’ai pas, dans les précédentes éditions de cet ouvrage, attribué un rôle assez important à la fréquence et à la valeur de ces dernières formes de variation, en ne leur attribuant pas des modifications permanentes de conformation, indépendamment de l’action de la sélection naturelle. Mais, puisque mes conclusions ont été récemment fortement dénaturées et puisque l’on a affirmé que j’attribue les modifications des espèces exclusivement à la sélection naturelle, on me permettra, sans doute, de faire remarquer que, dans la première édition de cet ouvrage, ainsi que dans les éditions subséquentes, j’ai reproduit dans une position très évidente, c’est-à-dire à la fin de l’introduction, la phrase suivante : « Je suis convaincu que la sélection naturelle a été l’agent principal des modifications, mais qu’elle n’a pas été exclusivement le seul. » Cela a été en vain, tant est grande la puissance d’une constante et fausse démonstration ; toutefois, l’histoire de la science prouve heureusement qu’elle ne dure pas longtemps. Il n’est guère possible de supposer qu’une théorie fausse pourrait expliquer de façon aussi satisfaisante que le fait la théorie de la sélection naturelle les diverses grandes séries de faits dont nous nous sommes occupés. On a récemment objecté que c’est là une fausse méthode de raisonnement ; mais c’est celle que l’on emploie généralement pour apprécier les événements ordinaires de la vie, et les plus grands savants n’ont pas dédaigné non plus de s’en servir. C’est ainsi qu’on en est arrivé à la théorie ondulatoire de la lumière ; et la croyance à la rotation de la terre sur son axe n’a que tout récemment trouvé l’appui de preuves directes. Ce n’est pas une objection valable que de dire que, jusqu’à présent, la science ne jette aucune lumière sur le problème bien plus élevé de l’essence ou de l’origine de la vie. Qui peut expliquer ce qu’est l’essence de l’attraction ou de la pesanteur ? Nul ne se refuse cependant aujourd’hui à admettre toutes les conséquences qui découlent d’un élément inconnu, l’attraction, bien que Leibnitz ait autrefois reproché à Newton d’avoir introduit dans la science « des propriétés occultes et des miracles ». Je ne vois aucune raison pour que les opinions développées dans ce volume blessent les sentiments religieux de qui que ce soit. Il suffit, d’ailleurs, jour montrer combien ces sortes d’impressions sont passagères, de se rappeler que la plus grande découverte que l’homme ait jamais faite ; la loi de l’attraction universelle, a été aussi attaquée par Leibnitz « comme subversive de la religion naturelle, et, dans ses conséquences, de la religion révélée ». Un ecclésiastique célèbre m’écrivant un jour ; « qu’il avait fini par comprendre que croire à la création de quelques formes capables de se développer par elles-mêmes en d’autres formes nécessaires, c’est avoir une conception tout aussi élevée de Dieu, que de croire qu’il ait eu besoin de nouveaux actes de création pour combler les lacunes causées par l’action des lois qu’il a établies. » On peut se demander pourquoi, jusque tout récemment, les naturalistes et les géologues les plus éminents ont toujours repoussé l’idée de la mutabilité des espèces. On ne peut pas affirmer que les êtres organisés à l’état de nature ne sont soumis à aucune variation ; on ne peut pas prouver que la somme des variations réalisées dans le cours des temps soit une quantité limitée ; on n’a pas pu et l’on ne peut établir de distinction bien nette entre les espèces et les variétés bien tranchées. On ne peut pas affirmer que les espèces entre-croisées soient invariablement stériles, et les variétés invariablement fécondes ; ni que la stérilité soit une qualité spéciale et un signe de création. La croyance à l’immutabilité des espèces était presque inévitable tant qu’on n’attribuait à l’histoire du globe qu’une durée fort courte, et maintenant que nous avons acquis quelques notions du laps de temps écoulé, nous sommes trop prompts à admettre, sans aucunes preuves, que les documents géologiques sont assez complets pour nous fournir la démonstration évidente de la mutation des espèces si cette mutation a réellement eu lieu. Mais la cause principale de notre répugnance naturelle à admettre qu’une espèce ait donné naissance à une autre espèce distincte tient à ce que nous sommes toujours peu disposés à admettre tout grand changement dont nous ne voyons pas les degrés intermédiaires. La difficulté est la même que celle que tant de géologues ont éprouvée lorsque Lyell a démontré le premier que les longues lignes d’escarpements intérieurs, ainsi que l’excavation des grandes vallées ; sont le résultat d’influences que nous voyons encore agir autour de nous. L’esprit ne peut concevoir toute la signification de ce terme : un million d’années, il ne saurait davantage ni additionner ni percevoir les effets complets de beaucoup de variations légères ; accumulées pendant un nombre presque infini de générations. Bien que je sois profondément convaincu de la vérité des opinions que j’ai brièvement exposées dans le présent volume ; je ne m’attends point à convaincre certains naturalistes ; fort expérimentés sans doute ; mais qui ; depuis longtemps ; se sont habitués à envisager une multitude de faits sous un point de vue directement opposé au mien. Il est si facile de cacher notre ignorance sous des expressions telles que plan de création, unité de type ; etc. ; et de penser que nous expliquons quand nous ne faisons que répéter un même fait. Celui qui a quelque disposition naturelle à attacher plus d’importance à quelques difficultés non résolues qu’à l’explication d’un certain nombre de faits rejettera certainement ma théorie. Quelques naturalistes doués d’une intelligence ouverte et déjà disposée à mettre en doute l’immutabilité des espèces peuvent être influencés par le contenu de ce volume, mais j’en appelle surtout avec confiance à l’avenir, aux jeunes naturalistes, qui pourront étudier impartialement les deux côtés de la question. Quiconque est amené à admettre la mutabilité des espèces rendra de véritables services en exprimant consciencieusement sa conviction, car c’est seulement ainsi que l’on pourra débarrasser la question de tous les préjugés qui l’étouffent. Plusieurs naturalistes éminents ont récemment exprimé l’opinion qu’il y a, dans chaque genre, une multitude d’espèces ; considérées comme telles, qui ne sont cependant pas de vraies espèces ; tandis qu’il en est d’autres qui sont réelles, c’est-à-dire qui ont été créées d’une manière indépendante. C’est là, il me semble ; une singulière conclusion. Après avoir reconnu une foule de formes, qu’ils considéraient tout récemment encore comme des créations spéciales, qui sont encore considérées comme telles par la grande majorité des naturalistes ; et qui conséquemment ont tous les caractères extérieurs de véritables espèces, ils admettent que ces formes sont le produit d’une série de variations et ils refusent d’étendre cette manière de voir à d’autres formes un peu différentes. Ils ne prétendent cependant pas pouvoir définir, ou même conjecturer, quelles sont les formes qui ont été créées et quelles sont celles qui sont le produit de lois secondaires. Ils admettent la variabilité comme verra causa dans un cas, et ils la rejettent arbitrairement dans un autre, sans établir aucune distinction fixe entre les deux. Le jour viendra où l’on pourra signaler ces faits comme un curieux exemple de l’aveuglement résultant d’une opinion préconçue. Ces savants ne semblent pas plus s’étonner d’un acte miraculeux de création que d’une naissance ordinaire. Mais croient-ils réellement qu’à d’innombrables époques de l’histoire de la terre certains atomes élémentaires ont reçu l’ordre de se constituer soudain en tissus vivants ? Admettent-ils qu’à chaque acte supposé de création il se soit produit un individu ou plusieurs ? Les espèces infiniment nombreuses de plantes et d’animaux ont-elles été créées à l’état de graines, d’ovules ou de parfait développement ? Et, dans le cas des mammifères, ont-elles, lors de leur création, porté les marques mensongères de la nutrition intra-utérine ? À ces questions, les partisans de la création de quelques formes vivantes ou d’une seule forme ne sauraient, sans doute, que répondre. Divers savants ont soutenu qu’il est aussi facile de croire à la création de cent millions d’êtres qu’à la création d’un seul ; mais en vertu de l’axiome philosophique de la moindre action formulé par Maupertuis, l’esprit est plus volontiers porté à admettre le nombre moindre, et nous ne pouvons certainement pas croire qu’une quantité innombrable de formes d’une même classe aient été créées avec les marques évidentes, mais trompeuses, de leur descendance d’un même ancêtre. Comme souvenir d’un état de choses antérieur, j’ai conservé, dans les paragraphes précédents et ailleurs, plusieurs expressions qui impliquent chez les naturalistes la croyance à la création séparée de chaque espèce. J’ai été fort blâmé de m’être exprimé ainsi ; mais c’était, sans aucun doute, l’opinion générale lors de l’apparition de la première édition de l’ouvrage actuel. J’ai causé autrefois avec beaucoup de naturalistes sur l’évolution, sans rencontrer jamais le moindre témoignage sympathique. Il est pro bable pourtant que quelques-uns croyaient alors à l’évolution, mais ils restaient silencieux, ou ils s’exprimaient d’une manière tellement ambiguë, qu’il n’était pas facile de comprendre leur opinion. Aujourd’hui, tout a changé et presque tous les naturalistes admettent le grand principe de l’évolution. Il en est cependant qui croient encore que des espèces ont subitement engendré, par des moyens encore inexpliqués, des formes nouvelles totalement différentes ; mais, comme j’ai cherché à le démontrer, il y a des preuves puissantes qui s’opposent à toute admission de ces modifications brusques et considérables. Au point de vue scientifique, et comme conduisant à des recherches ultérieures, il n’y a que peu de différence entre la croyance que de nouvelles formes ont été produites subitement d’une manière inexplicable par d’anciennes formes très différentes, et la vieille croyance à la création des espèces au moyen de la poussière terrestre. Jusqu’où, pourra-t-on me demander, poussez-vous votre doctrine de la modification des espèces ? C’est là une question à laquelle il est difficile de répondre, parce que plus les formes que nous considérons sont distinctes, plus les arguments en faveur de la communauté de descendance diminuent et perdent de leur force. Quelques arguments toutefois ont un très grand poids et une haute portée. Tous les membres de classes entières sont reliés les uns aux autres par une chaîne d’affinités, et peuvent tous, d’après un même principe, être classés en groupes subordonnés à d’autres groupes. Les restes fossiles tendent parfois à remplir d’immenses lacunes entre les ordres existants. Les organes à l’état rudimentaire témoignent clairement qu’ils ont existé à un état développé chez un ancêtre primitif ; fait qui, dans quelques cas, implique des modifications considérables chez ses descendants. Dans des classes entières, des conformations très variées sont construites sur un même plan, et les embryons très jeunes se ressemblent de très près. Je ne puis donc douter que la théorie de la descendance avec modifications ne doive comprendre tous les membres d’une même grande classe ou d’un même règne. Je crois que tous les animaux descendent de quatre ou cinq formes primitives tout au plus, et toutes les plantes d’un nombre égal ou même moindre.

Le darwinisme comme théorie scientifique

Aujourd’hui, faut-il croire dans les idées de Darwin ?

Le physicien quantique Erwin Schrödinger dans « Qu’est-ce que la vie ? » :

« Darwin se trompe en considérant les petites variations, continues et accidentelles, qui ne peuvent manquer de se produire, même parmi les populations les plus homogènes, comme la matière sur laquelle opère la sélection. Car il a été prouvé qu’elles ne sont pas héréditaires. (..) Le Hollandais de Vries découvrit que (l’évolution provenait) d’un très petit nombre d’individus (..) apparaissant avec des changements peu accentués mais brusques, le terme ’’brusque’’ signifie, non pas que le changement soit très considérable, mais qu’il représente une discontinuité, en ce sens qu’il n’y a pas de formes intermédiaires entre les individus inchangés et les quelques uns qui ont changé. De Vries appelle ce phénomène une mutation. Cela rappelle à un physicien la théorie des quanta – pas d’énergies intermédiaires entre deux niveaux voisins d’énergie. Il serait tenté d’appeler, d’une façon figurée, la théorie des mutations de De Vries, la théorie quantique de la biologie. (..) Les mutations sont dues en fait à des sauts quantiques de la molécule du gène. (..) La grande révolution de la théorie des quanta fut que des caractères de discontinuités furent découverts dans le Livre de la Nature, dans un contexte où tout autre chose que la continuité apparaissait comme absurde d’après les vues admises jusqu’à ce moment. »

Gerald Schroeder

dans "L’évolution, rationalité ou hasard ?"

"A la base de la théorie néo-darwinienne de l’évolution s’inscrivent deux conjectures fondamentales : que les changements dans les morphologies sont induits par des mutations aléatoires sur le génome, et que ces changements dans la morphologie des plantes ou des animaux contribuent à ce que la vie détienne plus ou moins de chances de succès dans la compétition pour survivre. Avec la sélection naturelle, les évolutionnistes prétendent tenir la théorie de l’évolution à l’écart de tout processus aléatoire. La sélection n’est en aucune manière aléatoire. Elle est fonction de l’environnement. Le hasard reste cependant la force motrice fondamentale qui produit les diverses morphologies derrière la sélection.

D’où la question : Est-ce que des mutations aléatoires peuvent produire l’évolution de la vie ?

Etant donné que l’évolution est principalement une étude de l’histoire de la vie, les analyses statistiques de l’évolution s’évertuent à prendre en considération les multiples conditions qui existaient pendant ces longues ères passées. Les taux de mutations, les contenus de " l’ADN originel ", et les conditions écologiques affectent tous les taux et la direction des changements dans la morphologie. Et ce sont tous des inconnues.

On ne doit jamais se demander quelle est la vraisemblance pour qu’un ensemble spécifique de mutations parvienne à produire un animal spécifique. Cela impliquerait une direction dans l’évolution, et toutes les théories darwiniennes de l’évolution postulent que l’évolution n’a aucune direction. Les changements induits, et donc les nouvelles morphologies, sont totalement aléatoires, quels que soient les défis présentés par l’environnement.

Les combinaisons de protéines

Avec cet arrière-plan, jetons un regard sur le développement de l’évolution. La vie est, dans son essence, une combinaison symbiotique de protéines - ainsi que d’autres structures, mais nous ne parlerons ici que des protéines. L’histoire de la vie nous enseigne que les combinaisons de protéines ne sont pas toutes viables. A l’explosion cambrienne de la vie animale, il y a 530 millions d’années, quelque 50 phyla (séries fondamentales d’espèces animales ou végétales descendant les unes des autres) sont apparus soudain dans les données fournies par les fossiles. Il n’en a survécu que 30 à 34. Le reste a péri. Depuis lors, aucun nouveau phylum n’a évolué.

Il n’est pas étonnant que la revue mensuelle Scientific American se soit demandé si le mécanisme de l’évolution a changé d’une manière qui interdise l’apparition de tout autre phylum. Ce n’est pas que le mécanisme de l’évolution a changé ; c’est notre compréhension de la manière dont fonctionne l’évolution qui doit changer pour tenir compte des enseignements venant des données fournies par les fossiles. Pour reprendre l’expression employée par le paléontologiste américain Stephen Jay Gould, de l’Université de Harvard, il apparaît que le flux de la vie est " canalisé " le long de ces 34 directions fondamentales.

Considérons cette " canalisation " et voyons si cela peut être le résultat de développements aléatoires.

Les humains et tous les mammifères possèdent environ 50 000 gènes. Cela implique, comme estimation de magnitude, environ 50 000 protéines. Or, on estime à environ 30 millions le nombre des espèces animales sur terre. Si les génomes de tous les animaux produisaient 50 000 protéines, et qu’aucune protéine ne soit commune parmi toutes ces espèces - ce que nous savons être faux, mais nous avançons ici une supposition qui favorise dans nos calculs la thèse d’une évolution aléatoire - il y aurait (30 millions x 50 000) = 1,5 trillion (1,5 x un milliard de milliards) de protéines dans toute vie. (Le nombre réel est considérablement inférieur.)

Examinons maintenant la vraisemblance de ces combinaisons viables de protéines résultant du hasard, tout en rappelant que, comme nous l’ont enseigné les événements qui ont suivi l’explosion cambrienne, les combinaisons de protéines n’ont pas toutes été viables. Avec des chances comme celles-là, il est étonnant que nos corps aient jamais tenu debout.

Les protéines sont des enroulements " peptidiques " de plusieurs centaines d’acides aminés. Si nous considérons une protéine typique, elle est une chaîne de 300 acides aminés. Il existe dans la vie 20 acides aminés intervenant ordinairement. Cela signifie que le nombre de combinaisons possibles des acides aminés dans la protéine qui nous sert de modèle est de 20300 (20 à la puissance 300, c’est-à-dire 20 multiplié 300 fois par lui-même), ou dans le système, qui nous est plus familier, de numération décimale, 10390 (10 à la puissance 390, c’est-à-dire le chiffre 1 suivi de 390 zéros !)

La nature a la possibilité de choisir parmi les possibles 10390 protéines, les 1,5 fois un milliard de milliards de protéines dont se compose toute vie viable. Autrement dit, pour chaque choix correct, il y a 10378 mauvais choix ! Avec des chances comme celles-là, il est étonnant que nos corps aient jamais tenu debout.

Cela aurait-il pu arriver à la suite de mutations aléatoires du génome ? Pas si notre manière de poser les statistiques est correcte. Ce serait comme si la nature puisait au fond d’un sac contenant un milliard de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de protéines - et qu’elle en ait tiré celle qui fonctionnait...

... puis elle aurait répété ce geste un million de millions de fois.

Cette impossibilité d’un ordre de production aléatoire n’est pas différente d’une tentative qui viserait à produire les œuvres de Shakespeare, ou toute séquence significative de lettres contenant plus que quelques mots, au moyen d’un générateur aléatoire de lettres. Le seul résultat en serait du charabia, tout simplement parce que le nombre de combinaisons absurdes de lettres dépasserait considérablement celui des combinaisons significatives.

Avec la vie, c’était et c’est encore un charabia mortel.

Des changements morphologiques brutaux

La nature, la biologie moléculaire et l’explosion cambrienne de la vie animale nous ont donné la possibilité d’étudier de près les possibilités pour le hasard d’avoir été une source de développement dans l’évolution. Si les données fournies par les fossiles constituent une description exacte du développement de la vie, cela veut dire que les 34 séries fondamentales de corps qui ont surgi à l’ère cambrienne comprennent tout ce qui constitue la vie animale jusqu’à aujourd’hui. L’arbre de vie qui imaginait une progression graduelle des phyla à partir de formes simples (comme les éponges) vers une vie plus complexe (comme les vers), puis vers les créatures à coquilles (comme les mollusques), a été remplacé par le " buisson " de vie dans lequel les éponges, les vers, les mollusques et tous les autres 34 phyla sont apparus simultanément. Chacune de ces lignes issues du buisson ont ensuite développé une myriade de variations, mais les variations sont toujours restées à l’intérieur du plan fondamental des corps.

Parmi les structures qui sont apparues à l’ère cambrienne il y a eu les membres, les griffes, les intestins et les yeux avec des lentilles optiquement parfaites. Ils ont fait irruption dans l’existence sans aucune allusion sous-jacente dans les données fournies par les fossiles en annonçant la venue. En dessous d’eux dans les stratifications rocheuses, et donc plus anciens, sont les fossiles de bactéries unicellulaires, les algues, les protozoaires et des masses connues comme les fossiles édiacariens non structurés à l’identité incertaine. Comment de telles complexités ont pu se former soudain par des développements aléatoires, c’est là une question sans réponse. Dans son ouvrage : L’origine des espèces, Darwin exhorte ceux qui veulent croire en sa théorie à ignorer les données fournies par les fossiles.

Il n’est pas étonnant que Darwin lui-même, à sept reprises dans l’Origine des espèces, ait exhorté le lecteur, s’il voulait croire en sa théorie, à ignorer les données fournies par les fossiles. Les changements morphologiques brutaux sont contraires à l’affirmation souvent répétée de Darwin selon laquelle la nature ne fait pas de bonds.

Darwin a basé sa théorie sur l’élevage des animaux plutôt que sur les fossiles. Si en quelques générations d’élevage sélectif un éleveur peut produire un mouton robuste à partir d’un ancêtre chétif, alors, a raisonné Darwin, en quelques millions ou milliards de générations une éponge aurait pu évoluer jusqu’à devenir un singe.

Cependant, les données fournies par les fossiles n’apportaient alors, ni n’apportent aujourd’hui aucun soutien à cette théorie.

L’apparition brutale de nouvelles espèces dans les données fossiles est si fréquente que l’hebdomadaire Science, bastion américain de la pensée scientifique pure, a posé la question sous le titre : Did Darwin get it all right ? (" Darwin a-t-il vu juste ? "), et a répondu : " Non ! " L’apparition des ailes est un exemple classique. Les données fournies par les fossiles ne contiennent aucune indication selon laquelle des ailes sont sur le point de faire leur apparition. Or, elles sont apparues, pleinement formées.

Nous pouvons devoir changer notre concept de l’évolution pour intégrer une réalité qui fait que le développement de la vie contient en lui-même quelque chose d’exotique à l’œuvre, quelque développement totalement inattendu qui produirait ces soudains développements. Le changement dans le paradigme serait similaire à celui qu’ont connu les sciences physiques quand les théories classiques et logiques inspirées par Newton ont été balayées par les phénomènes totalement illogiques (au sens des normes humaines de la logique) observés dans la physique des quanta, y compris les changements quantiques dans l’émission du rayonnement d’un corps, même quand la température de ce corps augmente graduellement.

Des formes inférieures préprogrammées

Avec l’avènement de l’aptitude, par la biologie moléculaire, à discerner la structure des protéines et des gènes, la comparaison statistique de la similarité de ces structures parmi les animaux est devenue possible. Le gène qui contrôle le développement de l’œil est le même chez tous les mammifères. Cela n’est pas surprenant. Les données fournies par les fossiles impliquent une branche commune pour tous les mammifères.

Mais ce qui est surprenant, pour ne pas dire stupéfiant, c’est la similarité du gène de mammifère qui contrôle le développement des yeux chez les mollusques et dans les systèmes visuels chez les vers. On peut dire la même chose pour le gène qui contrôle le développement de membres chez les insectes et chez les humains. En fait, ce gène est si similaire que des morceaux du gène des mammifères, si on les introduit dans une mouche de fruit, feront apparaître une aile sur la mouche.

Cela aurait un sens si le développement de la vie était décrit comme un arbre. Mais le buisson de vie signifie que juste au-dessus du niveau de la vie unicellulaire, les insectes, les mammifères, les vers et les mollusques se sont séparés.

Le gène de l’œil a 130 sites. Cela veut dire qu’il y a 20130 (20 à la puissance 130, c’est-à-dire 20 multiplié 130 fois par lui-même) combinaisons possibles d’acides aminés le long de ces sites. Pour les raisons qui lui sont propres, la nature a sélectionné la même combinaison d’acides aminés pour tous les systèmes visuels de tous les animaux. Cette fidélité ne peut pas avoir été causée par hasard. Elle doit avoir été préprogrammée dans des formes inférieures de vie. Mais ces formes inférieures de vie, constituées par une seule cellule, n’avaient pas d’yeux.

Ces données ont déconcerté la théorie classique de " l’évolution aléatoire et indépendante " qui aurait produit ces structures convergentes. Cette similarité est si totalement insoupçonnée par les théories classiques de l’évolution, que la plus prestigieuse des revues scientifiques des Etats-Unis, Science, a rapporté : " L’hypothèse selon laquelle l’œil du céphalopode [mollusque] a évolué en convergence avec celui des vertébrés [humains] est remise en question par nos découvertes récentes du [gène] Pax-6... Le concept selon lequel les yeux des invertébrés ont évolué de manière complètement indépendante de l’œil des vertébrés devra être réexaminé. "

Il ne faut pas perdre de vue la portée de cette affirmation. On nous demande de réexaminer l’idée que l’évolution est un agent libre. La convergence, la similarité de ces gènes, est si grande qu’elle n’a pas pu arriver, qu’elle n’est pas arrivée par des réactions purement aléatoires.

Des fossiles dans les Rocheuses canadiennes

Le Musée britannique d’histoire naturelle à Londres a une subdivision entière consacrée à l’évolution des espèces. Et quelle évolution y démontre-t-on ? Des marguerites roses devenant des marguerites bleues ; des petits chiens devenant de grands chiens ; quelques espèces de scalaires - poissons de la famille des cichlidés - devenant en quelques milliers d’années seulement une douzaine d’espèces de scalaires. Très impressionnant ! Jusqu’au moment où vous vous rendez compte que les marguerites sont restées des marguerites, que les chiens sont restés des chiens et que les scalaires sont restés des scalaires. Cela s’appelle la microévolution.

Ce musée magnifique, avec toutes ses ressources, ne pourrait pas produire un seul exemple d’un phylum qui aurait évolué jusqu’à en devenir un autre. Ce sont les mécanismes de la macroévolution, le changement d’un phylum ou d’une classe d’animal en une autre, qui ont été remis en question par ces données. Walcott réinhuma tous les 60 000 fossiles dans les tiroirs de son laboratoire.

La réalité de cette explosion de vie a été découverte longtemps avant d’avoir été révélée. En 1909, Charles D. Walcott, qui cherchait des fossiles dans les Montagnes Rocheuses canadiennes, découvrit une strate de schiste près du col Burgess, riche en fossiles de l’ère cambrienne. Pendant quatre ans, Walcott a extrait de ce schiste entre 60 000 et 80 000 fossiles. Ces fossiles contenaient des représentants de tous les phyla qui existent aujourd’hui (sauf un). Walcott enregistra méticuleusement ses résultats dans des cahiers. Aucun nouveau phylum n’a jamais évolué après l’explosion cambrienne.

Ces fossiles auraient pu changer le concept entier de l’évolution d’un arbre de vie à un buisson de vie. Ils l’ont fait, mais pas en 1909. Walcott savait qu’il avait découvert quelque chose de très important. Mais il ne pouvait pas croire que l’évolution aurait pu survenir dans une telle explosion de formes de vie (" simultanément ", pour reprendre les termes du Scientific American). Cela aurait totalement contredit la théorie de Darwin dont lui-même et ses collègues étaient imprégnés.

Aussi Walcott réinhuma-t-il les fossiles, tous les 60 000, cette fois dans les tiroirs de son laboratoire. Il était le directeur du Smithsonian Institute à Washington. Ce n’est qu’en 1985 qu’ils ont été redécouverts (dans les tiroirs du Smithsonian). Si Walcott l’avait voulu, il aurait pu embaucher une cohorte d’étudiants pour travailler sur les fossiles. Mais il choisit de ne pas faire chavirer le bateau de l’évolution.

Aujourd’hui, des représentants fossiles de l’ère cambrienne ont été découverts en Chine, en Afrique, aux Iles Britanniques, en Suède, au Groenland. L’explosion a été mondiale. Mais avant qu’il devienne de bon ton de discuter la nature extraordinaire de l’explosion, on s’est tout simplement abstenu d’en rapporter les données. C’est là un exemple classique de dissonance cognitive, mais un exemple pour lequel nous avons tous payé un prix élevé.

Le Docteur Gerald Schroeder est un physicien atomiste qui a fait partie du personnel enseignant du MIT ainsi que de la Commission à l’énergie atomique des Etats-Unis. Il est l’auteur du livre : Genesis and the Big Bang (Bantam Books 1990) et a récemment publié l’ouvrage : The Science of G-d. Il vit aujourd’hui à Jérusalem avec sa famille.

COMMENT FONCTIONNE L’EVOLUTION DES ESPÈCES, QUELS EN SONT LES RYTHMES ET A-T-ELLE POUR BUT LE PROGRÈS ET L’ADAPTATION ?

Stephen Jay Gould

dans « Le pouce du panda » ou « Les grandes énigmes de l’évolution » :

« La « synthèse moderne », version contemporaine du darwinisme qui règne depuis trente ans, a considéré que le modèle de substitution des gènes par adaptation dans les populations locales rendait valablement compte, par accumulation et extension, de toute l’histoire de la vie. Le modèle peut fort bien fonctionner dans le domaine empirique des adaptations mineures et locales. Les populations du papillon de nuit, ou phalène du bouleau, sont devenues effectivement noires par la substitution d’un seul gène ; il s’agit là d’une réponse sélective à une demande de diminution de visibilité sur des arbres noircis par la suie industrielle. Mais l’apparition d’une nouvelle espèce est-elle simplement due à ce processus élargi à un plus vaste nombre de gènes et à un effet plus important ? Les tendances maîtresses de l’évolution dans les principales lignées ne sont-elles qu’une accumulation plus poussée d’une suite de transformations adaptatives ? De nombreux évolutionnistes (dont je fais partie) commencent à mettre en doute cette synthèse et à soutenir la thèse hiérarchique selon laquelle les différences de niveau dans le changement évolutif reflètent souvent des catégories de causes différentes. Une rectification mineure au sein d’une population peut être le résultat d’un processus adaptatif. Mais la spéciation peut se produire à la suite de changements chromosomiques majeurs entraînant la stérilité chez d’autres espèces pour des raisons n’ayant aucun rapport avec l’adaptation. Les tendances de l’évolution peuvent représenter un type de sélection à un niveau supérieur sur des espèces elles-mêmes essentiellement statiques, et non pas de lente et régulière altération d’une seule et large population sur des durées indéterminées. (…) Avec la « synthèse moderne », se répandit la notion (équivalent presque à un dogme chez ses tenants les moins prudents) selon laquelle toute évolution pouvait se réduire au darwinisme de base, c’est-à-dire au changement adaptatif graduel dans les populations locales. (…) Par exemple, dans le cheminement complexe du développement embryonnaire bien des causes simples, des changements mineurs des taux de croissance notamment, peuvent se traduire par des changements nets et surprenants dans l’organisme adulte. (…) Dès les premières lignes de son traité sur les orchidées, Darwin affirme un postulat évolutionniste des plus importants : l’autofécondation continue est une stratégie qui ne permet pas, à long terme, d’assurer la survie, car la descendance ne transporte que les gènes d’un seul parent et, de ce fait, des populations ne bénéficient pas de la variation suffisante pour obtenir la nécessaire flexibilité évolutive face aux changements du milieu. Les plantes qui portent des fleurs dotées d’organes mâles et femelles élaborent donc généralement des mécanismes assurant une pollinisation croisée. Les orchidées se sont alliées aux insectes. Elles ont mis au point une variété étonnante d’artifices pour attirer les insectes et faire en sorte que le pollen visqueux adhère bien à leurs visiteurs, et que, ainsi transporté, il entre en contact avec les organes femelles de la prochaine orchidée visitée par l’insecte. (…) Equivalent botanique d’un bestiaire, le livre de Darwin donne la liste de tous ces artifices. (…) Les orchidées élaborent leurs systèmes complexes à partir des composants communs aux fleurs ordinaires, organes généralement conçus pour des fonctions très différentes. (…) Les orchidées n’ont pas été fabriquées par un ingénieur idéal ; elles ont été conçues à ‘aide d’un nombre limité d’éléments disponibles. Elles doivent donc être les descendants de fleurs ordinaires. (…) Nos manuels aiment illustrer l’évolution en citant comme exemples les adaptations les mieux réussies : le mimétisme du papillon prenant l’apparence presque parfaite d’une feuille morte, ou celui d’une espèce comestible prenant l’apparence d’un parent vénéneux. Mais cette adaptation idéale est un mauvais argument pour l’évolution (…) Les arrangements bizarres et les solutions cocasses sont la preuve de l’évolution (…) Ernst Mayr a montré comment Darwin, en défendant l’évolution, a fait appel, avec logique, aux organes et aux distributions géographiques les plus dénuées de sens. Ce qui m’amène au panda géant et à son « pouce ». Les pandas géants sont des ours d’un type bien défini, membres de l’ordre des carnivores. Les ours ordinaires sont les représentants les plus omnivores de leur ordre, mais les pandas ont restreint l’universalité de leurs goûts : ils démentent l’appellation de leur ordre en tirant leur subsistance presque exclusivement du bambou. Ils vivent en haute altitude dans les hautes forêts des montagnes de la Chine occidentale. Guère menacés par les prédateurs, ils se tiennent là, assis, mâchant du bambou de dix à onze heures par jour. (…) Ils passent le plus clair de leur temps à dévorer leur cher bambou. Assis bien droit sur leur derrière, ils manipulent leurs tiges avec leurs pattes avant, se débarrassant des feuilles pour ne consommer que les pousses. (…) Comment le descendant d’une lignée adaptée à la course peut utiliser ses mains de façon si habile ? Ils tiennent les tiges de bambou dans leurs pattes et les dépouillent de leurs feuilles en faisant passer les tiges entre un pouce apparemment flexible et les autres doigts. (…) L’adroite utilisation d’un pouce opposable compte parmi les marques du génie humain. Nous avons maintenu, exagéré même, cette importante flexibilité de nos ancêtres primates, alors que la plupart des mammifères l’ont sacrifiée en spécialisant leurs doigts. Les carnivores courent, griffent et grattent. Mon chat peut me manipuler psychologiquement, mais jamais il ne tapera à la machine ni ne jouera du piano. Aussi ai-je compté les autres doigts du panda pour m’apercevoir – O surprise plus grande encore ! - qu’ils étaient au nombre de cinq et non de quatre. Ce pouce était-il un sixième doigt qui aurait évolué séparément ?

(…) Anatomiquement, le « pouce » du panda n’est pas un doigt. Il est construit à partir d’un os appelé le sésamoïde radial (du radius), normalement un des petits os formant le poignet. Chez le panda, le sésamoïde radial est très développé et si allongé que sa taille atteint presque celle des os des phalanges des vrais doigts. Le sésamoïde radial soutient un renflement de la patte avant du panda (…) Le pouce du panda est doté non seulement d’un os pour lui assurer sa force, mais également de muscles pour assurer son agilité. Ces muscles, comme le sésamoïde radial lui-même, n’ont pas été créés de toutes pièces. Comme les organes des orchidées de Darwin, ce sont des éléments anatomiques communs, remodelés pour une fonction nouvelle. (…) L’anatomie des autres carnivores nous fournit-elle une indication sur l’origine de cette curieuse disposition chez les pandas ? (…) Chez la plupart des carnivores, ces mêmes muscles qui, chez le panda, agissent sur le sésamoïde radial, sont attachés uniquement à la base du pollex, ou vrai pouce. Mais, chez les ours communs, le long abducteur se termine par deux tendons : l’un s’insère à la base du pouce, comme chez la plupart des carnivores, mais l’autre est fixé au sésamoïde radial. (…) Il semble que toute la succession des transformations de la musculature ait découlé automatiquement d’une simple hypertrophie de l’os sésamoïde. Le pouce sésamoïde du panda est une structure complexe formée par le développement prononcé d’un os et par une profonde redisposition de la musculature. (…) L’allongement du sésamoïde radial a pu être provoqué par une transformation génétique, peut-être une seule mutation affectant le rythme et la vitesse de la croissance. (…) Le vrai pouce du panda, trop spécialisé pour être utilisé à une autre fonction et devenir un doigt opposable, apte à la manipulation, est relégué à un autre rôle. Le panda est donc contraint de se servir des organes disponibles et de choisir cet os du poignet hypertrophié, solution quelque peu bâtarde mais très fonctionnelle. Le pouce du panda ne remportera pas de prix au concours Lépine de la nature. Selon l’expression de Michael Ghiselin, ce n’est qu’un truc et non un mécanisme élégant. Mais il atteint le but recherché et nous passionne d’autant plus que ses éléments de départ ne sont pas ceux que l’on aurait pu imaginer. Le traité de Darwin sur les orchidées est rempli d’illustrations similaires. Le souci Epipactis, par exemple, se sert de son labelle – un pétale agrandi – comme d’un piège. (…) L’insecte doit sortir par une seule issue qui lui est offerte, ce qui le force à se frotter contre les masses de pollen. (…) Darwin montre comment, chez des orchidées, le même labelle évolue pour entrer dans la composition d’une série de systèmes ingénieux dont le but est d’assurer la fécondation croisée.(…) Toutes ces adaptations ont eu comme point de départ un organe qui n’était autre, chez quelque lointaine forme ancestrale, qu’un pétale conventionnel. (…) Darwin écrit : « Bien qu’un organe ait pu, à l’origine, ne pas être formé dans un but bien précis, s’il remplit à présent cette fonction, nous pouvons dire, à juste titre, qu’il a été spécialement conçu pour cela. Selon le même principe, si un homme a fabriqué une machine dans un but bien précis, mais a utilisé pour sa construction de vieilles roues et poulies, des ressorts usagers, en ne leur faisant subir que de légères modifications, on doit dire de cette machine dans son ensemble, avec toutes ses pièces constitutives, qu’elle a été spécialement conçue dans le but visé. Ainsi, dans la nature tout entière, presque tous les organes de chaque être vivant ont probablement servi, dans des conditions légèrement modifiées, à des buts divers, et ont joué un rôle dans la machinerie vivante de nombreuses formes spécifiques anciennes, distinctes des formes actuelles. » Sans doute la métaphore des roues et des poulies rafistolées n’est-elle guère flatteuse mais nous devons surtout porter attention au résultat obtenu. La nature, selon le mot de François Jacob, est un excellent bricoleur et non un artisan divin. Et qui peut se permettre de mettre en doute le bon fonctionnement de ces quelques cas exemplaires ?

(….)

Le caractère épisodique du changement évolutif

Le 23 novembre 1859, le jour précédent la sortie de son livre révolutionnaire, Charles Darwin reçut une lettre extraordinaire de son ami Thomas Henry Huxley. Celui-ci lui offrait son soutien actif dans le combat à venir, allant même jusqu’au sacrifice suprême : « Je suis prêt à mourir sur le bûcher s’il le faut. (…) Je me prépare en aiguisant mes griffes et mon bec. » Mais il ajoutait aussi un avertissement : « Vous vous êtes encombré d’une difficulté inutile en adoptant le « Natura non facit saltum » sans la moindre réserve. » L’expression latine, généralement attribuée à Linné signifie que « la nature ne fait pas de sauts ». Darwin approuvait totalement cette devise ancienne. Disciple de Charles Lyell, apôtre du « gradualisme » en géologie, Darwin décrivait l’évolution comme un processus majestueux et régulier, agissant avec une telle lenteur que personne ne pouvait espérer l’observer pensant la durée d’une vie. Les ancêtres et leurs descendants, selon Darwin, doivent être reliés par « une infinité de liens transitoires » qui forment « une belle succession d’étapes progressives ». Seule une longue période de temps a permis à un processus si lent de réaliser une telle ouvre. Huxley avait le sentiment que Darwin creusait le fossé de sa propre théorie. La sélection naturelle n’avait besoin d’aucun postulat sur la vitesse ; elle pouvait agir tout aussi bien si l’évolution se déroulait sur un rythme rapide. (...)

De nombreux évolutionnistes considèrent qu’une stricte continuité entre micro et macro-évolution constitue un ingrédient essentiel du darwinisme et corollaire nécessaire de la sélection naturelle. (...) Thomas Henry Huxley avait séparé la sélection naturelle du gradualisme et averti Darwin que son adhésion franche et sans fondement sûr au gradualisme pouvait saper son système tout entier. Les fossiles présentent trop de transitions brutales pour témoigner d’un changement progressif et le principe de la sélection naturelle ne l’exige pas, car la sélection peut agir rapidement. Mais ce lien superflu que Darwin a inventé devint le dogme central de la théorie synthétique. Goldschmidt n’éleva aucune objection contre les thèses classiques de la microévolution. Il consacra la première moitié de son ouvrage principal « Les fondements matériels de l’évolution » au changement progressif et continu au sein des espèces. Cependant, il se démarqua nettement de la théorie synthétique en affirmant que les espèces nouvelles apparaissent soudainement par variation discontinue, ou macro-mutation. Il admit que l’immense majorité des macro-mutations ne pouvaient être considérées que comme désastreuses et il les appela « monstres ». Mais, poursuivit Goldschmidt, une macro-mutation pouvait, par le simple effet de la chance, adapter un organisme à un nouveau mode d’existence. On avait alors affaire, selon sa terminologie, à un « monstre prometteur ». La macro-évolution résulte du succès, peu fréquent, de ces monstres prometteurs, et non de l’accumulation de menus changements au sein des populations. (...) Tous les paléontologistes savent que, parmi les fossiles, on ne compte que peu de formes intermédiaires ; les transitions entre les grands groupes sont particulièrement brutales. Les gradualistes se sortent habituellement de cette difficulté en invoquant le caractère extrêmement lacunaire des fossiles que nous possédons ; même si une étape sur mille survivait sous forme de fossile, la géologie n’enregistrerait pas le changement continu. (...) Même en l’absence de témoignages directs en faveur de ces transitions sans à-coup peut-on inventer une succession raisonnable de formes intermédiaires, c’est-à-dire des organismes viables, entre les ascendants et les descendants, dans les principales transitions structurelles ? (…) A quoi sert une moitié de mâchoire et une moitié d’aile ? (...) Si l’on doit accepter de nombreux cas de transition discontinue dans la macroévolution, le darwinisme ne s’effondre-t-il pas en ne survivant que comme une théorie concernant les changements adaptatifs mineurs au sein des espèces ? L’essence même du darwinisme tient en une seule phrase : la sélection naturelle est la principale force créatrice du changement évolutif. Personne ne nie que la sélection naturelle joue un rôle négatif en éliminant les inadaptés. Les théories darwiniennes sous-entendent qu’elle crée en même temps les adaptés. La sélection doit accomplir cette tâche en mettant en place des adaptations en une série d’étapes, tout en préservant à chaque phase le rôle avantageux dans une gamme de variations génétiques dues au hasard. La sélection doit gouverner le processus de création et non pas se contenter d’écarter les inadaptés après qu’une quelque autre force a soudainement produit une nouvelle espèce complètement achevée dans une perfection primitive. On peut très bien imaginer une théorie non darwinienne du changement discontinu , c’est-à-dire d’une modification génétique profonde et brutale créant par hasard (de temps à autre) et d’un seul coup une nouvelle espèce. Hugo de Vries, le célèbre botaniste hollandais, fut le défenseur de cette théorie. Mais ces notions semblent se heurter à des difficultés insurmontables. (…) Les perturbations apportées aux systèmes génétiques dans leur totalité ne produisent pas de créatures jouissant d’avantages inconnus de leurs descendants – et elles ne sont même pas viables. Mais toutes les théories du changement discontinu ne sont pas antidarwiniennes, comme l’avait souligné Huxley il y a près de cent vingt ans. Imaginons qu’un changement discontinu dans une forme adulte naisse d’une petite modification génétique. Les problèmes d’incompatibilité avec les autres membres de l’espèce ne se posant pas, cette mutation importante et favorable peut alors se répandre dans la population à la manière darwinienne. Imaginons que ce changement de grande ampleur ne produise pas de suite une forme parfaite, mais serve plutôt d’adaptation clef permettant à son possesseur d’adopter un nouveau modèle d’existence. La poursuite de cette nouvelle vie réussie demande un large ensemble de modifications annexes, tant dans la morphologie que dans le comportement ; ces dernières peuvent survenir en suivant un itinéraire progressif, plus traditionnel, une fois que l’adaptation clef a entraîné une profonde mutation des pressions sélectives. Les partisans de la synthèse actuelle ont donné à Goldschmidt le rôle de Goldstein en associant son expression imagée – le monstre prometteur – aux notions non darwiniennes de perfection immédiate résultant d’un profond changement génétique. Mais ce n’est pas tout à fait ce que Goldschmidt soutenait En fait, l’un de ses mécanismes entraînant la discontinuité des formes adultes reposait sur la notion de petit changement génétique sous-jacent. Goldschmidt était un spécialiste du développement de l’embryon. Il passa la plus grande partie du début de sa carrière à étudier les variations géographiques de la noctuelle « Lymantria dyspar ». Il découvrit que de grandes différences dans la répartition des couleurs des chenilles provenaient de petits changements dans le rythme du développement : les effets d’un léger retard ou d’un renforcement de la pigmentation au début de la croissance augmentaient à travers l’ontogenèse et entraînaient de profondes différences chez les chenilles ayant atteint leur plein développement. Goldschmidt parvint à identifier les gènes responsables de ces petits changements de rythme et démontra que les grandes différences que l’on observe à la fin du développement proviennent de l’action d’un ou de plusieurs gènes commandant les taux de changement agissant au début de la croissance. Il codifia la notion de « gène de taux de changement » (rate genes) en 1918 et écrivit vingt ans plus tard : « Le gène mutant produit son effet (…) en changeant les taux des processus partiels de développement. Il peut s’agir des taux de croissance ou de différenciation, des taux de production des éléments nécessaires à la différenciation, des taux de réactions entraînant des situations physiques ou chimiques précises à des moments précis du développement, des taux de ces processus responsables de la ségrégation des forces embryonnaires à des moments donnés. » (…) Selon ma propre opinion, très partiale, le problème de la réconciliation entre l’évidente discontinuité de la macro-évolution et le darwinisme est en grande partie résolu si l’on observe que les changements de faible ampleur survenant tôt dans le développement de l’embryon s’accumulent pendant la croissance pour produire de profondes différences chez l’adulte. En prolongeant dans la petite enfance le rythme élevé de la croissance prénatale du cerveau du singe, on voit sa taille se rapprocher de celle du cerveau humain. (...) En réalité, si l’on n’invoque pas le changement discontinu par de petites modifications dans les taux de développement, je ne vois pas comment peuvent s’accomplir la plupart des principales transitions de l’évolution. » Peu de systèmes présentent une résistance plus grande au changement que les adultes complexes, fortement différenciés, des animaux « supérieurs ». Comment pourrait-on convertir un rhinocéros adulte ou un moustique en quelque chose de foncièrement différent ? Cependant les transitions entre les groupes principaux se sont bien produites au cours de l’histoire de la vie. D’Arcy Wentworth Thomson (…) écrit dans « Croissance et forme » : « (...) Nous ne pouvons pas transformer un invertébré en vertébré, ni un cœlentéré en vert, par n’importe déformation simple et légitime (…) La nature passe d’un type à un autre. (…) Chercher des marchepieds pour franchir les écarts séparant ces types, c’est chercher en vain à jamais. » La solution de D’Arcy Wentworth Thomson était la même que celle de Goldschmidt : la transition peut se produire dans les embryons qui sont plus simples et plus semblables entre eux que les adultes fortement divergents qu’ils forment. Personne ne songerait à transformer une étoile de mer en souris, mais les embryons de certains échinodermes et de certains protovertébrés sont presque identiques. »"

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"Quand Darwin publia "L’origine des espèces", en 1859, il introduisit le terme "sélection naturelle". Mais il n’a nulle part utilisé le mot "évolution", bien que le public suppose que Darwin seul est responsable de ce concept. (...) De nombreux penseurs évolutionnistes, Darwin y compris, n’ont pas échappé à la confusion entre l’idée d’évolution et celle de progrès. Mais la force de Darwin venait de ce que l’idée simple, selon laquelle la survie du plus adapté devait produire des changements évolutionnistes, s’appuyait sur une avalanche de faits (...) Darwin envisagea aussi les conséquences de la sélection naturelle dans des domaines auxquels aucun de ses contemporains n’avait songé : la sélection pour la réussite de l’accouplement et même la sélection pour l’expression des émotions. Darwin comprit brillamment les conséquences de la sélection naturelle. mais il ignorait - et il ne savait pas qu’il ignorait - ce qui était sélectionné. Il ne connaissait pas les gènes. (...) Les idées de Darwin ne furent étendues et transformées en une théorie vraiment satisfaisante que lorsqu’elles furent combinées aux intuitions d’un certain moine morave du nom de Gregor Mendel. Cela se produisit après longtemps après la mort de Darwin. (...) L’accumulation des modifications dans le pool génétique, introduite par la mutation et triée grâce à la sélection naturelle, la recombinaison et le hasard, constitue l’essence du processus évolutionniste. (...) Georges Cuvier avait avait une vision osée et révolutionnaire de l’histoire de la planète : celle-ci aurait résulté d’une série de catastrophes et d’extinctions. Cette vision était fondée sur l’existence d’un squelette (un paresseux géant d’Argentine, créature disparue) et d’autres découvertes géologiques et fossiles. (...) Le corpus des fossiles indique qu’il est bien rare qu’une espèce évolue sans heurts et de manière continue en une autre. La plupart du temps, de nouvelles espèces apparaissent pendant des périodes de changement environnemental local ou général, quand l’ancienne espèce a été grandement réduite en nombre ou fragmentée en petits groupes. En conséquence, le processus de spéciation se produit habituellement si vite que lorsque nous observons le corpus des fossiles, c’est comme si la nouvelle espèce était apparue instantanément. C’est le schéma habituel observé, même si le corpus de fossiles peut être retracé dans ses plus grands détails. Peter G. Williamson, un candidat au doctorat en géologie à l’Université de Bristol à la fin des années soixante-dix, fut intrigué par ces discontinuités apparentes dans le corpus des fossiles. La vielle explication qui remonte à Darwin, est que ces lacunes dans le corpus de fossiles sont dues à l’incomplétude du corpus lui-même. (...) Puisque le corpus de fossiles tend à comprimer l’histoire de toutes manières, des périodes d’évolution rapide apparaitraient comme des sauts soudains même si le corpus de fossiles était assez bon. Cela pourrait être vrai ? Pour le vérifier, Williamson examina l’une des meilleures lignée de fossiles jamais découverte, celle des mollusques d’eau douce du bassin du lac Turkana en Afrique de l’Est. (...) Le premier fait étonnant que son travail révéla était que ces mollusques avaient remarquablement peu évolué au cours des derniers quatre millions et demi d’années. (...) Bien qu’elles disparussent parfois brièvement du corpus des fossiles, elles réapparaissaient toujours apparemment inchangées. Mais la période au cours desquelles ces espèces de "base" disparaissaient temporairement furent remarquables pour deux raisons. Premièrement, le niveau des lacs de la région changeait rapidement, montant ou descendant, ce qui reflète une modification importante du climat. Deuxièmement, des espèces de mollusques totalement nouvelles sont apparues. Elles se distinguaient morphologiquement des espèces originelles de base, mais elles en étaient suffisamment proches en apparence pour que leur lien soit évident. Ces nouvelles espèces persistaient pendant la période de perturbation de l’environnement, puis sans exception elles disparaissaient quand le climat se stabilisait à nouveau. Elles étaient remplacées encore une fois par les espèces anciennes qui, tel le phénix, réapparaissaient. Cela signifie que les espèces persistantes n’avaient pas complètement disparu. Elles étaient toujours présentes, mais leur nombre s’était terriblement réduit et elles étaient peut-être chassées d’un grand nombre de leurs anciens refuges au moment des perturbations environnementales. (...) On pourrait argumenter que ces espèces "temporaires" étaient en fait aussi vivaces que les espèces de base mais qu’elles vivaient ailleurs et qu’elles n’étaient capables d’envahir la région que lorsque l’environnement se perturbait. Mais on n’en trouve aucune trace aujourd’hui. Et chaque fois que l’environnement se perturbait, une nouvelle série d’espèces temporaires et distinctes sur le plan morphologique apparaissait. Toutes les données que nous possédons font penser que des transformations de l’environnement déclenchaient une réponse évolutionniste à court terme sous la forme d’une poussée de spéciation. Ces nouvelles espèces réussissaient à court terme mais échouaient à long terme. Ce travail de Williamson et celui de beaucoup d’autres suggèrent que la vitesse de l’évolution est tout sauf constante. Elle peut varier de plusieurs ordres de grandeur.

Williamson estima que la structure du corpus de fossiles de mollusques est suffisamment détaillée pour permettre de distinguer des événements séparés de cinquante mille ans. C’est une précision excellente pour un corpus de fossiles. Mais bien sûr une évolution considérable peut se produire en cinquante mille ans. (…) C’est un temps suffisamment long pour permettre aux mécanismes évolutionnistes fondamentaux de provoquer de grands changements dans les pools génétiques de ces hélices. Et, du fait de la compression du corpus de fossiles, ces modifications pourraient paraître instantanées.

Le schéma que Williamson a découvert est inhabituel, non pas à cause des poussées évolutionnistes, mais parce que la même série d’espèces réapparaissait constamment quand les conditions premières étaient rétablies. Notre propre corpus de fossiles présente aussi des discontinuités, mais celles-ci sont encore plus difficiles à interpréter parce que notre corpus est tellement plus fragmentaire que celui des mollusques. Notre corpus diffère de celui des mollusques dans la mesure où il n’existe pas de série d’espèces fondamentales qui réémerge constamment. Dans notre propre histoire, une espèce ou un groupe d’espèces était remplacé par un autre, et l’événement était irréversible. (…)

Bien que nous ayons beaucoup de preuves en faveur de l’existence de discontinuités, nous continuons à envisager l’évolution humaine sous la forme d’une transition en douceur d’un type d’ancêtre humain à un autre. (…) En fait, il n’en a probablement pas été ainsi. (…)

Considérez l’Afrique de l’Est d’il y a deux millions d’années. La diversité des types et des civilisations d’hominidés devait être encore plus frappante. A cette époque, au moins trois et peut-être quatre hominidés primitifs se tenant complètement debout coexistaient, occupant peut-être les mêmes habitats. Il s’agissait d’Homo habilis, d’Australopithecus africanus, d’A. bosei, et peut-être d’A. robustus.

Parmi eux, on considère généralement que l’Homo habilis est le plus proche de nos propres ancêtres. Mais on s’aperçoit maintenant qu’il s’agissait d’une créature minuscule, haute peut-être d’un mètre à peine, avec de longs bras comme ceux d’un singe. S’agissait-il simplement d’une ramification évolutionniste, ou bien a-t-il conduit à l’Homo erectus et ensuite à nous ?

L’Homo erectus, bien plus grand, avec un plus grand cerveau et des bras essentiellement humains, a vu le jour en Afrique il y a plus d’un million d’années. Ce sont sans doute des populations africaines d’Homo erectus qui ont donné naissance à leur tour à l’Homo sapiens il y a un ou deux cent mille ans. Nous avons l’habitude de penser que l’Homo habilis était l’ancêtre de l’Homo erectus et, par conséquent, le grand parent de l’humanité, mais maintenant nous n’en sommes plus si sûrs. (…) Nous connaissons notre ascendance mieux que celle de la plupart des autres organismes. Mais malgré tous les efforts dépensés pour les combler, des lacunes énormes persistent dans les corpus. (…) Des discontinuités dans les corpus de fossiles semblent très courantes. (…)

Il est intéressant de noter que tous les cas d’évolution graduelle que nous connaissons dans le corpus que tous les cas d’évolution graduelle que nous connaissons dans le corpus de fossiles semblent impliquer des transformations en douceur sans l’apparition de structures ni de fonctions nouvelles. Il se peut, comme un grand nombre de chercheurs l’ont suggéré, que des changements vraiment importants ne peuvent survenir qu’au cours de modifications violentes dans le pool génétique survenant dans de petites populations éphémères.

Pour décrire correctement la spéciation, il est nécessaire d’envisager à la fois le corpus de fossiles et les mécanismes génétiques impliqués dans la formation d’espèces. Les deux présentent habituellement des discontinuités. Les discontinuités dans le corpus de fossiles sont physiques. Les discontinuités dans le processus génétique de la formation des espèces résultent d’une forte sélection agissant sur un petit échantillon du pool génétique originel d’une espèce. On ne peut envisager l’un sans l’autre, et, pris ensemble, ils démontrent qu’il existe de nombreuses voies possibles pour la spéciation. (…)

Il est extrêmement rare de trouver une série magnifiquement graduée de fossiles montrant exactement comment une espèce évolue en une autre. Ce serait probablement encore le cas même si le corpus de fossiles était bien meilleur qu’il ne l’est. Malgré cette défaillance, le corpus de fossiles délabré arrive néanmoins à nous en dire beaucoup sur l’évolution. Comme on l’a vu, me^me le fait qu’il est discontinu nous apprend quelque chose sur la manière dont les espèces évoluent. (…)

Selon la génétique « beanbag », les changements macroévolutionnistes ne seraient que la somme d’un grand nombre de modifications microévolutionnistes. La plupart des évolutionnistes pensent que cela est vrai. Mais nous savons que les substitutions d’acides aminés (au sein de l’ADN) ne sont pas la seule sorte possible de changement microévolutionniste. Si des changements macroévolutionnistes importants doivent se produire, il doit y avoir autre chose dans la microévolution que de simples substitutions d’acides aminés. (…)

Cette hypothèse des grandes mutations, comme la plupart des hypothèses concernant l’évolution, a un long passé. Celui-ci remonte à la fin du siècle passé. Né en Hollande dans les années 1860, Hugo de Vries (…) avait tiré de l’étude des plantes des observations fort intéressantes. (…) Lorsqu’il planta les graines de volubilis, il se produisit des phénomènes inattendus. Certaines croissaient identiques à leur parent mais de nombreuses autres produisirent un mélange de types allant de la variété commune de volubilis à d’autres qui ne ressemblaient ni à leur parent, ni au type commun. C’était comme si ces plantes, selon des lois qu’il ne comprenait pas, avaient soudainement complètement modifié leurs gènes pour produire des types entièrement différents. Il désigna ces modifications par mutations. (…) Et ces mutations se produisaient à une vitesse remarquable : une vitesse de plusieurs ordres de grandeur supérieure à la vitesse à laquelle des variétés anormales apparaissaient parmi les animaux domestiques ou les plantes de culture. Parfois (àù DE LA progéniture des deux parents différents était constituée d’un ou plusieurs types incroyablement différents. De Vries eut conscience qu’il avait découvert quelque chose de très inhabituel. Il utilisa les résultats de ces expériences de croisements pour élaborer une nouvelle théorie de l’évolution. Il suggéra que les changement microévolutionnistes étaient dus effectivement au processus darwinien de sélection naturelle. Mais les changements plus importants devaient leur apparition à des mutations massives, qui survenaient dans un paroxysme d’événements violents. (...) Il fut finalement possible d’epliquer toutes les macromutations de De Vries sur la base de phénomènes génétiques connus. (...) Le généticien développemental allemand Richard Goldscmidt a proposé de telles mutations et on peut citer une de ses phrases provocatrices (datant de 1940) dans "La base matérielle de l’évolution" : "Les espèces et les étapes macroévolutionnistes évoluées sont de systèmes génétiques complètement neuf. le processus génétique en cause consiste en un réarrangement des chromosomes qui aboutit à un système génétique nouveau. La théorie génétique et celle de l’accumulation de micro-mutants par sélection doivent être éliminées de ce tableau. » Le travail de Goldschmidt sur la mouche du vinaigre drosophile l’amena à interroger la théorie du gène en tant que petite unité discrète d’information. (...) De tels gènes pourraient facilement être changés de manière massive et inattendue. Il nomma les pauvres créatures qui subissaient de telles mutations des "monstres prometteurs" et suggéra qu’occasionnellement de tels monstres pourraient survivre et pousser l’évolution dans une direction nouvelle et différente. (...) Par exemple, à une époque où nos ancêtres lointains étaient des poissons, une mutation très importante survint dans la lignée et donna finalement naissance aux amphibiens, aux reptiles et aux mammifères. Cette mutation a consisté en un dédoublement soudain du nombre des chromosomes, si bien que nos ancêtres eurent soudain deux fois plus de chromosomes que leurs prédécesseurs immédiats. (...) On a ainsi supposé que les changements mutationnels causés par la radiation (radioactive) aurait des effets violents et immédiats. (...) Deux expériences importantes furent menées pour tester les effets des rayonnements sur des populations de drosophiles, l’une par Bruce Wallace aux Etats-Unis et l’autre par Gerd Bonnier en Suède. (...) Les rayons X et les particules à haute énergie émises par les éléments radioactifs se sont avérés des agents mutagènes (générant des mutations) extrêment utiles et ont intensivement exploités par les généticiens. Ces agents sont pratiques pour casser les chromosomes. Et comme ils produisent de multiples collisions, les chromosomes se rejoignent souvent de manière nouvelle et intéressante.

Christopher Wills dans "La sagesse des gènes, nouvelles perspectives sur l’évolution"

LE PLUS IMPORTANT PROGRÈS DU A DARWIN EST PHILOSOPHIQUE :

Engels dans "Socialisme scientifique et socialisme utopique"
 : "Darwin a porté le coup le plus puissant à la conception métaphysique de la nature en démontrant que toute la nature organique actuelle, les plantes, les animaux et, par conséquent, l’homme aussi, est le produit d’un processus d’évolution qui s’est poursuivi pendant des millions d’années."

Léon Trotsky : "La découverte de Darwin est le plus grand triomphe de la dialectique dans l’ensemble du domaine de la matière organique".

P-P Grassé : " Par tous ses tenants et aboutissants, le darwinisme est la doctrine la plus antireligieuse et matérialiste qui soit. Pourtant des hommes de science , chrétiens pratiquants, ne paraissent pas le savoir... Karl Marx, plus perspicace à la lecture de l’Origine des espèces, perçut l’inspiration matérialiste et athée du livre, d’où la vive admiration qu’il lui porta et l’utilisation qu’il en fit."

Stephen Jay Gould : "Darwin a mis en pratique une philosophie cohérente du matérialisme à son interprétation de la nature"

Darwin, par wikipedia

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  • <> LE PLUS IMPORTANT PROGRÈS DU A DARWIN EST PHILOSOPHIQUE :
    "Darwin a porté le coup le plus puissant à la conception métaphysique de la nature en démontrant que toute la nature organique actuelle, les plantes, les animaux et, par conséquent, l’homme aussi, est le produit d’un processus d’évolution qui s’est poursuivi pendant des millions d’années."

    Engels dans "Socialisme scientifique et socialisme utopique"

  • Léon Trotsky : "La découverte de Darwin est le plus grand triomphe de la dialectique dans l’ensemble du domaine de la matière organique".hé oui certains courages,et audace traverse des siecles et des siecle

  • "La science et le Christ n’ont rien à voir l’un avec l’autre, sinon dans la mesure où l’habitude de la recherche scientifique enseigne la prudence au moment d’accepter une preuve quelle qu’elle soit. En ce qui me concerne, je ne crois pas qu’une révélation ait été faite. "

    (Charles Darwin / 1809-1882 / juin 1879)

    "Le vrai matérialisme fait de Dieu une impossibilité, de la révélation une vue de l’esprit, et de la vie future une absurdité."

    (Charles Darwin / 1809-1882 / juin 1879)

  • Darwin était en fait un révolutionnaire bien tranquille. Il ne se contenta pas de retarder très longtemps la publication de son œuvre, il évita aussi d’exposer publiquement les implications philosophiques de sa théorie.

    En 1880, il écrivit à Karl Marx :

    « Il me semble (à tort ou à raison) que les attaques directes contre le christianisme et le théisme n’ont pratiquement aucun effet sur le public et que l’enrichissement de l’esprit humain qui suit le progrès de la science fera davantage pour la liberté de penser. C’est pourquoi j’ai toujours évité de parler de religion et me suis cantonné à la science. »

  • Darwin était en fait un révolutionnaire bien tranquille. Il ne se contenta pas de retarder très longtemps la publication de son œuvre, il évita aussi d’exposer publiquement les implications philosophiques de sa théorie.

    En 1880, il écrivit à Karl Marx :

    « Il me semble (à tort ou à raison) que les attaques directes contre le christianisme et le théisme n’ont pratiquement aucun effet sur le public et que l’enrichissement de l’esprit humain qui suit le progrès de la science fera davantage pour la liberté de penser. C’est pourquoi j’ai toujours évité de parler de religion et me suis cantonné à la science. »

  • Engels à Marx :

    Ce Darwin, que je suis en train de lire, est tout à fait sensationnel. Il y avait encore un côté par lequel la téléologie n’avait pas été démolie : c’est maintenant chose faite. En outre, on n’avait jamais fait une tentative d’une telle envergure pour démontrer qu’il y a un développement historique dans la nature, du moins jamais avec un pareil bonheur. Bien sûr, il faut prendre son parti d’une certaine lourdeur bien anglaise dans la méthode.

  • Engels à Marx :

    Ce Darwin, que je suis en train de lire, est tout à fait sensationnel. Il y avait encore un côté par lequel la téléologie n’avait pas été démolie : c’est maintenant chose faite. En outre, on n’avait jamais fait une tentative d’une telle envergure pour démontrer qu’il y a un développement historique dans la nature, du moins jamais avec un pareil bonheur. Bien sûr, il faut prendre son parti d’une certaine lourdeur bien anglaise dans la méthode.

  • Qui était Darwin et quelles étaient ses idées ?
    13 octobre 11:50, par MOSHE
    Darwin était en fait un révolutionnaire bien tranquille. Il ne se contenta pas de retarder très longtemps la publication de son œuvre, il évita aussi d’exposer publiquement les implications philosophiques de sa théorie.

    En 1880, il écrivit à Karl Marx :

    « Il me semble (à tort ou à raison) que les attaques directes contre le christianisme et le théisme n’ont pratiquement aucun effet sur le public et que l’enrichissement de l’esprit humain qui suit le progrès de la science fera davantage pour la liberté de penser. C’est pourquoi j’ai toujours évité de parler de religion et me suis cantonné à la science. »

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    Qui était Darwin et quelles étaient ses idées ?
    18 octobre 09:11
    Engels à Marx :

    Ce Darwin, que je suis en train de lire, est tout à fait sensationnel. Il y avait encore un côté par lequel la téléologie n’avait pas été démolie : c’est maintenant chose faite. En outre, on n’avait jamais fait une tentative d’une telle envergure pour démontrer qu’il y a un développement historique dans la nature, du moins jamais avec un pareil bonheur. Bien sûr, il faut prendre son parti d’une certaine lourdeur bien anglaise dans la méthode.

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  • Charles Darwin / 1809-1882 / juin 1879)

    "Le vrai matérialisme fait de Dieu une impossibilité, de la révélation une vue de l’esprit, et de la vie future une absurdité."

    (Charles Darwin / 1809-1882 / juin 1879)

    "J’en étais progressivement venu, à cette époque, à voir que l’Ancien Testament, de par son histoire du monde manifestement fausse, avec la tour de Babel, l’arc-en-ciel comme signe, etc., et son attribution à Dieu des sentiments d’un tyran assoiffé de vengeance, n’était pas plus digne de foi que les livres sacrés des hindous, ou les croyances de n’importe quel barbare. Une question s’imposait alors continuellement à mon esprit, et refusait d’en être bannie : est-il croyable que si Dieu avait dans l’instant, à révéler aux hindous, il permettrait que cela soit lié à la croyance de Vishnou, Shiva, etc., comme le christianisme est lié à l’Ancien Testament ? Cela me paraissait tout à fait incroyable."

    (Charles Darwin / 1809-1882)

  • "Grande est notre faute, si la misère de nos pauvres découle non pas des lois naturelles, mais de nos institutions. (...) Près de Rio de Janeiro, je demeurais en face de la maison d’une vieille dame qui possédait des étaux à vis pour écraser les doigts de ses esclaves femmes. J’ai habité une maison où un jeune mulâtre était à chaque instant insulté, persécuté, battu, avec une rage qu’on n’emploierait pas contre l’animal le plus infâme. Un jour, j’ai vu un petit garçon, âgé de six ou sept ans, recevoir, avant que j’aie pu m’interposer, trois coups de manche de fouet sur la tête, parce qu’il m’avait présenté un verre qui n’était pas propre. (...) Or, ce sont des hommes qui professent un grand amour pour leur prochain, qui croient en Dieu, qui répètent tous les jours que sa volonté soit faite sur terre, ce sont des hommes qui excusent, que dis-je ?, qui accomplissent ces actes ! Mon sang bout quand je pense que nous autres Anglais, que nos descendants américains, que nous tous enfin qui nous vantons si fort de nos libertés, nous nous sommes rendus coupables d’actes semblables !"

    Charles Darwin dans "Voyage d’un naturaliste autour du monde"

  • Stephen Jay Gould : "La théorie darwinienne de l’évolution se distingue radicalement des autres théories de l’évolution du 19ème siècle par son refus implicite d’une idée de progrès qui serait inhérente à l’évolution."

    Darwin écrit au biologiste américain Alpheus Hyatt en 1872 : "Après mûre réflexion, je me suis déterminé à penser que l’évolution n’a pas intrinsèquement tendance au progrès.", par opposition au philosophe Herbert Spencer, inventeur de l’expression "la survie du plus apte" qui écrivait : "Le progrès n’est pas accidentel, c’est une nécessité."

    Stephen Jay Gould, lui, écrivait :

    "L’idée de progrès est une idée pernicieuse, ancrée dans la culture, impossible à tester, inopérante, il faut la remplacer si nous souhaitons comprendre les structures de l’histoire."

  • Œuvres parues du vivant de l’auteur :

    — Journal of Researches into the Geology and Natural History of the Various Countries by H.M.S. Beagle, Londres, Henry Colburn, 1839, 614 pp. ; 2ème édition, 1845 ;

    * Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. E. barbier, Paris, Reinwald, 1875 ; réed. Paris, La Découverte, 2003 ;

    — The Structure and Distribution of Coral Reefs. Being the First of the Geology of the Voyage of the Beagle, under the Command of Capt. Fitzroy, during the Years 1832 to 1836, Londres, Smith, Elder and Co., 1842 ; 2ème édition, 1874 ; 3ème édition, 1889 ;

    * Les Récifs de corail, leur structure et leur distribution, trad. sur la seconde édition par M. L. Cosserat, Paris, Germer-Baillière, 1878 ;

    — Geological Observations on the Volcanic Islands Visited during the Voyage of H.M.S. Beagle, together with some Brief Notices of the Geology of Australia and the Cape of Good Hope, Londres, Smith, Elder and Co., 1844 ; 2ème édition, 1876 ; 3ème édition, 1891 ;

    — Geological Observations on South America, Londres, Smith, Elder and Co., 1846 ;

    — Geological Observations on Coral Reefs, Volcanic Islands and on South America, Londres, Smith, Elder and Co., 1851 - Reprise des textes de 1842, 1844 et 1846, rééditions souvent abrégées ;

    — A Monograph of the Sub-Class Cirripedia, with Figures of all the Species, vol. I : The Lepadidae, Londres, The Ray Society, 1851 ;

    — A Monograph of the Fossil Lepadidae, or Pedunculated Cirripedes of Great Britain, vol. II, The Balanidae (or Sessiles Cirripedes) ; The Verrucidae, etc., Londres, The Ray Society, 1854 ;

    — « On the Tendency of Species to Form Varieties, and on the Perpetuation of Varieties by Natural Means of Selection » (avec A.R. Wallace), Journal of Proceedings of the Linnean Society of London (Zoology), vol. III, n°9, 1er juillet 1858, pp. 1-62 ;

    — On the Origin of Species by Means of Natural Selection, or the Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life, Londres, John Murray, 1859 ; 2ème édition, janvier 1860 ; 3ème édition, avril 1861 ; 4ème édition, juin 1866 ; 5ème édition, 1869 ; 6ème édition, février 1872 ;

    * De l’Origine des espèces, ou des Lois du progrès chez les êtres organisés, trad. sur la 3e édition par Mlle Clémence-Auguste Royer, avec une préface et des notes du traducteur, Paris, Guillaumin, 1862 ;
    * L’Origine des espèces, trad. d’Edmond Barbier sur la 6e édition, présentation par C. Guillaumin, Paris, Maspero, 1980 ;
    * L’Origine des espèces, trad. d’Edmond Barbier revue par Daniel Becquemont sur la 1ère édition, présentation par Jean-Marc Drouin, Paris, Garnier Flammarion, 2008 ;

    — On the Various Contrivances by which British and Foreign Orchids are Fertilised by Insects, and on the Good Effects of Intercrossing, Londres, John Murray, 1862 ; 2ème édition, 1877 ;

    * De la Fécondation des orchidées par les insectes et des bons résultats du croisement, trad. par L. Rérolle, Paris, Reinwald, 1891, 2e éd. ; réed.

    — On the Movements and Habits of Climbing Plants, Londres, Longman, 1865 ; 2ème édition, 1875 ;

    * Les mouvements et les habitudes des plantes grimpantes, trad. sur la deuxième édition par le docteur Richard Gordon, Paris, Reinwald, 1877 ;

    — « Queries about Expression », 1867. Article publié par R.B. Freeman et P. J. Gautrey, « Charles Darwin’s Queries about Expression », Bulletin of the British Museum of Natural History, vol. 4, 1972, pp. 205-219.

    — The Variation of Animals and Plants under Domestication, Londres, John Murray, 1868, 2 volumes, 2ème édition, 1875 ;

    * De la Variation des animaux et des plantes sous l’action de la domestication, trad. par J.-J. Moulinié, préface de Carl Vogt, Paris, Reinwald, 1868 ;
    * De la variation des animaux et des plantes à l’état domestique, trad. sur la seconde édition par Ed. Barbier, préface de Carl Vogt, Paris, Reinwald, 1879-1880 ;
    * La variation des animaux et des plantes à l’état domestique, tard. par M. Prum, précédé de P. Tort : « L’épistémologie implicite de Charles Darwin », Genève, Slatkine, 2008 ;

    — The Descent of Man, and Selection in Relation to Sex, Londres, John Murray, 1871, 2 volumes, 2ème édition, 1874 avec une note additionnelle de Th. Huxley ;

    * La descendance de l’homme et la sélection sexuelle, trad. par J.-J. Moulinié, préface par Carl Vogt, Paris, Reinwald, 1872 ;
    * La Filiation de l’homme et la Sélection liée au sexe, trad. M. Prum, préface de P. Tort, Paris, Sylepse, 1999 ;

    — « Pangenesis », Nature, vol. 3, 27 avril 1871, Proceedings of the Royal Society, vol. 19, pp. 393-410 ;

    — The Expression of the Emotions in Man and Animals, Londres, John Murray, 1872 ; 2ème édition (par Francis Darwin), 1890 ;

    * L’expression des émotions chez l’homme et les animaux, trad. par les Drs Samuel Pozzi et René Benoit, Paris, Reinwald, 1874 ; 2eme édition, 1877 ; réed. Bruxelles, Complexe, 1981 ; réed. des 5 premiers chapitres, Paris, Rivages, 2001 ;

    — « Origin of Certain Instincts », Nature, vol. 7, 3 avril 1873, pp. 417-418 ;

    — Insectivorous Plants, Londres, John Murray, 1875 ; 2ème édition revue par Francis Darwin, 1888 ;

    * Les plantes insectivores, trad par Ed. Barbier, précédé d’une introduction biographique et augmenté de notes complémentaires par Charles Martins, Paris, Reinwald, 1877 ;

    — The Effects of Cross and Self-Fertilisation in the Vegetable Kingdom, Londres, John Murray, 1876 ; 2ème édition, 1878 ;

    * Des effets de la fécondation croisée et de la fécondation directe dans le règne végétal, trad. et annoté par le Dr Edouard Heckel, Paris, Reinwald, 1877 ;

    — « Report of the Royal Commission on the Pratice of Subjecting Live Animals to Experiments for Scientific Purposes », Londres, Her Majesty’s Stationery Office, 1876, pp. 234, 4662-4672 ;

    — The Different Forms of Flowers on Plants of the Same Species, Londres, John Murray, 1877, 2ème édition, 1878 ; 3ème édition avec une préface de Francis Darwin, 1880 ;

    * Des différentes Formes de fleurs dans les plantes de la même espèce, trad. et annoté par le Dr Edouard Heckel, Paris, Reinwald, 1878 ;

    — « A Biographical Sketch of an Infant », Mind, vol. 2, juillet 1877, pp. 285-294 ;

    * Trad. française dans la Revue scientifique, vol. 13, 1877, pp. 25-29 ;

    — « Preliminary Notice » dans E. Krause, Erasmus Darwin, Londres, John Murray (ouvrage traduit de l’allemand), 1879 ;

    — The Power of Movement in Plants (en collaboration avec Francis Darwin), Londres, John Murray, 1880 ;

    * La Faculté motrice dans les plantes, avec la collaboration de Fr. Darwin fils, trad., annoté et augmenté d’une préface par le Dr Edouard Heckel, Paris, Reinwald, 1882 ;

    — The Formation of Vegetable Mould, through the Action of Worms, with Observations on their Habits, Londres, John Murray, 1881 ;

    * Rôle des vers de terre dans la formation de la terre végétale, trad. par M. Lévêque, préface de M. Edmond Perrier, Paris, Reinwald, 1882 ;
    * La Formation de la terre végétale par l’action des vers de terre, avec des réflexions sur leurs habitudes, trad. par A ; Berra, introduction de P. Tort, Paris, Syllepse, 2001 ;

    — « The Action of Carbonate of Ammonia on Chlorophyll Bodies », Journal of the Linnean Society of London (Botanic), vol. 19, 1882, pp. 262-284. Communication lue par Francis Darwin le 6 mars et le 28 août 1882 ;

    Œuvres posthumes :

    — « Préface » à A. Weismann, Studies in the Theory of Descent. With Notes and Additions by the Author, Londres, Sampson Low, 1882, pp. V-VI ;

    — « Préface » à Hermann Müller, The Fertilisation of Flowers, Londres, Macmillan, 1883, pp. VII-X ;

    — « Essay on Instinct », in G. J. Romanes, Mental Evolution in Animals. With a Posthumous Essay on Instinct by Charles Darwin, Londres, Kegan Paul, 1883, pp. 355-384 ;

    * L’Évolution mentale chez les animaux, par George John RomanesSuivi d’un essai posthume sur l’instinct, par Charles Darwin, trad. par le Dr Henry C. de Varigny, Paris, Reinwald, 1884 ;
    * L’instict - « inédit », préface de Pascal Picq, Paris, L’esprit du temps, 2009 ;

    — Francis Darwin (éd.), The Life and Letters of Charles Darwin, including an Autobiographical Chapter, Londres, John Murray, 2 volumes, 1887 ;

    * Origines - Lettres choisies 1828-1859, introduction et édition française dirigée par Dominique Lecourt, Paris, Bayard, 2009 ;

    — More Letters of Charles Darwin, Londres, John Murray, 1903, 2 volumes ;

    — F. Darwin et A. C. Seward (éds.), Emma Darwin, Wife of Charles Darwin. A Century of Family Letters, Cambridge University Press, 1904 ;

    — Francis Gélinas (ed.), The Foundations of the ‘Origin of Species’. Two Essays written in 1842 and 1844, Cambridge University Press, 1909 ;

    * Esquisse au crayon de ma théorie des espèces (Essai de 1842), trad. de Jean-Michel Benayoun, Michel Prum et Patrick Tort, précédé de Patrick Tort, « Un manuscrit oublié », Travaux de l’Institut Charles Darwin International, Genève, Éditions Slatkine, 2007 ;

    — ‘Beagle’ Diary : Charles Darwin’s Diary of the Voyage of H.M.S. Beagle, ed. by Nora Barlow, Cambridge University Press, 1933 ;

    — The Autobiography of Charles Darwin, with Original Omissions Restored, ed. by Nora Barlow, Londres, Collins, 1958 ;

    * L’Autobiographie, trad. de l’anglais (Grande-Bretagne) par Jean-Michel Goux, revue et complétée, Paris, Belin - Collection « Science ouverte », 2008 ;

    — Darwin’s Journal, ed. by Sir Gavin De Beer, Bulletin of the British Museum, 1959, 2, pp. 1-21 ;

    — Charles Darwin’s Notebooks, 1836-1844. Geology, transmutation of species, metaphysical enquiries, British Museum of Natural History, Cambridge University Press, 1987 ;

    — M. A. Di Grigorio, N.W. Gill (eds), Charles Darwin’s Marginalia, vol. I, New York-Londres, Garland, 1990 ;

  • Que pensait Darwin de la création une fois pour toutes par un dieu ?

    • "Quand je pense à mes adorables orchidées, avec leurs cinq commencements d’anthères, avec leur unique pistil transformé en rostellum, avec toute la cohésion de leurs parties, il me semble incroyablement monstrueux de regarder une orchidée comme si elle avait été créée telle que nous la voyons aujourd’hui."
      (Charles Darwin / 1809-1882 / Lettre à Asa Gray / octobre 1861)

    • "La conception darwinienne a une conséquence inéluctable : le monde vivant aujourd’hui, tel que nous le voyons autour de nous, n’est qu’un parmi de nombreux possibles. Sa structure actuelle résulte de l’histoire de la terre. Il aurait très bien pu être différent. Il aurait même pu ne pas exister du tout !"
      (François Jacob / né en 1920 / Le jeu des possibles / 1981)

      "Tout au long de l’Origine des espèces, Darwin insiste sur les imperfections de structure et de fonction du monde vivant. Il ne cesse de souligner les bizarreries, les solutions étranges qu’un Dieu raisonnable n’aurait jamais utilisées. Et l’un des meilleurs arguments contre la perfection vient de l’extinction des espèces. On peut estimer à plusieurs millions le nombre des espèces animales vivant actuellement. Mais le nombre des espèces qui ont disparu après avoir peuplé la terre à une époque ou une autre doit, d’après un calcul de G.G. Simpson, s’élever à quelques cinq cents millions au moins."
      (François Jacob / né en 1920 / Le jeu des possibles / 1981)

      "L’évolution ne tire pas ses nouveautés du néant. Elle travaille sur ce qui existe déjà, soit qu’elle transforme un système ancien pour lui donner une fonction nouvelle, soit qu’elle combine plusieurs systèmes pour en échafauder un autre plus complexe. Le processus de sélection naturelle ne ressemble à aucun aspect du comportement humain. Mais si l’on veut jouer avec une comparaison, il faut dire que la sélection naturelle opère à la manière non d’un ingénieur, mais d’un bricoleur ; un bricoleur qui ne sait pas encore ce qu’il va produire, mais récupère tout ce qui lui tombe sous la main, les objets les plus hétéroclites, bouts de ficelle, morceaux de bois, vieux cartons pouvant éventuellement lui fournir des matériaux ; bref, un bricoleur qui profite de ce qu’il trouve autour de lui pour en tirer quelque objet utilisable.
      [...]
      Comme l’a souligné Claude Levi-Strauss, les outils du bricoleur, contrairement à ceux de l’ingénieur, ne peuvent être définis par aucun programme. Les matériaux dont il dispose n’ont pas d’affectation précise. Chacun d’eux peut servir à des emplois divers. Ces objets n’ont rien de commun si ce n’est qu’on peut en dire : "ça peut toujours servir." À quoi ? Ça dépend des circonstances.
      [...]
      L’évolution procède comme un bricoleur qui pendant des millions et des millions d’années, remanierait lentement son oeuvre, la retouchant sans cesse, coupant ici, allongeant là, saisissant toutes les occasions d’ajuster, de transformer, de créer."
      (François Jacob / né en 1920 / Le jeu des possibles / 1981)

    • "Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements."
      (Charles Darwin / 1809-1882)

  • L’evolutionnisme etant une doctrine qui applique l’idée selon la quelle,le changement dans le caractere,les conceptions d’une personne,d’un groupe,la transformation progressive d’une espèce vivante en une autre dependent des contradictions intrnes.
    Autrment dit, l’evoltion emane de la contration entre les rapports de production et les forces producctives.
    mon probleme est le suivant ;y’a-t’il une relation entre elle et le fonctionnalisme,le structualisme.

  • "La conception darwinienne a une conséquence inéluctable : le monde vivant aujourd’hui, tel que nous le voyons autour de nous, n’est qu’un parmi de nombreux possibles. Sa structure actuelle résulte de l’histoire de la terre. Il aurait très bien pu être différent. Il aurait même pu ne pas exister du tout ! (...) Tout au long de l’Origine des espèces, Darwin insiste sur les imperfections de structure et de fonction du monde vivant. Il ne cesse de souligner les bizarreries, les solutions étranges qu’un Dieu raisonnable n’aurait jamais utilisées. Et l’un des meilleurs arguments contre la perfection vient de l’extinction des espèces. On peut estimer à plusieurs millions le nombre des espèces animales vivant actuellement. Mais le nombre des espèces qui ont disparu après avoir peuplé la terre à une époque ou une autre doit, d’après un calcul de G.G. Simpson, s’élever à quelques cinq cents millions au moins."

    (François Jacob dans Le jeu des possibles

  • "La théorie darwiniste de l’origine des espèces embrasse le règne végétal et le règne animal en toutes leurs dimensions. La lutte pour la vie, la sélection naturelle se poursuivent de façon constante. S’il pouvait exister un observateur disposant de mille années de vie — temps indispensable aux observations cosmiques —, il établirait, sans le moindre doute, qu’à certaines époques, le processus de la sélection naturelle est à peu près imperceptible, que les espèces conservent les caractères propres et semblent être des incarnations des idées-types platoniciennes ; des époques de rupture existent entre le milieu géographique et le monde végétal et le monde animal, des périodes de crise géo-biologique, quand les lois de la sélection naturelle se répandent dans toute leur cruauté et trouvent leur accomplissement sur les cadavres de la faune et de la flore. Dans le cadre de cette gigantesque perspective, la théorie de Darwin demeurera avant tout comme la théorie des époques critiques dans le développement de tout ce qui vit."

    Léon Trotsky (1908)

  • Engels à Marx ;

    « Au demeurant ce Darwin, que je suis en train de lire, est tout à fait sensationnel. Il y avait encore un côté par lequel la téléologie n’avait pas été démolie : c’est maintenant chose faite. En outre, on n’avait jamais fait une tentative d’une telle envergure pour démontrer qu’il y a un développement historique dans la nature, du moins jamais avec un pareil bonheur. »

  • Selon vous quelle serait la problematique philosophique presentee par Darwin dans cet extrait :
    ""Je ne crois à aucune loi fixe du développement, obligeant tous les habitants d’une région à se modifier brusquement, ou simultanément, ou à un égal degré. (....) La variabilité de chaque espèce est tout à fait indépendante de celle des autres. L’accumulation par la sélection naturelle, à un degré plus ou moins prononcé, des variations qui peuvent surgir, produisant ainsi plus ou moins de modifications chez différentes espèces, dépend d’éventualités nombreuses et complexes, telles que la nature avantageuse (...)"
    De meme quelles vous semble etre les grandes idees soulevees par ce texte ?

  • La grande idée de ce texte est une idée fondamentale de Darwin : les variations sur chaque individu ne sont pas dirigées. C’est ensuite la sélection qui est dirigée.

  • L’évolution ne suit aucun modèle préétabli ce qui explique qu’on ne puisse nullement prédire les suites de l’évolution des espèces. Aucune théorie ne permet de prédire que telle ou telle nouvelle espèce devrait apparaître dans tel ou tel délai.

    On connaît l’adage fameux selon lequel la vie ne peut être comprise qu’au regard de l’évolution. Cela peut sembler un principe directeur du vivant mais ce n’est en fait que l’expression du caractère dialectiquement contradictoire du vivant. La vie n’a pu se conserver globalement qu’en changeant structurellement. Ce n’est pas vrai qu’au niveau des espèces. C’est vrai au niveau d’un individu, d’une cellule, d’une structure biochimique.

    Le changement serait donc le fondement de la structure de la vie. Certes mais cela n’en fait pas un principe directeur car cela serait aussi le principe directeur de toutes les structures émergentes fondant un ordre sur un désordre sous-jacent et ce modèle est celui de toutes les structures de la matière, qu’elles soient inertes ou vivantes….

  • Pourrait-on dire qu’en plus de la thèse : la variabilité des especes n’est pas dirigée, la seconde grande idee de ce texte est le principe de gradation dans l’evolution ?
    De plus, selon vous quelle pourrait etre la problematique soulevee par ce texte ?

  • « Grande est notre faute, si la misère de nos pauvres découle non pas des lois naturelles, mais de nos institutions. »

    Charles Darwin, dans « Voyage d’un naturaliste autour du monde »

  • Darwin, « Autobiographie » :

    « Durant ces deux années (à bord du Beagle d’octobre 1836 à janvier 1839), je fus souvent amené à réfléchir à la religion. Lorsque j’étais à bord du Beagle, j’étais tout à fait orthodoxe, et je me souviens d’avoir déclenché de grands rires chez plusieurs officiers (eux-mêmes pourtant orthodoxes) en citant la Bible comme une autorité incontestable sur un point de morale. Je suppose que c’était la nouveauté de l’argument qui les amusait. Mais j’en venais peu à peu à considérer, à cette époque, que l’Ancien Testament, avec son histoire du monde manifestement fausse, la tour e Babel, l’arc-en-ciel comme signe, etc., et parce qu’il attribuait à Dieu les sentiments d’un tyran vindicatif, n’était pas plus digne de confiance que les livres sacrés des hindous, ou les croyances d’autres barbares. (…) J’en vins graduellement à ne plus croire au christianisme comme révélation divine. (…) En fait, je peux difficilement admettre que quelqu’un puisse souhaiter que le christianisme soit vrai ; car si c’était le cas, les Ecritures indiquent clairement que les hommes qui ne croient pas, à savoir mon père, mon frère et presque tous mes meilleurs amis, seront punis éternellement. Et ceci est une doctrine condamnable. (…) le vieil argument d’une finalité dans la nature, comme le présente Paley, qui me semblait autrefois si concluant, est tombé depuis la découverte de la loi de la sélection naturelle. Désormais, nous ne pouvons plus prétendre, par exemple, que la belle charnière d’une coquille bivalve doive avoir été faite par un être intelligent, comme la charnière d’une porte par l’homme. Il ne semble pas qu’il y ait une plus grande finalité dans la variabilité des êtres organiques et dans l’action de la sélection naturelle que dans la direction d’où souffle le vent. Tout dans la nature est le résultat de lois immuables. (…) La totalité ou au moins la plupart des êtres vivants se sont développés par sélection naturelle d’une manière telle que les sensations de plaisir guident ordinairement leur conduite. (…) A l’heure actuelle, l’argument le plus courant en faveur de l’existence d’un Dieu intelligent est tiré des sentiments et de la profonde conviction intérieure ressentis par la plupart des gens. On ne peut pourtant pas douter que des hindous, des mahométans et d’autres pourraient argumenter de la même manière, et avec une force égale, en faveur de l’existence d’un Dieu, ou de nombreux dieux, ou bien, comme les bouddhistes, en faveur de la non-existence de Dieu. (…) Avant les fiançailles, mon père me conseilla de cacher soigneusement mes doutes, car, disait-il, il avait été témoin des effets destructeurs d’une telle perte de foi chez des couples. »

  • « Pourquoi, demandera-t-on, la supposée force créatrice (divine) a-t-elle produit des chauves-souris et aucun autre mammifère sur les îles éloignées ? Si l’on se fonde sur ma conception il est aisé de répondre à cette question ; en effet aucun mammifère terrestre ne peut être transporté par dessus une vaste étendue de mer, alors que les chauves souris peuvent la traverser en volant. »

    Darwin (Origine des Espèces - 1859 - chap XIII )

  • « Mais j’en étais peu à peu venu ultérieurement à considérer que l’Ancien Testament n’est pas plus digne de confiance que les livres sacrés des Hindous, ou les croyances d’autres barbares, de par son histoire du monde manifestement fausse, avec la tour de Babel, l’arc-en-ciel comme signe, etc., et parce qu’il attribuait à Dieu les sentiments d’un tyran vindicatif. La question se posait donc constamment, et ne se laissait pas chasser de mon esprit : était-il croyable que Dieu, pour se révéler aux Hindous, puisse permettre que cette révélation soit autant liée aux croyances en Vichnou, Siva, etc., que le Christianisme est lié à l’Ancien Testament. Cela m’apparaissait tout à fait incroyable... C’est en me livrant à des réflexions telles que celles-là, que je ne donne point comme ayant la moindre nouveauté ou la moindre valeur, mais comme m’ayant influencé, que j’en suis venu graduellement à ne plus croire au Christianisme comme révélation divine. Le fait que beaucoup de fausses religions se soient propagées comme un feu grégeois sur de vastes portions de la terre était pour moi d’un certain poids. Si belle que soit la moralité du Nouveau Testament, on ne peut guère nier que sa perfection ne dépende en partie de l’interprétation que nous appliquons aujourd’hui sur des métaphores et des allégories. »

    Darwin (Autobiographie - 1876 )

  • « Bien que je n’aie pas beaucoup réfléchi au sujet de l’existence d’un Dieu personnel jusqu’à une période de ma vie considérablement plus tardive, je donnerai ici les vagues conclusions auxquelles j’ai été conduit. Le vieil argument du dessein dans la nature, tel que l’avance Paley, qui autrefois me semblait si concluant, s’est effondré, à présent que la loi de Sélection Naturelle a été découverte. Nous ne pouvons plus désormais faire valoir que, par exemple, la superbe charnière d’un bivalve a dû être fabriquée par un être intelligent, comme la charnière d’une porte l’est par l’homme. Il semble qu’il n’y ait pas plus de dessein dans la variabilité d’un être organique et dans l’action de la Sélection naturelle qu’il n’y en a dans le sens où souffle le vent. »

    Darwin (Autobiographie - 1876)

  • En 1863, reconnaissant qu’il a caché son athéisme, Darwin écrit à son ami Hooker :

    « J’ai longuement regretté de m’être aplati devant l’opinion publique et de m’être servi du terme biblique de « création », en fait, je voulais parler d’une « apparition » due à un processus totalement inconnu. »

  • Darwin, dans sa conclusion à « L’Origine des espèces » :

    « Et pendant que notre planète continuait à décrire ses cycles réguliers selon la loi fixe de la gravitation, à partir d’un début si simple, une infinité de formes les plus belles et les plus merveilleuses ont évolué, et continuent d’évoluer… »

    « Nous sommes toujours lents à admettre tout grand changement dont nous ne pouvons voir les étapes intermédiaires. Nous ne percevons rien de ces lents changements en progression jusqu’à ce que la main du temps ait marqué le long écoulement des âges. »

  • Darwin dans « L’Origine des espèces » :

    « Quant à moi, je considère que les archives géologiques… sont comme une histoire du globe incomplètement conservée, écrite dans un dialect toujours changeant, et dont nous ne possédons que les dernier volume… »

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