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Mille et une interprétations des inégalités d’Heisenberg de la physique quantique

mardi 31 août 2010, par Robert Paris

Mille et une interprétations des inégalités d’Heisenberg de la physique quantique

"Les relations d’incertitude de Heisenberg montrent qu’on ne peut mesurer avec une précision arbitraire à la fois la position et l’impulsion d’un objet quantique. Une conséquence fondamentale est que l’équilibre statique, l’immobilisme est impossible aux petites échelles de la Nature. Le quantum d’action, la constante h proposée par Planck dès la fin du dix-neuvième siècle, est toujours présente pour mesurer l’incertitude fondamentale entre la position et la vitesse, même pour les états les plus stables. Il introduit des fluctuations permanentes, des mouvements infinitésimaux nécessaires, qui rendent une évolution toujours potentielle."

François Dubois

Il s’agit de l’une des découvertes de la physique quantique qui rompt le plus radicalement avec la vision de la physique dite classique. Les paramètres n’y sont plus descriptibles par un seul nombre. Les mesures sur un même phénomène ne sont plus indépendantes et n’ont plus une précision illimitée. Certains auteurs y ont vu une limite de la précision des observations ou une remise en cause de l’objectivité de l’expérience ou de la science, puis encore une impossibilité de connaître la nature. Heisenberg lui-même a diffusé une interprétation indéterministe de sa loi quantique. D’autres ont affirmé que l’observation décidait de son résultat et même que la conscience de l’homme, l’observateur, transformait le résultat de l’expérience. On a parlé de « remise en cause du statut objectif de la mesure », d’ « incertitude de la mesure » d’ « indétermination » ou même d’ « indéterminisme ». Les interprétations des physiciens quantiques eux-mêmes ont mené au positivisme, au subjectivisme, à l’idéalisme, au mysticisme et autres interventions du psychisme dans les expériences… sans parler d’existence de plusieurs mondes et de parapsychologie.

La cause de tout ce maelström philosophique et scientifique provient de l’étonnement suscité par la remise en cause de conceptions du monde reliées à notre vie de tous les jours, ce que l’on appelle notre échelle macroscopique, ou la vision du monde en termes mécanistes : des objets fixes en mouvement dans un espace-temps dont ces objets seraient indépendants.

Les inégalités d’Heisenberg, comme les autres résultats de la physique quantique, ont été bien vérifiées par l’expérience et elles pointent l’impossibilité de mesurer de manière infiniment précise et elles ont été interprétées comme un indéterminisme fondamental de la matière quand ce n’est pas dans un sens subjectiviste, la conscience humaine étant considérée alors comme créatrice du monde qu’elle observe. Certains auteurs ont été jusqu’à en déduire la vanité de la recherche scientifique sur le fonctionnement du monde. Nous développons un tout autre point de vue qui, même si elle transforme considérablement l’ancienne vision matérialiste et déterministe, ne renonce nullement à ces points de vue philosophiques.

Pour nous, les inégalités d’Heisenberg ne sont ni indéterministes, ni anti-réalistes, ni anti-matérialistes, ni positivistes (au sens où la réalité n’existerait pas et seule l’expérience existerait), ni une inexistence du monde matériel ni une marque des limites de la possibilité de la connaissance sur le monde.

L’inégalité de Heisenberg est quantique au sens où elle introduit fondamentalement la discontinuité, parce qu’elle signifie que l’on ne peut pas diminuer une quantité autant que l’on veut et que les infiniment petits ou les infiniment grands n’existent pas en physique. La petitesse de la constante de Planck permet de donner l’illusion du continu mais elle est non nulle. La grande valeur de la vitesse de la lumière donne l’illusion de l’action immédiate à distance mais ce n’est pas non plus le cas. L’illusion du continu n’est fondée sur aucune réalité. Aucune interaction n’est instantanée. Aucune n’agit en continu mais au contraire brutalement. L’observation, elle-même, est une discontinuité irréversible. Gilles Cohen-Tannoudji explique dans "Le temps et sa flèche" (ouvrage collectif dirigé par Etienne Klein et Michel Spiro :

"L’inégalité d’Heisenberg marque l’irruption du discontinu là où on ne l’attendait pas, dans les interactions. Alors que le discontinu était accepté dans la matière, puisque c’est essentiellement le fondement de l’hypothèse atomique, on pensait que les interactions relevaient complètement du continu.’

Heisenberg rapporte ce dialogue dans « La partie et le tout, Le monde de la physique atomique » : "Bohr : « Nous savons déjà depuis vingt-cinq ans ce que signifie la formule de Planck. Nous voyons les discontinuités, les bonds, dans les phénomènes atomiques de façon très directe, par exemple sur un écran à scintillation ou dans une chambre de Wilson. Nous voyons un éclair se manifestant brusquement sur l’écran, ou encore le passage brusque d’un électron à travers la chambre de Wilson. Vous ne pouvez pas tout simplement ignorer ces phénomènes discontinus et faire comme s’ils n’existaient pas. »

Les inégalités d’Heisenberg consacrent donc le triomphe du discontinu en physique, quitte à déranger la conception linéaire et continue du déterminisme et de la causalité...
Dans un chapitre intitulé « Discussion sur la relation entre biologie, physique et chimie » de son ouvrage « La partie et le tout, le monde de la physique atomique », il rapporte le point de vue du mathématicien Von Neuman débattant avec un biologiste partisan du darwinisme : « Le mathématicien amena le biologiste à la fenêtre de son bureau et dit : « Voyez-vous là-bas sur la colline, la jolie petite maison de campagne ? Elle est née par hasard. Au cours de millions d’années, la colline a été formée par des processus géologiques, les arbres on poussé, ont vieilli, se sont décomposés. (...) Une fois, au bout d’un temps très long, ils ont produit cette maison de campagne. » Cette facétie est plus profonde qu’il n’y paraît. C’est une véritable objection contre l’idée que les grandes innovations brutales du vivant auraient été produites par des accumulations très lentes de toutes petites modifications au hasard sélectionnées par la nature. Des petites transformation au hasard auraient produit un œil, un cerveau ? Heisenberg préférait l’idée que ces transformations s’étaient produites de manière déterministe et brutale. Il prenait partie même si la biologie, bien sûr, n’était pas son domaine de recherche.

Qu’en est-il du lien entre ces inégalités et l’indéterminisme ?

Max Planck expliquait, dans « Initiation à la physique », pourquoi il ne comptait pas céder à la pression de l’opinion courante selon laquelle la découverte du quanta entraînait un renoncement à la notion de causalité mais seulement à son changement de signification : « A l’heure actuelle, il y a des physiciens qui seraient très portés à retirer au principe de causalité strict son rôle dans le système physique de l’univers. (...) Mais, autant que je puis m’en rendre compte, il n’y a, pour le montent, aucune nécessité de se résigner à l’indéterminisme. (...) Il est toutefois certain que cette façon d’envisager le déterminisme diffère quelque peu de celle qui était habituelle en physique classique. »

Ces inégalités portent sur l’impossibilité de séparer diamétralement l’ordre et le désordre, la stabilité et l’instabilité, l’ordre de la matière/lumière et l’agitation du vide quantique, ce qui signifie que les instabilités sont irréductibles. Elles ne signifient pas que le monde réel n’existe pas mais qu’il existe aussi dans le vide. Elles ne signifient pas qu’on ne peut pas descendre en dessous des limites d’Heisenberg, mais qu’on change d’univers en descendant en dessous et qu’on entre du domaine des quanta réels dans le domaine des quanta virtuels. Elles confirment que la matière et la lumière (réels, c’est-à-dire obéissant aux inégalités d’Heisenberg) ne sont pas le fondement du monde, qu’il n’y a pas des « atomes », des insécables matériels, qui seraient porteurs fixes et stables des propriétés de la nature. Le fondement commun de la lumière, de la matière et du vide se trouve dans des particules et des antiparticules qui n’obéissent ni aux limites quantiques ni aux limites relativistes : les quanta virtuels se déplaçant plus vite que la lumière et capables dans des temps très courts d’être porteurs de bien plus d’énergie que les quanta dits réels. Les inégalités d’Heisenberg sont donc une frontière, sans cesse franchie, entre deux mondes, comme les quanta sont une frontière entre classique et quantique (souvent entre macroscopique et microscopique). Le déterminisme et le matérialisme ne sont pas supprimés et ils ne sont pas les seuls à être bouleversés. La vision des relation entre ordre et désordre l’est tout autant : le cycle du réel est une fondation d’un ordre sans cesse détruit et reconstruit, c’est-à-dire désordre-ordre-désordre. L’ordre n’est pas premier. C’est la symétrie (désordre) qui est première et c’est en son sein que se produit la rupture de symétrie (construction de la matière et de la lumière). L’atome n’est pas premier. Le photon n’est pas premier non plus. Ce qui donne son fondement, c’est l’émergence d’un ordre issu du désordre. La structure n’est pas première. La difficulté de la mesure que pointent les inégalités d’Heisenberg n’est pas une limite de l’observation, de l’interaction entre l’homme et la nature, mais elle révèle au contraire la nature du réel : ordre émergent sans cesse du désordre fondamental. Les inégalités mesurent une variation des paramètres parce que l’agitation ne fait pas que changer l’ordre, elle le fonde.

« Aucun système quantique, de la simple particule au champ (le vide) caractérisé par une infinité de degrés liberté, n’est absolument figé lorsqu’il se trouve dans son état de plus grande immobilité réalisable quantiquement. (...) En termes particulaires, ces fluctuations quantiques du champ peuvent se visualiser comme des particules dont le temps de séjour est limité par les relations d’incertitude (d’Heisenberg). (...) Ces paires de particules virtuelles qui surgissent en chaque point, en chaque instant, le temps d’une incertitude, disparaissent si elles ne reçoivent pas les moyens de s’actualiser, l’énergie correspondant au moins à leurs masses. Certaines particules apparaissent au sein du champ parce que d’autres s’annihilent (...) Les fluctuations quantiques du vide, tout comme les fluctuations classiques de la courbure (espace-temps gravitationnel d’Einstein), se ressentent donc elles-mêmes dans une dynamique non-linéaire. Elles peuvent dès lors éventuellement s’auto-amplifier, les fluctuations géométriques et celles du vide s’épaulant les uns les autres, dans une cascade non-linéaire de réponses réciproques. » écrit le physicien Edgard Gunzig dans « Le vide », article « Du vide à l’univers ».

La matière fondamentale est le vide. C’est ce dernier qui construit l’espace, le temps, la matière et la lumière. Et c’est bien l’agitation incompressible du vide qui impose l’ « incertitude » des mesures. On ne peut pas à la fois effectuer avec une précision quelconque une expérience concernant une structure émergente et le milieu d’où elle émerge. Plus on va chercher à mesure précisément la structure, plus la mesure des caractéristiques du milieu sera vague. On peut dire aussi que plus on cherche à cantonner une structure au sein d’un espace restreint, plus elle va avoir d’énergie cinétique pour en sortir. Position et quantité de mouvement sont dits complémentaires. Le produit de leurs marges de variation ne peuvent descendre plus bas qu’un minimum.

Werner Heisenberg – Sur le principe d’incertitude :

« Faisons donc connaissance avec l’une des caractéristiques fondamentales de celle-ci : le principe d’incertitude. Position et vitesse d’une particule Imaginons que nous avons à donner une description complète d’un électron, c’est-à-dire à déterminer des grandeurs comme sa position ou sa vitesse. A première vue, cela ne pose pas de problème et nous devons pouvoir mesurer ces quantités avec une précision illimitée. C’est ce que la physique classique prévoit, mais l’avis de la mécanique quantique est différent. Selon elle, toute description d’un phénomène physique doit prendre en compte l’acte d’observation. Ainsi, nous ne pouvons pas nous contenter de dire qu’il n’y a aucune difficulté dans la mesure, mais, au contraire, il nous faut étudier avec soin la façon dont nous allons effectuer celle-ci. Essayons donc de mesurer simultanément la position et la vitesse de l’électron. Le moyen le plus simple est d’utiliser un rayon lumineux. Nous ne sommes pas limités à la lumière visible, nous pouvons avoir recours à toute la gamme des ondes électromagnétiques, depuis le domaine radio jusqu’aux rayons gamma. Commençons avec un faisceau radio, de longueur d’onde un mètre par exemple. Le problème qui se pose est que nous ne pouvons déterminer la position de l’électron qu’avec une précision de l’ordre de la longueur d’onde. Ainsi, avec notre rayonnement radio, nous ne pouvons déterminer la position qu’à un mètre près. Pour augmenter la précision, la solution est simple. Passons de l’autre côté du spectre électromagnétique et utilisons des rayons gamma. Les longueurs d’onde sont maintenant très petites et la position de l’électron peut être mesurée avec une grande précision, par exemple un millionième de milliardième de mètre. Mais un nouveau problème se pose. Les photons qui composent le rayonnement gamma sont très énergétiques. Leur rencontre avec l’électron est violente et le choc perturbe le mouvement de la particule, donc sa vitesse. En conséquence, une grande incertitude affecte maintenant notre détermination de cette dernière. Pour ne pas perturber la particule et pouvoir mesurer avec précision sa vitesse, il faut avoir recours à un rayonnement peu énergétique, donc aux ondes radio. Et nous nous retrouvons finalement dans le cas précédent, avec une grande incertitude sur la position. »

Werner Heisenberg, dans « La partie et le tout, Le monde de la physique atomique », expose le lien entre la physique quantique et les particules virtuelles du vide :

« Un quantum de lumière qui passe à côté d’un noyau atomique peut se transformer en une paire de particules : un électron et positron. Est-ce que cela signifie, en fait, que le quantum de lumière se compose d’un électron et d’un positron ? (…) On peut dire, peut-être, que le quantum de lumière se compose « virtuellement » d’un électron et d’un positron. Le mot « virtuellement » indique qu’il s’agit là d’une possibilité. (…) Le quantum de lumière se compose aussi virtuellement de quatre particules (deux électrons et deux positrons) et ainsi de suite. (… ) On pourrait dire, dans ce cas, que chaque particule élémentaire se compose virtuellement d’un nombre quelconque d’autres particules élémentaires. Car, si l’on envisage des collisions extrêmement énergétiques, un nombre arbitraire de particules (en fait autant de particules et d’antiparticules) pourra être créé dans ces collisions. (…) Peut-être existe-t-il encore de très nombreuses particules élémentaires que nous ne connaissons pas encore parce que leur durée de vie est trop courte. (…) On peut alors faire comme si la particule élémentaire se composait d’un grand nombre d’autres particules élémentaires, éventuellement diverses. (…) La particule élémentaire n’est en fait plus élémentaire ; elle constitue, au moins virtuellement, une structure très compliquée. (…) Etant donné que la durée de vie de ces nouvelles structures paraît plus brève que celle de toutes les particules élémentaires connues jusque-là, il peut exister encore de nombreuses autres particules de cette sorte, particules qui ont échappé jusque-là à l’observation grâce à une durée de vie encore plus courte que celle du méson pi. »

"Un aspect essentiel est le passage de particules virtuelles à des particules réelles. Les particules virtuelles sont des particules qui se créent par paires, qui vivent un certain temps et puis se recombinent par suite du principe d’incertitude de Heisenberg. Les particules réelles, au contraire, ne doivent plus se recombiner ; elles ne sont plus tenues par un fil l’une à l’autre. Donc la création de l’univers, la création de la matière telle que nous la connaissons, correspond avant tout à une création de possibilités, créant à la fois des phénomènes désordonnés et des phénomènes hautement organisés. » écrit le physicien-chimiste Ilya Prigogine, dans « Temps à devenir ».

« Le vide quantique

Intuitivement, le vide est « ce qui reste quand on a tout enlevé » : si on sait vraiment tout enlever, il ne reste que le néant. Plus précisément, pour un système donné, il faut éliminer toutes les formes d’énergie présentes sous forme de matière ou de rayonnement. On atteint ainsi l’état d’énergie le plus bas accessible pour ce système, ce qui sera désormais notre définition du vide. Est-ce là le néant ?
Absolument pas ! Tous les champs, toute la physique sont présents dans le vide et il suffit d’y apporter suffisamment d’énergie pour les voir apparaître et mettre en jeu toutes les particules connues. D’autre part, le vide bouillonne d’activité. Cette activité est de type quantique. Le vide énergétique du système correspond à une valeur moyenne qui n’est bien définie que sur un temps assez long. Mais si nous l’observons durant un temps très court son énergie nous semble fluctuer, d’autant plus que le temps d’observation est bref, en accord avec le principe d’incertitude d’Heisenberg.

Il est bon de se rappeler ici les ordres de grandeur en jeu. Un fermi (dix puissance moins treize centimètre) correspond à un temps d’environ trois fois dix puissance moins 24 seconde, et un tel intervalle donne la liberté de fluctuer du vide jusqu’à une énergie de l’ordre du GeV, ce qui suffit pour faire apparaître très fugitivement, par exemple, une paire muon-antimuon. Une paire de W peut exister pendant trois fois dix puissance moins 27 seconde. De telles particules à l’existence éphémère, faut d’énergie pour les produire réellement, s’appellent des particules virtuelles. (…) Un autre effet de cette propriété du vide quantique est que les constantes – masses, couplages – que nous avons introduites ne sont pas exactement constantes, mais sont des quantités qui évoluent avec le pouvoir de résolution correspondant à l’observation. Cela se comprend puisqu’un pouvoir de résolution accru, synonyme de temps accessible plus court et naturellement d’énergie plus haute, donne accès à des fluctuations plus conséquentes, impliquant des particules virtuelles de plus en plus lourdes et conduisant à une dérive graduelle des quantités mesurées. »

LES INÉGALITÉS D’HEISENBERG

On remarquera que les inégalités d’Heisenberg ont comme point communs qu’elles expriment que le produit de deux quantités ne peut pas descendre en dessous d’un minimum lié à la constante de Planck, au quanta divisé par deux pi, c’est-à-dire au quanta distribué circulairement. Cette quantité de Planck rappelle que ces inégalités sont proprement quantique et n’ont plus aucun rapport avec la physique classique pour laquelle il n’existe pas de contrainte sur deux mesures indépendantes. Elle réfère aussi au caractère de dualité de la physique quantique : tout a à la fois un caractère de type corpusculaire et un caractère de type ondulatoire. Ceci se retrouve dans les inégalités d’Heisenberg. Les deux quantités qui ont des marges de variation dont le produit a un maximum quantique sont une quantité de type corpusculaire et une quantité de type ondulatoire.
Les quantités de type corpusculaire de la physique classique sont l’énergie, la quantité de mouvement, le nombre de particules, la position, la vitesse et le moment angulaire classique. Les quantités de type ondulatoire de la physique classique sont la pulsation, l’ondulation, la fréquence et la phase.

Aucun de ces paramètres n’a entièrement conservé son caractère en physique quantique. En effet, ces paramètres étaient décrits par un nombre unique, alors qu’en physique quantique, il y a une marge de variation pour toutes ces quantités. Par exemple, l’énergie déterminée par un seul nombre est remplacée par un spectre n’énergie ayant une certaine largeur.

Ce sont ces marges de variation dont les produits d’Heisenberg sont supérieurs à un minimum :

Energie fois durée de vie (traduisez : le temps de vie du phénomène est inversement proportionnelle à la largeur du spectre d’énergie).
Quantité de mouvement fois position dans l’espace

Moment angulaire quantique fois phase

En termes de la physique quantique, d’où proviennent ces inégalités ? C’est assez simple à comprendre dès que l’on admet que le monde est uniquement constitué de quanta en quantités entières : zéro, un, deux, trois, etc… mais pas en nombre décimal.

Tout phénomène de matière ou de lumière ne peut être décrit que par un nombre entier de ces quanta et en dessous d’un quanta, on ne mesure plus rien. Or, un quanta n’est pas une énergie, n’est pas une masse, n’est pas une vitesse et n’est pas une position. C’est le produit d’une énergie et d’un temps ou d’une quantité de mouvement et d’une variable de position, etc… produits que l’on trouve justement dans les inégalités d’Heisenberg.

Celles-ci expriment donc exactement l’impossibilité de mesurer un phénomène matière/lumière en dessous d’un quanta…. Les inégalités d’Heisenberg expriment que plus l’onde est désordonnée, plus le corpuscule décrivant le même phénomène est ordonné, et inversement.

La relation entre ordre et désordre était ainsi exprimée dans « L’objet quantique » : « Il n’y a pas entre ordre et désordre l’antinomie que le bons sens suggère. (…) Tout se passe comme si la mécanique quantique exprimait les figures d’ordre d’un désordre microphysique. »

Lochak, Diner et Farge dans « L’objet quantique » : "si l’on cherche maintenant à mesurer les projections du moment orbital sur des droites dans un plan perpendiculaire au champ magnétique du dispositif expérimental, on trouvera des valeurs qui ne sont pas constantes d’une expérience à une autre. Ces valeurs se présentent en fait comme une succession de nombres au hasard, elles sont aléatoires. C’est là que se manifeste le caractère de hasard des phénomènes microphysique. Le fait que le moment orbital observé n’ait donc pas d’orientation définitive dans l’espace, mais semble tourner au hasard autour de la droite choisie, vérifie une autre grande loi de la mécanique quantique : les inégalités de Heisenberg. Si l’on observe l’atome d’hydrogène dans un champ magnétique, on observe une projection constante du moment orbital salon la direction du champ, alors que dans le plan perpendiculaire les valeurs observées subissent la loi du hasard. On ne peut totalement faire taire le hasard en microphysique. Chassez le hasard de certaines observations, il revient au galop dans d’autres. C’est le sens de ce que l’on appelle les relations d’incertitude d’Heisenberg."

Traduisez constantes par ordre et hasard par agitation et vous voyez que les inégalités d’Heisenberg sont l’interaction de l’ordre et du désordre. Plus vous voulez augmenter l’ordre pour un aspect des phénomènes, plus vous augmentez le désordre de l’autre côté, pour le paramètre associé.

LES PHYSICIENS FONDATEURS DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE ET L’INDÉTERMINISME

Michel Bitbol explique dans « En quoi consiste la révolution quantique » « Le déterminisme, tout d’abord, peut être défini en première analyse comme une doctrine affirmant l’universalité des relations causales. (…) nous pouvons exposer les raisons qui ont poussé plusieurs créateurs de la mécanique quantique à affirmer qu’elle marque l’avènement d’une physique indéterministe. Les deux raisons principales sont le succès de l’interprétation probabiliste de la fonction d’onde proposée par Max Born en octobre 1926, et la formulation par Heisenberg de ses relations dites d’« incertitude » ou d’« indétermination » au début de 1927. Selon Born tout d’abord, « (...) la mécanique quantique de Schrödinger donne une réponse précise à la question de l’effet d’une collision, mais il ne s’agit pas d’une relation causale. On ne répond pas à la question quel est l’état après la collision mais quelle est la probabilité d’obtenir un effet donné après la collision (...) Ici se pose tout le problème du déterminisme. Du point de vue de notre mécanique quantique, il n’existe pas de grandeur qui, dans un cas particulier, déterminerait causalement l’effet d’une collision ». Quant à Heisenberg, sa remarque cruciale était la suivante : « Ce qui a été réfuté dans la loi exacte de causalité, selon laquelle quand nous connaissons le présent avec précision, nous pouvons prédire le futur, ce n’est pas la conclusion mais l’hypothèse ». Autrement dit, ce qui a été réfuté par les relations dites d’« incertitude », c’est la possibilité de connaître l’état présent avec une précision arbitrairement bonne. S’appuyant sur cette proposition, Heisenberg se croyait autorisé à affirmer en fin de parcours que « (...) la mécanique quantique établit l’échec final de la causalité » . Si l’on regarde ces textes fondateurs de près, cependant, le moins qu’on puisse dire est que la conséquence indéterministe qu’ils proclament ne découle pas des prémisses qu’ils posent. Max Born s’en rendait assez bien compte lorsqu’il soulignait, dès son article de l’automne 1926, que l’absence de conditions déterminantes décrites par la mécanique quantique n’implique pas par elle-même que de telles conditions ne pourront jamais être découvertes. « Je serait d’avis quant à moi, écrit-il, de renoncer au déterminisme dans le domaine de l’atome. Mais ceci est une position philosophique, pour lesquels les arguments physiques à eux seuls sont insuffisants ». Heisenberg, lui, était plus catégorique dans son assertion indéterministe, mais dès 1929 un philosophe allemand appelé Hugo Bergmann lui faisait remarquer à juste titre que son raisonnement était incorrect sur le plan de la simple logique. « Une implication logique, soulignait-il, n’est pas réfutée si l’on se contente de prouver que sa prémisse est incorrecte ». En d’autres termes, le fait qu’en vertu des relations de Heisenberg on ne puisse pas disposer au sujet de l’état présent de toutes les informations qui seraient nécessaires pour prédire exactement l’état futur, n’interdit pas de penser que si on disposait de ces informations, on pourrait faire une prédiction exacte. Cette critique du processus déductif de Heisenberg a été reformulée indépendamment, par bien d’autres auteurs, comme A. Kojève et par E. Cassirer. Au fond, les assertions de Born et de Heisenberg laissaient libre cours à l’idée ou au rêve d’une théorie de processus déterministes sous-jacents, par rapport auxquels l’indéterminisme associé à la mécanique quantique n’aurait à être considéré que comme la manifestation superficielle d’une imperfection de nos instruments de mesure. Toutes les argumentations de ces auteurs et de leur école de pensée allaient donc prendre pour cible le statut épistémologique, ou la simple possibilité, de ces « théories à variables cachées » qui prétendent recouvrer un déterminisme descriptif sous la surface de l’indétermination expérimentale. Critique épistémologique, d’abord, lorsque les membres de l’« école de Copenhague » présentent les proclamations déterministes des partisans des théories à variables cachées comme métaphysiques puisque expérimentalement inaccessibles. Comme l’écrit Kojève, la véritable leçon que l’école dominante en physique quantique nous pousse à tirer de ses réflexions n’est pas que la fausseté du déterminisme est désormais établie ; elle est plutôt que « (...) l’idée classique du déterminisme causal n’est ni vraie ni fausse mais simplement dénuée de sens physique ». (…) L’évolution des vecteurs d’état de systèmes fermés est en effet régie par une équation aux dérivées partielles strictement déterministe : l’équation de Schrödinger. L’affirmation habituelle selon laquelle « la mécanique quantique est indéterministe » doit donc être nuancée. Il est vrai qu’elle établit un lien seulement probabiliste entre groupes d’événements expérimentaux, mais elle le fait à travers des entités théoriques régies par une loi déterministe. »

Les physiciens Banesh Hoffman et Michel Paty écrivent ainsi dans « L’étrange histoire des quanta » : « Le fait qu’une particule quantique a une certaine probabilité d’être dans un état donné ne doit pas être considéré comme la traduction d’une ignorance mais celle d’une propriété de la particule. » Les théoriciens de la physique quantique parlent d’ « incertitude quantique » mais ce n’est pas une simple incertitude de la mesure. C’est l’agitation désordonnée du vide qui engendre une impossibilité d’aller au delà d’une certaine précision dans la mesure des phénomènes matière-lumière. En fait, le vide ne fait pas que désordonner la matière, il la construit. Les phénomènes matière-lumière sont engendrés par le désordre du vide. Dans le domaine macroscopique, l’incertitude ne provient pas non plus d’un défaut des instruments ou d’une incapacité des hommes. Les théoriciens du chaos déterministe insistent autant sur son obéissance à des lois (déterminisme) que sur le fait que ces lois sont imprédictibles. Ce n’est pas une incapacité de l’homme qui limite la possibilité de prédiction mais la nature de ces lois, qui tendent à diverger (croissance exponentielle d’une petite différence initiale).

Non seulement la nature obéit à des lois quantiques mais elles sont d’une grande précision. Certains calculs de Feynman de l’électrodynamique quantique ont une précision incroyable. Les limites de la physique quantique définissent des temps encore plus précis et dont la précision donne même le frisson : le temps dit de Planck, en dessous duquel aucune expérience matière/lumière n’est théoriquement possible. Il est quasi inimaginable : un cent millionième de milliardième de milliardième de milliardième de seconde. Là encore, cette horloge incroyablement précise est basée sur une agitation et non sur une régularité : l’agitation quantique du vide, mouvement imprédictible, brutal, non linéaire et discontinu.

Le physicien Ilya Prigogine développait une philosophie ne renonçant pas à l’objectivité de la science tout en intégrant l’agitation contenue dans les observations telle qu’elle est exprimée par les inégalités d’Heisenberg :

"C’est parce que, selon les termes d’Heisenberg, nous sommes à la fois "acteurs" et "spectateurs" que nous pouvons apprendre quelque chose de la nature. Cette communication, cependant, exige un temps commun. C’est ce temps commun qu’introduit notre approche tant en mécanique quantique que classique. [...) La direction du temps est commune à l’appareil de mesure et à l’observateur. Il n’est plus nécessaire d’introduire une référence spécifique à la mesure dans l’interprétation du formalisme. [...] Dans notre approche, l’observateur et ses mesures ne jouent plus un rôle actif dans l’évolution des systèmes quantiques, en tous cas, pas plus qu’en mécanique classique. Dans les deux cas nous transformons en action l’information que nous recevons du monde environnant. Mais ce rôle, s’il est important à l’échelle humaine, n’a rien à voir avec celui de démiurge que la théorie quantique traditionnelle assignait à l’homme, considéré comme responsable de l’actualisation des potentialités de la nature. En ce sens, notre approche restaure le sens commun. Elle élimine les traits anthropocentriques implicites dans la formulation traditionnelle de la théorie quantique.

(...)
La science est un dialogue avec la nature. Mais comment un tel dialogue est-il possible ? Un monde symétrique par rapport au temps serait un monde inconnaissable. Toute prise de mesure, préalable à la création de connaissance, présuppose la possibilité d’être affectés par le monde, que ce soit nous qui soyons affectés ou nos instruments. Mais la connaissance ne présuppose pas seulement un lien entre celui qui connait et ce qui est connu, elle exige que ce lien crée une différence entre passé et futur. La réalité du devenir est la condition sine qua non à notre dialogue avec la nature.
(...)

Comprendre la nature a été l’un des grands projets de la pensée occidentale. Il ne doit pas être identifié avec celui de contrôler la nature. Aveugle serait le maître qui croirait comprendre ses esclaves sous prétexte que ceux-ci obéissent à ses ordres. Bien sûr, lorsque nous nous adressons à la nature, nous savons qu’il ne s’agit pas de la comprendre à la manière dont nous comprenons un animal ou un homme. Mais là aussi la conviction de Nabokov s’applique : "ce qui peut être contrôlé n’est jamais tout à fait réel, ce qui est réel ne peut jamais être rigoureusement contrôlé."
(...)

Le déterminisme a des racines anciennes dans la pensée humaine, et il a été associé aussi bien à la sagesse, à la sérénité qu’au doute et au désespoir. La négation du temps, l’accès à une vision qui échapperait à la douleur du changement, est un enseignement mystique. Mais la réversibilité du changement n’avait, elle, été pensée par personne : "Aucune spéculation, aucun savoir n’a jamais affirmé l’équivalence entre ce qui se fait et ce qui se défait, entre une plante qui pousse, fleurit et meurt, et une plante qui ressuscite, rajeunit et retourne vers sa graine primitive, entre un homme qui mûrit et apprend, et un homme qui devient progressivement enfant, puis embryon, puis cellule." (...)

A quelque niveau que ce soit, la physique et les autres sciences confirment notre expérience de la réalité : nous vivons dans un univers en évolution. [...] La dernière forteresse qui résistait à cette affirmation vient de céder. Nous sommes maintenant en mesure de déchirer le message de l’évolution tel qu’il prend racine dans les lois fondamentales de la physique. Nous sommes désormais en mesure de déchiffrer sa signification en termes d’instabilité associée au chaos déterministe et à la non-intégrabilité. Le résultat de notre recherche est en effet l’identification de systèmes qui imposent une rupture de l’équivalence entre la description individuelle (trajectoires, fonctions d’onde) et la description statistique d’ensembles. Et c’est au niveau statistique que l’instabilité peut être incorporée dans les lois fondamentales. Les lois de la nature acquièrent alors une signification nouvelle : elle ne traitent plus de certitudes mais de possibilités. Elles affirment le devenir et non plus seulement l’être. Elles décrivent un monde de mouvements irréguliers, chaotiques, un monde plus proche de celui qu’imaginaient les atomiques anciens que des orbites newtoniennes."

NOTRE POINT DE VUE

L’incertitude quantique (dite d’Heisenberg) est un mystère lié à celui de la réduction du paquet d’ondes et aussi aux autres « mystères » quantiques comme la « dualité » onde/corpuscule , à la « probabilité de présence » de la particule, à la superposition d’états, à la non-localité et autres phénomènes purement quantiques inexplicables de manière classique mais parfaitement explicables par l’interprétation selon laquelle la particule réelle n’est rien d’autre qu’un nuage de particules virtuelles (et antiparticules) où circule un boson de Higgs qui saute d’une particule virtuelle à une autre, virtuelle ne voulant absolument pas dire imaginaire ou inexistante réellement.

Et il est vrai que ce phénomène d’ « incertitude » est particulièrement étonnant. En physique classique, il n’y a pas de limite fondamentale à la précision d’une mesure et il n’y a pas contradiction entre préciser la vitesse et préciser la position, comme c’est le cas sans cesse en Physique quantique. Quand on considère que tout objet se déplace continument sur une trajectoire, il est impensable que la précision sur la vitesse soit contraire à celle sur la position. Par contre, dès lors que l’on considère la particule non comme un seul objet mais comme un nuage de particules, la propriété de particules dite réelle sautant d’un point du nuage à un autre, il est très simple de comprendre que l’observation ne peut à la fois être précise pour la vitesse (qui nécessite une observation sur un temps pas trop court) et pour la position (qui, pour être précise nésessite une observation sur un temps pas trop long puisque la propriété de particule réelle saute…).

Pour le comprendre, lire sur matière et vide quantique...

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2061

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1688

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article38

Messages

  • Il s’agit de l’une des découvertes de la physique quantique qui rompt le plus radicalement avec la vision de la physique dite classique. Les paramètres n’y sont plus descriptibles par un seul nombre. Les mesures sur un même phénomène ne sont plus indépendantes et n’ont plus une précision illimitée. Certains auteurs y ont vu une limite de la précision des observations ou une remise en cause de l’objectivité de l’expérience ou de la science, pu encore une impossibilité de connaître la nature. D’autres ont affirmé que l’observation décidait de son résultat et même que la conscience de l’homme, l’observateur, transformait le résultat de l’expérience. On a parlé de « remise en cause du statut objectif de la mesure », d’ « incertitude de la mesure » d’ « indétermination » ou même d’ « indéterminisme ». Les interprétations des physiciens quantiques eux-mêmes ont mené au positivisme, au subjectivisme, à l’idéalisme, au mysticisme et autres interventions du psychisme dans les expériences…

    La cause de tout ce maelström philosophique provient de l’étonnement suscité par la remise en cause de conceptions du monde reliées à notre vie de tous les jours, ce que l’on appelle notre échelle macroscopique, ou la vision du monde en termes mécanistes : des objets fixes en mouvement dans un espace-temps dont ces objets seraient indépendants.

    Les inégalités d’Heisenberg, comme les autres résultats de la physique quantique, ont été bien vérifiées par l’expérience et elles pointent l’impossibilité de mesurer de manière infiniment précise et elles ont été interprétées comme un indéterminisme fondamental de la matière quand ce n’est pas dans un sens subjectiviste, la conscience humaine étant considérée alors comme créatrice du monde qu’elle observe. Certains auteurs ont été jusqu’à en déduire la vanité de la recherche scientifique sur le fonctionnement du monde. Nous développons un tout autre point de vue qui, même si elle transforme considérablement l’ancienne vision matérialiste et déterministe, ne renonce nullement à ces points de vue philosophiques.

    Pour nous, les inégalités d’Heisenberg ne sont ni indéterministes, ni anti-réalistes, ni anti-matérialistes, ni positivistes (au sens où la réalité n’existerait pas et seule l’expérience existerait), ni une inexistence du monde matériel ni une marque des limites de la possibilité de la connaissance sur le monde.

    L’inégalité de Heisenberg est quantique au sens où elle introduit fondamentalement la discontinuité, parce qu’elle signifie que l’on ne peut pas diminuer une quantité autant que l’on veut et que les infiniment petits ou les infiniment grands n’existent pas en physique. La petitesse de la constante de Planck permet de donner l’illusion du continu mais elle est non nulle. La grande valeur de la vitesse de la lumière donne l’illusion de l’action immédiate à distance mais ce n’est pas non plus le cas. L’illusion du continu n’est fondée sur aucune réalité. Aucune interaction n’est instantanée. Aucune n’agit en continu mais au contraire brutalement. L’observation, elle-même, est une discontinuité irréversible. Gilles Cohen-Tannoudji explique dans "Le temps et sa flèche" (ouvrage collectif dirigé par Etienne Klein et Michel Spiro :

    "L’inégalité d’Heisenberg marque l’irruption du discontinu là où on ne l’attendait pas, dans les interactions. Alors que le discontinu était accepté dans la matière, puisque c’est essentiellement le fondement de l’hypothèse atomique, on pensait que les interactions relevaient complètement du continu.’

    Heisenberg rapporte ce dialogue dans « La partie et le tout, Le monde de la physique atomique » : "Bohr : « Nous savons déjà depuis vingt-cinq ans ce que signifie la formule de Planck. Nous voyons les discontinuités, les bonds, dans les phénomènes atomiques de façon très directe, par exemple sur un écran à scintillation ou dans une chambre de Wilson. Nous voyons un éclair se manifestant brusquement sur l’écran, ou encore le passage brusque d’un électron à travers la chambre de Wilson. Vous ne pouvez pas tout simplement ignorer ces phénomènes discontinus et faire comme s’ils n’existaient pas. »

    Les inégalités d’Heisenberg consacrent donc le triomphe du discontinu en physique, quitte à déranger la conception linéaire et continue du déterminisme et de la causalité...

    Dans un chapitre intitulé « Discussion sur la relation entre biologie, physique et chimie » de son ouvrage « La partie et le tout, le monde de la physique atomique », il rapporte le point de vue du mathématicien Von Neuman débattant avec un biologiste partisan du darwinisme : « Le mathématicien amena le biologiste à la fenêtre de son bureau et dit : « Voyez-vous là-bas sur la colline, la jolie petite maison de campagne ? Elle est née par hasard. Au cours de millions d’années, la colline a été formée par des processus géologiques, les arbres on poussé, ont vieilli, se sont décomposés. (...) Une fois, au bout d’un temps très long, ils ont produit cette maison de campagne. » Cette facétie est plus profonde qu’il n’y paraît. C’est une véritable objection contre l’idée que les grandes innovations brutales du vivant auraient été produites par des accumulations très lentes de toutes petites modifications au hasard sélectionnées par la nature. Des petites transformation au hasard auraient produit un œil, un cerveau ? Heisenberg préférait l’idée que ces transformations s’étaient produites de manière déterministe et brutale. Il prenait partie même si la biologie, bien sûr, n’était pas son domaine de recherche.

    Qu’en est-il du lien entre ces inégalités et l’indéterminisme ?

    Max Planck expliquait, dans « Initiation à la physique », pourquoi il ne comptait pas céder à la pression de l’opinion courante selon laquelle la découverte du quanta entraînait un renoncement à la notion de causalité mais seulement à son changement de signification : « A l’heure actuelle, il y a des physiciens qui seraient très portés à retirer au principe de causalité strict son rôle dans le système physique de l’univers. (...) Mais, autant que je puis m’en rendre compte, il n’y a, pour le montent, aucune nécessité de se résigner à l’indéterminisme. (...) Il est toutefois certain que cette façon d’envisager le déterminisme diffère quelque peu de celle qui était habituelle en physique classique. »

    Ces inégalités portent sur l’impossibilité de séparer diamétralement l’ordre et le désordre, la stabilité et l’instabilité, l’ordre de la matière/lumière et l’agitation du vide quantique, ce qui signifie que les instabilités sont irréductibles. Elles ne signifient pas que le monde réel n’existe pas mais qu’il existe aussi dans le vide. Elles ne signifient pas qu’on ne peut pas descendre en dessous des limites d’Heisenberg, mais qu’on change d’univers en descendant en dessous et qu’on entre du domaine des quanta réels dans le domaine des quanta virtuels. Elles confirment que la matière et la lumière (réels, c’est-à-dire obéissant aux inégalités d’Heisenberg) ne sont pas le fondement du monde, qu’il n’y a pas des « atomes », des insécables matériels, qui seraient porteurs fixes et stables des propriétés de la nature. Le fondement commun de la lumière, de la matière et du vide se trouve dans des particules et des antiparticules qui n’obéissent ni aux limites quantiques ni aux limites relativistes : les quanta virtuels se déplaçant plus vite que la lumière et capables dans des temps très courts d’être porteurs de bien plus d’énergie que les quanta dits réels. Les inégalités d’Heisenberg sont donc une frontière, sans cesse franchie, entre deux mondes, comme les quanta sont une frontière entre classique et quantique (souvent entre macroscopique et microscopique). Le déterminisme et le matérialisme ne sont pas supprimés et ils ne sont pas les seuls à être bouleversés. La vision des relation entre ordre et désordre l’est tout autant : le cycle du réel est une fondation d’un ordre sans cesse détruit et reconstruit, c’est-à-dire désordre-ordre-désordre. L’ordre n’est pas premier. C’est la symétrie (désordre) qui est première et c’est en son sein que se produit la rupture de symétrie (construction de la matière et de la lumière). L’atome n’est pas premier. Le photon n’est pas premier non plus. Ce qui donne son fondement, c’est l’émergence d’un ordre issu du désordre. La structure n’est pas première. La difficulté de la mesure que pointent les inégalités d’Heisenberg n’est pas une limite de l’observation, de l’interaction entre l’homme et la nature, mais elle révèle au contraire la nature du réel : ordre émergent sans cesse du désordre fondamental. Les inégalités mesurent une variation des paramètres parce que l’agitation ne fait pas que changer l’ordre, elle le fonde.

  • Heisenberg écrivait dans « Physique et philosophie » :

    « La thèse philosophique que toute connaissance est fondée en fin de compte sur l’expérience a finalement conduit à un postulat concernant la clarification logique de toute déclaration sur la nature. Un tel postulat pouvait sembler justifié à l’époque de la physique classique, mais, depuis la théorie quantique nous avons appris que cette affirmation ne peut pas être réalisée. Des termes comme « la position » et « la vitesse » d’un électron, par exemple, semblent parfaitement bien définis à la fois leur sens et leurs liens éventuels. Et, en fait, ils ont été clairement définis dans le cadre des concepts mathématiques de la mécanique newtonienne. Mais en réalité, ils n’étaient pas bien définis, comme on le voit à partir des relations d’incertitude. On peut dire qu’en ce qui concerne leur position dans la mécanique newtonienne, ils étaient bien définis, mais que, dans leur relation à la nature, ils l’étaient pas. Cela montre que nous ne pouvons jamais savoir à l’avance quelle limitation sera mise concernant l’applicabilité de certains concepts par l’extension de nos connaissances dans des parties éloignées de la connaissance de la nature, dans laquelle nous ne pouvons pénétrer avec les outils les plus élaborés. Par conséquent, dans le processus de pénétration, parfois nous sommes obligés d’utiliser nos concepts d’une manière qui n’est pas justifiée et qui ne comporte pas de sens. Toute insistance sur le postulat de clarification logique complète rendrait impossible la science. Il nous est rappelé ici par la physique moderne la vieille sagesse selon laquelle celui prétend ne jamais proférer une erreur doit garder le silence.

  • Lévy-Leblond et Balibar dans « Quantiques » : « L’énergie cinétique d’un système croit à l’inverse de son concentration spatiale. » 

    Voilà comment on peut comprendre les inégalités d’Heisenberg : plus on veut empêcher de s’agiter un quanton, plus il va se soustraire à cet enfermement...

    Lévy-Leblond et Balibar écrivent dans « Quantiques » : « Les dispersions quantiques n’ont rien à voir avec des « incertitudes », contrairement à une terminologie encore assez répandue, héritée des débuts héroïques et confus de la théorie quantique. Classiquement, une grandeur physique, la position par exemple, a une valeur bien déterminée, mais qui peut être mal connue, avec une incertitude. Quantiquement, cettte grandeur n’a pas une valeur unique, la dispersion d’espace traduit une dispersion intrinsèque de la position, qui ne doit rien à notre ignorance. »

  • Bonjour

    La Physique n’est ni mathématique, ni relativiste, ni quantique, elle est tout simplement physique :

    www.liberes-des-mathematiques-savoir-enfin-ce-qu-est-l-univers.net

    Cordialement Jean Vladimir Térémetz

    • Cher lecteur,

      je partage ton avis sur le caractère déplorable du tout mathématique en physique. Les mathématiques ne sont absolument pas une description suffisante des lois physiques et encore moins de la réalité physique. Cependant, la physique est relativiste et quantique et aussi chaotique. Il ne faut pas confondre la propriété de relativité ou de quantique avec une relation numérique. La matière et le vide sont quantiques au sens où elles ne sont pas continues et sont fondées sur des propriétés de quanta et non de fractions de quanta. La relativité est elle-même une propriété de la matière et non une relation mathématique.

      La véritable limite des mathématiques est philosophique. Les relations numériques ne suffisent pas à décrire des contradictions dynamiques.

  • L’un des paradoxes de la physique quantique est celui des inégalités d’Heisenberg : plus on cherche à contraindre une particule à rester dans un domaine restreint (augmentation de la précision de position), plus elle s’agite (diminution de la précision de vitesse). On aurait pu penser que la particule, obligée de rester sur place, allait atteindre un stade de repos. C’est le contraire...

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